Lettre ouverte à Madame la Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme

Tant que la France viole délibérément la Convention Internationale des Droits de l’Enfant,elle n’est pas moralement qualifiée pour présenter sa candidature au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies

Paris le 22 février 2020

Madame la Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme,

L’association « Collectif des Familles Unies » représente plus d’une centaine de familles françaises dont des proches, sous l’influence de l’idéologie totalitaire et mortifère de Daesh, ont rejoint les zones de combat en Syrie et en Irak. Notre Collectif milite pour que les femmes et les hommes français prisonniers en Syrie et en Irak soient rapatriés en France pour y être jugés, et que leurs enfants innocents puissent retrouver une vie normale dans leur pays.

Nous apprenons que M. Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, doit se rendre dans les jours prochains à Genève pour assister à l’ouverture de la 43e session du Conseil des Droits de l’Homme et présenter la candidature de la France au Conseil des Droits de l’Homme.

Notre Collectif tient à attirer votre attention sur le fait que la France ne respecte ni le droit international humanitaire, ni la Convention Internationale des Droits de l’Enfant s’agissant de ses propres ressortissants prisonniers en Syrie et en Irak et en particulier de ses enfants.

À ce jour, entre 250 et 300 enfants français sont prisonniers avec leurs mères (une centaine de femmes) dans les camps de Roj et Al Hol, dans le nord-est de la Syrie, et survivent comme ils le peuvent dans des conditions épouvantables. Ces enfants, dont la grande majorité a moins de 6 ans, sont prisonniers depuis huit mois pour certains et jusqu’à deux années pour d’autres. À ce jour, la France n’a rapatrié que 17 enfants, dont 15 orphelins, sur des critères opaques, arbitraires et discriminatoires.

Notre pays refuse d’organiser le rapatriement de tous ces enfants au prétexte que leurs mères doivent être jugées « sur place » alors que la France est le seul pays à avoir engagé des procédures judiciaires à leur encontre, qu’elles sont donc détenues arbitrairement, que les Forces Démocratiques Syriennes n’ont pas la capacité juridique de les juger et ne cessent d’appeler à leur rapatriement, et qu’aucune juridiction pénale internationale ne peut être mise en place dans une zone aussi instable. À ce jour, au niveau national, le Défenseur des Droits, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, et le coordonnateur des juges antiterroristes français ont appelé au rapatriement des enfants et de leurs mères en demandant que cessent les « traitements inhumains et dégradants » qui leur sont infligés. Tout comme vous, Madame la Haute-Commissaire, le secrétaire général de l’ONU, le Conseil de l’Europe, le Parlement européen, la Croix-Rouge, et l’UNICEF se sont alarmés de la situation et ont appelé au rapatriement des enfants dans leurs pays d’origine.

La France fait la sourde oreille, et laisse depuis des mois et des années des enfants français périr dans les camps syriens sans soutien, sans soins, sans aide psychologique, et sans éducation : tous sont privés de liberté et de sécurité, et survivent tant bien que mal dans des conditions climatiques épouvantables. 371 enfants sont morts en 2019 dans le seul camp d’Al Hol, et la France persiste à abandonner ces enfants dans un pays en guerre, au beau milieu d’un désastre humanitaire dénoncé de toutes parts. Elle choisit de les maintenir en détention arbitraire et de les exposer au pire alors que les Forces Démocratiques Syriennes qui les détiennent n’ont de cesse de réclamer leur rapatriement. 

Notre pays déclare vouloir s’engager, entre autres, pour « la protection des défenseurs des droits » : un signe fort de cet engagement, au-delà des déclarations d’intention, serait de respecter la décision du Défenseur des Droits du 22 mai 2019 qui a clairement exhorté la France à adopter « toutes mesures effectives permettant de faire cesser les traitements inhumains et dégradants ainsi que la détention arbitraire d’enfants français et de leurs mères dans les camps sous le contrôle des forces démocratiques syriennes au nord de la Syrie. »

Aussi, tant que la France — par son refus de sauver ces enfants — violera délibérément les dispositions de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et restera sourde aux injonctions du Secrétaire général de l’ONU et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unis, elle ne saurait être qualifiée moralement pour présenter sa candidature au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.

Par la présente, nous vous demandons, Madame la Haute-Commissaire, de bien vouloir rappeler à la France ses engagements en matière de protection de l’enfance et en matière de droit international humanitaire.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Haute-Commissaire, l’expression de nos sentiments distingués.

Le Collectif des Familles Unies

VAGUE DE FROID ET NEIGE DANS LE NORD DE LA SYRIE : 300 ENFANTS FRANÇAIS EN DANGER SOUS DES TENTES DANS LES CAMPS DE ROJ ET DE AL-HOL.

Combien de temps les enfants vont-ils tenir encore sous les tentes & dans le froid glacial  ?

Un froid glacial s’est abattu sur le nord-est de la Syrie, où les températures sont tombées à moins 10 degrés certaines nuits. Les prévisions météo indiquent des températures en dessous de zéro les prochaines nuits. Il neige, et des pluies de grêlons s’abattent sur les camps.


Dans les camps de Roj et de Al Hol, des milliers d’enfants vivent sous les tentes avec leurs mères, et parmi eux 300 enfants français que le gouvernement se refuse toujours à rapatrier. Ces enfants sont malades, ils souffrent de carences et de traumatismes, ils ont froid. Les poêles à gaz que les familles utilisent sous les tentes sont d’une extrême dangerosité : de nombreuses tentes ont déjà brûlé suite à des accidents occasionnés par ces poêles. Dans ces conditions, et dans ces températures glaciales, la vie et la santé des enfants sont en grave péril.

