DANS LE NORD-EST DE LA SYRIE , AUPRÈS DES ENFANTS FRANÇAIS PRISONNIERS 

Me Matthieu Bagard, co-président d’Avocats sans frontières, Me Marie Dosé, et deux représentants du Collectif des Familles Unies se sont rendus fin février dans le Nord-Est de la Syrie. 

Communiqué du Collectif des Familles Unies du lundi 04 mars 2024

Nous avons pu rencontrer des responsables de l’Administration kurde, et avoir accès au Centre de réhabilitation Orkesh et au camp de prisonniers Roj. C’est la première fois qu’une délégation française composée d’avocats et de représentants de familles peut se rendre dans le Nord-Est syrien, visiter les camps et rencontrer des enfants, des femmes, des jeunes majeurs français qui croupissent dans des centres de détention depuis des années. Toutes les tentatives précédentes ont été bloquées à l’initiative des autorités françaises. 

Nous avons eu un long entretien avec M. Badran Çiya Kurd, co-président du Département des Affaires étrangères de l’Administration autonome. Nous lui avons exposé nos positions, concernant le rapatriement nécessaire de tous les ressortissants français détenus dans le nord-est de la Syrie, en particulier de la centaine d’enfants qui survivent depuis 5 ans et plus dans le camp Roj. M. Badran Çiya Kurd nous a longuement parlé de la situation dans le Nord-Est syrien, marquée par les bombardements répétés de la Turquie sur des infrastructures civiles, qui privent une grande partie de la région d’électricité et qui affectent gravement la vie de la population civile. Il a insisté sur le manque de soutien de la communauté internationale face à ces attaques de la Turquie, et nous a confirmé que l’Administration kurde demandait toujours aux pays étrangers le rapatriement de leurs ressortissants, en particulier des enfants et des femmes détenues dans les camps. Les modalités particulières des rapatriements, les conditions du transfert des femmes et des enfants, sont entre les mains de la France en ce qui concerne les ressortissants français. Cet entretien nous a confirmé que les autorités françaises ont les capacités de faire revenir en France l’intégralité des enfants et des femmes détenus dans les camps, après négociations avec les responsables de l’Administration kurde, pour qui la présence de ces femmes et enfants dans les camps est une lourde charge. Par ailleurs, la lenteur du processus de rapatriement permet à Daech de se reconstituer à l’intérieur même des camps et d’accentuer sa propagande auprès des détenues et des enfants.

Nous avons visité le centre de réhabilitation d’Orkesh, où 151 garçons étrangers de 11 à 18 ans (et un peu au-delà) sont détenus. Un autre centre du même type, le centre Houri, accueille 108 garçons. L’Administration kurde insiste sur la nécessité de créer et développer de ces centres, à cause de la radicalisation des garçons qui grandissent dans les camps. En revanche, les experts des Nations Unies et les organisations défendant les droits humains estiment que la séparation brutale des garçons et de leur mère dans les camps et leur transfert dans ce type de centres est une violation du droit international et de la Convention des droits de l’enfant. Nous avons pu rencontrer 4 des 5 garçons français qui vivent dans ce centre. Ces 4 garçons, emmenés enfants en Syrie par leurs parents, qui n’ont donc rien choisi, ont connu les camps et la prison durant plusieurs années avant d’être transférés à Orkesh. Leur état de santé est catastrophique : deux sont gravement blessés à la tête et ont le corps couvert de blessures, qui provoquent des douleurs permanentes, l’un a un bras atrophié, un autre ne voit plus que d’un œil, un troisième a de graves blessures à la jambe, un autre souffre d’une maladie du rein. Il n’y a pas dans le nord-est de la Syrie de possibilité de les soigner ou de traiter leurs blessures, et les responsables du centre nous ont confirmé que la seule solution était leur rapatriement. Ces garçons nous ont suppliés de ne pas les abandonner et de tout faire pour qu’ils soient rapatriés. La mère et la fratrie de l’un d’entre eux ont été rapatriées en France sans lui. Les autorités françaises savent où se trouvent ces garçons et dans quel état ils sont. Cette rencontre fut pour nous un choc : comment les autorités d’un État de droit peuvent-elles abandonner de jeunes Français, partis enfants en Syrie, dans un tel état alors qu’elles avaient et ont toujours la capacité de les rapatrier? C’est profondément choquant. Nous nous sommes entretenus avec les responsables du centre Orkesh qui nous ont confirmé que des rapatriements pouvaient sans difficulté aucune être organisés par les pays étrangers à partir du centre.

Le dernier jour de notre visite, nous avons eu accès durant un après-midi au camp de prisonniers Roj. Nous n’avons pu visiter que l’une des 3 sections du camp (Roj 1). Dans ce camp, situé à quelques kilomètres de la frontière irakienne, et non loin de la Turquie, s’entassent sous des tentes 1500 enfants étrangers et leurs mères. Parmi eux, plus de 100 enfants français, dont la plupart ont moins de 12 ans, qui survivent ici depuis maintenant plus de 5 ans. Des dizaines d’enfants français nous ont rapidement accompagnés dans les allées poussiéreuses du camp, se présentant, posant des questions. Nous avons pu parler longuement avec des femmes françaises qui nous ont rejoints. Leurs questionnements portaient essentiellement sur les conditions d’incarcération en France (les femmes françaises sont systématiquement placées en détention provisoire à leur retour, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays européens), les difficultés pour rencontrer leurs enfants en prison, la longueur des délais pour les familles pour visiter et prendre en charge les enfants. 

