LA FRANCE CÉLÈBRE LES DROITS DE L’ENFANT ET LAISSE PÉRIR DES ENFANTS FRANÇAIS DANS DES CAMPS DE PRISONNIERS EN SYRIE

COMMUNIQUÉ DU 20 NOVEMBRE 2021 JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT

Le 20 novembre, la France et le monde célèbrent la Journée internationale des droits de l’enfant et commémorent l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée Générale des Nations Unies, il y a 32 ans, de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. En signant cette Convention, les États s’engagent à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant et les droits fondamentaux des enfants.

Le Président de la République et toutes les instances officielles de la République Française célèbrent cette journée, en rappelant leur combat pour les droits de l’enfant en France et dans le monde, comme ils l’ont fait en 2017, 2018, 2019 et 2020. Durant toutes ces années, pourtant, des enfants français étaient parqués derrière les barbelés de camps de prisonniers dans le nord-est de la Syrie. Durant toutes ces années, dans les discours officiels prononcés chaque 20 novembre, aucune allusion à ces enfants meurtris, traumatisés, blessés, aucun mot pour leur souffrance et leur désespoir : une chape de plomb tombe sur ces enfants abandonnés, que l’on veut oublier, effacer, transformer en fantômes d’une République devenue sans humanité ni éthique.

Cette année encore, on fait comme si de rien n’était. Le Président de la République déclare le 11 novembre : « Se battre pour les droits de l’homme, c’est défendre les droits des enfants dans les conflits armés. » Jamais, sur le problème essentiel de la défense des enfants et de leurs droits, l’écart n’a été aussi profond entre les mots et les actes, entre les engagements et les déclarations de l’État français et la réalité sordide de sa politique d’abandon de 200 enfants français, maintenus dans des camps syriens dans des conditions ignobles. D’un côté, la France affirme son attachement au droit international humanitaire et prétend faire de la protection des enfants dans les conflits armés une « priorité absolue », et de l’autre elle participe à l’incarcération d’enfants français, dont la grande majorité a moins de 6 ans, elle prive des enfants de leur enfance et de leur avenir, elle bafoue tous leurs droits, et en premier lieu leur droit à la vie.

La France, depuis toutes ces années, n’a rapatrié que 35 enfants, alors que 1200 enfants ont été rapatriés de Syrie par d’autres pays depuis 2019. Elle est restée sourde aux appels au rapatriement de l’ONU, du Conseil de l’Europe, du Parlement Européen, de la Croix-Rouge, de l’UNICEF, de la Défenseure des Droits, de la CNCDH, de l’ensemble des organisations humanitaires. En 2021, alors que différents pays ont rapatrié plus de 220 enfants de Syrie, la France n’en a rapatrié que 7. Durant cette année, des pays de l’Union Européenne, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Suède, ont rapatrié des dizaines d’enfants et leurs mères. L’administration kurde, qui gère les camps, continue de demander aux pays étrangers de rapatrier les enfants et leurs mères.

Pour nous, grands-parents, oncles et tantes, familles des enfants français qui croupissent depuis si longtemps dans des camps de prisonniers en Syrie, cette journée du 20 novembre 2021 n’est pas une journée de célébration, c’est une journée de tristesse et de colère, car notre pays proclame son attachement aux droits de l’enfant tout en déniant ces droits à nos petits-enfants, neveux et nièces, en témoignant à leur égard d’un mépris total de l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous ne sommes pas les seuls à nous indigner de cette situation : nombreux sont ceux qui nous soutiennent, des citoyens, des personnalités de la société civile, des artistes, des parlementaires.

Les droits de l’enfant doivent être défendus sans aucune condition, ils concernent tous les enfants sans une seule exception. Il est grand temps que notre pays respecte ses engagements en faveur des droits de l’enfant, il est grand temps que l’inhumanité, l’hypocrisie, le mensonge et la lâcheté qui ont présidé jusqu’à présent à la « doctrine » française des rapatriements au « cas par cas » cèdent le pas à une véritable politique de respect des droits de tous les enfants et de leur intérêt supérieur.

