Lisa est arrivée en Syrie il y a sept ans, laissant derrière elle sa vie de petite fille normale dans une grande ville de l’ouest de la France. (RAYMOND ALBOUY / RADIO FRANCE)
Derrière les barbelés de cette prison à ciel ouvert, en plein désert, l’une des gardiennes kurdes nous conduit sous la tente de Sophia, 16 ans. Sophia est née en banlieue parisienne, elle avait 8 ans quand sa mère l’a emmenée en Syrie.
Aujourd’hui, Sophia vit toute seule, dans ce camp avec ses trois petits frères. Leur mère et leur sœur sont mortes. Au sol, trois matelas, une vieille télé et quelques couvertures. Abattue, Sophia a perdu tout espoir de rentrer un jour dans son pays. « C’est difficile, j’aimerais rentrer en France, c’est mon pays, je ne veux pas rester dans le camp,explique-t-elle, éteinte. J’ai plein de famille en France : mes tantes, ma grand-mère, mon grand-père. Je suis fâchée : cela fait longtemps qu’on croit qu’ils vont nous rapatrier et à chaque fois qu’on a l’espoir, eh ben on perd espoir. »
» Cela fait presque quatre ans qu’on est dans le camp, seuls, sans mère. On n’a rien à faire ici. Pourquoi les gens disent que je suis un danger ? Je suis venue ici quand j’étais petite, avec ma mère. Je ne sais pas pourquoi je serais un danger. «
Sophia, 16 ans à franceinfo
Un visage d’enfant, un corps tout frêle. Les orphelins se nourrissent des rations qu’on leur distribue : du riz, des lentilles, du sucre. Trois fois par semaine, ils vont à l’école : au programme l’arabe, l’anglais et les mathématiques. Pas loin, Lisa, 14 ans, a elle aussi perdu sa mère et ses deux frères dans la bataille de Baghouz, lors de la chute du califat. Gravement blessée, elle vit avec sa grande sœur Sarah chez une femme ouzbèke. « Lors de la guerre, là-bas, tout le monde mourait, décrit Lisa. Quand nous avons fui, dans la montagne, il y avait plein de bombes. Ma mère a reçu une bombe sur elle. Elle et mes frères sont morts. Puis il y a eu des balles sur moi, sur mon bras, et je suis tombée. Puis il y a eu des balles dans mes jambes. Après, des militaires sont venus nous porter et je suis venue ici à Roj. »
Un petit garçon joue dans le camp avec son camion. (RAYMOND ALBOUY / RADIO FRANCE)
« J’aimerais bien retourner en France dans ma famille. C’est dur, ici, dans le camp. Si ça avait été entre nos mains, jamais on ne serait venus ici. On était trop petits. On ne serait jamais venus là. »
Lisa, 14 ans, à franceinfo
À Roj, plus de 300 femmes et enfants sont rentrés l’année dernière dans leur pays : en Allemagne, en Suède ou en Belgique. La France elle n’a rapatrié que sept enfants en 2021. Paris refuse catégoriquement de rapatrier les mères, ce qui les oblige à un choix douloureux : se séparer de son enfant, avec qui elles vivent et dorment, pour lui offrir une meilleure vie en France. Dans le camp, elles sont encore 80 femmes, accompagnées de leurs 200 enfants français. Parmi elles, Celia mère jihadiste de 27 ans, qui se dit prête à se séparer de son fils, mais le cœur brisé.
« Mon fils me demande : ‘J’ai cinq ans, maman… Est-ce que j’irais à l’école ?’ «
Célia à franceinfo
« Je lui fais l’école, poursuit Célia, la voix brisée par les sanglots, mais je n’ai aucun support. Un enfant de cinq ans, il va à la maternelle, il a une maîtresse. Alors il me dit :’Maman, même si je pars, toi, tu viendras et tu reviendras me chercher.’Quand votre fils vous dit cela, vous avez votre coeur de mère qui est déchiré parce que vous aimez votre enfant plus que tout. Mais à côté de cela, vous voulez le meilleur pour lui. Pourquoi faire encore un traumatisme à un enfant en le séparant de sa mère ? Alors qu’on leur demande d’être rapatriées, et qu’on regrette, qu’on sait ce qui nous attend, qu’on paiera. On le sait. Mais en attendant, on est toujours là. »
Dans le camp, 80 femmes françaises et leurs 200 enfants attendent un signe de l’Etat français, qui refuse de les rapatrier ensemble. (RAYMOND ALBOUY / RADIO FRANCE)
Au moins 62 enfants seraient morts dans les camps à cause de ces conditions depuis le début de l’année 2021
Le refus de la France de rapatrier des enfants français détenus dans des camps syriens dans des conditions mettant leur vie en danger depuis des années viole leur droit à la vie, ainsi que leur droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants, a déclaré le Comité des droits de l’enfant de l’ONU jeudi.
Le Comité des droits de l’enfant (CRC) a publié ses constatations après avoir examiné trois requêtes déposées par un groupe de ressortissants français dont les petits-enfants, nièces et neveux sont actuellement détenus dans les camps de Roj, d’Aïn Issa et d’Al-Hol, qui sont sous le contrôle des forces kurdes.
