RÉÉLECTION D’E. MACRON : LES DROITS HUMAINS DOIVENT DEVENIR UNE PRIORITÉ

COMMUNIQUÉ DE PRESSE D’AMNESTY INTERNATIONAL DU 25 AVRIL 2022

À l’issue de sa réélection face à une candidate dont le programme, incompatible avec les engagements internationaux de la France, laissait craindre une régression sans précédent du respect des droits humains dans le pays, le président Emmanuel Macron sera confronté pour son second mandat à des défis cruciaux, dans des contextes nationaux et internationaux incertains. Amnesty International France sera vigilante et exigeante sur le respect des droits humains, qui ne doivent jamais être sacrifiés au bénéfice d’intérêts économiques ou stratégiques.

« Le premier quinquennat n’ayant pas été exemplaire sur les droits humains, nous appelons solennellement le président de la République, réélu pour un second mandat, à faire en sorte que le second le soit. Nous serons particulièrement vigilants et exigeants pour que les politiques menées par le président, en France comme à l’international, soient respectueuses des droits fondamentaux et du droit international », a déclaré Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France, précisant « Nous souhaitons dès à présent engager un dialogue constructif autour d’un certain nombre de demandes ».

PROMOUVOIR LE RESPECT DU DROIT INTERNATIONAL ET LA PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES

Tout d’abord, alors que la collecte des preuves de potentiels crimes internationaux est engagée en Ukraine et que plusieurs États européens ont récemment pu juger des criminels de guerre syriens au nom de la compétence universelle, la loi en France comporte toujours des verrous restreignant très fortement les possibilités de poursuite par ses juridictions. Il est temps de rompre avec une législation ambigüe et d’effectuer les adaptations nécessaires pour se donner tous les moyens juridiques de juger en France les auteurs présumés de crimes internationaux.

Par ailleurs, la France doit cesser les ventes d’armes, à destination de l’Arabie saoudite et des Émirat arabes unis, des pays engagés dans une coalition soupçonnée de crimes de guerre au Yémen. Alors que le Traité sur le commerce des armes interdit les transferts dès lors qu’il existe un risque majeur que soient commises de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire, il est temps que la France mette un terme à l’opacité de ses ventes d’armes et instaure un réel contrôle parlementaire.

D’autre part, nous demandons que les 200 enfants français détenus en Syrie, au mépris de toutes les règles de droit, puissent être rapatriés sans délais, ce vers quoi s’acheminent de plus en plus d’États européens.

RESPECTER LE DROIT DES PERSONNES EXILÉES

 Si nous saluons la manière dont, ces dernières semaines en France, les réfugiés ukrainiens ont été accueillis, dans les discours comme dans les actes, la situation des personnes exilées s’est toutefois dégradée ces cinq dernières années dans l’hexagone, notamment dans le Calaisis et à la frontière avec l’Italie.

Que ce soit sur son territoire, dans le cadre européen et international, ou en lien avec ses accords avec le Royaume Uni, nous appelons la France à ne pas considérer les personnes qui fuient les conflits et les persécutions comme des « flux migratoires irréguliers » et à leur donner accès à la protection à laquelle elles ont droit au titre des engagements internationaux de la France, dont le respect de la Convention de Genève de 1951.

LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Constatant l’inaction des autorités françaises dans la lutte contre les contrôles d’identité discriminatoires, six ONG, dont Amnesty International France, saisissaient le Conseil d’État, le 22 Juillet dernier, afin que la justice contraigne l’État à agir. Le président réélu doit absolument prendre la mesure des conséquences désastreuses de telles discriminations systémiques et entamer une réforme en profondeur des pratiques policières.

Nous lui demandons par ailleurs de s’engager à abroger les mesures que nous avions dénoncées dans les lois « lutte contre le terrorisme et renseignement », et celle « confortant les principes de la République », parce qu’elles favorisent un amalgame dangereux entre Islam et terrorisme et comportent des risques d’application discriminatoire à l’encontre des personnes musulmanes.

RENOUER AVEC LE DROIT DE MANIFESTER PACIFIQUEMENT

Les cinq dernières années ont été marquées par des atteintes à la liberté de manifester pacifiquement en France. Non seulement les manifestants ont été exposés à un usage excessif de la force lors d’opérations de maintien de l’ordre, mais les autorités ont aussi instrumentalisé des lois contraires au droit international pour verbaliser, arrêter arbitrairement et poursuivre en justice des personnes n’ayant commis aucune violence. 

Aussi, nous demandons une réforme structurelle des stratégies de maintien de l’ordre afin de favoriser des logiques de concertation et de désescalade plutôt que de confrontation et de répression. Les dispositions trop vagues de certaines lois doivent être abrogées car elles ouvrent la voie à l’arbitraire. Enfin, le recours aux grenades assourdissantes et de désencerclement doit être interdit et l’usage des LBD40 suspendu.

SURVEILLANCE DE MASSE

Autre sujet de préoccupation croissante, le futur gouvernement devra également veiller à ce que les progrès technologiques soient rigoureusement encadrés pour ne pas faire basculer nos sociétés dans la surveillance de masse. Nous resterons par exemple vigilants sur le développement de l’utilisation des drones par les forces de l’ordre pour surveiller les manifestations. 

Nous continuons par ailleurs à demander l’interdiction de la reconnaissance faciale à des fins d’identification, car elle est incompatible avec le respect du droit à la vie privée.

CLIMAT : TROIS ANS POUR AGIR

Le président Macron ne doit pas oublier que la France a été condamnée le 14 octobre 2021 par le Tribunal administratif de Paris pour son inaction climatique. 

Le GIEC continue d’alerter sur les conséquences catastrophiques d’un réchauffement climatique qui ne serait pas contenu dans la limite de 1,5° par rapport à l’ère préindustrielle. Aussi, le président réélu devra tout faire pour que la France atteigne la neutralité carbone à l’horizon 2050 et pour peser sur la scène internationale en faveur d’une action immédiate et d’une ampleur planétaire, face à une urgence climatique qui menace l’humanité tout entière.