L’hiver syrien arrive, avec ses températures extrêmes, les tempêtes, la pluie, l’humidité qui s’infiltre dans ces tentes où survivent ces enfants. Les risques d’incendie augmentent. Allons-nous laisser un hiver de plus des enfants avoir froid, tomber malades, souffrir ? L’État français veut-il continuer à prendre le risque de voir des enfants mourir ?

Nous avons déjà trop attendu. Les droits de l’enfant, c’est tout de suite. Il faut rapatrier tous les enfants français détenus dans les camps de prisonniers du nord-est de la Syrie, et leurs mères.

Le 20 novembre 2021.

Le Collectif des Familles Unies

« Nous ne pourrons jamais rendre à ces enfants les années d’enfance perdues qui ont été emportées dans ces camps par les conflits, la violence, les traumatismes et le désespoir. Nous pouvons cependant commencer à planifier dès aujourd’hui comment leur donner un avenir meilleur. »

Fabrizio Carboni, directeur régional du Comité International de la Croix-Rouge pour le Proche et le Moyen-Orient.

LETTRE DU COLLECTIF DES FAMILLES UNIES AUX ASSOCIATIONS DÉFENDANT LES DROITS DE L’ENFANT ET LES DROITS HUMAINS

Enfants dans les camps de prisonniers en Syrie

20 NOVEMBRE 2021 : Journée Internationale des Droits de l’enfant

À l’occasion de la Journée Internationale des Droits de l’enfant, le Collectif des Familles Unies a envoyé la lettre suivante à une cinquantaine d’associations et d’organisations défendant les droits de l’enfant et les droits humains en France.

Le 20 novembre, la France, comme d’autres pays dans le monde, va célébrer la Journée Internationale des droits de l’enfant. 

À cette occasion, nous tenons à attirer votre attention sur la situation des enfants français actuellement prisonniers dans des camps en Syrie dans des conditions épouvantables.

Plus de 200 enfants français sont détenus avec leurs mères dans les camps de prisonniers Roj et Al-Hol. Ces camps sont sous le contrôle de l’Administration Autonome du nord-est de la Syrie (kurde). Ces enfants, dont une partie est née en France et une autre en Syrie, sont très jeunes : les deux tiers ont moins de 6 ans et 90 % moins de 12 ans. Certains sont nés dans les camps. Ces enfants sont détenus avec leurs mères depuis des années : leur temps de détention se situe entre 2 ans et demi pour certains, et près de 5 ans pour d’autres.

Leur situation dans ces camps a été longuement documentée par la presse et par les organisations de défense des droits humains qui ont enquêté sur place :

  • De nombreux enfants souffrent de maladies chroniques, de malnutrition, d’infections pulmonaires, de dysenterie, de maladies de peau, de problèmes oculaires et dentaires, de blessures mal soignées. L’accès aux soins est très limité.
  • Les enfants ont vécu des situations extrêmement traumatisantes, des deuils, une vie extrêmement difficile dans le camp. Aucun suivi psychologique n’est bien sûr proposé pour les enfants, aucun traitement de leurs traumatismes, et la prolongation de leur détention ne fait qu’accentuer les traumatismes et la détresse de beaucoup d’enfants.
  • Les enfants sont privés d’éducation et d’école.
  • Les enfants sont sans protection, et vivent dans la peur, la précarité et le danger. Des accidents sont fréquents dans le camp, des incendies de tentes ont provoqué des morts d’enfants et d’adultes et de graves blessures. Le 19 octobre dernier, un incendie a ravagé le camp Roj, détruisant une dizaine de tentes. 

Sans soins, sans école, sans protection, ces enfants survivent dans une prison à ciel ouvert, un Guantanamo pour enfants. Qu’est-ce qui peut justifier la détention d’enfants innocents, considérés comme des victimes de guerre par les experts de l’ONU et les organisations défendant les droits humains, des enfants qui n’ont jamais choisi de se rendre en Syrie ni d’y naître ? 