Les trois cas concernent 49 enfants français. Certains d’entre eux sont nés en République arabe syrienne, tandis que d’autres y ont voyagé avec leurs parents français à un très jeune âge. Leurs parents auraient collaboré avec le groupe terroriste Daech.
Depuis que les proches ont porté leur cas devant le Comité en 2019, le gouvernement français a rapatrié 11 de ces enfants. Les 38 autres enfants victimes, dont certains n’ont que cinq ans, sont toujours détenus dans des camps fermés en zone de guerre.
Selon le Comité, « la France a la responsabilité et le pouvoir de protéger les enfants français dans les camps syriens contre un risque imminent pour leur vie en prenant des mesures pour les rapatrier ».
Le Comité a en outre considéré que la détention prolongée des enfants victimes dans des conditions mettant leur vie en danger « équivaut également à des peines ou traitements inhumains et dégradants » et conclu que la France « n’avait pas démontré qu’elle avait dûment pris en compte l’intérêt supérieur des enfants victimes lors de l’évaluation des demandes de rapatriement de leurs proches ».
Le Comité a exhorté la France à prendre des mesures urgentes pour rapatrier les 38 enfants victimes restants.
Dans l’intervalle, il a demandé à ce pays de prendre des mesures supplémentaires pour atténuer les risques pour la vie, la survie et le développement des enfants victimes pendant leur séjour dans le nord-est de la Syrie.
« Nous demandons à la France de prendre des mesures immédiates, car chaque jour qui passe crée un risque pour de nouvelles victimes », a souligné Mme Skelton.
La France a violé les droits des enfants français détenus dans des camps en Syrie en refusant de les rapatrier, a affirmé jeudi un comité de l’ONU, après avoir examiné des requêtes concernant 49 enfants français. Le Comité exhorte la France à prendre des mesures urgentes pour rapatrier les 38 enfants victimes restants.
La France a violé les droits des enfants français détenus en Syrie en omettant de les rapatrier, a affirmé jeudi 24 février un comité de l’ONU, après avoir examiné des requêtes concernant 49 enfants français.
« Le refus de la France de rapatrier des enfants français détenus dans des camps syriens dans des conditions mettant leur vie en danger depuis des années viole leur droit à la vie, ainsi que leur droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants », a déclaré le Comité des droits de l’enfant, dans un communiqué.
Il a estimé que « la France a la responsabilité et le pouvoir de protéger les enfants français dans les camps syriens contre un risque imminent pour leur vie en prenant des mesures pour les rapatrier ».
Ce Comité est composé de 18 experts indépendants chargés de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant par ses États parties.
Il a publié ses constatations concernant la France après avoir examiné trois requêtes déposées par un groupe de ressortissants français dont les petits-enfants, nièces et neveux sont actuellement détenus dans les camps de Roj, d’Aïn Issa et de Al-Hol, qui sont sous le contrôle des forces kurdes.
38 enfants toujours détenus en zone de guerre
Les trois cas concernent 49 enfants français, dont les parents auraient collaboré avec le groupe État islamique (ou Daech). Certains sont nés en Syrie, tandis que d’autres y ont voyagé avec leurs parents français à un très jeune âge.
Depuis que les proches ont porté leur cas devant le Comité en 2019, le gouvernement français a rapatrié 11 de ces enfants. Les 38 autres enfants victimes, dont certains n’ont que cinq ans, sont toujours détenus dans des camps fermés en zone de guerre.
Le Comité de l’ONU a estimé que « la France a la responsabilité et le pouvoir de protéger les enfants français dans les camps syriens contre un risque imminent pour leur vie, en prenant des mesures pour les rapatrier ».
Il a en outre considéré que la détention prolongée des enfants victimes dans des conditions mettant leur vie en danger équivaut également à « des peines ou traitements inhumains et dégradants ».
Les experts ont également conclu que la France n’avait pas démontré « qu’elle avait dûment pris en compte l’intérêt supérieur des enfants victimes lors de l’évaluation des demandes de rapatriement de leurs proches ».
En conclusion, le Comité exhorte la France à prendre des mesures urgentes pour rapatrier les 38 enfants victimes restants.
Dans l’intervalle, il demande aux autorités françaises « de prendre des mesures supplémentaires pour atténuer les risques pour la vie, la survie et le développement des enfants victimes pendant leur séjour dans le nord-est de la Syrie ».
Source : IMAGO/epd, photo prise dans le camp de Roj
Le 15 février dernier, une conférence de presse était organisée au siège de la Ligue des Droits de l’Homme à Paris, réunissant nombre d’acteurs engagés en faveur du rapatriement des femmes et enfants français prisonniers dans les camps du Nord-Est Syrien. Etaient notamment présents Henri Leclerc, Patrick Baudouin (LDH), Bénédicte Jeannerod (HWR), Adeline Hazan (UNICEF), Marie Dosé, Sophia Aram, Marie Desplechin, Rachid Benzine, Serge Hefez…
Cette conférence de presse s’inscrivait dans la succession récente de prises de position de la part de personnalités politiques, de professionnels de l’enfance et de la santé, d’avocats, et de personnalités publiques d’horizons divers pour que soient enfin rapatriés ces 200 enfants français et leurs mères détenus en Syrie depuis 3, 4 et parfois 5 ans.
