IL FAUT METTRE FIN AU CALVAIRE DES ENFANTS FRANÇAIS PRISONNIERS DANS DES CAMPS EN SYRIE MAINTENANT

Communiqué de presse du Collectif des Familles Unies, 29 juillet 2021

enfants détenus dans les camps de Syrie

LA DÉFENSEURE DES DROITS APPELLE AU RAPATRIEMENT DES ENFANTS FRANÇAIS DÉTENUS EN SYRIE ET DE LEURS MÈRES


Dans un communiqué publié le 27 juillet, la Défenseure des Droits, Claire Hédon, considère, à propos de la situation des enfants français détenus dans des camps de prisonniers du nord-est de la Syrie, « que les politiques de rapatriements “au cas par cas” ne sont aujourd’hui plus tenables » et que « des décisions fortes doivent être adoptées quant au retour en France dans les meilleurs délais, de ces enfants et de leurs mères. »

Cette prise de position de la Défenseure des Droits, conforme à la décision déjà officialisée par son prédécesseur, Jacques Toubon, en mai 2019, s’inscrit dans une série d’initiatives et d’actions menées par des familles d’enfants français prisonniers en Syrie auprès du Comité des Droits de l’enfant des Nations Unies, du Comité contre la Torture des Nations Unies, de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et de la Cour pénale internationale.


Depuis le début de l’année, les interventions se multiplient en faveur des rapatriements des enfants français détenus en Syrie et de leurs mères : 

  • le 11 mars, le Parlement Européen appelait les États membres à rapatrier TOUS LES ENFANTS européens [de #Syrie] « en prenant en compte leur situation familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant (…) en conformité avec le droit international » ; 
  • le 25 juin, la Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, dans une intervention destinée à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, estimait que « le retrait de tous les enfants étrangers des camps est une priorité absolue et obligatoire du point de vue des droits de l’enfant et qu’afin de préserver leur intérêt supérieur leurs mères doivent être rapatriées avec eux. » ; 
  • le 30 juin, Fabrizio Carboni, directeur régional pour le Proche et le Moyen-Orient du Comité International de la Croix-Rouge, dénonçait la détention dans des conditions épouvantables d’enfants et d’adolescents dans les prisons et les camps du nord-est de la Syrie, tout en plaidant pour le rapatriement des enfants étrangers dans leurs pays d’origine ;
  • le 6 juillet, devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, Paulo Pinheiro, Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, indiquait : « Certains États ont rapatrié leurs enfants avec leurs mères, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant, d’autres continuent à se soustraire à leurs obligations. ».

Au mois de juin, plus de 110 personnalités prenaient position, dans une tribune publiée par le journal Le Monde, pour le rapatriement de tous les enfants français détenus dans les camps syriens et leurs mères, et un colloque, organisé par la Ligue des Droits de l’Homme et la Fédération Internationale des Droits de l’homme, réunissait à Paris des professionnels de l’enfance, des psychiatres, des humanitaires, des magistrats, des grands reporters, et des familles des enfants prisonniers. 

À cette occasion, des représentants de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et de l’UNICEF réaffirmaient la nécessité de rapatrier les enfants français et leurs mères.

Dans le même temps, un ministre français déclarait à la tribune des Nations Unies : « Le respect du droit international humanitaire n’est pas une option : c’est une obligation », et les représentants de la diplomatie française à l’ONU assuraient faire de la protection des enfants dans les conflits armés, qualifiée d’« obligation morale universelle », une « priorité absolue » de la France. De belles déclarations en contradiction totale avec l’abandon des enfants français dans des camps de prisonniers du nord-est de la Syrie. 

200 enfants français, dont les deux tiers ont moins de 6 ans, vivent leur troisième été, et pour certains leur quatrième été, dans les camps de prisonniers Roj et Al Hol. Ces enfants sont des victimes, ils sont tous parfaitement innocents, et ils subissent une incarcération sans fin dans des conditions ignobles : pas de soins appropriés, pas d’école, pas de protection, exposés à des traitements inhumains et dégradants. Ces enfants ont vécu les deuils, la violence, les bombardements, la peur, les blessures, les maladies, ils ont vécu pour certains des incarcérations prolongées avec leurs mères dans des cellules de prison, dans des conditions atroces, et leur propre pays, le « pays des droits de l’homme », un pays qui a ratifié la Convention Internationale des droits de l’enfant il y a 30 ans, les condamne à un enfermement sans fin dans une prison à ciel ouvert, dans une zone de non-droit qui est devenue le plus grand pénitencier international pour enfants du monde. 

