Rapatriement d’une femme et ses deux enfants en France, retenus jusqu’ici dans un camp en Syrie

Une femme et un enfant se tiennent dans le camp de détention de Roj, dans le nord-est de la Syrie, le 9 février 2022. (BADERKHAN AHMAD/AP/SIPA)

Il s’agit du premier rapatriement en France depuis le 5 juillet au cours duquel 35 enfants et 16 femmes avaient quitté les camps syriens.

Par L’Obs avec AFP, publié le 4 octobre 2022 à 18h29

Une femme et ses deux enfants, qui étaient retenus dans un camp en Syrie, ont été rapatriés lundi 3 octobre en France, une décision à la fois saluée et critiquée alors que plusieurs enfants malades ou orphelins attendent encore de pouvoir revenir.

« Hier soir, une femme et ses deux enfants se trouvant dans un camp du nord-est de la Syrie sont rentrés sur le territoire national », a indiqué à l’AFP le parquet national antiterroriste (Pnat), confirmant une information de plusieurs sources proches du dossier.

Ils ont atterri lundi soir à l’aéroport du Bourget à bord d’un avion médicalisé, a précisé pour sa part une source aéroportuaire. L’un des enfants est en effet malade.

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La mère, de nationalité franco marocaine, a été interpellée à son arrivée et présentée à un juge d’instruction parisien en vue d’une mise en examen, selon le Pnat. Elle était visée par un mandat d’arrêt pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et soustraction par un parent à ses obligations légales. Ses enfants ont quant à eux été pris en charge dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative.

Sollicité, le ministère des Affaires étrangères n’a pas fait de commentaires.

La France condamnée par la CEDH début septembre

Il s’agit du premier rapatriement depuis le 5 juillet, quand la France avait fait revenir 35 mineurs et 16 mères des camps de prisonniers jihadistes.

A l’époque, cette opération, la plus importante depuis la chute en 2019 du « califat » de l’Etat islamique, avait laissé penser que la doctrine du « cas par cas », privilégiée jusqu’alors par les autorités françaises, était abandonnée, et que d’autres retours massifs suivraient rapidement.

« Je me réjouis que deux enfants, dont un très malade, aient été rapatriés avec leur mère et échappent au pire », a réagi l’avocate de cette femme, Maître Marie Dosé, sollicitée par l’AFP. « Mais l’arbitraire bat son plein : pourquoi eux et pas d’autres ? Tant d’enfants sont aussi malades que ce petit garçon, et certains plus encore », a-t-elle toutefois déploré.

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« L’Elysée explique que la doctrine du cas par cas est terminée et persiste à trier les enfants et à agir dans la plus grande opacité. Et les orphelins restés dans les camps dont je demande le rapatriement depuis plus de trois ans ? La France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme et demeure butée dans son inhumanité », a-t-elle ajouté.

Le 14 septembre, la CEDH, saisie par les parents de deux jeunes compagnes de jihadistes qui avaient demandé en vain aux autorités françaises leur rapatriement, a en effet condamné la France pour ne pas avoir étudié de manière appropriée ces demandes.

Le ministère des Affaires étrangères avait alors pris acte de cette décision et s’était dit prêt à « envisager » de nouveaux rapatriements « chaque fois que les conditions le permettraient ».

Encore près de 250 enfants et une centaine de femmes en Syrie

« On passe de la politique du cas par cas à celle du tirage au sort, c’est incompréhensible et scandaleux », a pour sa part réagi le Collectif des familles unies, qui regroupe des familles de Français partis en zone irako-syrienne.

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« Alors qu’il y a des orphelins, alors qu’il y a des enfants plus ou autant malades que ceux rapatriés, on ne comprend absolument pas ce que signifie ce rapatriement sec de trois personnes dont on aurait pu se réjouir s’il s’agissait du premier », a-t-il ajouté. « Mais après le rapatriement de juillet et après la condamnation de la Cour européenne, on attendait plus : le rapatriement des près de 200 enfants encore là-bas. »

En juillet, Laurent Nunez, qui était encore à l’époque coordinateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, avait indiqué qu’il restait encore une centaine de femmes et près de 250 enfants dans les camps syriens.

Par  L’Obs avec AFP