En quelques mois en effet, ont été publiées les tribunes de Bernard Cazeneuve et François Zimeray, d’Arthur Dénouveaux et Me Jean-Marc Delas, et de Serge Hefez et quatre autres pédopsychiatres de renom. Rachid Benzine, islamologue et écrivain, a consacré son dernier livre « Voyage au bout de l’enfance » à ce drame. Un collectif de marraines et parrains de ces enfants a été créé réunissant des artistes et intellectuels, et près de 200 parlementaires ont publiquement soutenu l’appel au rapatriement de ces enfants et de leurs mères.
L’actualité mortifère en Syrie a conduit à renforcer cette kyrielle de voix qui s’élève. Chaque jour, les conditions de vie dans les camps du nord-est syrien se dégradent : un enfant a été tué dans le camp d’Al Hol par un garde kurde, des tentes ont été incendiées dans le camp de Roj, et la Prison Al-Sinaa d’Hassaké a fait l’objet d’un assaut des combattants de Daech.
Lors de cette conférence de presse, les intervenants ont fait part de leur incompréhension et de leur profonde colère face au refus obstiné du gouvernement de rapatrier les femmes et les enfants français. Tous ont pointé les multiples incohérences d’une telle décision irresponsable et inhumaine.
Le refus de rapatrier : une ineptie sécuritaire
Adeline Hazan, vice-présidente d’Unicef France, a mis en parallèle l’impérieuse protection des droits de l’enfant et la sécurité nationale : « il y a un article dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui concerne la protection des enfants dans les conflits armés. Le président de la république a indiqué que se battre pour les enfants c’était se battre pour les enfants se trouvant dans les conflits armés. Pour que l’Etat de droit soit respecté, il faut absolument que ces enfants soient rapatriés. Il en va des droits des enfants mais il en va également de la sécurité de la France. Ces enfants sont en danger de mort, de devenir des orphelins mais également en danger d’être embrigadés, de devenir des enfants ou adolescents qui vont détester leur pays. Il faut savoir que dans ces camps une fois que ces enfants ont atteint douze ans ils sont de fait transférés dans des prisons pour adolescents. Rapatrions ces enfants ils ne peuvent plus attendre ! »
Marie Dosé, avocate de nombreuses familles, a par ailleurs souligné que ces femmes étaient nées en France, qu’elles avaient grandi en France, avaient été scolarisées en France, et s’étaient radicalisées en France : « qu’on le veuille ou non, cette histoire est notre histoire et il va falloir la regarder en face. Elles ne sont judiciarisées qu’en France et ne peuvent être jugées qu’en France ». Précisant par ailleurs que certaines de ces femmes, de retour en France après avoir fui les camps, sont une source de renseignements considérable pour la DGSI et les magistrats instructeurs antiterroristes : « l’une d’entre elles est la colonne vertébrale de tant de dossiers, et tout particulièrement du dossier d’instruction consacré aux crimes perpétrés par Daech sur les yézidis ».
Et de rappeler, sur un registre plus sécuritaire, les propos qu’avait pu tenir Edouard Philippe en 2019 : « je préfère qu’ils soient jugés et condamnés en France plutôt qu’ils se dispersent dans la nature pour fomenter d’autres actions, y compris contre notre pays. »
Alors que se déroule en ce moment même le procès des attentats du 13 novembre 2015, Me Jean-Marc Delas et Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan et Président de Life for Paris, association de victimes des attentats, ont signé une tribune dans le journal Le Monde, exhortant les autorités françaises à procéder au rapatriement de ces enfants et femmes français : « si nous sommes aussi sûrs de notre justice, et de l’efficacité du suivi judiciaire, alors ramenons les djihadistes français ou leurs veuves, jugeons-les et ayons confiance dans notre capacité à les maîtriser. Et prenons en charge leurs enfants, qui croupissent dans ces camps, pour les élever ».
Qui peut encore raisonnablement soutenir qu’il est plus pertinent de laisser des femmes – potentiellement dangereuses – dans des camps tenus par les kurdes qui appellent eux-mêmes les États à rapatrier leurs nationaux – que de rapatrier ces femmes sous le coup d’un mandat d’arrêt international français qui, dès qu’elles mettront un pied sur le territoire national, seront arrêtées, mis en examen et placées en détention provisoire ?
Et à ceux qui soutiendraient que la France n’a pas les moyens de prendre en charge ces femmes et ces enfants, « est-il plus coûteux de penser et mettre en œuvre un plan de rapatriement pour sauver nos enfants du pire plutôt que de construire sur mesure une salle d’audience hors norme qui accueillera des milliers de parties civiles endeuillées par des attentats qui auront été fomentés au sein de ces camps, la France ayant laissé faire ? » s’indigne Morgane Fanchette, Présidente de l’Association des Droits Humains de la Sorbonne.