Depuis trois ans, des appels au rapatriement ont été lancés de toutes parts : le Secrétaire Général de l’ONU, le Haut-Commissariat aux Droits de l’homme et le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, le Commissariat aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, le Parlement Européen, le Comité International de la Croix-Rouge, l’UNICEF ont appelé au rapatriement des enfants détenus et de leurs mères. En France, le Défenseur des Droits et le CNCDH sont intervenus également dans le même sens, tout comme des dizaines de parlementaires et bien sûr les familles. L’Administration kurde, qui a le contrôle des camps Roj et Al-Hol et qui détient donc les ressortissants étrangers et français, demande également aux pays concernés de rapatrier les enfants et leurs mères.

En vain : les autorités françaises n’ont rapatrié à ce jour que 35 enfants de Syrie (en 3 ans). C’est la politique du « cas par cas », politique discriminatoire et incompréhensible. Cette politique a été condamnée récemment par la Défenseure des Droits, qui estime « que les politiques de rapatriements “au cas par cas” ne sont aujourd’hui plus tenables » et que « des décisions fortes doivent être adoptées quant au retour en France dans les meilleurs délais, de ces enfants et de leurs mères. » 

Depuis 2019, plus de 1000 enfants étrangers ont été rapatriés de Syrie, et plus de 200 en 2021. Certains pays ont déjà rapatrié des centaines d’enfants : ce que ces pays ont fait, la France peut et doit le faire. La France, en maintenant prisonniers des enfants dans ces camps, viole délibérément ses engagements internationaux, le droit international humanitaire, la Convention internationale des droits de l’enfant.

L’hiver arrive en Syrie, avec ses températures extrêmes qui peuvent atteindre moins 10 degrés la nuit, avec les tempêtes, la pluie, la neige. Passer cette période sous des tentes, dans un camp de prisonniers, est un calvaire et une souffrance énorme pour les enfants. Les autorités françaises doivent agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, avant que des enfants ne meurent.

Aujourd’hui, nous faisons appel à vous. Nous vous demandons de bien vouloir prendre en compte la situation insupportable de ces enfants français prisonniers, et de leur venir en aide. Seule une mobilisation de tous ceux qui considèrent que la défense des droits humains et des droits de l’enfant n’est pas un vain mot dans notre pays peut inciter nos autorités à prendre leurs responsabilités, et à rapatrier ces enfants.

Le 8 novembre 2021

Le Collectif des Familles Unies

Des personnalités se mobilisent pour le rapatriement des enfants français détenus dans des camps en Syrie «Nous voulons les incarner, les faire rentrer, et leur dire qu’une autre France existe que celle qui refuse de les rapatrier.»@SophiaAram

Reportage du Parisien en date 30 octobre 2021

Sophia Aram, Audrey Fleurot, Philippe Torreton ou encore Marie Desplechin… 50 célébrités se mobilisent autour d’un collectif de familles d’enfants retenus par les forces kurdes en Syrie. Ensemble ils veulent lancer une opération de parrainage et réclamer leur rapatriement en France et que leur retour sur le territoire soit pris en charge avant l’hiver.

La Cour européenne va-t-elle obliger la France à rapatrier des ressortissants français détenus en Syrie ?

29 septembre 2021 Par Maud de Carpentier de Mediapart

Deux familles étaient représentées mercredi pour une audience devant la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. Ces parents demandent le rapatriement de leurs filles et de leurs petits-enfants, détenus dans les camps du nord-est de la Syrie par les Forces démocratiques syriennes. Leurs avocats visent à faire condamner la France pour traitements inhumains et dégradants.

 Elles ont été nommées par leurs initiales pendant les trois heures d’audience. Et si le représentant du gouvernement français a dérapé et laissé échapper un nom et un prénom pendant quelques minutes, il s’est vite vu rappelé à l’ordre par le président de la Cour européenne des droits de l’homme, l’Islandais Róbert Spanó. « Leur anonymat doit être garanti et absolu, ces femmes s’exposent à des violences dans ces camps si leur identité est révélée », explique d’emblée Marie Dosé, l’une des avocates des deux familles requérantes.