Ces enfants, dont la grande majorité a moins de dix ans, dont beaucoup de nourrissons, sont prisonniers des camps syriens depuis huit mois pour certains, depuis deux ans pour d’autres. Ces enfants sont français, ils ont le droit absolu de revenir dans leur pays. Les autorités kurdes, qui les détiennent, demandent depuis des mois aux pays concernés, et à la France de rapatrier ces enfants et leurs parents. En 2019, dans le seul camp de Al Hol, 371 enfants sont morts de maladie, de blessures, de froid. Comment nos gouvernants peuvent-ils être à ce point indifférents devant la souffrance des enfants ?

Le Président Macron a déclaré que la France « est une nation qui n’abandonne jamais ses enfants, quelles que soient les circonstances et fût-ce à l’autre bout du monde. » Le gouvernement a su prendre les mesures qu’il fallait pour rapatrier les Français résidant à Wuhan, en Chine, confrontés à l’épidémie de coronavirus.

IL FAUT AUSSI RAPATRIER D’URGENCE LES ENFANTS FRANÇAIS PRISONNIERS EN SYRIE ET LEURS MÈRES, CONFRONTÉS À UNE VAGUE DE FROID EXTRÊME QUI MENACE LEURS VIES. 

Communiqué du Collectif des Familles Unies suite aux déclarations de Jean-Yves Le Drian (RTL, 2 février 2020)

Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires Étrangères, a affirmé encore une fois, le 2 février 2020, que les ressortissants français prisonniers en Syrie et en Irak devaient être jugés sur place. Reconnaissant que tout procès est impossible pour l’instant en raison de l’état de guerre et de l’instabilité chronique de la région, il a repoussé le « processus de jugement » à la conclusion d’un hypothétique « dispositif de paix ». Le Collectif des Familles Unies rappelle que la guerre en Syrie entre dans sa neuvième année, et que le seul « dispositif de paix » actuellement en cours (parallèlement à des « pourparlers » qui n’aboutissent à rien) est incarné par la victoire progressive et inéluctable de Bachar Al Assad sur une grande partie du territoire syrien et par l’offensive meurtrière sur la région d’Idlib, où des centaines de civils, dont de nombreux enfants, sont tués. Après la victoire à Idlib, Bachar Al Assad n’a jamais caché son intention de réunifier toute la Syrie sous sa gouvernance, y compris le territoire de l’Administration autonome kurde, où se trouvent les prisons et les camps dans lesquels survivent actuellement 300 enfants français dans des conditions épouvantables.
 
L’objectif des autorités françaises serait-il, après l’organisation et la « sécurisation » d’un Guantanamo pour Français et Européens — Guantanamo qui enferme aussi des centaines d’enfants — de livrer les ressortissants français, y compris les enfants, à la « justice » syrienne et aux prisons du régime de Bachar Al Assad ? Faut-il rappeler que la France considère encore Assad comme un criminel de guerre, que des milliers de Syriens et de Syriennes ont été torturés, violés, exécutés dans des conditions atroces à l’intérieur de ces prisons syriennes ? Abandonner les ressortissants français en Syrie en attendant un « dispositif de paix » qui ne peut être que la victoire de Bachar Al Assad à court et moyen terme, c’est les livrer soit à Daesh, qui réussit désormais à récupérer un certain nombre de prisonniers et de familles, soit à un régime qui n’hésitera pas à les massacrer ou à les transformer en monnaie d’échange et de chantage.
 
Concernant les enfants, le ministre — tout en reconnaissant qu’ils sont « innocents »— persiste à ne vouloir les rapatrier qu’au « cas par cas » et au compte-gouttes, en les séparant de leurs mères et en introduisant confusément une notion d’âge (« moins de six ans »), qui ne repose sur aucune base juridique et que nous considérons comme une ignominie supplémentaire. Le Collectif des Familles Unies estime que séparer les femmes et les enfants en Syrie, ramener des enfants tout en abandonnant leurs mères (et sans doute certains de leurs frères et sœurs) dans l’horreur des camps est contraire aux principes fondamentaux de la protection de l’enfance, à la Convention Internationale des droits de l’enfant, à l’intérêt supérieur de l’enfant. Quel enfant ramené en France après avoir été arraché à sa mère supportera de la savoir périr sous la tente qui fut la sienne des mois et des années durant ? Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik et l’UNICEF rappelaient encore récemment : « Il est essentiel de ne pas les séparer ni de les emmener loin de leur mère, et de maintenir le lien affectif qui a pu se construire. » L’ONU, la Croix-Rouge, le Conseil de l’Europe, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, ont également appelé sans ambiguïté aucune la France à rapatrier les enfants avec leurs mères.
 
Le refus du rapatriement est non seulement une faute sur le plan sécuritaire, confirmée par tous les plus grands spécialistes de l’anti-terrorisme, mais il témoigne d’un manque d’humanité sans précédent dans l’histoire récente de la France de la part de nos gouvernants. Sur le congé de deuil d’un enfant, le Président Macron a demandé au gouvernement de « faire preuve d’humanité ». Pour célébrer le trentenaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, le Président Macron a rappelé que les droits des enfants « ne sont pas respectés partout » et que « notre premier combat est celui de l’éducation et de la petite enfance ». Face aux enfants français innocents et victimes de guerre, qui souffrent, qui ont faim et froid, qui survivent misérablement et qui meurent dans les camps syriens, nous demandons au Président Macron de respecter sa parole et ses engagements, et de « faire preuve d’humanité. »
 
Paris, le 2 février 2020

URGENCE : enfants français prisonniers en Syrie

Madame la Députée,
Madame la Sénatrices,
Monsieur le Député,
Monsieur le Sénateur,
 
La situation des enfants français prisonniers avec leurs mères dans le nord-est de la Syrie, dans les camps de Roj et de Al-Hol, ne fait que se détériorer de jour en jour. 
 