Pour les enfants, la situation dans le camp ne fait qu’empirer : il n’y a plus d’électricité depuis les bombardements turcs d’il y a un mois, l’accès à l’eau est souvent difficile, se chauffer est compliqué, il n’y a aucune offre de soins adéquate, et nous ne parlons même pas d’aide psychologique, il n’y a pas d’école (quelques cours sont dispensés dans le camp, mais aucun suivi éducatif n’est mis en place, et sûrement pas en français, alors que les petits Français constituent la population européenne la plus importante du camp). Ces enfants sont confinés dans une prison à ciel ouvert alors qu’ils ne sont coupables de rien, payant pour les fautes de leurs parents. Leur pays défend les droits de l’homme, fait de beaux discours sur la protection de l’enfance, et abandonne ses propres enfants dans un camp de prisonniers d’un pays en guerre. Cela fait 5 ans, 6 ans, que cette ignominie perdure. Pour nous, ce fut un crève-cœur de les quitter et de les laisser dans cette prison.

La situation dans le nord-est de la Syrie devrait inciter les autorités françaises à envisager un rapatriement général, et à respecter le droit international : les attaques turques rendent la situation de plus en plus instable, les milices pro-iraniennes attaquent les forces de la Coalition et les Forces Démocratiques Syriennes, et Daech est toujours actif. Un éventuel retrait américain pourrait faire tomber les camps entre les mains des troupes de Bachar Al-Assad. Est-ce que la France des droits humains veut que des petits Français deviennent les prisonniers d’Assad ?

Notre Collectif, après cette visite, demande de nouveau au Président de la République, au gouvernement français, de rapatrier les ressortissants français détenus dans le Nord-Est de la Syrie, en particulier les enfants et les garçons détenus dans le centre Orkesh. Les adultes doivent être jugés en France, et les enfants doivent être libérés : ils subissent depuis tant d’années, dans des conditions indignes, une détention arbitraire dénoncée par les Nations Unies et différentes instances internationales, et par l’ensemble des organisations de défense des droits humains. 

Nous remercions M. Badran Çiya Kurd, co-président du Département des Affaires étrangères de l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie, pour avoir autorisé ces visites, et pour la disponibilité de ses services.

Le 4 mars 2024.

Le Collectif des Familles Unies

Publication par le Bureau du Procureur d’un nouveau Document de politique générale relatif aux enfants

Déclaration de Karim A.A. Khan KC, Procureur de la Cour pénale internationale

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Déclaration: 8 Décembre 2023

Alors que nous sommes témoins de la souffrance des enfants dans le monde entier, mon Bureau a publié un nouveau Document de politique générale relatif aux enfants afin de remédier à leur sous‑représentation historique et à leur manque de participation dans les procédures de justice pénale internationale. Cette politique constitue une étape cruciale dans la mise en œuvre de l’objectif que je me suis fixé d’adopter une approche soucieuse du bien‑être des enfants dans les enquêtes et les poursuites, en précisant comment nous pouvons prendre en compte de manière proactive et explicite ce qu’ils ont vécu dans toutes nos affaires.

Les enfants ont le droit de participer aux procédures judiciaires qui les concernent. La position du Bureau est de porter la voix des enfants dans chaque affaire et chaque situation. L’interaction avec un enfant dépendra bien sûr de ses capacités, de son consentement et de son intérêt supérieur. Mais dans le cadre de l’affaire, mon Bureau cherchera activement et de manière déterminée à collaborer avec les enfants afin que nous puissions mieux comprendre la manière dont ils sont ciblés et affectés par les crimes relevant du Statut de Rome.

Ce nouveau Document de politique générale souligne notre position selon laquelle tous les crimes relevant du Statut de Rome peuvent viser ou toucher des enfants. Selon leurs caractéristiques personnelles, notamment l’âge, le sexe, le handicap, l’appartenance ethnique, la religion, le lieu de résidence et le niveau d’éducation, les enfants sont affectés de diverses manières par les conflits.. Contrairement à une vision traditionnelle qui veut que les enfants soient un tout homogène, notre politique vise à tenir activement compte, pour s’y adapter, des questions liées à l’intersectionnalité, aux différents stades de développement des enfants et à l’évolution de leurs capacités.

S’appuyant sur la Politique de 2016 du Bureau du Procureur relative aux enfants, la nouvelle politique intègre des recherches récentes sur le développement, la mémoire et les capacités des enfants à participer aux procédures judiciaires, ainsi que l’émergence de nouvelles technologies de nature à permettre une participation sûre.

Afin de garantir la participation des enfants en tant que victimes, survivants et témoins, la Politique souligne mon engagement à créer un environnement institutionnel qui facilite des enquêtes et des poursuites efficaces en matière de crimes visant ou touchant les enfants, notamment par le biais du recrutement, de la formation, de la collaboration externe et de mesures significatives de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation.

En adoptant une approche axée sur les droits de l’enfant, son bien‑être et qui lui soit adaptée, nous visons à remédier à la vision centrée sur les adultes qui a prévalu jusqu’ici dans les tribunaux, où les enfants sont largement exclus du processus judiciaire. Les enquêtes que nous menons dans toutes les situations, notamment en Afghanistan, au Bangladesh / Myanmar, au Darfour, au Soudan et dans l’État de Palestine, s’intéressent notamment aux crimes visant ou touchant les enfants à l’égard desquels nous enquêtons et engageons des poursuites. Avant même le lancement de la présente Politique, nous avons progressé dans la mise en œuvre d’une telle approche, comme avec les mises en accusation pour déportation ou transfert illégal d’enfants dans le cadre de la situation en Ukraine en mars 2023.

