La vie de nos enfants à l’épreuve de la lâcheté politique : ignominie sans fin « Est-ce que t’as demandé à ma maîtresse si même elle, elle veut pas que je rentre ? »

February 22, 2022

ASSOCIATION DES DROITS HUMAINS DE LA SORBONNE

Source : IMAGO/epd, photo prise dans le camp de Roj

Le 15 février dernier, une conférence de presse était organisée au siège de la Ligue des Droits de l’Homme à Paris, réunissant nombre d’acteurs engagés en faveur du rapatriement des femmes et enfants français prisonniers dans les camps du Nord-Est Syrien. Etaient notamment présents Henri Leclerc, Patrick Baudouin (LDH), Bénédicte Jeannerod (HWR), Adeline Hazan (UNICEF), Marie Dosé, Sophia Aram, Marie Desplechin, Rachid Benzine, Serge Hefez…

Cette conférence de presse s’inscrivait dans la succession récente de prises de position de la part de personnalités politiques, de professionnels de l’enfance et de la santé, d’avocats, et de personnalités publiques d’horizons divers pour que soient enfin rapatriés ces 200 enfants français et leurs mères détenus en Syrie depuis 3, 4 et parfois 5 ans.

En quelques mois en effet, ont été publiées les tribunes de Bernard Cazeneuve et François Zimeray, d’Arthur Dénouveaux et Me Jean-Marc Delas, et de Serge Hefez et quatre autres pédopsychiatres de renom. Rachid Benzine, islamologue et écrivain, a consacré son dernier livre « Voyage au bout de l’enfance » à ce drame. Un collectif de marraines et parrains de ces enfants a été créé réunissant des artistes et intellectuels, et près de 200 parlementaires ont publiquement soutenu l’appel au rapatriement de ces enfants et de leurs mères.

L’actualité mortifère en Syrie a conduit à renforcer cette kyrielle de voix qui s’élève. Chaque jour, les conditions de vie dans les camps du nord-est syrien se dégradent : un enfant a été tué dans le camp d’Al Hol par un garde kurde, des tentes ont été incendiées dans le camp de Roj, et la Prison Al-Sinaa d’Hassaké a fait l’objet d’un assaut des combattants de Daech.

Lors de cette conférence de presse, les intervenants ont fait part de leur incompréhension et de leur profonde colère face au refus obstiné du gouvernement de rapatrier les femmes et les enfants français. Tous ont pointé les multiples incohérences d’une telle décision irresponsable et inhumaine.

Le refus de rapatrier : une ineptie sécuritaire

Adeline Hazan, vice-présidente d’Unicef France, a mis en parallèle l’impérieuse protection des droits de l’enfant et la sécurité nationale :  « il y a un article dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui concerne la protection des enfants dans les conflits armés. Le président de la république a indiqué que se battre pour les enfants c’était se battre pour les enfants se trouvant dans les conflits armés. Pour que l’Etat de droit soit respecté, il faut absolument que ces enfants soient rapatriés. Il en va des droits des enfants mais il en va également de la sécurité de la France. Ces enfants sont en danger de mort, de devenir des orphelins mais également en danger d’être embrigadés, de devenir des enfants ou adolescents qui vont détester leur pays. Il faut savoir que dans ces camps une fois que ces enfants ont atteint douze ans ils sont de fait transférés dans des prisons pour adolescents. Rapatrions ces enfants ils ne peuvent plus attendre ! »

Marie Dosé, avocate de nombreuses familles, a par ailleurs souligné que ces femmes étaient nées en France, qu’elles avaient grandi en France, avaient été scolarisées en France, et s’étaient radicalisées en France : « qu’on le veuille ou non, cette histoire est notre histoire et il va falloir la regarder en face. Elles ne sont judiciarisées qu’en France et ne peuvent être jugées qu’en France ». Précisant par ailleurs que certaines de ces femmes, de retour en France après avoir fui les camps, sont une source de renseignements considérable pour la DGSI et les magistrats instructeurs antiterroristes : « l’une d’entre elles est la colonne vertébrale de tant de dossiers, et tout particulièrement du dossier d’instruction consacré aux crimes perpétrés par Daech sur les yézidis ».

Et de rappeler, sur un registre plus sécuritaire, les propos qu’avait pu tenir Edouard Philippe en 2019 : « je préfère qu’ils soient jugés et condamnés en France plutôt qu’ils se dispersent dans la nature pour fomenter d’autres actions, y compris contre notre pays. »

Alors que se déroule en ce moment même le procès des attentats du 13 novembre 2015, Me Jean-Marc Delas et Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan et Président de Life for Paris, association de victimes des attentats, ont signé une tribune dans le journal Le Monde, exhortant les autorités françaises à procéder au rapatriement de ces enfants et femmes français : « si nous sommes aussi sûrs de notre justice, et de l’efficacité du suivi judiciaire, alors ramenons les djihadistes français ou leurs veuves, jugeons-les et ayons confiance dans notre capacité à les maîtriser. Et prenons en charge leurs enfants, qui croupissent dans ces camps, pour les élever ».