La situation dans la région est d’une grande instabilité. Le chaos règne en Irak et les forces de Bachar Al Assad gagnent du terrain en Syrie. L’invasion turque a replongé le nord-est du pays dans la guerre. Cependant, en ce moment même, un calme sans doute précaire règne dans les territoires contrôlés par l’Administration autonome kurde, qui permet à plusieurs pays de rapatrier certains de leurs ressortissants. Il est donc temps d’agir, avant que les hostilités embrasent de nouveau la région.
 
Le Collectif des Familles Unies a écrit une lettre au Président de la République pour lui rappeler que le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, à qui il a confié la direction de la Commission sur les « 1000 premiers jours de l’enfant », a récemment appelé, avec l’UNICEF, au rapatriement de ces enfants et de leurs mères. Nous vous proposons de lire cette lettre, et d’accepter d’insister auprès du gouvernement pour que ces rapatriements se fassent le plus vite possible (lettre dont vous trouverez copie ci-dessous).

Pour vous permettre de mieux appréhender l’urgence d’agir pour sortir ces enfants de cette situation tragique, nous vous proposons de voir ou revoir ce documentaire, de Sophie Parmentier et Hélène Lam Trong, « Daesh. Les enfants du soupçon », déjà diffusé sur TV5 (voir les liens ci-dessous) :

https://www.france.tv/documentaires/societe/1146485-daech-les-enfants-du-soupcon.html  

https://www.youtube.com/watch?v=bg3qzZwA80E

Et nous vous proposons également la lecture du livre de Marie Dosé, Les victoires de Daesh, qui vient de sortir chez Plon.

Tout en vous souhaitant nos meilleurs voeux pour la Nouvelle Année 2020, nous vous prions d’agréer, Madame la Députée, Madame la Sénatrices, Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur, l’expression de nos respectueuses salutations.

Le « Collectif des Familles Unies » 
collectiffamillesunies@gmail.com
www.famillesunies.fr
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Monsieur le Président de la République,

Vous avez confié au Professeur Boris Cyrulnik la direction d’une commission d’experts qui élabore le « parcours des 1000 jours de la petite enfance ». Cette commission doit rendre ses conclusions en avril prochain. Sur votre compte Twitter, vous venez d’indiquer : « Votre avis compte ». Nous nous permettons donc de vous redonner notre avis sur une tragédie qui concerne la situation d’enfants français.

Notre Collectif représente plus d’une centaine de familles dont les petits-enfants, neveux ou nièces, sont prisonniers avec leurs mères dans les camps de Roj et de Al-Hol, dans le nord-est de la Syrie. À ce jour, 250 à 300 enfants français survivent dans ces camps dans des conditions épouvantables, certains depuis deux ans, et la France n’a rapatrié à ce jour des camps syriens qu’une vingtaine d’enfants. Pourtant, la situation ne fait que se dégrader dans les camps : 371 enfants sont morts dans le camp de Al Hol en 2019, de maladie, de blessures ou de malnutrition ; des femmes sont emprisonnées et leurs enfants sont laissés à l’abandon dans les camps ; des adolescents sont emprisonnés sans raison dans des geôles sordides ; le froid devient de plus en plus intense, surtout la nuit.

Trente ans après la signature par la France de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, vous remarquez que « ces droits ne sont pas respectés partout » et que « nous ne sommes pas au bout du chemin ». Vous avez raison, mais nous avons malheureusement la certitude que ces droits des enfants ne sont pas respectés dans les camps du nord-est de la Syrie, et que la France ne suit pas ce « chemin » du respect des droits de l’enfant dans toutes les situations où des enfants français sont en danger, en particulier en refusant de rapatrier des enfants innocents de Syrie, dont une bonne partie, sont dans ces « 1000 jours » si essentiels, et dont certains sont même nés dans les camps.

Le Professeur Cyrulnik, dans une tribune publiée le 3 novembre 2019 avec le président d’UNICEF France, rappelle, après avoir indiqué qu’il était urgent que ces enfants français prisonniers soient rapatriés : « Unicef exhorte depuis plusieurs mois les États à s’acquitter du devoir qui est le leur de protéger tout enfant de moins de 18 ans,conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide). Pour la France, cette responsabilité s’étend à tous ses enfants associés à des groupes armés sur leur territoire ou à l’étranger, ainsi qu’aux enfants de ressortissants français, où qu’ils soient nés. »

Le Professeur Cyrulnik ajoute : « S’il est vrai que tous les enfants exposés aux conflits armés ont vécu des traumatismes, il a été aussi prouvé qu’ils sont capables de résilience en dépit des privations et des violences extrêmes qu’ils ont subies, s’ils sont accompagnés et aidés. Il est essentiel de ne pas les séparer ni de les emmener loin de leur mère, et de maintenir le lien affectif qui a pu se construire. » Et il conclut, avec l’UNICEF : « Ces enfants doivent être traités comme des victimes et non comme des criminels, conformément aux dispositions de la Cide. Tous les enfants ont les mêmes droits. Ils sont inaliénables et reconnus comme tels. N’abandonnons pas ces enfants. »

Tous les enfants français prisonniers en Syrie sont fragiles et vulnérables, tous ont droit à la vie, et pas seulement certains d’entre eux ramenés au compte-gouttes ou au « cas par cas ». Ce que la France peut faire sur le « chemin » du respect des droits de l’enfant, dont vous avez parlé, la France doit le faire, conformément à ses engagements et conformément à ses valeurs.