Publié parallèlement au Document de politique générale relatif aux crimes liés au genre, et en association avec le Document de politique générale relatif au crime de persécution liée au genre de 2022, le présent document illustre notre objectif stratégique d’enrichir notre cadre réglementaire dans des domaines thématiques et de devenir un pôle d’excellence en matière de justice pénale internationale. L’année prochaine, nous lancerons des politiques relatives à la complémentarité et à la coopération, la cybercriminalité, les crimes liés à l’esclavage et les crimes contre l’environnement. Avec cette série de politiques, nous aspirons à promouvoir l’échange des enseignements tirés et des bonnes pratiques issues des efforts déployés sur le plan local et international afin d’établir les responsabilités des auteurs de crimes relevant de notre compétence.

Je tiens à saluer la Procureure adjointe Nazhat Shameem Khan et ma conseillère spéciale sur les crimes visant et touchant les enfants, Véronique Aubert, pour avoir dirigé le processus intensif d’élaboration de cette nouvelle politique. De nombreux experts du Bureau ont joué un rôle clé dans cette initiative, notamment la coordonnatrice principale chargée des crimes liés au genre et des crimes visant ou touchant les enfants, Mme Kim Thuy Seelinger. De même, 186 experts externes issus de plus d’une trentaine de pays ont partagé leur temps et leur sagesse. Je leur suis profondément reconnaissant de leurs contributions.

Alors que nous continuons à souligner l’importance de donner de la visibilité aux enfants et d’écouter leur voix, j’espère que ce nouveau Document de politique générale renforcera le travail de tous ceux qui cherchent à obtenir justice pour les enfants victimes d’atrocités dans le monde entier. Reconnaissons les torts subis par les enfants et veillons à ce que le droit les prenne sous ses ailes protectrices.

De plus amples informations sur les « examens préliminaires » et les « situations et affaires » portées devant la Cour sont disponibles ici et ici.

Source: Bureau du Procureur | Contact: OTPNewsDesk@icc-cpi.int

Il faut rapatrier les enfants prisonniers français de Syrie

Le billet de Thomas Legrand (Libérationdu 16 novembre 2023)

Dans le camp d’Al-Hol, où sont gardés des enfants et femmes de jihadistes, dans le nord-est de la Syrie, en 2021. (Delil Souleiman/AFP)

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Est-ce de l’inertie diplomatico-judiciaire, une indifférence coupable, une trouille sécuritaire ? Ou la peur de se faire traiter de laxiste par une droite qui saute sur tout ce qui peut ressembler à de la faiblesse «islamo-gauchiste» – accusation déclenchée par le moindre geste d’humanité ou de respect des droits de l’homme et des conventions signées par la France ? Pourquoi cette dernière ne se débrouille-t-elle pas pour rapatrier la centaine d’enfants français qui croupissent encore, avec leurs mères, dans les camps kurdes dans le nord de la Syrie ?

Ces enfants vivent dans des conditions déplorables, en proie à la malnutrition, à la déscolarisation et à la désocialisation autant qu’à l’endoctrinement djihadiste. Entre mars 2019 et juillet 2023, 169 mineurs ont pourtant été rapatriés avec ou sans leur mère. Ceux qui restent encore coincés dans le nord-est de la Syrie, la plupart détenus dans le camp de Roj, le sont au prétexte que leur mère ne veut pas se séparer d’eux. Ces femmes de jihadistes, ou jihadistes elles-mêmes, n’ont pas accepté le rapatriement en France pour des raisons diverses et variées : certaines sont toujours des islamistes radicales convaincues, d’autres sont dépressives, mentalement détruites ou sous emprise. Pour la plupart, elles n’acceptent pas de se séparer de leur progéniture, après des années de vie en symbiose dans cet univers carcéral à ciel ouvert que sont ces camps de misères. Elles ont, au fil des années, créé un lien fusionnel qui les empêche de comprendre que l’intérêt supérieur de leurs enfants peut différer du leur.

En France, leurs familles, souvent les grands-parents désemparés, se démènent avec leurs avocats pour que le gouvernement français fasse rapatrier leurs petits-enfants que parfois elles n’ont jamais vus. Pour cela, elles viennent d’écrire une lettre au président de la République : «Nous vous demandons de rapatrier ces enfants sur le seul critère de leur intérêt supérieur, et l’intérêt supérieur de nos petits-enfants n’est pas de survivre dans un camp de prisonniers d’un pays en guerre dans des conditions indignes.»

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8 août 2023abonnés

Mais comment faire ? Pas question d’envoyer une mission sur place et de retirer les enfants de force des bras de leur mère avec la complicité de leurs gardiens kurdes. La seule solution envisageable, imaginée par les avocats et membres des collectifs qui soutiennent les familles d’enfants prisonniers de Syrie, c’est d’obtenir des autorités kurdes au contrôle du nord du pays qu’ils expulsent les mères et les enfants français en Irak. Et de là, les autorités françaises iraient récupérer ces familles, signifieraient aux femmes leur mise en examen pour association de malfaiteurs à caractère terroriste et les placeraient en détention provisoire une fois rapatriées en France. Les enfants seraient alors placés ou remis à leurs grands-parents. Une procédure qui paraît assez simple mais qui implique que l’on accepte de rapatrier sur le sol français des femmes possiblement encore radicalisées, contre lesquelles la justice n’aura pas forcément assez d’éléments pour les condamner à de la prison pour très longtemps.