Qui peut encore raisonnablement soutenir qu’il est plus pertinent de laisser des femmes – potentiellement dangereuses – dans des camps tenus par les kurdes qui appellent eux-mêmes les États à rapatrier leurs nationaux – que de rapatrier ces femmes sous le coup d’un mandat d’arrêt international français qui, dès qu’elles mettront un pied sur le territoire national, seront arrêtées, mis en examen et placées en détention provisoire ?

Et à ceux qui soutiendraient que la France n’a pas les moyens de prendre en charge ces femmes et ces enfants, « est-il plus coûteux de penser et mettre en œuvre un plan de rapatriement pour sauver nos enfants du pire plutôt que de construire sur mesure une salle d’audience hors norme qui accueillera des milliers de parties civiles endeuillées par des attentats qui auront été fomentés au sein de ces camps, la France ayant laissé faire ? » s’indigne Morgane Fanchette, Présidente de l’Association des Droits Humains de la Sorbonne.

Ce refus de rapatrier ne trouve aucune justification sérieuse et digne de ce nom sur un registre sécuritaire : il laisse en réalité entrevoir son caractère éminemment politique, pour ne pas dire politicien, dicté par une vox populi volontairement mal informée.

Un refus éminemment politique guidé par une opinion publique figée dans le pire

Marie Dosé confie sans ambages l’évolution de ses échanges avec le gouvernement : « que les choses soient claires, c’est l’Elysée qui bloque. J’ai été reçue à plusieurs reprises par le Quai d’Orsay, et on m’a dit il y a de cela un peu plus d’un an, le Quai d’Orsay c’est terminé. Cela se décide à l’Elysée. C’est une décision d’Emmanuel Macron donc votre interlocuteur ce n’est désormais plus que l’Elysée. C’est étrange car Emmanuel Macron s’est opposé à un moment précis et à juste titre contre la déchéance de nationalité. Or, de facto, c’est cette déchéance qu’il assume complètement aujourd’hui, de surcroît sur des enfants. On est dans plusieurs mensonges d’Etat. Et tout particulièrement lorsqu’on nous explique que les opérations de rapatriement sont beaucoup trop compliquées – ce qui a d’ailleurs été soulevé devant la Cour européenne de façon assez cavalière mais assumée. C’est un mensonge ! »

Elle continue, chiffres à l’appui : « 1844 étrangers ont été rapatriés dans leur pays depuis 2019, en grande majorité femmes et enfants. Du 1er janvier au 31 décembre 2021 :  331 femmes et enfants rapatriés dont 97 femmes et enfants européens, dont sept enfants français. Il n’y a plus de rapatriement organisé par la France depuis treize mois. On nous explique que c’est beaucoup trop dangereux pour la France alors qu’en février 2022, au moment précis où la situation sécuritaire sur place est désastreuse, le Pays-Bas a rapatrié seize femmes et enfants. La Suède quant à elle a rapatrié 26 femmes et enfants ces trois derniers mois. Donc lorsque l’on nous assène, à la télévision ou devant la Cour européenne, que ces opérations sont extrêmement dangereuses, que les militaires français ne sont quand même pas là pour risquer leur vie et sauver des enfants ; sachez-le, ce n’est dangereux que pour les français. »

Peut-on décemment expliquer qu’il est risqué pour les militaires français de se rendre dans ces camps alors même que les grands-parents se sont rendus à leurs abords par leurs propres moyens, et que les journalistes français y entrent et y sortent depuis des années sans la moindre difficulté ?

Et puis, l’avocate poursuit, assez émue en rappelant la mort de cette femme âgée d’à peine 28 ans, en décembre dernier, dont la petite fille, orpheline désormais, se trouve seule dans le camp de Roj : « A 42 reprises, j’ai demandé le rapatriement de cette femme qui était très malade, et qui est morte à 28 ans dans le camp Roj. J’ai envoyé les photos de ses bras à l’Elysée. Je suis allée à l’Elysée en expliquant qu’elle allait mourir si elle n’était pas rapatriée. En janvier 2021, la délégation française du Ministère des affaires étrangères qui est allée chercher sept enfants qu’elle a arrachés à leurs mères est passée à côté de cette tente où cette femme agonisait devant sa petite fille de six ans, et elle les a laissés là. Le 14 décembre, cette femme est morte. Cette petite fille est entrée dans le camp à trois ans, elle a regardé sa mère souffrir et s’éteindre pendant trois ans. Elle est toute seule depuis le 14 décembre alors même que les Suédois et les Néerlandais organisent le rapatriement des enfants et de leurs mères depuis trois mois. La France laisse seule cette petite fille. Cette histoire du cas par cas, du fait du Prince, c’est profondément inhumain ! »