Ce refus de rapatrier ne trouve aucune justification sérieuse et digne de ce nom sur un registre sécuritaire : il laisse en réalité entrevoir son caractère éminemment politique, pour ne pas dire politicien, dicté par une vox populi volontairement mal informée.
Un refus éminemment politique guidé par une opinion publique figée dans le pire
Marie Dosé confie sans ambages l’évolution de ses échanges avec le gouvernement : « que les choses soient claires, c’est l’Elysée qui bloque. J’ai été reçue à plusieurs reprises par le Quai d’Orsay, et on m’a dit il y a de cela un peu plus d’un an, le Quai d’Orsay c’est terminé. Cela se décide à l’Elysée. C’est une décision d’Emmanuel Macron donc votre interlocuteur ce n’est désormais plus que l’Elysée. C’est étrange car Emmanuel Macron s’est opposé à un moment précis et à juste titre contre la déchéance de nationalité. Or, de facto, c’est cette déchéance qu’il assume complètement aujourd’hui, de surcroît sur des enfants. On est dans plusieurs mensonges d’Etat. Et tout particulièrement lorsqu’on nous explique que les opérations de rapatriement sont beaucoup trop compliquées – ce qui a d’ailleurs été soulevé devant la Cour européenne de façon assez cavalière mais assumée. C’est un mensonge ! »
Elle continue, chiffres à l’appui : « 1844 étrangers ont été rapatriés dans leur pays depuis 2019, en grande majorité femmes et enfants. Du 1er janvier au 31 décembre 2021 : 331 femmes et enfants rapatriés dont 97 femmes et enfants européens, dont sept enfants français. Il n’y a plus de rapatriement organisé par la France depuis treize mois. On nous explique que c’est beaucoup trop dangereux pour la France alors qu’en février 2022, au moment précis où la situation sécuritaire sur place est désastreuse, le Pays-Bas a rapatrié seize femmes et enfants. La Suède quant à elle a rapatrié 26 femmes et enfants ces trois derniers mois. Donc lorsque l’on nous assène, à la télévision ou devant la Cour européenne, que ces opérations sont extrêmement dangereuses, que les militaires français ne sont quand même pas là pour risquer leur vie et sauver des enfants ; sachez-le, ce n’est dangereux que pour les français. »
Peut-on décemment expliquer qu’il est risqué pour les militaires français de se rendre dans ces camps alors même que les grands-parents se sont rendus à leurs abords par leurs propres moyens, et que les journalistes français y entrent et y sortent depuis des années sans la moindre difficulté ?
Et puis, l’avocate poursuit, assez émue en rappelant la mort de cette femme âgée d’à peine 28 ans, en décembre dernier, dont la petite fille, orpheline désormais, se trouve seule dans le camp de Roj : « A 42 reprises, j’ai demandé le rapatriement de cette femme qui était très malade, et qui est morte à 28 ans dans le camp Roj. J’ai envoyé les photos de ses bras à l’Elysée. Je suis allée à l’Elysée en expliquant qu’elle allait mourir si elle n’était pas rapatriée. En janvier 2021, la délégation française du Ministère des affaires étrangères qui est allée chercher sept enfants qu’elle a arrachés à leurs mères est passée à côté de cette tente où cette femme agonisait devant sa petite fille de six ans, et elle les a laissés là. Le 14 décembre, cette femme est morte. Cette petite fille est entrée dans le camp à trois ans, elle a regardé sa mère souffrir et s’éteindre pendant trois ans. Elle est toute seule depuis le 14 décembre alors même que les Suédois et les Néerlandais organisent le rapatriement des enfants et de leurs mères depuis trois mois. La France laisse seule cette petite fille. Cette histoire du cas par cas, du fait du Prince, c’est profondément inhumain ! »
Enfin, elle s’indigne des propos tenus par le Ministre des affaires étrangères : « Jean-Yves Le Drian a eu le culot de nous expliquer qu’en Irak les procès étaient équitables, je le cite « les procès équitables irakiens ». Tous condamnés à mort en 10 minutes, ça s’appelle un procès équitable à la Jean Yves Le Drian ! Sur cette question, on est en-dessous de tout. Tout cela est profondément choquant. Je ne peux plus entendre « si ces enfants sont là c’est parce que les mères ne veulent pas se séparer d’eux ». Je suis en contact avec des dizaines de femmes qui depuis trois, quatre voire cinq ans disent « Maître faites tout pour qu’on rentre » et elles restent là bas. C’est un choix dicté par une opinion publique que l’on fige dans le pire. »
Rachid Benzine, islamologue et auteur de Voyage au bout de l’enfance, paru en janvier 2022, confie les mots qu’avait pu tenir le Président de la République sur ce sujet : « lors du grand débat qui a eu lieu à l’Élysée à l’occasion des gilets jaunes, j’avais eu l’occasion de poser la question à Emmanuel Macron sur le sort de ces enfants. Il n’a pas souhaité répondre. Quand je suis allé le voir, il m’a dit « tant que je suis Président, il est hors de question». »