L’audience de ce mercredi 29 septembre, devant la plus haute institution juridique européenne à Strasbourg, était en tous points de vue, exceptionnelle. Il s’agissait pour les 17 juges européens de statuer sur l’obligation de protection et donc de rapatriement – ou non – par l’État français, de deux de ses ressortissantes, parties en Syrie en 2014 et 2015 rejoindre Daech, et détenues dans les camps de Al-Hol puis Roj, au nord-est du pays, administrés par les Forces démocratiques syriennes, et dirigés par les autorités kurdes. Elles y vivent avec leurs enfants, âgés de 2 à 7 ans.

La position du gouvernement français n’a pas changé depuis le début de l’affaire et de sa judiciarisation en avril 2019, avec un premier passage devant le tribunal administratif de Paris. Elle consiste à affirmer que la France n’a pas compétence à intervenir dans la zone nord-est de la Syrie, et qu’elle n’a pas obligation de rapatrier ses ressortissants.

François Alabrune, le directeur juridique du ministère des affaires étrangères a prévenu dès le début de l’audience : « Nous sommes conscients des droits humains qui sont au cœur de cette affaire mais les questions que la Cour doit trancher aujourd’hui sont juridiques. » Comme pour prévenir qu’il ne faudra pas s’attendrir des possibles déclarations de l’avocate Marie Dosé, défendant les familles de ces femmes, ni sur leurs conditions de vie.

Et si la Cour devait décider d’une obligation de l’État français à rapatrier, François Alabrune prévient : « Cela supposerait une forte extension territoriale de la Cour. Une telle démarche créerait un fardeau excessif pour l’ensemble des États membres. » Voilà l’argument principal de la France : une décision qui pourrait faire jurisprudence pour tous les autres ressortissants européens, et qui serait donc encombrante pour les 47 États membres du Conseil de l’Europe.

Sept pays membres étaient d’ailleurs représentés dans les parties tierces intervenantes, en soutien à la France : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Espagne, la Norvège, le Danemark, la Suède et la Belgique. Avec des arguments semblables à ceux de la France. « La France

n’exerce pas de contrôle sur cette zone [de la Syrie], donc elle ne peut avoir d’autorité, ni agir sur le contrôle des personnes », a ainsi déclaré le Britannique James Eadie. Autre argument soutenu : cette décision d’obliger à rapatrier « irait à l’encontre de la souveraineté des États », selon la Néerlandaise Babette Koopman. Celle-ci déclare froidement : « Si une personne part de manière volontaire, et doit faire face à un mauvais traitement dans un pays étranger, cela ne justifie pas l’intervention de son pays pour que ses droits soient respectés. »

En d’autres termes : ces femmes ont choisi de partir dans un pays en guerre, elles doivent aujourd’hui assumer les conséquences de leurs actes.

Il faut mettre fin au continuum de violence auquel sont confrontés les enfants dans ces camps.

Dunja Mijatovič, commissaire aux droits de l’homme pour le Conseil de l’Europe

C’est pourtant là-dessus que les avocats Marie Dosé et Laurent Pettiti ont plaidé : en refusant de rapatrier ces femmes et leurs enfants, « la France viole ses obligations liées à la Convention européenne des droits de l’homme ». Ils ont invoqué tout au long de l’audience l’article 3 qui établit que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Maître Laurent Pettiti rappelant à la Cour que la France a connaissance des conditions de vie dans ces camps du nord-est syrien, ayant été alertée à de multiples reprises par le Conseil des droits, la Commission consultative des droits de l’homme ou encore par des ONG qui se sont rendues sur place. Marie Dosé a précisé que 62 enfants étaient morts dans ces camps selon l’ONG Save The Children, depuis le début de l’année 2021.

Une position soutenue par la Commissaire aux droits de l’homme pour le Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovič. La Bosnienne a en effet rappelé à la Cour que « depuis plusieurs années, des femmes et des enfants meurent dans ces camps. La chaleur y est insupportable l’été, l’hiver très rude, l’alimentation insuffisante, tout comme l’accès à l’eau, et aux soins. Il y a de la violence physique et psychologique ». Et la Commissaire aux droits de l’homme de conclure, implacable : « Le rapatriement est la seule manière de respecter les droits de l’enfant. Il faut mettre fin au continuum de violence auquel ils sont confrontés. Ces enfants n’ont pas à subir les conséquences des choix de leur mère. »

C’est incroyable qu’on soit obligés de venir jusqu’ici pour demander le rapatriement de ces enfants ! On parle d’enfants prisonniers ! Et nous sommes en 2021, vous trouvez ça normal, vous ?