Il faut donc pouvoir assumer politiquement ce fait, qui ne manquera pas d’être monté en épingle par tous les sécuritaires de plateaux qui monopolisent le débat public. Au-delà de la réclamation bien compréhensible des familles françaises, le rapatriement des enfants est un devoir de la France au regard des conventions internationales. La Cour européenne des droits de l’homme a produit un arrêt en septembre 2022 par lequel elle enjoignait la France à respecter sa signature de la Convention européenne des droits de l’homme. Et donc à trouver le moyen de récupérer ses nationaux mineurs, retenus en Syrie. La cour pointe aussi le fait que les pays signataires doivent faire instruire ces retours par la justice alors qu’en France c’est l’exécutif, le Quai d’Orsay, qui est en charge du dossier. Il paraît aberrant et peu digne que la France laisse encore une centaine de ses citoyens mineurs enfermés loin de chez eux dans un pays en proie à la guerre civile et qui seront, à leur majorité (ça a déjà été le cas pour certains d’entre eux) des prisonniers sans avenir ni espoir de rapatriement.

« Il reste une centaine d’enfants prisonniers dans le Nord-Est syrien qu’il ne faut pas abandonner »

Le Monde : Tribune du Collectif des Familles Unies du 19 juillet 2023

Des mineurs français sont toujours retenus prisonniers en Syrie, leurs mères, ex-compagnes de djihadistes, refusant de se séparer d’eux. Le Collectif des familles unies demande, dans une tribune au « Monde », que la France les rapatrie.

Nous sommes les grands-parents, les tantes et oncles des enfants retenus prisonniers dans les camps du Nord-Est syrien et dont les mères (nos filles, belles-filles, sœurs et belles-sœurs) refusent d’être rapatriées, après avoir rejoint, il y a quelques années, l’organisation Etat islamique.

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La plupart d’entre nous ont été ou sont encore en contact avec ces enfants et leurs mères, dont nous demandons depuis des années le rapatriement par la France. Nombre de ces femmes, en arrivant dans ces camps en 2018 ou en 2019, étaient prêtes à rentrer avec leurs enfants. Elles les ont préparés à leur retour, leur ont parlé de nous, de leurs familles, leur ont expliqué qu’elles seraient incarcérées et que, de ce fait, ils seraient séparés. Ces quatre ou cinq années passées à tenter de protéger leurs enfants de la faim, du froid, de la canicule, des incendies et de la violence ont consolidé leur lien avec eux. Elles ne parviennent plus, aujourd’hui, à supporter l’idée d’en être séparées.

D’autres femmes, dont les blessures physiques et les traumatismes psychologiques n’ont jamais fait l’objet de la moindre prise en charge, sont devenues absolument incapables de la moindre décision et n’attendent plus rien, ni personne. D’autres enfin, toujours sous l’emprise de l’idéologie extrémiste, excluent toute perspective d’un retour.

En raison du refus des mères d’être rapatriées avec leurs enfants, la France a annoncé que l’opération de rapatriement au début du mois de juillet, la quatrième, serait également la dernière. Ces enfants et leurs mères restent donc détenus arbitrairement dans une zone de non-droit. Cette zone n’étant pas un Etat souverain, cela interdit juridiquement à la France d’expulser nos familles.

Une détention illégale des mineurs

Notre pays, qui se targue de faire de la protection des enfants dans les conflits armés « une priorité absolue » et de s’engager « de façon concrète, sur le terrain », pour vaincre les « graves violations contre les enfants » – selon ses déclarations à l’Organisation des Nations unies (ONU) –, se résigne donc, de fait, à abandonner une centaine d’enfants français, nos enfants, et à les laisser souffrir et agoniser dans d’indignes conditions.

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Il existe pourtant des solutions pour sauver nos petits-enfants, neveux et nièces. Les autorités kurdes, qui depuis des années réclament leur rapatriement dans l’Hexagone, sont en mesure d’emmener ces mères et leurs enfants à la frontière d’un Etat tiers, notamment le Kurdistan irakien, où ils seraient attendus par les autorités françaises.

Lire l’analyse :  Article réservé à nos abonnés  Rapatriement de femmes djihadistes et de leurs enfants : les ratés des autorités françaisesAjouter à vos sélections

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La Suède a négocié l’expulsion de ses ressortissants du Nord-Est syrien vers l’Irak afin qu’ils soient renvoyés vers leur pays d’origine. A cette occasion, elle a d’ailleurs présenté ces opérations comme des « expulsions » organisées par les autorités kurdes de Syrie.

Ces dernières reçoivent des contreparties des pays de la coalition en échange de la prise en charge des enfants, des femmes et des hommes étrangers prisonniers dans le Nord-Est syrien. La France, parmi d’autres, contribue depuis des années au financement de camps, de prisons et de prétendus « centres de réhabilitation » kurdes pour mineurs – en réalité des prisons pour adolescents – et donc à la détention illégale d’enfants français. Plusieurs de nos petits-enfants, à peine pubères, sont détenus dans ces « centres », arrachés à leur mère et à leurs frères et sœurs qui dépérissent toujours dans les camps. Leur seul crime est d’être des garçons et d’avoir 12 ou 13 ans. En dehors d’un rapatriement, leur unique perspective est d’être incarcérés dans une prison pour adultes, une fois qu’ils auront atteint l’âge de leur majorité.

Refus de leur rapatriement

Plutôt que de les rapatrier, les autorités françaises tolèrent donc que l’on traite des enfants, des victimes et des innocents comme des criminels. Il est impérieux qu’elles obtiennent des autorités kurdes l’expulsion de ces mineurs et de leurs mères vers un pays tiers, afin qu’ils soient, en toute légalité, expulsés vers la France.

Il reste une centaine d’enfants prisonniers dans le Nord-Est syrien, que jamais nous n’abandonnerons. Ils sont victimes du choix de leurs parents. Ils sont victimes du choix de leur pays, le nôtre, qui, jusqu’à sa condamnation par les comités de l’ONU et de la Cour européenne des droits de l’homme, s’est obstiné à refuser leur rapatriement.

