Des associations de victimes du terrorisme plaident pour un rapatriement des enfants français détenus en Syrie

13onze15 et la Fenvac appuient la demande de rapatrier les quelque 200 enfants français et leurs mères suspectées de djihadisme détenus dans des camps administrés par les forces kurdes.

Des enfants de toutes nationalités (dont des français) jouent ensemble dans le camp de Roj 2, Kurdistan syrien, le 10 aout 2021.  LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »

Même président, nouveau gouvernement. La politique de non-rapatriement des 200 enfants français et de leurs mères, détenus dans des camps du nord-est de la Syrie sous le contrôle des forces autonomistes kurdes, se poursuivra-t-elle pendant le second quinquennat d’Emmanuel Macron ? Le Collectif des familles unies, qui rassemble les proches et les familles de ces femmes et enfants, a tenu à se rappeler au souvenir du président de la République en organisant, avec le soutien de plusieurs ONG (Amnesty International, la FIDH, la Ligue des droits de l’homme, Human Rights Watch) et associations, une conférence de presse lundi 23 mai à Paris. Parmi ces soutiens, l’association 13onze15, fondée par des proches et victimes des attentats du 13 novembre 2015, et la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac) se sont associés à la démarche du Collectif des familles unies.

Sa volonté est clairement de mettre la pression sur les autorités françaises afin d’obtenir un rapatriement des 200 enfants et de la centaine de femmes détenus en Syrie en raison de leur séjour auprès de l’organisation Etat islamique (EI) jusqu’à la chute de son dernier bastion, en mars 2019 à Baghouz. La demande a toujours fait l’objet d’une fin de non-recevoir de la part de l’exécutif. La position officielle reste une politique de rapatriement « au cas par cas » réservée aux orphelins.

Dans les faits, 35 enfants ont été rapatriés en trois ans, dont une moitié d’orphelins seulement. Ceux ayant une mère ont été séparés de cette dernière, qui a dû signer à la va-vite une renonciation à ses droits parentaux. La dernière opération de rapatriement a eu lieu en janvier 2021, il y a seize mois. Depuis, plus rien, alors que huit opérations de rapatriement organisées par des pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, etc.) ont eu lieu depuis janvier.

« Prévention de la radicalisation »

Une mère est décédée en décembre 2021 des suites d’une longue maladie et dans des conditions épouvantables, laissant une enfant de 6 ans orpheline. Les enfants, dont 90 % ont moins de 12 ans et la moitié moins de 7 ans, grandissent dans le camp de toile de Roj, une prison à ciel ouvert, sans accès à l’éducation, à la santé ou à l’hygiène, sans manger assez, sans pouvoir se laver régulièrement et sans aucune occupation. Bénédicte Jeannerod, de Human Rights Watch, a souligné les violences et les abus sexuels auxquels sont exposés ces enfants comme leurs mères, dont certaines ont été détenues dans une prison et séparées de leurs enfants pour avoir manifesté contre leur sort. Dans d’autres cas, les enfants ont été détenus avec leurs mères.

François Zimeray, ancien ambassadeur aux droits de l’homme sous Nicolas Sarkozy puis ambassadeur de France au Danemark sous François Hollande, est venu apporter son soutien à la demande de rapatriement, en soulignant les contradictions de l’Etat français, qui a fait de la protection des enfants dans les conflits armés une priorité de sa diplomatie. Sauf pour ce cas qui la concerne directement. Il y va, pour lui, de « la crédibilité de la parole de la France ». Paris a été condamné devant le Comité international des droits de l’enfant et plusieurs plaintes sont en cours d’examen à la Cour européenne des droits de l’homme.

Alors que le procès des attentats du 13-Novembre est en cours, le président de 13onze15, Philippe Duperron, accompagné de son prédécesseur, Georges Salines, a tenu à marquer son soutien de sa présence : « Ces enfants sont des victimes des erreurs et des errements de leurs parents. Qu’est-ce qu’ils penseront plus tard de leur pays dont ils sauront qu’il n’a rien fait ? » Les rapatrier est, selon lui, faire œuvre de « prévention de la radicalisation ». Marie-Claude Desjeux, présidente de la Fenvac, est venue expliquer que les procès auxquels elle assiste depuis deux ans l’ont fait « évoluer » sur le sujet. Dans une tribune publiée par Le Monde en février, Arthur Dénouveaux et Jean-Marc Delas, président et avocat de Life for Paris, se prononçaient, eux aussi, pour un rapatriement des enfants et des djihadistes français, hommes comme femmes, afin de juger les adultes et d’élever les enfants dans un environnement plus sain.

Le soutien des principales associations de victimes des attentats du 13 novembre 2015 permettra-t-il un changement d’attitude de l’exécutif ? Le Collectif des familles unies a relancé sa demande d’un rendez-vous avec le président de la République.