Suzanne Lopez, membre du Collectif des Familles Unies

Pour Marie Dosé, qui suit le dossier de ces femmes depuis plus de deux ans, et qui s’est rendue en Syrie à deux reprises, si la France décide de ne pas les rapatrier, c’est un fait politique : « La France dit que ces opérations de rapatriement sont compliquées, pourtant ils en ont déjà fait et ont rapatrié 35 enfants lors de cinq opérations distinctes, et cela n’a pas posé de problème. La France dit qu’elle n’a pas autorité sur ce camp, pourtant lorsque je suis allée sur place, les autorités kurdes nous ont refusé l’accès, en disant que c’était une décision de la France. Tout cela sert à masquer un choix politique. » Selon l’avocate, « de plus en plus de pays sont en train de faire revenir leurs ressortissants : la Turquie, la Russie, les États- Unis, etc. Tous ont rapatrié environ 1 200 personnes. La France, l’Allemagne, la Norvège, en

ont rapatrié à peine 50. C’est une contradiction absurde. Alors que les autorités kurdes nous demande de les rapatrier ! »

Trois familles de Françaises détenues dans ces camps syriens étaient également présentes ce mercredi matin à l’audience. « C’est déjà pour nous une victoire d’être reçus ici », admet, ému, le père d’une des femmes dont la requête est examinée, au pied de l’immense escalier conduisant à la salle d’audience : « Cela montre qu’on est pris au sérieux. Moi, je suis justeun père de famille, qui réclame la justice pour sa fille. »

Marc et Suzanne Lopez, membres du Collectif des Familles Unies qui représente les grands- parents d’environ 200 enfants détenus en Syrie, étaient également présents. Suzanne Lopez, dont les quatre petits-enfants, âgés de 3 à 11 ans, sont toujours au camp de Roj, laisse éclater sa colère après l’audience : « Quand le gouvernement français dit qu’ils sont incapables de localiser nos filles et nos belles-filles, et que leur rapatriement serait compliqué, c’est un mensonge ! Moi je connais même le numéro de sa tente ! Donc eux aussi. Et quand ils disent que c’est dangereux ? C’est faux ! Des journalistes, des ONG, des avocats d’autres pays européens y vont. Même nous, on a pu y aller ! » La grand-mère lance, défiante : « C’est incroyable qu’on soit obligés de venir jusqu’ici pour demander le rapatriement de ces enfants ! On parle d’enfants prisonniers ! Et nous sommes en 2021, vous trouvez ça normal, vous ? »

Les 17 juges de la Cour européennes des droits de l’homme devraient rendre leur délibéré d’ici plusieurs mois.

IL FAUT METTRE FIN AU CALVAIRE DES ENFANTS FRANÇAIS PRISONNIERS DANS DES CAMPS EN SYRIE MAINTENANT

Communiqué de presse du Collectif des Familles Unies, 29 juillet 2021

enfants détenus dans les camps de Syrie

LA DÉFENSEURE DES DROITS APPELLE AU RAPATRIEMENT DES ENFANTS FRANÇAIS DÉTENUS EN SYRIE ET DE LEURS MÈRES


Dans un communiqué publié le 27 juillet, la Défenseure des Droits, Claire Hédon, considère, à propos de la situation des enfants français détenus dans des camps de prisonniers du nord-est de la Syrie, « que les politiques de rapatriements “au cas par cas” ne sont aujourd’hui plus tenables » et que « des décisions fortes doivent être adoptées quant au retour en France dans les meilleurs délais, de ces enfants et de leurs mères. »

Cette prise de position de la Défenseure des Droits, conforme à la décision déjà officialisée par son prédécesseur, Jacques Toubon, en mai 2019, s’inscrit dans une série d’initiatives et d’actions menées par des familles d’enfants français prisonniers en Syrie auprès du Comité des Droits de l’enfant des Nations Unies, du Comité contre la Torture des Nations Unies, de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et de la Cour pénale internationale.