Ils sont désormais victimes du choix de leurs mères que la France utilise comme prétexte pour les laisser à l’abandon dans des camps où règnent l’indigence, le dénuement et la violence. Ces enfants doivent être sauvés, tous. Jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un seul dans ces camps.

Les signataires de cette tribune sont vingt-quatre grands-parents, oncles et tantes de trente-sept enfants français, toujours détenus dans le nord-est de la Syrie. Ils sont membres de l’association Collectif des familles unies. Pour des raisons de sécurité, leur anonymat a été préservé. 

Collectif

LA FRANCE RAPATRIE 25 ENFANTS DE SYRIE, MAIS LAISSE DES DIZAINES D’AUTRES ENFANTS FRANÇAIS DANS LES CAMPS

Enfants dans les camps de Roj en Syrie

Communiqué du Collectif des Familles Unies du 4 juillet 2023

La France vient de rapatrier 25 enfants et 10 femmes du camp de prisonniers Roj, dans le nord-est de la Syrie. C’est la quatrième opération de rapatriement depuis juillet 2022. Les enfants et les femmes rapatriés étaient détenus depuis plus de 4 ans, plus de 5 ans pour certains. 

On ne peut bien entendu que se réjouir de cette opération, qui sort de l’enfer des camps des enfants malades, blessés, traumatisés par des années de captivité. Mais, outre le fait qu’ils auraient pu et dû être secourus depuis des années, l’État français laisse dans les camps des dizaines d’enfants français, sans doute une centaine, tout aussi vulnérables, tout aussi traumatisés et tout autant en souffrance que ceux qui viennent de rentrer dans leur pays.

Ces rapatriements ont dû être arrachés à un État qui a toujours manifesté un mépris glacial et un immense manque d’humanité pour la vie de ces enfants, pour leur protection, pour leurs droits : il aura fallu la mobilisation d’organisations des droits humains, d’avocats, des familles, de parlementaires, de personnalités, il aura fallu des condamnations internationales infamantes pour « le pays des droits de l’homme » pour que l’État français initie enfin, après des années d’atermoiements, une série d’opérations de rapatriement sans toutefois les mener à leur terme. 

En septembre dernier, la Cour Européenne des Droits de l’Homme condamnait la France à reconsidérer sa politique de rapatriement, entachée d’arbitraire. Elle demandait à la France de mettre en place un organisme indépendant devant lequel l’État français devra justifier ses décisions, en prenant en compte l’intérêt supérieur des enfants, leur « particulière vulnérabilité », leurs besoins spécifiques et les « circonstances exceptionnelles » qui entourent la situation dramatique de ces enfants (détention dans des camps placés sous l’autorité d’un groupe armé non étatique soutenu par une coalition d’États, dont la France ; conditions de vie dans les camps « incompatibles avec le respect de la dignité humaine » ; absence de procédure pour décider du sort des mères détenues dans les camps ; appel des autorités kurdes à rapatrier ces enfants et leurs mères ; appels et prises de position multiples des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, etc.)

Au lieu de respecter l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, l’État français vient de décider de rapatrier certains enfants, selon un critère unique (l’accord de la mère), et d’abandonner les autres à une détention infinie dans un camp sordide, voire, pour ce qui concerne les garçons et les adolescents, dans des centres de « réhabilitation » (en fait : de détention) ou des prisons. En effet, ce qui a été pris en compte dans ce dernier rapatriement, ce n’est ni l’intérêt supérieur de l’enfant, ni sa « particulière vulnérabilité », ni les circonstances « exceptionnelles » qui entourent la situation dramatique de ces enfants, c’est uniquement l’accord de la mère. 

Au tout début du mois de mai, des émissaires du gouvernement français se sont rendus dans le camp Roj. Ils ont convoqué toutes les femmes françaises en entretien individuel et leur ont demandé si elles acceptaient ou non d’être rapatriées avec leurs enfants lors d’un rapatriement qu’ils ont présenté comme étant « le dernier ». Certaines femmes ont refusé, pour de multiples raisons. Plusieurs d’entre elles restent fidèles à une idéologie extrême, d’autres ont tout simplement perdu la raison ou ne sont plus capables du discernement après des années en zone de guerre et en captivité. 

Mais la raison principale qui conduit certaines mères à refuser cette opération de rapatriement est la peur de se séparer de leurs enfants avec lesquels elles ont vécu en symbiose pendant quatre ou cinq ans sous une tente. En les abandonnant ensemble pendant des années, en les contraignant à supporter ensemble les pires conditions de vie durant des années, la France a alimenté un lien fusionnel qu’elles n’imaginent pas s’arrêter brutalement. 

Ces femmes savent qu’en l’état actuel du dispositif de retour, elles seront incarcérées et séparées de leurs enfants à leur arrivée en France. Elles savent qu’elles ne pourront revoir leurs enfants, dans la plupart des cas, qu’après plusieurs mois. Elles savent que leurs familles, elles aussi, seront écartées de la vie de leurs petits-enfants, neveux et nièces pendant des mois et des mois avant de pouvoir les rencontrer. Elles savent que leurs enfants placés en foyer après avoir vécu 24 heures sur 24 avec elles seront exposés à une toute autre violence. Elles savent que les autres pays européens ont choisi une autre voie. Elles savent qu’en Allemagne, en Belgique ou en Suède, le lien entre les mères et les enfants est soigneusement entretenu et que les contacts des enfants avec leur famille élargie sont rapidement mis en place, voire immédiatement à leur arrivée. Les conditions d’accueil des enfants en France doivent être revues et améliorées, et notre Collectif alerte depuis des mois les pouvoirs publics ainsi que les organisations de défense des droits humains et de l’enfance sur ces dysfonctionnements. 

