DES AVOCATS FRANÇAIS INTERDITS D’ACCÈS AU ROJAVA

Communiqué de presse du 22 décembre 2020

Deux avocats français, Maître Marie Dosé et Maître Ludovic Rivière, missionnés par le Bâtonnier du Barreau de Paris et par Avocats Sans Frontières, ont été bloqués à la frontière syro-irakienne (Semalka) le 17 décembre, et interdits d’accès sur le territoire de l’Administration Autonome du nord-est de la Syrie (kurde). Ces avocats, représentant des familles de détenus et de femmes et enfants français prisonniers dans les camps syriens, avaient pour objectif de rencontrer les autorités kurdes, suite à l’annonce de procès imminents de ressortissants étrangers, et de rencontrer leurs clientes dans le camp de Roj.

Les autorités françaises invoquent des raisons de sécurité pour motiver la décision du consulat de France à Erbil de ne pas donner le « feu vert » demandé par la partie kurde irakienne pour le passage de la frontière. Il est pour le moins étonnant que seuls les Français soient bloqués et empêchés d’accéder au nord-est de la Syrie alors que dans le mois écoulé des délégations ouzbek, américaine, tadjike, finlandaise, se sont succédé à Qamishli et dans les camps, ainsi que des parlementaires belges, allemands et autrichiens, des associations belges et danoises, des journalistes de différentes nationalités. Si la situation est si dangereuse, paradoxalement pour les seuls français, comment justifier qu’on abandonne et qu’on maintienne dans cette zone de guerre des dizaines de petits Français et leurs mères, qui dépérissent depuis des années dans des camps de prisonniers ?

Les autorités kurdes ont annoncé la tenue de procès des ressortissants étrangers, dans le respect des règles internationales et des droits de la défense. L’interdiction d’accès aux avocats n’est pas de bon augure pour ce projet, qu’elle décrédibilise totalement. Cette interdiction démontre une fois de plus que le nord-est de la Syrie reste une zone de non-droit, où la France et les autres pays européens maintiennent leurs ressortissants captifs, sans recours légaux et dans des conditions abjectes, dans un Guantanamo européen où la majorité des prisonniers sont des enfants.

Depuis bientôt trois ans, des enfants françaisdont les deux tiers ont moins de 6 ans — sont détenus avec leur mère dans les camps de prisonniers Roj et Al-Hol. Malgré les appels répétés d’organismes nationaux et internationaux — ONU, Conseil de l’Europe, Parlement Européen, Défenseur des Droits, CNCDH, UNICEF, Croix-Rouge… —, malgré les appels des familles et de parlementaires, les autorités françaises refusent toujours de les rapatrier et les maintiennent sciemment dans une situation désespérée, où les enfants dépérissent, sans soins, sans école, sans protection, sans droits. L’hiver est là, avec le froid et les intempéries. Les enfants ont froid, ont mal, s’étiolent de jour en jour. Cela ne peut plus durer, et les autorités françaises non seulement ne rapatrient pas, mais veulent empêcher tout contact, toute communication de ces enfants et de leurs mères avec des avocats, avec leurs familles, au moment même où le Comité des Droits de l’enfant des Nations Unies indique que les conditions de détention des enfants « représentent un risque imminent d’atteinte irréparable à leur vie, à leur intégrité physique et mentale et à leur développement » et que la France a bien juridiction sur les enfants français détenus en Syrie et a donc vis-à-vis d’eux des responsabilités, qu’elle n’assume pas depuis des années.

L’Allemagne et la Finlande viennent de rapatrier des enfants avec leurs mères des camps Roj et Al-Hol. Dans un communiqué, le Ministère des Affaires étrangères de Finlande précise : « Les droits fondamentaux des enfants détenus dans les camps ne peuvent être garantis qu’en les rapatriant en Finlande. Les mères des enfants ont été rapatriées avec les enfants. Il n’est pas possible de rapatrier uniquement les enfants. Dans toutes les actions, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération primordiale. » Puissent la France et les autres États européens arriver rapidement à la même analyse, seule conforme aux conventions internationales que la France a signées, et aux valeurs de notre démocratie : c’est la voie du droit, de l’humanité, de la sécurité.

Le Collectif des Familles Unies, une fois de plus, demande à l’État français d’assumer ses responsabilités en rapatriant les ressortissants français prisonniers au Levant, en particulier les enfants et leurs mères. Il demande qu’en attendant ces rapatriements, les avocats et les familles puissent avoir accès aux détenus dans les camps.

La France compte le plus fort contingent d’enfants prisonniers. Cette honte doit cesser. Les familles ne les abandonneront jamais.

Le Collectif des Familles Unies

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