PAS UN SEUL ENFANT FRANÇAIS NE DOIT RESTER DANS LES CAMPS

La France est condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour sa politique arbitraire de non-rapatriement de Syrie

Enfant dans un camps de prisonniers à Roj dans le Nord-est de la Syrie

Communiqué du Collectif des Familles Unies

« Nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’Etat dont il est le ressortissant » : la Cour a jugé que la France avait violé cette disposition du Protocole n°4 à la Convention Européenne des Droits de l’Homme. La politique de rapatriement, ou plutôt de non-rapatriement, de l’Etat français, incarnée par le « cas par cas » est clairement qualifiée d’arbitraire. La Cour a tenu àsouligner les particularités et les « circonstances exceptionnelles de nature à déclencher en l’espèce l’obligation d’entourer le processus décisionnel de garanties appropriées contre l’arbitraire » : la détention des enfants et de leurs mères par un groupe armé non-étatique, les conditions générales dans les camps «incompatibles avec les normes applicables en vertu du droit international humanitaire », l’absence de toutes procédures judiciaires, l’appel des autorités kurdes à rapatrier, l’appel de plusieurs organisations internationales et régionales à rapatrier et la position du Comité des Droits de l’enfant de l’ONU affirmant que le refus de rapatrier de la France violait le droit à la vie des enfants français, ainsi que le droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants…

Il a fallu des années pour en arriver là, des années pour qu’un Etat de droit, signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant, se voit signifier que l’arbitraire n’était pas compatible avec la protection de l’enfance, et que, finalement, « l’intérêt supérieur de l’enfant » – qui doit être la considération principale dans toute décision concernant les enfants – n’était pas seulement un vain mot inscrit sur un chiffon de papier dont on pouvait se passer.

Il a fallu des années pour en arriver là, et il a fallu aussi que tant d’appels au rapatriement se multiplient. Ceux des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, du Parlement Européen, de l’UNICEF, de la Croix-Rouge ; ceux de la Ligue des Droits de l’Homme, de Human Rights Watch, d’Amnesty ; ceux de la Défenseur des Droits et de la CNCDH ; ceux de parlementaires, de psychiatres, d’artistes. Il a fallu enfin la pugnacité admirable d’avocats et la détermination des familles, qui ne peuvent supporter que leurs petits-enfants, neveux et nièces passent leur enfance derrière des barbelés dans des conditions effroyables.

Il a fallu des années pour en arriver enfin à cette condamnation judiciaire de la France, des années pendant lesquelles des enfants français ont survécu dans des camps de prisonniers, sans droits, sans soins appropriés, sans école : 3 ans et demi, 4 ans ou 5 ans de détention dans des prisons à ciel ouvert, à croupir dans des tentes dans une région désertique, souffrant l’hiver d’un froid extrême et l’été de températures caniculaires. Pendant toutes ces années, cette souffrance des enfants n’a pas ému une seconde des autorités exclusivement préoccupées de considérations politiciennes et oublieuses de tout principe concernant droits humains ou droits de l’enfant. Des autorités, en somme, dépourvues de toute humanité.

Des années pour en arriver là, mais rien n’est encore joué. Alors que la grande majorité des enfants allemands, belges, suédois, finlandais, danois ont déjà été rapatriés avec leurs mères, la grande majorité des enfants français détenus dans les camps kurdes depuis 2017, 2018 ou 2019, sont

toujours prisonniers dans le Nord-Est de la Syrie. Le gouvernement vient de déclarer qu’il « prenait acte » de la décision de la Cour Européenne, qu’il avait déjà commencé à rapatrier et que les rapatriements se poursuivraient « quand les conditions le permettront ». A la politique du « cas par cas », il ne faudrait pas que se substitue une politique du « quand les conditions le permettent », et à l’arbitraire du « cas par cas » un arbitraire du calendrier, un arbitraire du « je rapatrie quand je veux ». Les « conditions » ont permis à la France de rapatrier 35 enfants et 16 femmes au début du mois de juillet ; les mêmes « conditions » ont permis au Tadjikistan de rapatrier plus de 100 enfants et leurs mères à la fin du mois de juillet… Un responsable du Département d’Etat américain déclarait récemment à propos des rapatriements : « le problème n’est pas technique, mais politique ». PLUS DE 2000 enfants et femmes de différentes nationalités ont été rapatriés dans leurs pays d’origine depuis 2019. Quand on pense au temps perdu pour ces enfants, à ces années d’enfance massacrées dans ces camps sordides alors qu’ils auraient pu être rapatriés, sauvés, soignés depuis des années, nous ne pouvons qu’être en colère contre les défaillances d’un Etat de droit qui a violé ses propres principes et qui a laissé des enfants souffrir et dépérir dans des camps de prisonniers.

Nous ne devons plus attendre. La guerre n’est pas terminée en Syrie où la situation est plus instable que jamais. Daech continue à menacer les prisons et les camps. Des cas de choléra sont signalés en Syrie et tout particulièrement dans le Nord-Est où les enfants sont prisonniers. Dans les camps, des enfants sont très malades, d’autres sont blessés, et leurs blessures ne peuvent être soignées sur place. La protection de l’enfance, ce n’est pas « quand les conditions le permettent » : la protection de l’enfance, c’est PARTOUT et MAINTENANT. Nous ne pouvons plus supporter les mensonges éhontés des autorités françaises sur les prétendues difficultés du rapatriement, les «c’est compliqué » et « c’est difficile » qu’on nous a assénés trop longtemps, alors que des enfants sont dans les camps depuis 5 ans. Si la France a enfin changé sa « doctrine », il faut faire vite, ne plus laisser les enfants dépérir dans les camps. La diplomatie française fait de la protection des enfants dans les conflits armés une « priorité absolue » : le retour des enfants français des camps kurdes doit devenir une « priorité absolue ». Il faut enfin accorder les déclarations et les actes.

Il faut rapatrier EN URGENCE tous les enfants et leurs mères. Pas un seul enfant français ne doit rester dans les camps.

Le Collectif des Familles Unies remercie, pour leur remarquable travail et engagement, Maîtres Marie Dosé et Laurent Pettiti. Nous remercions également, pour leur présence précieuse à nos côtés à la CEDH, Maître Ludovic Rivière et les eurodéputés Saskia Bricmont et Mounir Satouri, ainsi que leurs collaboratrices. Merci de tout cœur, pour ces enfants !

Le Collectif des Familles Unies Le 15 septembre 2022.