En tout état de cause, et, quelles que soit leurs décisions, aucun enfant français ne peut être abandonné dans ces camps.

Nous considérons, en accord avec l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, en accord avec le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies et le Comité contre la torture des Nations Unies, que c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit dicter toute décision de rapatriement. Cette primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions concernant les enfants est inscrite dans la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée. C’est d’ailleurs ce qu’a répété notre Secrétaire d’État à l’Enfance devant le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies : encore faut-il que des actes suivent ces déclarations.

L’intérêt supérieur des enfants français, de tous les enfants détenus depuis des années dans des camps de prisonniers du nord-est de la Syrie où les conditions de vie sont « incompatibles avec le respect de la dignité humaine », est d’être rapatriés. L’intérêt supérieur des enfants français, ce n’est pas de survivre misérablement sous des tentes, derrière les barbelés d’un camp d’un pays en guerre, privés d’école, privés de soins appropriés, privés de nourriture, sans protection, exposés à l’influence d’idéologies extrémistes et menacés par de multiples dangers. 

Tous les enfants détenus dans les camps sont en danger, tous sont vulnérables, et tous ont droit au rapatriement. Le « défi juridique » (selon l’expression de la Secrétaire d’État à l’Enfance) posé par l’opposition ou les hésitations de certaines mères doit être surmonté et résolu, dans l’intérêt supérieur de leurs propres enfants. Et nous rappelons que les femmes françaises détenues dans les camps font l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par des juges français. Un pays comme l’Irak, qui a durement souffert des exactions de Daech, a décidé de rapatrier ses ressortissants de Syrie, considérant que c’était une obligation sécuritaire majeure : la France devrait prendre enfin la responsabilité de ses ressortissants, au lieu de se défausser sur les autorités locales kurdes, qui demandent depuis des années aux États de rapatrier leurs citoyens.

La France considère, et cela a été rappelé à la récente Conférence d’Oslo sur les enfants dans les conflits armés, que la protection des enfants dans les conflits armés est une « obligation morale universelle ». La France compte-t-elle à présent abandonner et laisser mourir dans les camps et les prisons syriennes les dizaines d’enfants français qui restent encore sur zone ? L’obligation morale universelle de protection de l’enfance, réaffirmée à chaque occasion par notre diplomatie, ne doit pas s’arrêter aux portes des camps de prisonniers Roj et Al-Hol, sinon nos déclarations et nos principes ne valent rien.

Les familles des enfants français toujours détenus en Syrie ne se contenteront pas d’une lettre identique à leur attention signée du ministère des Affaires étrangères leur indiquant qu’« il ne peut être donné de suite favorable à votre demande de rapatriement » et que, par conséquent, leurs petits-enfants peuvent souffrir et mourir dans les camps syriens. Nous demandons au gouvernement de prendre dès à présent toutes les mesures nécessaires pour rapatrier l’intégralité des enfants français détenus en Syrie, ainsi que leurs mères.

Notre combat continuera jusqu’au retour du dernier enfant français prisonnier en Syrie.

Le 4 juillet 2023

Le Collectif des Familles Unies

UN urges states to repatriate ISIS nationals from Syria’s Hawl Camp

UN Secretary-General Antonio Guterres speaks during the UN High-level Conference of Heads of Counter-Terrorism Agencies of Member States at UN Headquarters in New York on June 19 2023 – AFP

North Press agency

QAMISHLI Syria (North Press) – UN Secretary-General Antonio Guterres reiterated on Monday his call for all the member states to accelerate the pace of repatriating their ISIS nationals from Hawl Camp in northeast Syria.

Guterres’ call came during his speech in the UN High-level Conference of Heads of Counter-Terrorism Agencies of Member States at UN Headquarters in New York the US. The UN Counter-Terrorism Week is a biennial gathering of the member states and international counter-terrorism partners.

Guterres said despite the “significant gains over the years terrorism and violent extremism continue to take root and grow” adding that al-Qaeda and ISIS are rapidly deploying in Africa.

“The brutal legacy of Da’esh in Iraq and Syria continue to cast a long shadow over tens of thousands of lives” he warned. 

Two days ago Iraq’s Minister of Defense Thabet al-Abbasi said the Hawl Camp has transformed into an outpost for ISIS members. He urged every nation to repatriate their nationals from the camp and ensure its closure noting that Syria’s northeastern camp has been “a significant cause for concern.”

Guterres commended Iraq and other member states that repatriated their nationals from northeast Syria.

The UN chief pointed out that more than 50000 children women and men still remain in Hawl Camp and other camps and detention centers in northeast Syria.  “I reiterate my call for all Member States to help accelerate the pace of repatriation as an urgent priority.

”Reporting by Jwan Shekaki  

Poverty, inequality and exclusion fuelling terrorism, warns UN chief

© UNICEF/Delil Souleiman UN Secretary-General reminded that more than 50,000 children, women and men remain in Al-Hol and other camps and detention centres.

UN News

19 June 2023 Peace and Security

With terrorism posing a complex, constantly evolving and multi-faceted threat, law-enforcement agencies gathered at United Nations Headquarters in New York on Monday in search of a comprehensive, inclusive, and effective multilateral response.

The day also marked the start of the UN’s Third Counter-Terrorism week

Addressing the delegates at the forefront of a great global effort”, UN Secretary-General Antonio Guterres stressed that terrorism affects every region of the world, while preying on local and national vulnerabilities.

Poverty, inequalities and social exclusion give terrorism fuel. Prejudice and discrimination targeting specific groups, cultures, religions and ethnicities give it flame,” said the UN chief, adding that criminal activities like money laundering, illegal mining, and the trafficking of arms, drugs, stolen artifacts and human beings, help fill terrorist coffers. 