Depuis le début de l’année, les interventions se multiplient en faveur des rapatriements des enfants français détenus en Syrie et de leurs mères : 

  • le 11 mars, le Parlement Européen appelait les États membres à rapatrier TOUS LES ENFANTS européens [de #Syrie] « en prenant en compte leur situation familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant (…) en conformité avec le droit international » ; 
  • le 25 juin, la Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, dans une intervention destinée à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, estimait que « le retrait de tous les enfants étrangers des camps est une priorité absolue et obligatoire du point de vue des droits de l’enfant et qu’afin de préserver leur intérêt supérieur leurs mères doivent être rapatriées avec eux. » ; 
  • le 30 juin, Fabrizio Carboni, directeur régional pour le Proche et le Moyen-Orient du Comité International de la Croix-Rouge, dénonçait la détention dans des conditions épouvantables d’enfants et d’adolescents dans les prisons et les camps du nord-est de la Syrie, tout en plaidant pour le rapatriement des enfants étrangers dans leurs pays d’origine ;
  • le 6 juillet, devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, Paulo Pinheiro, Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, indiquait : « Certains États ont rapatrié leurs enfants avec leurs mères, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant, d’autres continuent à se soustraire à leurs obligations. ».

Au mois de juin, plus de 110 personnalités prenaient position, dans une tribune publiée par le journal Le Monde, pour le rapatriement de tous les enfants français détenus dans les camps syriens et leurs mères, et un colloque, organisé par la Ligue des Droits de l’Homme et la Fédération Internationale des Droits de l’homme, réunissait à Paris des professionnels de l’enfance, des psychiatres, des humanitaires, des magistrats, des grands reporters, et des familles des enfants prisonniers. 

À cette occasion, des représentants de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et de l’UNICEF réaffirmaient la nécessité de rapatrier les enfants français et leurs mères.

Dans le même temps, un ministre français déclarait à la tribune des Nations Unies : « Le respect du droit international humanitaire n’est pas une option : c’est une obligation », et les représentants de la diplomatie française à l’ONU assuraient faire de la protection des enfants dans les conflits armés, qualifiée d’« obligation morale universelle », une « priorité absolue » de la France. De belles déclarations en contradiction totale avec l’abandon des enfants français dans des camps de prisonniers du nord-est de la Syrie. 

200 enfants français, dont les deux tiers ont moins de 6 ans, vivent leur troisième été, et pour certains leur quatrième été, dans les camps de prisonniers Roj et Al Hol. Ces enfants sont des victimes, ils sont tous parfaitement innocents, et ils subissent une incarcération sans fin dans des conditions ignobles : pas de soins appropriés, pas d’école, pas de protection, exposés à des traitements inhumains et dégradants. Ces enfants ont vécu les deuils, la violence, les bombardements, la peur, les blessures, les maladies, ils ont vécu pour certains des incarcérations prolongées avec leurs mères dans des cellules de prison, dans des conditions atroces, et leur propre pays, le « pays des droits de l’homme », un pays qui a ratifié la Convention Internationale des droits de l’enfant il y a 30 ans, les condamne à un enfermement sans fin dans une prison à ciel ouvert, dans une zone de non-droit qui est devenue le plus grand pénitencier international pour enfants du monde. 

Ce qui est infligé à ces enfants est une ignominie absolue. Les autorités françaises ont rapatrié 35 enfants des camps kurdes depuis 2019, appliquant une politique du « cas par cas » qui opère un tri, une sélection infâme parmi les enfants, et laisse l’immense majorité d’entre eux dans l’enfer des camps. 

Depuis 2019, plus de 1000 enfants étrangers ont été rapatriés dans leurs pays d’origine : parmi eux, une centaine d’enfants des pays de l’Union Européenne. 

Les pays les plus démocratiques sont les plus réticents à respecter les droits de l’enfant et leurs propres engagements internationaux : la Russie, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan ont déjà rapatrié, eux, des centaines d’enfants et leurs parents.  