Enfin, elle s’indigne des propos tenus par le Ministre des affaires étrangères : « Jean-Yves Le Drian a eu le culot de nous expliquer qu’en Irak les procès étaient équitables, je le cite « les procès équitables irakiens ». Tous condamnés à mort en 10 minutes, ça s’appelle un procès équitable à la Jean Yves Le Drian ! Sur cette question, on est en-dessous de tout. Tout cela est profondément choquant. Je ne peux plus entendre « si ces enfants sont là c’est parce que les mères ne veulent pas se séparer d’eux ». Je suis en contact avec des dizaines de femmes qui depuis trois, quatre voire cinq ans disent « Maître faites tout pour qu’on rentre » et elles restent là bas. C’est un choix dicté par une opinion publique que l’on fige dans le pire. »

Rachid Benzine, islamologue et auteur de Voyage au bout de l’enfance, paru en janvier 2022, confie les mots qu’avait pu tenir le Président de la République sur ce sujet  : « lors du grand débat qui a eu lieu à l’Élysée à l’occasion des gilets jaunes, j’avais eu l’occasion de poser la question à Emmanuel Macron sur le sort de ces enfants. Il n’a pas souhaité répondre. Quand je suis allé le voir, il m’a dit « tant que je suis Président, il est hors de question». »

Serge Hefez, pédopsychiatre, s’est occupé des adolescents qui tombaient dans les filets de Daech. Lorsque les premiers enfants dont les familles s’étaient enfuies par la Turquie sont revenus, un juge pour enfants de Bobigny lui avait demandé de les suivre et de les expertiser : « ce sont des enfants polytraumatisés qui pour certains avaient vu leurs parents mourir sous leurs yeux. Quand j’entends dire que l’on pourrait rapatrier ces enfants sans leurs mères, j’ai les cheveux qui se dressent sur la tête ! Je me dis mais dans quel pays on est, pour imaginer que ces enfants qui sont collés à leurs mères depuis leur naissance, qui ne connaissent qu’elles, qui n’ont qu’elles comme lien affectif… c’est comme si leur cordon ombilical était encore relié à leurs mères, dans quel pays est-on pour imaginer que l’on puisse comme ça, du jour au lendemain, séparer ces enfants de leurs mères ! Ça me parait juste ahurissant. Lorsque l’on dit qu’il n’y a aucune raison logique que ces enfants et femmes ne reviennent pas, il n’y en a qu’une : c’est une simple raison électorale. Il y a une telle hypocrisie autour de cela. » 

Peut-on sérieusement reprocher à un pédopsychiatre de se fourvoyer dans de l’angélisme inconsidéré ? Ou son analyse, nourrie par son expérience, ne devrait-elle pas être écoutée et prise en considération pour endiguer ce qui est aujourd’hui un désastre humain, et sera demain un fléau à combattre en France ?

Cette conférence de presse a également été l’occasion de rappeler que l’opinion publique n’était pas figée dans le temps, et qu’elle demeurait au contraire capable d’évolution. Si le gouvernement cessait de la figer dans le pire et faisait preuve de pédagogie, tel qu’il a su le faire à maintes reprises sur bien d’autres sujets, nombre de Français percevraient l’impérieuse nécessité de faire face à nos responsabilités.

Le regretté Jean-Yves Moyart écrivait dans son livre « Maître Mô » à propos de l’hypocrisie de l’opinion publique « et tous ceux, dans l’opinion publique, cette espèce de grande putain, qui osent soutenir ce type de décision uniquement sécuritaire ou censée l’être, sans réfléchir un instant à qui on va l’appliquer, et qui changeraient immédiatement d’avis si cette petite fille en ciré jaune trop grand était leur enfant ou leur sœur… »

Mais pour aller à l’encontre de « cette espèce de grande putain », encore faut-il faire preuve d’un courage politique qui manque singulièrement à ce gouvernement enclin à conforter les relents pseudo-sécuritaires les plus vils.

La vie d’un enfant est-elle moins importante qu’un point de sondage ? La politique politicienne nous a-t-elle gangrenés à ce point ?

Un désastre humanitaire

Il ne faut pour autant pas oublier que c’est avant tout un désastre humanitaire qui se trame dans ces camps.