Serge Hefez, pédopsychiatre, s’est occupé des adolescents qui tombaient dans les filets de Daech. Lorsque les premiers enfants dont les familles s’étaient enfuies par la Turquie sont revenus, un juge pour enfants de Bobigny lui avait demandé de les suivre et de les expertiser : « ce sont des enfants polytraumatisés qui pour certains avaient vu leurs parents mourir sous leurs yeux. Quand j’entends dire que l’on pourrait rapatrier ces enfants sans leurs mères, j’ai les cheveux qui se dressent sur la tête ! Je me dis mais dans quel pays on est, pour imaginer que ces enfants qui sont collés à leurs mères depuis leur naissance, qui ne connaissent qu’elles, qui n’ont qu’elles comme lien affectif… c’est comme si leur cordon ombilical était encore relié à leurs mères, dans quel pays est-on pour imaginer que l’on puisse comme ça, du jour au lendemain, séparer ces enfants de leurs mères ! Ça me parait juste ahurissant. Lorsque l’on dit qu’il n’y a aucune raison logique que ces enfants et femmes ne reviennent pas, il n’y en a qu’une : c’est une simple raison électorale. Il y a une telle hypocrisie autour de cela. »
Peut-on sérieusement reprocher à un pédopsychiatre de se fourvoyer dans de l’angélisme inconsidéré ? Ou son analyse, nourrie par son expérience, ne devrait-elle pas être écoutée et prise en considération pour endiguer ce qui est aujourd’hui un désastre humain, et sera demain un fléau à combattre en France ?
Cette conférence de presse a également été l’occasion de rappeler que l’opinion publique n’était pas figée dans le temps, et qu’elle demeurait au contraire capable d’évolution. Si le gouvernement cessait de la figer dans le pire et faisait preuve de pédagogie, tel qu’il a su le faire à maintes reprises sur bien d’autres sujets, nombre de Français percevraient l’impérieuse nécessité de faire face à nos responsabilités.
Le regretté Jean-Yves Moyart écrivait dans son livre « Maître Mô » à propos de l’hypocrisie de l’opinion publique « et tous ceux, dans l’opinion publique, cette espèce de grande putain, qui osent soutenir ce type de décision uniquement sécuritaire ou censée l’être, sans réfléchir un instant à qui on va l’appliquer, et qui changeraient immédiatement d’avis si cette petite fille en ciré jaune trop grand était leur enfant ou leur sœur… »
Mais pour aller à l’encontre de « cette espèce de grande putain », encore faut-il faire preuve d’un courage politique qui manque singulièrement à ce gouvernement enclin à conforter les relents pseudo-sécuritaires les plus vils.
La vie d’un enfant est-elle moins importante qu’un point de sondage ? La politique politicienne nous a-t-elle gangrenés à ce point ?
Un désastre humanitaire
Il ne faut pour autant pas oublier que c’est avant tout un désastre humanitaire qui se trame dans ces camps.
Henri Leclerc a rappelé que le sort de ces enfants n’était finalement rien d’autre qu’une question d’humanité : « Par n’importe quel moyen, il faut faire revenir ces enfants en France. Ils ont des attaches familiales en France et en plus l’organisation de leur retour est très bien prévue, les ASE sont mobilisées. C’est un refus du gouvernement français incompréhensible. Il faut que nous commencions une bataille, il y a des enfants qui vont mourir nous le savons ! C’est un problème d’humanité tout simplement ! Il faut sur ce sujet réveiller l’opinion publique. »
Patrick Baudouin, avocat et Président d’honneur de la Fédération internationale pour les Droits humains (FIDH), quant à lui, précise « aucun argument sérieux à opposer au rapatriement des enfants français. Au contraire, tout milite en faveur de ce rapatriement. Voilà maintenant plus de trois ans pour la plupart de ces enfants que ceux-ci sont détenus dans des conditions qui peuvent être qualifiées de inhumaines et dégradantes. Ces enfants ne sont pas des coupables, ils sont des victimes. Ils n’ont pas choisi de partir en Irak ou en Syrie. Face à cette situation, la France utilise toute une série d’arguties pour expliquer qu’il n’est pas possible de procéder au rapatriement. Or, c’est totalement inexact. D’abord, il y a des conventions internationales qui font obligation à la France de protéger les enfants qui sont des enfants français, et il est évident qu’il y a une violation de ces conventions internationales. Ensuite, il y a eu des rapatriements qui ont été faits, trente-cinq exactement. Cela prouve qu’il est possible de rapatrier ces enfants et de procéder aux opérations de rapatriement. Pendant très longtemps, on nous a dit qu’il n’était pas possible de rapatrier car il n’y avait pas de contrôle de la zone par la France. C’est évidemment totalement faux. Et c’est d’autant plus faux que c’est un fardeau pour les Kurdes qui demandent à ce que ce rapatriement soit fait. C’est donc un argument purement fallacieux. Enfin, c’est absurde de dire que cela poserait un problème à la Justice française. La Justice française est parfaitement opérationnelle ! »