Nous vous demandons, Monsieur le Président, d’entendre la douleur de ces enfants, et d’écouter la voix du Professeur Cyrulnik, à qui vous avez accordé votre confiance en lui confiant la direction de cette commission sur les « 1000 premiers jours de l’enfant », en rapatriant tous les enfants français prisonniers en Syrie, avec leurs mères.

En vous adressant tous nos meilleurs vœux pour la Nouvelle Année 2020, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre profond respect.

Paris le 27 janvier 2020

Communiqué du Collectif des Familles Unies sur les conditions de détention des condamnés à mort français en Irak et les risques d’exécution

Le 23 janvier 2020

Les onze Français condamnés à mort en Irak en mai et juin 2019 subissent depuis leur condamnation des tortures, des sévices, des maltraitances physiques et psychiques dans la prison Al Rosafa à Bagdad. Dans un courrier parvenu à leurs familles, des prisonniers parlent de « tortures et d’humiliations », de « menaces incessantes » de la part de certains gardiens. Les prisonniers sont prévenus par les miliciens qui les gardent qu’ils seront bientôt exécutés, dans cette prison ou après un transfert dans la prison de Nassiriyah, dans le sud de l’Irak. D’après nos informations, tous les prisonniers ont été sévèrement battus lors de leur transfert de la prison Al-Muthana vers la prison Al Rosafa, en septembre dernier, et certains prisonniers font l’objet de passages à tabac et de sévices réguliers. Certains présenteraient d’ores et déjà des séquelles physiques et psychiques graves. Les Français prisonniers sont incarcérés dans des cellules où se côtoient 60 à 70 détenus, prisonniers de droit commun, combattants de Daesh ou personnes suspectées d’avoir appartenu à l’organisation et détenus chiites : il est à craindre que placer ainsi dans un même endroit exigu des personnes qui se haïssent n’ait pas d’autre but que d’espérer qu’ils s’entre-tuent. Les détenus français, considérés comme des renégats par des adeptes de Daesh et comme des terroristes sunnites par les chiites, risquent leur vie à tout moment.

Ces prisonniers français ont déjà été torturés lors de l’instruction de leur procès, de février à mai 2019, suite à leur transfert de Syrie en Irak organisé par les autorités françaises.

Lors d’une visite du président irakien Barham Saleh à Paris, le 25 février 2019, ce dernier a évoqué le « partenariat exemplaire » entre la France et l’Irak. A cette occasion, le Président Macron avait précisé que si des ressortissants français étaient jugés en Irak, ceux-ci « seraient en droit de demander la protection consulaire. » Il précisait que « nous nous assurerons que s’ils sont condamnés à la peine de mort, celle-ci soit commuée dans une peine à la perpétuité. »

Si des visites consulaires ont effectivement eu lieu en juin et juillet 2019, lors du séjour des détenus dans la prison Al Muthana, avec y compris durant cette période des possibilités de contact avec leurs familles, il n’y a plus eu de visite consulaire entre le 28 juillet et le 17 décembre 2019. Lors de la visite consulaire du 17 décembre, le représentant du consul de France à Bagdad a dit aux prisonniers qu’il ne pouvait « rien faire pour eux ».

La dernière communication téléphonique des prisonniers avec leurs familles date du 1er septembre. Les comptes rendus de la dernière visite consulaire du 17 décembre faits aux familles par le Ministère des Affaires étrangères ont été d’une brièveté accablante : rien n’a été communiqué sur leur état de santé, leurs conditions de détention, les procédures d’appel suite à leur condamnation à mort, – malgré le fait que le représentant du consul se soit entretenu avec chaque détenu, et que M. Le Drian se soit rendu en octobre à Bagdad. Aucune famille n’a pu obtenir de visa pour l’Irak pour rendre visite aux détenus.

La France s’honore d’être un pays abolitionniste qui condamne toute forme de torture et de mauvais traitements infligés à des prisonniers, quels que soient les crimes dont on les accuse. Malgré cela, les autorités françaises ont organisé le transfert de ressortissants français vers un pays qui applique la peine de mort, et dont la pratique de la torture en prison, y compris sur des enfants, est largement documentée par les organisations humanitaires internationales.

Le Collectif des Familles Unies demande au gouvernement d’intervenir pour faire cesser toute forme de traitements inhumains et dégradants infligés aux prisonniers et pour que les peines de mort soient effectivement commués, selon l’assurance du Président de la République exprimée en février 2019. Il demande également qu’une protection consulaire effective soit exercée, ce qui n’est pas le cas actuellement. À l’instar de la représentante spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, nous demandons également le transfèrement de ces prisonniers en France pour qu’ils puissent faire face à un procès équitable.