UN counter-terrorism tools

Since terrorism festers in complex crises with no region immune, the response to the threat needs to be multilateral and coordinated, said Mr. Guterres – citing some key UN tools that can help combat the scourge.

He pointed to the UN Global Counter-Terrorism Coordination Compact, which is helping countries implement the Global Counter-Terrorism Strategy.

The UN is helping regional organizations like the African Union, working closely with civil society including victims of terrorism, religious leaders, women and young people, to shape counter-terrorism responses, policies and programmes.  

Four priorities

He said there were four priority areas where the counter-terrorism community should direct its efforts. 

Firstly, he said the UN Global Counter-Terrorism Strategy needed strengthening. This week, the General Assembly is expected to adopt by consensus a resolution reviewing the Strategy. 

The second area of focus needs to be prevention, which means addressing the underlying conditions that lead to terrorism in the first place – such as poverty, discrimination, disaffection, weak infrastructure and institutions and gross violations of human rights. 

This means “more than just foiling attacks and disrupting plots”.  It is also necessary to ensure that counter-terrorism strategies and measures reflect all communities, constituencies and voices. 

Terrorism represents the denial and destruction of human rights, the Secretary-General said.

“And so the fight against it will never succeed if we perpetuate the same denial and destruction.”

Identifying promotion of human rights as the third priority, the Secretary-General expressed his conviction that all counter-terrorism policies and initiatives should be based on respect for human rights. That should include the right to repatriation.

Stain of Syria’s camps

“Despite the territorial defeat of Da’esh over four years ago, more than 50,000 children, women and men still remain in Al-Hol and other camps and detention centres in northeast Syria, subjected to dire security and humanitarian conditions, and human rights abuses,” reminded Mr. Guterres.  

He commended Iraq and other Member States working to repatriate nationals from the camps – and reiterated his call for all Member States to accelerate the pace of repatriation as an urgent priority.   

Proper funding

Finally, he called for more sustainable financing for counter-terrorism efforts.

Thanking Member States for funding already provided, Mr. Guterres warned that funds were running short, with some statutory contributions for the year still unpaid.

He warned that could have far-reaching consequences, both for the UN’s peacekeeping efforts and for the Office of Counter-Terrorism.

A terrorism-free future

There are more than 40 different side events backed by State Members and multilateral organizations due to take place during the week.

“In the names of all those who have suffered and continue to suffer, and in the names of all victims and survivors, let’s intensify our work to create a future without terrorism”, he concluded.

Rapatriement depuis la Syrie : « Ces enfants ne doivent pas être considérés comme autre chose que des victimes », affirme la présidente de l’UnicefLes autorités kurdes en Syrie annoncent vouloir juger sur place les étrangers venus combattre dans les rangs de Daech. Une façon de mettre la pression sur les Occidentaux pour qu’ils rapatrient leurs djihadistes.

La France a rapatrié, mardi, 15 femmes et 32 enfants des camps de prisonniers jihadistes en Syrie. C’est la troisième fois depuis juillet 2022 que le ministère des Affaires étrangères annonce un tel rapatriement.

Dans un camp de prisonniers jihadistes à Roj (Syrie), le 28 mars 2022. Photo d’illustration. (DELIL SOULEIMAN / AFP)

Article rédigé par franceinfo

Publié le 24/01/2023 22:57

« Ces enfants ne doivent pas être considérés comme autre chose que des victimes. Ils ne sont absolument pas responsables des actes commis par leurs parents », a affirmé mardi sur franceinfo Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France alors que les autorités françaises ont procédé dans la matinée du mardi 24 janvier au rapatriement de 15 femmes et 32 enfants français de Syrie, détenus dans des camps de prisonniers jihadistes dans le nord-est syrien.

TÉMOIGNAGE >> Rapatriement d’enfants de Syrie : « J’attendais ce jour depuis des années », confie Sonia, dont le fils avait été kidnappé par son père jihadiste

Adeline Hazan appelle à « accélérer » les opérations de retour, notamment pour la centaine d’enfants encore dans les camps. « C’est une urgence. » L’Unicef plaide également pour que soit « amélioré les conditions de prise en charge de ces enfants » à leur retour.

franceinfo : Comment accueillez-vous ce rapatriement d’enfants de Syrie ?

Adeline Hazan : C’est un progrès incontestablement à saluer et qui augure depuis juillet 2022 d’un changement de politique du gouvernement français. Avant juillet 2002, c’était la politique du retour au cas par cas des enfants. Depuis juillet 2022, c’est la troisième fois qu’il y a à peu près une trentaine d’enfants qui sont ramenés avec leur mère. Nous nous battons à l’Unicef depuis de nombreuses années pour que ces enfants soient tous ramenés. Il en reste à peu près une centaine.

« Il faut absolument accélérer ces retours et faire en sorte que les cent qui restent reviennent dans les plus brefs délais parce qu’il y a un droit à la vie familiale qui est reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant. »

Adeline Hazan, présidente de l’Unicef à franceinfo

Ce qui est dommage, c’est qu’il ait fallu attendre la condamnation de trois organismes internationaux pour que le gouvernement change de politique, la Commission européenne des droits de l’homme, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU et le Comité contre la torture. Il a fallu attendre ces condamnations pour que la France, à la différence de ses voisins européens, change de politique. Maintenant, il faut vraiment que, le plus vite possible, ces enfants rentrent. Ça fait le cinquième hiver qu’ils passent dans des conditions qu’on ne décrit même plus, pas d’eau potable, la santé qui décline. Donc c’est une urgence.

Les mères de ces enfants ne veulent pas rentrer. Que peut-on faire ?