Ce qui est infligé à ces enfants est une ignominie absolue. Les autorités françaises ont rapatrié 35 enfants des camps kurdes depuis 2019, appliquant une politique du « cas par cas » qui opère un tri, une sélection infâme parmi les enfants, et laisse l’immense majorité d’entre eux dans l’enfer des camps. 

Depuis 2019, plus de 1000 enfants étrangers ont été rapatriés dans leurs pays d’origine : parmi eux, une centaine d’enfants des pays de l’Union Européenne. 

Les pays les plus démocratiques sont les plus réticents à respecter les droits de l’enfant et leurs propres engagements internationaux : la Russie, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan ont déjà rapatrié, eux, des centaines d’enfants et leurs parents.  

Mais les choses évoluent : la Finlande, plaçant « l’intérêt supérieur de l’enfant » au centre de sa politique, est enfin décidée à rapatrier tous les enfants finlandais et leurs mères ; l’Italie, l’Allemagne, la Belgique ont rapatrié des enfants avec leurs mères ; le Danemark a annoncé des rapatriements de femmes et d’enfants, et la situation pourrait se débloquer en Suède et aux Pays-Bas.

Devant ces évolutions, devant la multiplication des prises de position en faveur du rapatriement des enfants et de leurs mères, les autorités françaises, elles, restent muettes, ou se contentent de rappeler de temps à autre sa « doctrine » qui veut que les ressortissants français doivent être jugés sur place. Cette « doctrine » est obsolète depuis longtemps, et la France le sait parfaitement : aucun procès valable juridiquement n’aura lieu sur place, les autorités qui détiennent nos ressortissants n’étant pas un État, et l’idée d’un tribunal international dans la région est enterrée. Les autorités locales du Rojava ont par ailleurs rappelé, au mois de mars dernier, qu’elles ne voulaient ni ne pouvaient juger ces femmes avant, pour la énième fois, d’appeler les pays étrangers à les rapatrier. 

Précisons que l’accès au camp de prisonniers Roj, où sont à présent détenue la grande majorité des familles françaises, est généralement autorisé aux journalistes, mais interdit aux familles françaises, aux avocats français, aux parlementaires français, et ceci selon toute vraisemblance à la demande des autorités françaises : dans ces conditions, parler d’organiser des procès sur place qui respecteraient les normes internationales est indécent.  

L’Administration kurde et les autorités américaines qui dirigent la Coalition contre Daech demandent aux pays concernés de rapatrier leurs ressortissants, en particulier les enfants qui vivent un enfer sur place depuis des années, et leurs mères, qui, dans le cas des Françaises, sont toutes sur le coup de mandats d’arrêt internationaux émis par des juges français. Renvoyer les « procès sur place » à l’éventualité de l’instauration d’une « paix stable » en Syrie, au moment où Bachar Al-Assad (considéré comme un criminel de guerre par la majorité des États européens) entame à Damas un quatrième mandat présidentiel, est une mascarade et une tromperie, encore évoquées récemment par un ministre français.

Dans ces conditions, seuls les rapatriements et des jugements (pour ce qui concerne les adultes) dans les pays d’origine sont conformes au droit international et à la Convention internationale des droits de l’enfant. De surcroît, tous les spécialistes de l’anti-terrorisme, y compris des institutions étatiques, estiment que les rapatriements garantissent la sécurité à long terme des États beaucoup plus que des détentions sans droit ni titre, sans perspective, dans une zone totalement instable.

Le calvaire des enfants français dans les camps de prisonniers du nord-est de la Syrie n’a que trop duré. Faire souffrir ainsi des enfants, piétiner leurs droits, les livrer au pire, mettre en danger leur vie est indigne de notre Pays. Il faut maintenant abandonner la doctrine du « cas par cas », qui discrimine les enfants et n’est que l’alibi hypocrite du non-rapatriement, et l’habillage d’une politique inhumaine, indigne d’un État comme le nôtre, et contraire à toute éthique. 

C’est maintenant qu’il faut rapatrier : les enfants, qui souffrent en ce moment d’un été caniculaire, ne peuvent pas passer un nouvel hiver derrière des barbelés pour des considérations politiques ou électorales. La France refuse même de rapatrier des enfants et des femmes gravement malades ou atteintes de pathologie engageant leur pronostic vital, et des orphelins abandonnés à leur sort depuis des années.

Le Collectif des Familles Unies appelle une nouvelle fois au rapatriement de tous les ressortissants français prisonniers en Syrie et en Irak.

Le Collectif des Familles Unies appelle au rapatriement immédiat de TOUS les enfants français détenus dans des camps de prisonniers du Nord-Est de la Syrie et de leurs mères. L’incarcération prolongée de tous ces enfants innocents est un crime qui signe le mépris de la France pour tous ses engagements internationaux et son inhumanité. 

Le 29 juillet 2021

Le Collectif des Familles Unies