Un représentant du Collectif des Familles unies, « Marc », dont quatre des petits-enfants se trouvent dans le camp de Roj, a livré un témoignage poignant sur les conditions de vie à Roj et son désarroi face à l’obstination du gouvernement français de laisser périr des enfants : « depuis août 2020, les familles qui étaient à Al-Hol ont été transférées à Roj. Pendant ce transfert, les enfants ont passé des mois en prison où ils étaient les uns sur les autres, certains enfants ont pu assister aux interrogatoires de leurs mères, à leurs mises à nue. Nous sommes en contact avec eux, nous savons exactement ce qu’il se passe dans ces camps. En même temps, nous connaissons aussi leurs sourires et c’est ce qui nous fait tenir. On a envie de crier car nos petits-enfants, on est en train de les laisser mourir. Les premiers enfants sont arrivés dans le camp de Roj début 2017. En 2018, ce sont les premiers enfants français qui sont nés dans le camp de Roj. Ces enfants ont passé cinq ans dans des camps. Ces années qu’on leur a volées, on ne pourra jamais leur rendre. Cela devient purement et simplement de l’infamie. Il y a deux mois, des soldats sont arrivés et ont arraché une dizaine d’enfants à leurs mères et à leurs fratries pour les emmener dans des prisons. Le dispositif de retour des enfants est prêt, il fonctionne. Alors je dis simplement à Emmanuel Macron : arrêtez de faire la guerre aux enfants, rapatriez-les ! »
Sophia Aram a, quant à elle, expliqué l’opération de parrainages à laquelle une cinquantaine de personnalités publiques participent : « on voulait leur dire qu’en France, il y avait des personnes qui s’inquiétaient pour eux, qui réclamaient leur retour. On veut leur dire qu’on les attend, on connait leur histoire, leur visage. On a honte de ce qui est fait, de ce qui n’est pas fait. C’est symbolique mais c’est mieux que rien. On s’inquiète pour eux.Il faut arrêter de dire qu’ils sont des enfants de Daech. On condamne à mort ces enfants, à l’oubli et au néant. Nous on refuse et on ne veut pas les laisser croire que tout le monde est d’accord avec cela. Ils font partie de la République, ce sont de futurs citoyens. »
Marie Desplechin a lancé, légèrement offusquée : « il y a des millions de gens qui sont émus par des vidéos de chatons, franchement ce n’est pas possible que dans ces gens, il n’y en ait pas qui soient troublés par des enfants qui sont en train de mourir dans un camp ! »
L’urgence du rapatriement
Il y a urgence à rapatrier ces enfants, l’actualité du Nord-Est syrien le démontre un peu plus chaque jour et Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Watch Rights, s’est indignée face à l’immobilité du gouvernement : « que faut-il de plus pour que la France réagisse enfin, pour que le gouvernement français sorte de cette impasse et ramène les femmes et les enfants ? Faut-il qu’il y ait d’autres assauts et d’autres décès d’enfants pour qu’elle se décide enfin à agir ? ».
Ne relève-t-il pas de la folie humaine de préférer fabriquer des enfants soldats que d’éduquer de petits écoliers ?
Écouter ces grands-parents qui se battent chaque jour avec tant de dignité pour retrouver, serrer dans leurs bras, éduquer, offrir une enfance à leurs petits-enfants ; c’est chérir d’autant plus les souvenirs des bras réconfortants de nos grands-parents.
Nous n’espérons plus qu’une chose : que ces futurs brillants écoliers, qui ont, comme tous les enfants, une force de résilience extraordinaire, puissent connaître ces mêmes émotions, ce même amour de leurs proches, et que leur enfance ne rime plus qu’avec rêves et espoirs car elle n’aurait jamais dû être autre chose que cela.
Avec la LDH, la FIDH, Amnesty International, Human Rights Watch, l’UNICEF-France, le Collectif des Familles Unies et de nombreuses personnalités de la société civile
Émission préparée par la Ligue des Droits de l’Homme avec Françoise Dumont (Présidente d’honneur de la LDH), Maître Marie Dosé et un représentant du Collectif des Familles Unies
Enfants français détenus dans les camps au nord-est de la Syrie
Comme en septembre 2019 , la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) exhorte une fois encore la France à rapatrier de toute urgence tous ces enfants, sans exception, ainsi que leurs mères.
Alors qu’une ressortissante française de 28 ans est décédée hier dans l’un des camps du Nord-Est syrien contrôlés par les forces kurdes, laissant orpheline une fille de 6 ans, 200 enfants français s’apprêtent à passer un deuxième, troisième, quatrième, parfois cinquième hiver dans des conditions inhumaines, retenus dans ces camps pour la seule raison que leurs parents ont fait le choix de rejoindre l’Etat islamique. Depuis 2018, la France a accepté de n’en rapatrier que 35. Comme en septembre 2019, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) exhorte la France à rapatrier de toute urgence tous ces enfants, sans exception, ainsi que leurs mères.