Ce qui se passe actuellement avec les détenus français de Daesh en Irak, mais aussi en Syrie, n’a rien à voir avec la justice, et s’apparente plutôt à la vengeance et à l’extermination. Les mises à mort, les tortures et les mauvais traitements ont été ainsi délégués, comme notre justice, à un État tiers. Un État de droit qui accepte ainsi d’utiliser les méthodes de l’adversaire et renie ses principes ne fait que renforcer l’idéologie qu’il prétend combattre.Le 23 janvier 2020

Communiqué du Collectif des Familles Unies à propos des déclarations de Madame Nicole Belloubet, Garde des Sceaux

Paris, le 12 janvier 2020

Les déclarations de Madame Nicole Belloubet le 11 janvier 2020 sont parfaitement cohérentes avec la décision prise par ce gouvernement, il y a tout juste un an, de rapatrier les Français mineurs et majeurs détenus dans le nord-est syrien.

Le 31 janvier 2019, Madame Belloubet affirmait en effet : « Nous avons fait un choix, qui est celui de la préférence du contrôle et donc du rapatriement en France ». Elle précisait par ailleurs que « la situation nouvelle, qui est liée notamment au retrait des forces américaines a bouleversé la donne et évidemment nous nous préparons à un éventuel retour des Français qui sont actuellement au nord de la Syrie »

Monsieur Edouard Philippe, Premier Ministre, avait pris soin de confirmer et d’expliquer cette décision le même jour : « Ce que je souhaite surtout, c’est qu’ils ne disparaissent pas. Je ne veux pas qu’ils soient dispersés, qu’ils repartent en liberté pour continuer leurs activités. S’ils sont expulsés, je préfère qu’ils soient jugés et condamnés (…) en France plutôt qu’ils se dispersent dans la nature pour fomenter d’autres actions, y compris contre nos pays ». 

Le choix du gouvernement de rapatrier les enfants et leurs parents détenus en Syrie était donc pesé, mûri, et assumé. Ce choix était et demeure celui de la raison. Cette décision de rapatriement a été annulée au dernier moment, et un autre choix semble l’avoir emporté au sein du gouvernement, celui du déni de nos valeurs et des conventions internationales, celui d’une terrible inhumanité envers les enfants français prisonniers : livrer et tenter de livrer nos ressortissants à un pays où peine de mort, procès inéquitables et torture sont la règle, et maintenir des enfants innocents prisonniers dans des conditions épouvantables. 

Depuis lors, le retrait partiel des troupes américaines a permis à la Turquie de mener à bien son offensive militaire ; les troupes de Bachar al-Assad continuent de progresser ; le chef de l’Etat Islamique aujourd’hui décédé a appelé les cellules dormantes de Daech à aller chercher les enfants et leurs mères détenus dans ces camps ; l’Irak a officiellement fait savoir à la France qu’elle ne jugerait pas ses ressortissants en lui signifiant ne pas vouloir devenir « une poubelle à djihadistes » ; la révolte des Irakiens contre les autorités de ce pays gronde un peu plus chaque jour ; l’assassinat ciblé du général Soleimani a poussé à son paroxysme l’instabilité de toute cette zone.

En janvier 2019, l’instabilité géopolitique et la perspective d’un retrait des troupes américaines avaient conduit ce gouvernement à décider du rapatriement de tous les ressortissants français. Comment pourrait-il en être différemment aujourd’hui alors que la situation n’a eu de cesse de s’aggraver? 

Les Français ne seront pas jugés en Irak et la création d’un tribunal international est inconcevable dans un tel contexte géopolitique. Tous sont judiciarisés dans un seul pays : la France. Les laisser dans cette zone de guerre revient à les livrer à court et moyen terme à Daech ou à Bachar Al-Assad.

La voix de Nicole Belloubet, qui s’exprime de nouveau après un an d’une politique qui ne prenait en compte ni le droit, ni la sécurité, ni la protection de l’enfance,  est celle de la raison et de la cohérence. Elle répond à un impératif sécuritaire et humanitaire incontestable. Lutter efficacement contre Daech, c’est aussi ne pas renoncer à nos valeurs fondamentales : c’est sauver des enfants innocents et rapatrier nos ressortissants pour éviter de repeupler les rangs de Daesh.

Le Collectif des Familles Unies

Tribune du Collectif paru dans le journal « Libération » du 8 janvier 2020

Les autorités françaises entretiennent des camps de prisonniers pour enfants en Syrie

Nous venons de «fêter» le 20 novembre dernier la journée mondiale de l’enfance. Nous venons de «fêter» en France, en Europe, et dans le monde entier le trentième anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’enfant, que la France – comme tous les pays de l’Union Européenne – a ratifiée. A cette occasion, des responsables politiques, posant face caméra auprès de groupes d’enfants de tous âges, ont réaffirmé leur engagement sans faille en faveur des droits des enfants et de la protection de l’enfance. Le secrétaire d’Etat aux droits de l’enfant est intervenu publiquement à maintes reprises pour expliciter le sens de sa mission. Pendant ce temps, plusieurs centaines d’enfants européens dont près de trois cents enfants français sont prisonniers, avec leurs mères, dans les camps de Roj et de Al Hol, au nord-est de la Syrie. 

La France s’est engagée, comme tous les pays européens, à faire respecter le droit à la vie, à la survie et au développement de chacun de ses ressortissants mineurs mais refuse obstinément, depuis près de deux années, de rapatrier des enfants exposés au pire qui périssent en zone de guerre dans des camps insalubres. Est-ce à dire que ces enfants prisonniers, dont l’immense majorité a moins de six ans, sont exclus des principes universels que la France se vante de promouvoir ? A en juger par le silence assourdissant de nos responsables politiques sur le sort de ces enfants au cours des commémorations de ces dernières semaines, la réponse est oui. Non contente d’abandonner des enfants français dans les culs-de-basse-fosse d’un pays en guerre, la France fait le choix délibéré de les garder captifs dans des conditions épouvantables, sans protection, sans soins, sans éducation, sans identité, et sans avenir.