Mais les choses évoluent : la Finlande, plaçant « l’intérêt supérieur de l’enfant » au centre de sa politique, est enfin décidée à rapatrier tous les enfants finlandais et leurs mères ; l’Italie, l’Allemagne, la Belgique ont rapatrié des enfants avec leurs mères ; le Danemark a annoncé des rapatriements de femmes et d’enfants, et la situation pourrait se débloquer en Suède et aux Pays-Bas.

Devant ces évolutions, devant la multiplication des prises de position en faveur du rapatriement des enfants et de leurs mères, les autorités françaises, elles, restent muettes, ou se contentent de rappeler de temps à autre sa « doctrine » qui veut que les ressortissants français doivent être jugés sur place. Cette « doctrine » est obsolète depuis longtemps, et la France le sait parfaitement : aucun procès valable juridiquement n’aura lieu sur place, les autorités qui détiennent nos ressortissants n’étant pas un État, et l’idée d’un tribunal international dans la région est enterrée. Les autorités locales du Rojava ont par ailleurs rappelé, au mois de mars dernier, qu’elles ne voulaient ni ne pouvaient juger ces femmes avant, pour la énième fois, d’appeler les pays étrangers à les rapatrier. 

Précisons que l’accès au camp de prisonniers Roj, où sont à présent détenue la grande majorité des familles françaises, est généralement autorisé aux journalistes, mais interdit aux familles françaises, aux avocats français, aux parlementaires français, et ceci selon toute vraisemblance à la demande des autorités françaises : dans ces conditions, parler d’organiser des procès sur place qui respecteraient les normes internationales est indécent.  

L’Administration kurde et les autorités américaines qui dirigent la Coalition contre Daech demandent aux pays concernés de rapatrier leurs ressortissants, en particulier les enfants qui vivent un enfer sur place depuis des années, et leurs mères, qui, dans le cas des Françaises, sont toutes sur le coup de mandats d’arrêt internationaux émis par des juges français. Renvoyer les « procès sur place » à l’éventualité de l’instauration d’une « paix stable » en Syrie, au moment où Bachar Al-Assad (considéré comme un criminel de guerre par la majorité des États européens) entame à Damas un quatrième mandat présidentiel, est une mascarade et une tromperie, encore évoquées récemment par un ministre français.

Dans ces conditions, seuls les rapatriements et des jugements (pour ce qui concerne les adultes) dans les pays d’origine sont conformes au droit international et à la Convention internationale des droits de l’enfant. De surcroît, tous les spécialistes de l’anti-terrorisme, y compris des institutions étatiques, estiment que les rapatriements garantissent la sécurité à long terme des États beaucoup plus que des détentions sans droit ni titre, sans perspective, dans une zone totalement instable.

Le calvaire des enfants français dans les camps de prisonniers du nord-est de la Syrie n’a que trop duré. Faire souffrir ainsi des enfants, piétiner leurs droits, les livrer au pire, mettre en danger leur vie est indigne de notre Pays. Il faut maintenant abandonner la doctrine du « cas par cas », qui discrimine les enfants et n’est que l’alibi hypocrite du non-rapatriement, et l’habillage d’une politique inhumaine, indigne d’un État comme le nôtre, et contraire à toute éthique. 

C’est maintenant qu’il faut rapatrier : les enfants, qui souffrent en ce moment d’un été caniculaire, ne peuvent pas passer un nouvel hiver derrière des barbelés pour des considérations politiques ou électorales. La France refuse même de rapatrier des enfants et des femmes gravement malades ou atteintes de pathologie engageant leur pronostic vital, et des orphelins abandonnés à leur sort depuis des années.

Le Collectif des Familles Unies appelle une nouvelle fois au rapatriement de tous les ressortissants français prisonniers en Syrie et en Irak.

Le Collectif des Familles Unies appelle au rapatriement immédiat de TOUS les enfants français détenus dans des camps de prisonniers du Nord-Est de la Syrie et de leurs mères. L’incarcération prolongée de tous ces enfants innocents est un crime qui signe le mépris de la France pour tous ses engagements internationaux et son inhumanité. 

Le 29 juillet 2021

Le Collectif des Familles Unies