« La Convention internationale des droits de l’enfant que la France a ratifiée exige des Etats qu’ils garantissent aux enfants le respect de leurs droits, de leur dignité et de leur bien-être rappelle Jean-Marie Burguburu président de la CNCDH. Ces enfants sont des victimes. Aucun argument ne peut justifier que la France abandonne tous les enfants français encore retenus dans les camps syriens. »
Il y a urgence.
Chaque jour qui passe est un jour de trop. Ces enfants sont confrontées à des conditions de vie qui auront de conséquences physiques et psychiques irrémédiables. Comme cela a été confirmé à la CNCDH lors de la mission conjointe qu’elle a menée en Syrie avec le Conseil national des barreaux, Avocat sans frontières (ASF) France et le député Hubert Julien-Laferrière, à l’insuffisance de structures sanitaires, d’eau et de nourriture, à l’inadéquation des tentes pour protéger du froid et de la pluie, à l’absence de toute prise éducative de ces enfants délaissés, sont venues s’ajouter des tensions et une violence croissantes au sein du camp de la Roj. Lors de cette mission conjointe, les autorités kurdes ont expressément exprimé le souhait que ces enfants soient rapatriés avec leur mère.
D’autres pays européens ont rapatrié leurs enfants.
Belgique, Allemagne, Italie, Danemark, Finlande… un à un les pays européens ont décidé courant 2021 de rapatrier leurs ressortissants présents dans les camps d’une part au nom de l’intérêt supérieur des enfants et d’autre part pour un impératif de sécurité, afin d’éviter que ces enfants, fragilisées et délaissés, ne soient récupérés par les djihadistes et à leur tour ne se radicalisent.
Il est nécessaire de préparer une prise en charge adaptée.
Traumatisés par des années de captivité inhumaine, ces enfants doivent impérativement bénéficier d’un dispositif de prise en charge immédiat et adapté, et qu’il soit préparé en amont du rapatriement et confiée à l’Aide sociale à l’enfance. Il est en effet essentiel que les fratries soient préservées, que le lien avec la mère, même si elle est poursuivie et détenue, soit maintenu et que le plus rapidement possible, les enfants puissent avoir des liens avec les autres membres de leur famille.
Campde prisonniers en Syrie où des enfants français sont détenus avec leur mère.
Elle avait 28 ans. Depuis le mois de février 2019, elle était prisonnière avec sa petite fille de 6 ans dans le camp de prisonniers Roj, au nord-est de la Syrie.
Elle fait partie des 80 femmes françaises qui se sont rendues aux forces kurdes avant la chute du dernier bastion de l’EI, ou qui ont été emmenées dans ces camps pendant la bataille de Baghouz.
Elle était diabétique, insulino-dépendante, et gravement malade. Dès le premier trimestre 2019, sa famille et Me Marie Dosé ont informé l’Élysée et le quai d’Orsay de la dégradation de son état de santé, et ont demandé un rapatriement sanitaire pour elle et sa petite fille. Ces demandes de rapatriement ont été réitérées auprès des autorités françaises durant trois ans.
En vain. En janvier 2021, les membres de la délégation française venus chercher 7 enfants arrachés à leurs mères sont passés devant la tente de cette jeune femme et de sa petite fille : ils ont fait le choix de les laisser sur place en toute connaissance de cause.
Durant presque trois ans, cette femme a souffert le martyre, sous une tente, devant sa petite fille. Mal soignée, elle a vécu une longue agonie, alternant des périodes où elle ne pouvait plus se mouvoir et des moments de rémission. Sa famille a toujours espéré que le gouvernement français, régulièrement alerté et informé de son état, finirait par la rapatrier.
Le président de la République et le gouvernement ont préféré laisser souffrir une femme durant des années, sous les yeux de sa fille, plutôt que les rapatrier toutes deux. Ils ont choisi de la laisser mourir dans l’horreur d’un camp de prisonniers, en prenant sa petite fille à témoin de son agonie.
Pour Emmanuel Macron, la présidence française de l’UE sera marquée par l’humanisme, l’esprit des Lumières, le respect des droits de l’homme. Ce qu’il nous donne à voir avec cette mort sordide, qu’il devra assumer, c’est une immense inhumanité, une absence totale d’éthique et de responsabilité, un mépris glacial pour les droits humains et pour la vie.
Aujourd’hui, c’est une femme qui meurt, une femme qu’on aurait pu, qu’on aurait dû sauver. Demain, un enfant ? Aujourd’hui, une petite orpheline de plus est livrée à elle-même dans le camp Roj, ce Guantanamo pour enfants, cette honte de notre République. Emmanuel Macron va-t-il assumer aussi des morts d’enfants ou d’autres femmes ?
Cette ignominie n’a que trop duré : combien de morts faudra-t-il pour que la France se décide à rapatrier les enfants français et leurs mères détenus dans le camp de prisonniers Roj depuis des années ?
Elle avait 28 ans. Elle est morte sous les yeux de sa petite fille un 14 décembre 2021 au matin, après trois années de souffrance. Son corps a été enterré quelques heures après sa mort, dans un coin de terre, à côté du camp Roj, loin de sa famille. Parce qu’on ne rapatrie ni les vivants ni le corps des morts… Jusqu’à quel degré d’inhumanité la France va-t-elle tomber ?
