Communiqué du Collectif des Familles Unies suite aux déclarations de Jean-Yves Le Drian (RTL, 2 février 2020)

Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires Étrangères, a affirmé encore une fois, le 2 février 2020, que les ressortissants français prisonniers en Syrie et en Irak devaient être jugés sur place. Reconnaissant que tout procès est impossible pour l’instant en raison de l’état de guerre et de l’instabilité chronique de la région, il a repoussé le « processus de jugement » à la conclusion d’un hypothétique « dispositif de paix ». Le Collectif des Familles Unies rappelle que la guerre en Syrie entre dans sa neuvième année, et que le seul « dispositif de paix » actuellement en cours (parallèlement à des « pourparlers » qui n’aboutissent à rien) est incarné par la victoire progressive et inéluctable de Bachar Al Assad sur une grande partie du territoire syrien et par l’offensive meurtrière sur la région d’Idlib, où des centaines de civils, dont de nombreux enfants, sont tués. Après la victoire à Idlib, Bachar Al Assad n’a jamais caché son intention de réunifier toute la Syrie sous sa gouvernance, y compris le territoire de l’Administration autonome kurde, où se trouvent les prisons et les camps dans lesquels survivent actuellement 300 enfants français dans des conditions épouvantables.
 
L’objectif des autorités françaises serait-il, après l’organisation et la « sécurisation » d’un Guantanamo pour Français et Européens — Guantanamo qui enferme aussi des centaines d’enfants — de livrer les ressortissants français, y compris les enfants, à la « justice » syrienne et aux prisons du régime de Bachar Al Assad ? Faut-il rappeler que la France considère encore Assad comme un criminel de guerre, que des milliers de Syriens et de Syriennes ont été torturés, violés, exécutés dans des conditions atroces à l’intérieur de ces prisons syriennes ? Abandonner les ressortissants français en Syrie en attendant un « dispositif de paix » qui ne peut être que la victoire de Bachar Al Assad à court et moyen terme, c’est les livrer soit à Daesh, qui réussit désormais à récupérer un certain nombre de prisonniers et de familles, soit à un régime qui n’hésitera pas à les massacrer ou à les transformer en monnaie d’échange et de chantage.
 
Concernant les enfants, le ministre — tout en reconnaissant qu’ils sont « innocents »— persiste à ne vouloir les rapatrier qu’au « cas par cas » et au compte-gouttes, en les séparant de leurs mères et en introduisant confusément une notion d’âge (« moins de six ans »), qui ne repose sur aucune base juridique et que nous considérons comme une ignominie supplémentaire. Le Collectif des Familles Unies estime que séparer les femmes et les enfants en Syrie, ramener des enfants tout en abandonnant leurs mères (et sans doute certains de leurs frères et sœurs) dans l’horreur des camps est contraire aux principes fondamentaux de la protection de l’enfance, à la Convention Internationale des droits de l’enfant, à l’intérêt supérieur de l’enfant. Quel enfant ramené en France après avoir été arraché à sa mère supportera de la savoir périr sous la tente qui fut la sienne des mois et des années durant ? Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik et l’UNICEF rappelaient encore récemment : « Il est essentiel de ne pas les séparer ni de les emmener loin de leur mère, et de maintenir le lien affectif qui a pu se construire. » L’ONU, la Croix-Rouge, le Conseil de l’Europe, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, ont également appelé sans ambiguïté aucune la France à rapatrier les enfants avec leurs mères.
 
Le refus du rapatriement est non seulement une faute sur le plan sécuritaire, confirmée par tous les plus grands spécialistes de l’anti-terrorisme, mais il témoigne d’un manque d’humanité sans précédent dans l’histoire récente de la France de la part de nos gouvernants. Sur le congé de deuil d’un enfant, le Président Macron a demandé au gouvernement de « faire preuve d’humanité ». Pour célébrer le trentenaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, le Président Macron a rappelé que les droits des enfants « ne sont pas respectés partout » et que « notre premier combat est celui de l’éducation et de la petite enfance ». Face aux enfants français innocents et victimes de guerre, qui souffrent, qui ont faim et froid, qui survivent misérablement et qui meurent dans les camps syriens, nous demandons au Président Macron de respecter sa parole et ses engagements, et de « faire preuve d’humanité. »
 
Paris, le 2 février 2020

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