Henri Leclerc a rappelé que le sort de ces enfants n’était finalement rien d’autre qu’une question d’humanité : « Par n’importe quel moyen, il faut faire revenir ces enfants en France. Ils ont des attaches familiales en France et en plus l’organisation de leur retour est très bien prévue, les ASE sont mobilisées. C’est un refus du gouvernement français incompréhensible. Il faut que nous commencions une bataille, il y a des enfants qui vont mourir nous le savons ! C’est un problème d’humanité tout simplement ! Il faut sur ce sujet réveiller l’opinion publique. »

Patrick Baudouin, avocat et Président d’honneur de la Fédération internationale pour les Droits humains (FIDH), quant à lui, précise « aucun argument sérieux à opposer au rapatriement des enfants français. Au contraire, tout milite en faveur de ce rapatriement. Voilà maintenant plus de trois ans pour la plupart de ces enfants que ceux-ci sont détenus dans des conditions qui peuvent être qualifiées de inhumaines et dégradantes. Ces enfants ne sont pas des coupables, ils sont des victimes. Ils n’ont pas choisi de partir en Irak ou en Syrie. Face à cette situation, la France utilise toute une série d’arguties pour expliquer qu’il n’est pas possible de procéder au rapatriement. Or, c’est totalement inexact. D’abord, il y a des conventions internationales qui font obligation à la France de protéger les enfants qui sont des enfants français, et il est évident qu’il y a une violation de ces conventions internationales. Ensuite, il y a eu des rapatriements qui ont été faits, trente-cinq exactement. Cela prouve qu’il est possible de rapatrier ces enfants et de procéder aux opérations de rapatriement. Pendant très longtemps, on nous a dit qu’il n’était pas possible de rapatrier car il n’y avait pas de contrôle de la zone par la France. C’est évidemment totalement faux. Et c’est d’autant plus faux que c’est un fardeau pour les Kurdes qui demandent à ce que ce rapatriement soit fait. C’est donc un argument purement fallacieux. Enfin, c’est absurde de dire que cela poserait un problème à la Justice française. La Justice française est parfaitement opérationnelle ! »

Un représentant du Collectif des Familles unies, « Marc », dont quatre des petits-enfants se trouvent dans le camp de Roj, a livré un témoignage poignant sur les conditions de vie à Roj et son désarroi face à l’obstination du gouvernement français de laisser périr des enfants : « depuis août 2020, les familles qui étaient à Al-Hol ont été transférées à Roj. Pendant ce transfert, les enfants ont passé des mois en prison où ils étaient les uns sur les autres, certains enfants ont pu assister aux interrogatoires de leurs mères, à leurs mises à nue. Nous sommes en contact avec eux, nous savons exactement ce qu’il se passe dans ces camps. En même temps, nous connaissons aussi leurs sourires et c’est ce qui nous fait tenir. On a envie de crier car nos petits-enfants, on est en train de les laisser mourir. Les premiers enfants sont arrivés dans le camp de Roj début 2017. En 2018, ce sont les premiers enfants français qui sont nés dans le camp de Roj. Ces enfants ont passé cinq ans dans des camps. Ces années qu’on leur a volées, on ne pourra jamais leur rendre. Cela devient purement et simplement de l’infamie. Il y a deux mois, des soldats sont arrivés et ont arraché une dizaine d’enfants à leurs mères et à leurs fratries pour les emmener dans des prisons. Le dispositif de retour des enfants est prêt, il fonctionne. Alors je dis simplement à Emmanuel Macron : arrêtez de faire la guerre aux enfants, rapatriez-les ! »

Sophia Aram a, quant à elle, expliqué l’opération de parrainages à laquelle une cinquantaine de personnalités publiques participent : « on voulait leur dire qu’en France, il y avait des personnes qui s’inquiétaient pour eux, qui réclamaient leur retour. On veut leur dire qu’on les attend, on connait leur histoire, leur visage. On a honte de ce qui est fait, de ce qui n’est pas fait. C’est symbolique mais c’est mieux que rien. On s’inquiète pour eux.Il faut arrêter de dire qu’ils sont des enfants de Daech. On condamne à mort ces enfants, à l’oubli et au néant. Nous on refuse et on ne veut pas les laisser croire que tout le monde est d’accord avec cela. Ils font partie de la République, ce sont de futurs citoyens. »

Marie Desplechin a lancé, légèrement offusquée : « il y a des millions de gens qui sont émus par des vidéos de chatons, franchement ce n’est pas possible que dans ces gens, il n’y en ait pas qui soient troublés par des enfants qui sont en train de mourir dans un camp ! »

L’urgence du rapatriement

Il y a urgence à rapatrier ces enfants, l’actualité du Nord-Est syrien le démontre un peu plus chaque jour et Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Watch Rights, s’est indignée face à l’immobilité du gouvernement : « que faut-il de plus pour que la France réagisse enfin, pour que le gouvernement français sorte de cette impasse et ramène les femmes et les enfants ? Faut-il qu’il y ait d’autres assauts et d’autres décès d’enfants pour qu’elle se décide enfin à agir ? ».