Le Collectif des Familles Unies regroupe plus d’une centaine de familles dont les petits-enfants, les nièces ou les neveux, croupissent dans ces camps de prisonniers en Syrie. Nous sommes en contact, régulièrement pour certains d’entre nous et de façon plus sporadique pour d’autres, avec ces enfants oubliés et leurs mères. Depuis des mois et parfois des années, nous recevons des photos, des appels, des cris de peur et de désespoir, des messages d’espoir aussi quand nous avons l’impression, quand ils ont l’impression, qu’une porte s’entrouvre sur une perspective de retour. Nous voyons nos petits-enfants, nos neveux et nos nièces, grandir et dépérir derrière des grilles et des barbelés. Des nourrissons et des enfants de moins de 5 ans n’ont pour seul horizon que la tente de fortune qu’ils partagent avec leur mère, de la boue et des cailloux. Les enfants de plus de six ans essayent d’apprendre à lire et à écrire avec les moyens du bord, tandis que les plus grands tentent de se souvenir de leur école et de leurs leçons apprises en France en se demandant ce qu’ils ont bien pu faire pour que leur propre pays refuse de les laisser rentrer chez eux. 

Nous connaissons leurs peurs, nous savons quand ils ont froid, quand ils ont faim et quand ils ont mal. Nous, les familles, les grands-parents, les tantes et les oncles, nous souffrons tous les jours dans notre chair de les savoir si démunis, si faibles et si vulnérables. Nous savons que ces enfants sont bien loin des caricatures monstrueuses que certains distillent dans l’opinion comme un venin, bien loin de ces «bombes à retardement biberonnées à la haine». Nos petits-enfants, nos nièces et nos neveux souffrent de traumatismes qui nécessitent une prise en charge médicale et psychologique. Certains d’entre eux ont survécu à de terribles scènes, mais chaque enfant est une histoire particulière : personne ne devrait pouvoir les réduire à un « portrait-robot » tronqué et fabriqué de toutes pièces. Esseulés au milieu d’un désert qui empeste le pétrole, ils veulent aller à l’école, avoir des jouets et s’amuser, comme tous les enfants du monde. Et comme tous les enfants du monde, parce qu’ils portent en eux une magnifique résilience, ils dessinent sous leurs tentes des champs verdoyants, des fleurs, et des soleils.

Que les politiciens qui refusent obstinément de sauver ces enfants osent enfin les regarder dans les yeux, et leur expliquent quel est leur crime, ce qu’ils ont fait pour mériter la prison et l’exil sans procès. Nous, nous n’avons plus les mots pour répondre à leurs questions et calmer leur impatience.

Le Défenseur des Droits, en mai 2019, après une enquête approfondie, a demandé aux autorités françaises de faire cesser les « traitements inhumains et dégradants » dont sont victimes les enfants français et leurs mères détenus dans les camps de Roj et de Al-Hol. Les Comités des Droits de l’enfant des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, l’UNICEF et la Croix-Rouge, le Secrétaire Général des Nations Unies ont demandé à l’Europe et à la France, de rapatrier leurs ressortissants de Syrie, et tout particulièrement les enfants et leurs mères. Plus récemment, le Parlement Européen exhortait les gouvernements européens à organiser le rapatriement des enfants dans leur pays.

Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, déclarait en février 2018 que les enfants français détenus en Syrie allaient être rapatriés en France. Près de deux ans plus tard, seuls 17 enfants français dont 15 orphelins été rapatriés des camps syriens en mars et juin 2019. Depuis, plus rien : 300 enfants attendent d’être sauvés par un pays qui fait le choix de les transformer en « enfants fantômes ». Les seuls enfants qui sont revenus ces derniers mois en France ont été expulsés de Turquie, pays que leurs mères ont réussi à rejoindre en risquant leurs vies après l’évacuation du camp d’Aïn Issa.

Dans une tribune publiée le 3 novembre 2019, le pédopsychiatre Boris Cyrulnik et le président d’UNICEF rappelaient avec force que « s’il est vrai que tous les enfants exposés aux conflits armés ont vécu des traumatismes, il a été aussi prouvé qu’ils sont capables de résilience en dépit des privations et des violences extrêmes qu’ils ont subies, s’ils sont accompagnés et aidés. Il est essentiel de ne pas les séparer ni de les emmener loin de leur mère, et de maintenir le lien affectif qui a pu se construire. » En réponse à nos sollicitations régulières, la présidence de la République et les différents ministères concernés osent nous assurer qu’ils agissent « dans l’intérêt supérieur de l’enfant. » Mais l’intérêt supérieur d’un enfant n’est ni de survivre dans un camp de prisonniers en proie à des « traitements inhumains et dégradants » ni d’être séparé de sa mère. Serge Hefez, psychiatre traitant des mineurs de retour de Syrie, a à son tour rappelé qu’ils étaient «très avides de liens, de paix» et que « la plupart  (…) avait une résilience, une envie de vivre, une envie de reprendre une vie normale absolument extraordinaire.» Alors, arrêtons d’avoir peur, et arrêtons de faire peur : parce que ces enfants sont des victimes et parce qu’ils sont français, il faut les accueillir et réparer les traumatismes. C’est en les laissant là-bas que ceux qui survivront pourront nourrir une haine contre leur pays qui les aura abandonnés à leur triste sort et condamnés à la prison et à l’exil, alors qu’ils ne sont coupables de rien.