COMMUNIQUÉ DU 20 NOVEMBRE 2021JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT
Le 20 novembre, la France et le monde célèbrent la Journée internationale des droits de l’enfant et commémorent l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée Générale des Nations Unies, il y a 32 ans, de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. En signant cette Convention, les États s’engagent à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant et les droits fondamentaux des enfants.
Le Président de la République et toutes les instances officielles de la République Française célèbrent cette journée, en rappelant leur combat pour les droits de l’enfant en France et dans le monde, comme ils l’ont fait en 2017, 2018, 2019 et 2020. Durant toutes ces années, pourtant, des enfants français étaient parqués derrière les barbelés de camps de prisonniers dans le nord-est de la Syrie. Durant toutes ces années, dans les discours officiels prononcés chaque 20 novembre, aucune allusion à ces enfants meurtris, traumatisés, blessés, aucun mot pour leur souffrance et leur désespoir : une chape de plomb tombe sur ces enfants abandonnés, que l’on veut oublier, effacer, transformer en fantômes d’une République devenue sans humanité ni éthique.
Cette année encore, on fait comme si de rien n’était. Le Président de la République déclare le 11 novembre : « Se battre pour les droits de l’homme, c’est défendre les droits des enfants dans les conflits armés. » Jamais, sur le problème essentiel de la défense des enfants et de leurs droits, l’écart n’a été aussi profond entre les mots et les actes, entre les engagements et les déclarations de l’État français et la réalité sordide de sa politique d’abandon de 200 enfants français, maintenus dans des camps syriens dans des conditions ignobles. D’un côté, la France affirme son attachement au droit international humanitaire et prétend faire de la protection des enfants dans les conflits armés une « priorité absolue », et de l’autre elle participe à l’incarcération d’enfants français, dont la grande majorité a moins de 6 ans, elle prive des enfants de leur enfance et de leur avenir, elle bafoue tous leurs droits, et en premier lieu leur droit à la vie.
La France, depuis toutes ces années, n’a rapatrié que 35 enfants, alors que 1200 enfants ont été rapatriés de Syrie par d’autres pays depuis 2019. Elle est restée sourde aux appels au rapatriement de l’ONU, du Conseil de l’Europe, du Parlement Européen, de la Croix-Rouge, de l’UNICEF, de la Défenseure des Droits, de la CNCDH, de l’ensemble des organisations humanitaires. En 2021, alors que différents pays ont rapatrié plus de 220 enfants de Syrie, la France n’en a rapatrié que 7. Durant cette année, des pays de l’Union Européenne, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Suède, ont rapatrié des dizaines d’enfants et leurs mères. L’administration kurde, qui gère les camps, continue de demander aux pays étrangers de rapatrier les enfants et leurs mères.
Pour nous, grands-parents, oncles et tantes, familles des enfants français qui croupissent depuis si longtemps dans des camps de prisonniers en Syrie, cette journée du 20 novembre 2021 n’est pas une journée de célébration, c’est une journée de tristesse et de colère, car notre pays proclame son attachement aux droits de l’enfant tout en déniant ces droits à nos petits-enfants, neveux et nièces, en témoignant à leur égard d’un mépris total de l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous ne sommes pas les seuls à nous indigner de cette situation : nombreux sont ceux qui nous soutiennent, des citoyens, des personnalités de la société civile, des artistes, des parlementaires.
Les droits de l’enfant doivent être défendus sans aucune condition, ils concernent tous les enfants sans une seule exception. Il est grand temps que notre pays respecte ses engagements en faveur des droits de l’enfant, il est grand temps que l’inhumanité, l’hypocrisie, le mensonge et la lâcheté qui ont présidé jusqu’à présent à la « doctrine » française des rapatriements au « cas par cas » cèdent le pas à une véritable politique de respect des droits de tous les enfants et de leur intérêt supérieur.
L’hiver syrien arrive, avec ses températures extrêmes, les tempêtes, la pluie, l’humidité qui s’infiltre dans ces tentes où survivent ces enfants. Les risques d’incendie augmentent. Allons-nous laisser un hiver de plus des enfants avoir froid, tomber malades, souffrir ? L’État français veut-il continuer à prendre le risque de voir des enfants mourir ?
Nous avons déjà trop attendu. Les droits de l’enfant, c’est tout de suite. Il faut rapatrier tous les enfants français détenus dans les camps de prisonniers du nord-est de la Syrie, et leurs mères.
Le 20 novembre 2021.
Le Collectif des Familles Unies
« Nous ne pourrons jamais rendre à ces enfants les années d’enfance perdues qui ont été emportées dans ces camps par les conflits, la violence, les traumatismes et le désespoir. Nous pouvons cependant commencer à planifier dès aujourd’hui comment leur donner un avenir meilleur. »
Fabrizio Carboni, directeur régional du Comité International de la Croix-Rouge pour le Proche et le Moyen-Orient.