Ne relève-t-il pas de la folie humaine de préférer fabriquer des enfants soldats que d’éduquer de petits écoliers ?

Écouter ces grands-parents qui se battent chaque jour avec tant de dignité pour retrouver, serrer dans leurs bras, éduquer, offrir une enfance à leurs petits-enfants ; c’est chérir d’autant plus les souvenirs des bras réconfortants de nos grands-parents.

Nous n’espérons plus qu’une chose : que ces futurs brillants écoliers, qui ont, comme tous les enfants, une force de résilience extraordinaire, puissent connaître ces mêmes émotions, ce même amour de leurs proches, et que leur enfance ne rime plus qu’avec rêves et espoirs car elle n’aurait jamais dû être autre chose que cela.

Pauline Gamba-Martini, membre de l’ADHS

Enfants français retenus dans les camps syriens Chaque jour de plus est un jour de trop.

CNCDH le 16 décembre 2022

Comme en septembre 2019 , la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) exhorte une fois encore la France à rapatrier de toute urgence tous ces enfants, sans exception, ainsi que leurs mères. 

Alors qu’une ressortissante française de 28 ans est décédée hier dans l’un des camps du Nord-Est syrien contrôlés par les forces kurdes, laissant orpheline une fille de 6 ans, 200 enfants français s’apprêtent à passer un deuxième, troisième, quatrième, parfois cinquième hiver dans des conditions inhumaines, retenus dans ces camps pour la seule raison que leurs parents ont fait le choix de rejoindre l’Etat islamique. Depuis 2018, la France a accepté de n’en rapatrier que 35. Comme en septembre 2019, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) exhorte la France à rapatrier de toute urgence tous ces enfants, sans exception, ainsi que leurs mères.

« La Convention internationale des droits de l’enfant que la France a ratifiée exige des Etats qu’ils garantissent aux enfants le respect de leurs droits, de leur dignité et de leur bien-être rappelle Jean-Marie Burguburu président de la CNCDH. Ces enfants sont des victimes. Aucun argument ne peut justifier que la France abandonne tous les enfants français encore retenus dans les camps syriens. »

Il y a urgence.

Chaque jour qui passe est un jour de trop. Ces enfants sont confrontées à des conditions de vie qui auront de conséquences physiques et psychiques irrémédiables. Comme cela a été confirmé à la CNCDH lors de la mission conjointe qu’elle a menée en Syrie avec le Conseil national des barreaux, Avocat sans frontières (ASF) France et le député Hubert Julien-Laferrière, à l’insuffisance de structures sanitaires, d’eau et de nourriture, à l’inadéquation des tentes pour protéger du froid et de la pluie, à l’absence de toute prise éducative de ces enfants délaissés, sont venues s’ajouter des tensions et une violence croissantes au sein du camp de la Roj. Lors de cette mission conjointe, les autorités kurdes ont expressément exprimé le souhait que ces enfants soient rapatriés avec leur mère.

D’autres pays européens ont rapatrié leurs enfants.

Belgique, Allemagne, Italie, Danemark, Finlande… un à un les pays européens ont décidé courant 2021 de rapatrier leurs ressortissants présents dans les camps d’une part au nom de l’intérêt supérieur des enfants et d’autre part pour un impératif de sécurité, afin d’éviter que ces enfants, fragilisées et délaissés, ne soient récupérés par les djihadistes et à leur tour ne se radicalisent.

Il est nécessaire de préparer une prise en charge adaptée.

Traumatisés par des années de captivité inhumaine, ces enfants doivent impérativement bénéficier d’un dispositif de prise en charge immédiat et adapté, et qu’il soit préparé en amont du rapatriement et confiée à l’Aide sociale à l’enfance. Il est en effet essentiel que les fratries soient préservées, que le lien avec la mère, même si elle est poursuivie et détenue, soit maintenu et que le plus rapidement possible, les enfants puissent avoir des liens avec les autres membres de leur famille.

L’ÉTAT FRANÇAIS LAISSE MOURIR UNE FRANÇAISE DE 28 ANS DANS LE CAMP DE PRISONNIERS ROJ, NORD-EST DE LA SYRIE

Communiqué de presse

Camp de prisonniers en Syrie où des enfants français sont détenus avec leur mère.

Elle avait 28 ans. Depuis le mois de février 2019, elle était prisonnière avec sa petite fille de 6 ans dans le camp de prisonniers Roj, au nord-est de la Syrie. 