Evoquant les ressortissants français incarcérés en Syrie, Jean-Yves Le Drian déclarait récemment : «L’ensemble de ces groupes sont dans des lieux sécurisés en Syrie par les Forces Démocratiques Syriennes, et par des éléments américains, et nous y contribuons à notre manière, pour faire en sorte que ce soit complètement sécurisé sur la durée.» Notre ministre des Affaires étrangères assume donc complètement que des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants français soient détenus sans jugement, sans procédures engagées contre eux, sans avocat, sans droit de visite, et de manière indéfinie dans un no man’s land juridique. L’Europe démocratique avait condamné à l’époque et de façon unanime la création du bagne de Guantanamo parce que des hommes pouvaient y être détenus dans des conditions inhumaines, indéfiniment et sans procès. Aujourd’hui, l’Europe démocratique fait pire parce qu’à Guantanamo, il n’y avait pas d’enfants.

Les Forces Démocratiques Syriennes (kurdes) ont été le fer de lance de la défaite territoriale de Daesh à Raqqa et à Baghouz et des milliers d’hommes et de femmes ont perdu la vie dans ce combat. Trahis par leurs « alliés » à la suite de l’offensive turque, les Forces Démocratiques Syriennes sont désormais cantonnées par la Coalition, et singulièrement par la France et l’Europe, au rang de gardiens de ce gigantesque Guantanamo pour enfants. Les Kurdes, qui exhortent les pays concernés à prendre en charge leurs ressortissants majeurs et mineurs depuis des mois, ne sont que des «mandataires contraints» de la Coalition : nos enfants sont prisonniers d’un seul pays, la France, qui refuse leur retour. Et ce choix assumé par M. Le Drian en violation de notre Etat de droit, des conventions internationales et de nos valeurs les plus fondamentales, s’inscrit désormais « sur la durée », en toute inhumanité. 

Comment un pays démocratique comme la France peut-il maintenir des enfants innocents en prison? Nous sommes épuisées, nous, les familles, de devoir supporter l’inhumanité de notre propre pays face à la souffrance de nos enfants dont nous sommes, chaque jour, les témoins impuissants. Mais nous sommes aussi déterminées à nous battre jusqu’au bout pour les sauver. Nous ne demandons que l’application stricte de la loi et rien d’autre que le respect par la France de ses valeurs et principes fondamentaux. Ces enfants sont nos enfants, et nous ne les abandonnerons jamais.

Le 30 décembre 2019.

Communiqué du Collectif des Familles Unies : SOS Enfants innocents en danger

FROID, PLUIE ET INTEMPERIES S’ABATTENT SUR LES CAMPS EN SYRIE :
LES ENFANTS PREMIERES VICTIMES !

Avec l’arrivée du froid et des intempéries, la situation devient de plus en plus dramatique dans les camps de prisonniers du nord-est de la Syrie, où 300 enfants français et leurs mères sont détenus, pour certains depuis des années. Des trombes d’eau se sont abattues ces derniers jours sur les camps de Al Hol et de Roj, occasionnant des dommages considérables à toutes les infrastructures matérielles où survivent les femmes et les enfants : tentes emportées par le vent, en partie ou complètement écroulées. L’eau s’infiltre dans les tentes qui résistent, la boue envahit les sols et pénètre à l’intérieur des installations. Le froid est de plus en plus présent, les températures avoisinent  zéro degré durant la nuit, et les enfants tentent de se protéger dans une atmosphère humide et glaciale. La neige, prévue dans cette région, pourrait encore aggraver dans les semaines qui viennent les conditions de vie déjà désastreuses des enfants et des femmes. La situation est particulièrement éprouvante dans le camp de Al Hol, où les trafics en tout genre, y compris de tentes et de couvertures, ont entravé l’action déjà dispensée de façon aléatoire par les organisations humanitaires de plus en plus absentes et débordées. Dans ces conditions, les maladies et en particulier les infections pulmonaires frappent les enfants et les nourrissons, et l’aide et l’assistance médicale est faible ou inexistante.

Les enfants français prisonniers dans les camps syriens souffrent, ils ont faim et froid, ils survivent dans des conditions inhumaines, et le gouvernement refuse toujours leur rapatriement. Récemment le ministre des Affaires étrangères a objecté que la guerre qui sévit dans la région rendait impossible tout rapatriement : dans le même temps, l’Allemagne rapatriait une femme et ses enfants du camp de Al Hol, et des femmes et des enfants bosniaques sont en cours de rapatriement. Après les comités des Droits humains des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, après le CNCDH (Comité National Consultatif des Droits de l’Homme) et le Défenseur des Droits, après l’UNICEF et la Croix-Rouge, le Parlement Européen vient de demander aux Etats membres de rapatrier au plus vite les enfants européens détenus dans les camps syriens.

Comment le Président de la République, comment le Premier Ministre et les ministres concernés, peuvent-ils être à ce point insensibles à la souffrance d’enfants français qui sont en train de dépérir dans les camps ? Comment peuvent-ils manquer à ce point d’humanité devant la détresse des enfants? L’hiver qui pointe en Syrie va devenir de plus en plus violent, les intempéries vont se multiplier. Des centaines d’enfants sont déjà morts dans les camps : l’hécatombe doit s’arrêter, maintenant !