On ne peut pas rapatrier de force les mères. Mais si les mères refusent le départ de leur enfant, on doit considérer que l’enfant est en danger avec la mère, et à ce moment-là, rapatrier l’enfant. Même si on salue cette opération, il y a encore un sujet très important, améliorer les conditions de prise en charge de ces enfants à leur retour. Actuellement, la prise en charge ne se fait pas dans des conditions satisfaisantes. Les enfants sont séparés de leur mère qui est incarcérée. Mais la rencontre avec les familles, les grands parents, les oncles et tantes, elle prend six mois, un an, alors que l’enfant est placé à l’aide sociale à l’enfance.

Ce que nous demandons à l’Unicef, c’est que les investigations sur l’existence d’une famille naturelle – grands-parents, oncles et tantes – soient menées avant l’arrivée des enfants, de façon à ce qu’il y ait au moins un contact avec la famille naturelle à leur arrivée. Et surtout, on constate dans un certain nombre de situations que les mères sont incarcérées à des centaines de kilomètres du lieu où sont placés leurs enfants. Et ça, évidemment, cela ne permet pas le maintien des liens. Alors même que pendant cinq ans, ils ont vécu dans un état de fusion totale.

« On salue cette opération, il faut l’accélérer au maximum et améliorer grandement les conditions de prise en charge de ces enfants une fois qu’ils sont arrivés sur le sol français. Ces enfants ne doivent pas être considérés comme autre chose que des victimes. Ils ne sont absolument pas responsables des actes commis par leurs parents. »

Adeline Hazan, présidente de l’Unicef à franceinfo

Que savez-vous de leur prise en charge et de leur état psychologique, physique quand ils arrivent sur le territoire ?

Nous n’entrons pas directement en contact avec les enfants. En revanche, nous sommes en lien permanent avec les professionnels qui s’en occupent. Nous sommes avec les avocats, avec les médecins qui s’en occupent. Nous avons également sur place des représentants dans l’ensemble des pays de ces régions qui peuvent nous expliquer comment les choses se passent. Donc nous pouvons, au moment de leur arrivée, suivre la réintégration de ces enfants. Nous avons des dispositifs, des programmes. Nous avons un savoir-faire là-dessus et nous pouvons aider les pouvoirs publics à faire une bonne prise en charge en matière de réintégration de ces enfants. Nous sommes à la disposition des pouvoirs publics pour cela.

LES ENFANTS RAPATRIÉS DE SYRIE DONT LES MÈRES COMPARAISSENT EN AUDIENCE PUBLIQUE ONT DROIT À L’ANONYMAT

Communiqué du Collectif des Familles Unies à l’attention de la presse

Le 25 février 2023

Dans les jours qui viennent, des femmes rapatriées en France après avoir séjourné en zone irako-syrienne vont être jugées devant des cours d’assises spécialement composées pour répondre de l’infraction d’association de malfaiteurs à caractère terroriste.

Avec le rapatriement en France de femmes et d’enfants jusqu’alors détenus dans des camps de prisonniers du Nord-Est syrien,  les procès vont se multiplier dans les mois et les années à venir.

Ces procès sont publics, et la presse va en rendre compte. Le nom de ces femmes risque donc  d’être divulgué, sans que cela ne présente aucun intérêt pour l’information du public. Ces femmes ont toutes des enfants, qui ont été rapatriés avec elles et qui portent le même nom qu’elles. Tous ces enfants font l’objet d’une prise en charge soutenue, certains sont placés dans des familles d’accueil, d’autres ont rejoint leur famille ou s’apprêtent à les rejoindre, et la plupart d’entre eux sont scolarisés. 

Livrer au grand public le nom de ces femmes, le diffuser sur internet et sur les réseaux sociaux, c’est aussi et surtout diffuser le nom de leurs enfants en pleine reconstruction et de leurs familles, qui les prennent en charge ou ont vocation à le faire.

Ces enfants ne sont en rien responsables des actes reprochés à leurs parents, ils n’ont pas choisi d’être nés en Syrie ou en Irak, ni d’y avoir séjourné. Ils ont enduré de grandes souffrances et ont besoin d’être protégés et sécurisés. La diffusion du nom de leur mère, donc du nom et de l’identité de leurs enfants, risque de remettre en cause le difficile travail de reconstruction, de réparation et de réinsertion, amorcé par les familles et les professionnels de l’enfance, et risque aussi de les stigmatiser injustement.

A l’heure où il suffit de taper le nom d’une personne sur un moteur de recherche pour que toute une histoire apparaisse, sous une forme parfois approximative,  biaisée et en l’espèce nécessairement anxiogène, – le nom de ces enfants doit rester inconnu.

Le respect de l’intérêt supérieur de ces enfants exige que le nom de leur mère, parce qu’il est le leur, ne soit pas rendu public, ce d’autant que le parcours de ces femmes sur zone et celui de leurs enfants sera disséqué à l’audience.

Nous, grands-parents, oncles, tantes, familles de ces enfants, voulons les protéger et garantir autant que faire se peut leur droit à l’oubli. C’est de protection de l’enfance qu’il s’agit, du droit des plus vulnérables à ne pas être exposés à un traitement médiatique qui risque de leur porter préjudice, de les blesser, de les stigmatiser, d’influer négativement sur leur avenir.

Nous demandons donc aux journalistes qui suivent ces procès et qui vont en rendre compte de préserver l’anonymat de ces enfants, en évitant de publier les noms de famille de leur mère. Divulguer le nom de ces femmes n’apporte rien au débat judiciaire, et pourrait s’avérer catastrophique pour les enfants rentrés en France et leurs familles.

Le 25 février 2023.

Le Collectif des Familles Unies