Elle fait partie des 80 femmes françaises qui se sont rendues aux forces kurdes avant la chute du dernier bastion de l’EI, ou qui ont été emmenées dans ces camps pendant la bataille de Baghouz. 

Elle était diabétique, insulino-dépendante, et gravement malade. Dès le premier trimestre 2019, sa famille et Me Marie Dosé ont informé l’Élysée et le quai d’Orsay de la dégradation de son état de santé, et ont demandé un rapatriement sanitaire pour elle et sa petite fille. Ces demandes de rapatriement ont été réitérées auprès des autorités françaises durant trois ans. 

En vain. En janvier 2021, les membres de la délégation française venus chercher 7 enfants arrachés à leurs mères sont passés devant la tente de cette jeune femme et de sa petite fille : ils ont fait le choix de les laisser sur place en toute connaissance de cause.

Durant presque trois ans, cette femme a souffert le martyre, sous une tente, devant sa petite fille. Mal soignée, elle a vécu une longue agonie, alternant des périodes où elle ne pouvait plus se mouvoir et des moments de rémission. Sa famille a toujours espéré que le gouvernement français, régulièrement alerté et informé de son état, finirait par la rapatrier.

Le président de la République et le gouvernement ont préféré laisser souffrir une femme durant des années, sous les yeux de sa fille, plutôt que les rapatrier toutes deux. Ils ont choisi de la laisser mourir dans l’horreur d’un camp de prisonniers, en prenant sa petite fille à témoin de son agonie.

Pour Emmanuel Macron, la présidence française de l’UE sera marquée par l’humanisme, l’esprit des Lumières, le respect des droits de l’homme. Ce qu’il nous donne à voir avec cette mort sordide, qu’il devra assumer, c’est une immense inhumanité, une absence totale d’éthique et de responsabilité, un mépris glacial pour les droits humains et pour la vie. 

Aujourd’hui, c’est une femme qui meurt, une femme qu’on aurait pu, qu’on aurait dû sauver. Demain, un enfant ? Aujourd’hui, une petite orpheline de plus est livrée à elle-même dans le camp Roj, ce Guantanamo pour enfants, cette honte de notre République. Emmanuel Macron va-t-il assumer aussi des morts d’enfants ou d’autres femmes ? 

Cette ignominie n’a que trop duré : combien de morts faudra-t-il pour que la France se décide à rapatrier les enfants français et leurs mères détenus dans le camp de prisonniers Roj depuis des années ?

Elle avait 28 ans. Elle est morte sous les yeux de sa petite fille un 14 décembre 2021 au matin, après trois années de souffrance. Son corps a été enterré quelques heures après sa mort, dans un coin de terre, à côté du camp Roj, loin de sa famille. Parce qu’on ne rapatrie ni les vivants ni le corps des morts… Jusqu’à quel degré d’inhumanité la France va-t-elle tomber ?

Le 15 décembre 2021.

Le « Collectif des Familles Unies »

LA FRANCE CÉLÈBRE LES DROITS DE L’ENFANT ET LAISSE PÉRIR DES ENFANTS FRANÇAIS DANS DES CAMPS DE PRISONNIERS EN SYRIE

COMMUNIQUÉ DU 20 NOVEMBRE 2021 JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT

Le 20 novembre, la France et le monde célèbrent la Journée internationale des droits de l’enfant et commémorent l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée Générale des Nations Unies, il y a 32 ans, de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. En signant cette Convention, les États s’engagent à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant et les droits fondamentaux des enfants.

Le Président de la République et toutes les instances officielles de la République Française célèbrent cette journée, en rappelant leur combat pour les droits de l’enfant en France et dans le monde, comme ils l’ont fait en 2017, 2018, 2019 et 2020. Durant toutes ces années, pourtant, des enfants français étaient parqués derrière les barbelés de camps de prisonniers dans le nord-est de la Syrie. Durant toutes ces années, dans les discours officiels prononcés chaque 20 novembre, aucune allusion à ces enfants meurtris, traumatisés, blessés, aucun mot pour leur souffrance et leur désespoir : une chape de plomb tombe sur ces enfants abandonnés, que l’on veut oublier, effacer, transformer en fantômes d’une République devenue sans humanité ni éthique.