A l’occasion du trentième anniversaire de la Convention des Droits de l’Enfant, que la France a signée le 26 janvier 1990 mais qu’elle s’obstine malheureusement à ne pas respecter, des grands-parents, des oncles et des tantes d’enfants prisonniers dans les camps syriens ont écrit au Président de la République pour lui demander de rapatrier ces enfants innocents et leurs mères. Le Collectif des Familles Unies s’associe à leur demande : 

IL FAUT RAPATRIER D’URGENCE LES ENFANTS FRANÇAIS DE SYRIE 

20 novembre 2019 : Journée mondiale de l’enfance 30e & anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE)

LETTRE OUVERTE DU COLLECTIF DES FAMILLES UNIES AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Monsieur le Président,

300 enfants français sont prisonniers dans des camps en Syrie : que fait la France ?

Au moment où nous célébrons la Journée mondiale de l’enfance, au moment où notre pays et les pays européens fêtent le trentième anniversaire de l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant, des centaines d’enfants européens, et parmi eux 300 enfants français, sont prisonniers dans les camps de Al Hol et de Roj, dans le nord-est de la Syrie, depuis des mois pour certains, et depuis des années pour d’autres. La grande majorité de ces enfants a moins de six ans.

La France et les autres pays européens, tous signataires de la « Convention Internationale des Droits de l’Enfant » (CIDE), se sont engagés avec force dans la défense des droits des mineurs.

Les enfants français prisonniers en Syrie survivent difficilement en zone de guerre dans des conditions épouvantables, sans protection, en proie à toutes sortes de maladies, sans soins adaptés, malnutris et déshydratés. Leurs traumatismes et leurs blessures, physiques ou psychiques, ne sont pas traités. Ils n’ont accès ni à l’école ni aux loisirs, et demeurent enfermés dans un univers clos et étouffant, sans perspective et sans avenir. 

Pourtant, la France et les pays signataires se sont engagés à garantir le droit des enfants à la vie et au développement, à la santé, à l’éducation, à l’identité. La France et les pays signataires se sont engagés à garantir le droit des enfants à être protégés contre toutes formes de violence, à ne pas être détenus arbitrairement, à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants. La France et les pays signataires se sont engagés à garantir le droit des enfants à être protégés contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par les activités de leurs parents.

Les 300 enfants français prisonniers dans les camps en Syrie sont privés de tous ces droits, et les autorités françaises sont parfaitement informées de la situation dramatique dans laquelle ils se trouvent. L’UNICEF et la Croix-Rouge, les différents comités des droits humains et des droits de l’enfant des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, la « Commission Nationale Consultative des Droits de l’homme » ([CNCDH], le Défenseur des Droits, et plus récemment le Secrétaire Général des Nations Unies, ont exhorté les différents pays à rapatrier leurs ressortissants, à rapatrier les enfants et leurs mères.

La France et l’Europe font la sourde oreille. Non seulement notre pays manifeste une totale inertie pour aider ces enfants innocents, mais il les maintient volontairement en détention et donc en danger en refusant de les rapatrier. Les forces kurdes, qui gardent encore les camps [mais jusqu’à quand ? la France va-t-elle laisser Bachar Al Assad récupérer nos enfants ?], appellent depuis des mois les différents pays étrangers à rapatrier leurs ressortissants, et tout particulièrement les enfants.

Si un groupe d’enfants français était coincé dans une crevasse au fin fond de l’Himalaya, la France mobiliserait tous ses moyens pour les secourir. Que valent toutes les conventions de protection de l’enfance et des droits des enfants, si l’on peut opérer une discrimination insupportable entre des enfants, si l’on peut décider de sauver certains et de laisser mourir d’autres, en leur faisant payer les fautes commises par leurs parents ? 

Comment un pays comme la France, qui a toujours soutenu et diffusé dans le monde tous les principes de la protection de l’enfance, peut-il rester indifférent au sort de ces enfants français malades, épuisés, traumatisés, blessés, qui survivent depuis des mois derrière les grilles et les barbelés des camps syriens ? Pire encore : comment un pays signataire de toutes les Conventions sur les droits de l’enfant peut-il maintenir arbitrairement en détention, dans une espèce de sous-traitance abjecte, des centaines d’enfants ?

Pour la première fois de notre Histoire, la France abandonne des enfants français et les condamne à l’exil et à la prison. Pourtant, ces enfants sont les victimes innocentes de la guerre et de Daesh.

Le Nord-est syrien, où sont détenus ces enfants, est de nouveau en proie aux affrontements, aux offensives, aux bombardements, et à l’instabilité. Ces enfants peuvent à tout moment tomber entre les mains des forces de Bachar Al Assad ou de Daesh. Survivant dans des conditions matérielles épouvantables, manquant de soins, malnutris, sans école, ces enfants, si rien n’est fait pour les sauver, vont devoir affronter dans des tentes de fortune le froid glacial de l’hiver syrien, dans un contexte où les organisations humanitaires sont de moins en moins présentes. Certains n’y survivront pas.  

Monsieur le Président, 

Nous célébrons cette année en France et dans le monde entier le trentième anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’enfant, et au même moment 300 enfants français sont prisonniers dans des camps en Syrie. Comment peut-on fermer les yeux et regarder ailleurs que vers cette catastrophe humanitaire annoncée ? La mise en péril de ces enfants n’est plus l’œuvre de Daesh, mais celle de la France qui refuse obstinément de les sauver depuis plus de deux ans.

Monsieur le Président, 

Il est temps d’engager une action concrète pour sauver ces enfants, et les rapatrier en France. Il est temps de prouver que notre pays reste fidèle à ses valeurs, et que la défense des enfants et de leurs droits n’est pas un vain mot pour notre démocratie.

Le 20 novembre 2019

LE COLLECTIF DES FAMILLES UNIES