Cette année encore, on fait comme si de rien n’était. Le Président de la République déclare le 11 novembre : « Se battre pour les droits de l’homme, c’est défendre les droits des enfants dans les conflits armés. » Jamais, sur le problème essentiel de la défense des enfants et de leurs droits, l’écart n’a été aussi profond entre les mots et les actes, entre les engagements et les déclarations de l’État français et la réalité sordide de sa politique d’abandon de 200 enfants français, maintenus dans des camps syriens dans des conditions ignobles. D’un côté, la France affirme son attachement au droit international humanitaire et prétend faire de la protection des enfants dans les conflits armés une « priorité absolue », et de l’autre elle participe à l’incarcération d’enfants français, dont la grande majorité a moins de 6 ans, elle prive des enfants de leur enfance et de leur avenir, elle bafoue tous leurs droits, et en premier lieu leur droit à la vie.

La France, depuis toutes ces années, n’a rapatrié que 35 enfants, alors que 1200 enfants ont été rapatriés de Syrie par d’autres pays depuis 2019. Elle est restée sourde aux appels au rapatriement de l’ONU, du Conseil de l’Europe, du Parlement Européen, de la Croix-Rouge, de l’UNICEF, de la Défenseure des Droits, de la CNCDH, de l’ensemble des organisations humanitaires. En 2021, alors que différents pays ont rapatrié plus de 220 enfants de Syrie, la France n’en a rapatrié que 7. Durant cette année, des pays de l’Union Européenne, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Suède, ont rapatrié des dizaines d’enfants et leurs mères. L’administration kurde, qui gère les camps, continue de demander aux pays étrangers de rapatrier les enfants et leurs mères.

Pour nous, grands-parents, oncles et tantes, familles des enfants français qui croupissent depuis si longtemps dans des camps de prisonniers en Syrie, cette journée du 20 novembre 2021 n’est pas une journée de célébration, c’est une journée de tristesse et de colère, car notre pays proclame son attachement aux droits de l’enfant tout en déniant ces droits à nos petits-enfants, neveux et nièces, en témoignant à leur égard d’un mépris total de l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous ne sommes pas les seuls à nous indigner de cette situation : nombreux sont ceux qui nous soutiennent, des citoyens, des personnalités de la société civile, des artistes, des parlementaires.

Les droits de l’enfant doivent être défendus sans aucune condition, ils concernent tous les enfants sans une seule exception. Il est grand temps que notre pays respecte ses engagements en faveur des droits de l’enfant, il est grand temps que l’inhumanité, l’hypocrisie, le mensonge et la lâcheté qui ont présidé jusqu’à présent à la « doctrine » française des rapatriements au « cas par cas » cèdent le pas à une véritable politique de respect des droits de tous les enfants et de leur intérêt supérieur.

L’hiver syrien arrive, avec ses températures extrêmes, les tempêtes, la pluie, l’humidité qui s’infiltre dans ces tentes où survivent ces enfants. Les risques d’incendie augmentent. Allons-nous laisser un hiver de plus des enfants avoir froid, tomber malades, souffrir ? L’État français veut-il continuer à prendre le risque de voir des enfants mourir ?

Nous avons déjà trop attendu. Les droits de l’enfant, c’est tout de suite. Il faut rapatrier tous les enfants français détenus dans les camps de prisonniers du nord-est de la Syrie, et leurs mères.

Le 20 novembre 2021.

Le Collectif des Familles Unies

« Nous ne pourrons jamais rendre à ces enfants les années d’enfance perdues qui ont été emportées dans ces camps par les conflits, la violence, les traumatismes et le désespoir. Nous pouvons cependant commencer à planifier dès aujourd’hui comment leur donner un avenir meilleur. »

Fabrizio Carboni, directeur régional du Comité International de la Croix-Rouge pour le Proche et le Moyen-Orient.

LETTRE DU COLLECTIF DES FAMILLES UNIES AUX ASSOCIATIONS DÉFENDANT LES DROITS DE L’ENFANT ET LES DROITS HUMAINS

Enfants dans les camps de prisonniers en Syrie

20 NOVEMBRE 2021 : Journée Internationale des Droits de l’enfant

À l’occasion de la Journée Internationale des Droits de l’enfant, le Collectif des Familles Unies a envoyé la lettre suivante à une cinquantaine d’associations et d’organisations défendant les droits de l’enfant et les droits humains en France.

Le 20 novembre, la France, comme d’autres pays dans le monde, va célébrer la Journée Internationale des droits de l’enfant. 

À cette occasion, nous tenons à attirer votre attention sur la situation des enfants français actuellement prisonniers dans des camps en Syrie dans des conditions épouvantables.

Plus de 200 enfants français sont détenus avec leurs mères dans les camps de prisonniers Roj et Al-Hol. Ces camps sont sous le contrôle de l’Administration Autonome du nord-est de la Syrie (kurde). Ces enfants, dont une partie est née en France et une autre en Syrie, sont très jeunes : les deux tiers ont moins de 6 ans et 90 % moins de 12 ans. Certains sont nés dans les camps. Ces enfants sont détenus avec leurs mères depuis des années : leur temps de détention se situe entre 2 ans et demi pour certains, et près de 5 ans pour d’autres.

Leur situation dans ces camps a été longuement documentée par la presse et par les organisations de défense des droits humains qui ont enquêté sur place :

  • De nombreux enfants souffrent de maladies chroniques, de malnutrition, d’infections pulmonaires, de dysenterie, de maladies de peau, de problèmes oculaires et dentaires, de blessures mal soignées. L’accès aux soins est très limité.
  • Les enfants ont vécu des situations extrêmement traumatisantes, des deuils, une vie extrêmement difficile dans le camp. Aucun suivi psychologique n’est bien sûr proposé pour les enfants, aucun traitement de leurs traumatismes, et la prolongation de leur détention ne fait qu’accentuer les traumatismes et la détresse de beaucoup d’enfants.
  • Les enfants sont privés d’éducation et d’école.
  • Les enfants sont sans protection, et vivent dans la peur, la précarité et le danger. Des accidents sont fréquents dans le camp, des incendies de tentes ont provoqué des morts d’enfants et d’adultes et de graves blessures. Le 19 octobre dernier, un incendie a ravagé le camp Roj, détruisant une dizaine de tentes. 

Sans soins, sans école, sans protection, ces enfants survivent dans une prison à ciel ouvert, un Guantanamo pour enfants. Qu’est-ce qui peut justifier la détention d’enfants innocents, considérés comme des victimes de guerre par les experts de l’ONU et les organisations défendant les droits humains, des enfants qui n’ont jamais choisi de se rendre en Syrie ni d’y naître ? 

Depuis trois ans, des appels au rapatriement ont été lancés de toutes parts : le Secrétaire Général de l’ONU, le Haut-Commissariat aux Droits de l’homme et le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, le Commissariat aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, le Parlement Européen, le Comité International de la Croix-Rouge, l’UNICEF ont appelé au rapatriement des enfants détenus et de leurs mères. En France, le Défenseur des Droits et le CNCDH sont intervenus également dans le même sens, tout comme des dizaines de parlementaires et bien sûr les familles. L’Administration kurde, qui a le contrôle des camps Roj et Al-Hol et qui détient donc les ressortissants étrangers et français, demande également aux pays concernés de rapatrier les enfants et leurs mères.

En vain : les autorités françaises n’ont rapatrié à ce jour que 35 enfants de Syrie (en 3 ans). C’est la politique du « cas par cas », politique discriminatoire et incompréhensible. Cette politique a été condamnée récemment par la Défenseure des Droits, qui estime « que les politiques de rapatriements “au cas par cas” ne sont aujourd’hui plus tenables » et que « des décisions fortes doivent être adoptées quant au retour en France dans les meilleurs délais, de ces enfants et de leurs mères. » 

Depuis 2019, plus de 1000 enfants étrangers ont été rapatriés de Syrie, et plus de 200 en 2021. Certains pays ont déjà rapatrié des centaines d’enfants : ce que ces pays ont fait, la France peut et doit le faire. La France, en maintenant prisonniers des enfants dans ces camps, viole délibérément ses engagements internationaux, le droit international humanitaire, la Convention internationale des droits de l’enfant.

L’hiver arrive en Syrie, avec ses températures extrêmes qui peuvent atteindre moins 10 degrés la nuit, avec les tempêtes, la pluie, la neige. Passer cette période sous des tentes, dans un camp de prisonniers, est un calvaire et une souffrance énorme pour les enfants. Les autorités françaises doivent agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, avant que des enfants ne meurent.

Aujourd’hui, nous faisons appel à vous. Nous vous demandons de bien vouloir prendre en compte la situation insupportable de ces enfants français prisonniers, et de leur venir en aide. Seule une mobilisation de tous ceux qui considèrent que la défense des droits humains et des droits de l’enfant n’est pas un vain mot dans notre pays peut inciter nos autorités à prendre leurs responsabilités, et à rapatrier ces enfants.

Le 8 novembre 2021

Le Collectif des Familles Unies

Des personnalités se mobilisent pour le rapatriement des enfants français détenus dans des camps en Syrie «Nous voulons les incarner, les faire rentrer, et leur dire qu’une autre France existe que celle qui refuse de les rapatrier.»@SophiaAram

Reportage du Parisien en date 30 octobre 2021

Sophia Aram, Audrey Fleurot, Philippe Torreton ou encore Marie Desplechin… 50 célébrités se mobilisent autour d’un collectif de familles d’enfants retenus par les forces kurdes en Syrie. Ensemble ils veulent lancer une opération de parrainage et réclamer leur rapatriement en France et que leur retour sur le territoire soit pris en charge avant l’hiver.