120 enfants et une cinquantaine de femmes djihadistes françaises toujours détenus dans le Nord-Est syrien

Les mères restant en Syrie refusent d’être rapatriées. Mais le sort de leurs enfants, de plus en plus grands, inquiète. Des grands-parents demandent leur retour en France. 

Par Christophe Ayad du Monde, publié le 07 octobre 2024 à 14h00

Une Française, épouse d’un djihadiste français, et quatre de leurs cinq enfants, dans une zone de contrôle de la province syrienne de Deir ez-Zor, après avoir fui l’ancien bastion EI de Baghouz, le 5 mars 2019.  DELIL SOULEIMAN / AFP

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Malgré les opérations massives de rapatriement opérées en 2022 et en 2023, il reste 120 enfants et leurs mères djihadistes françaises dans les camps de détention kurdes du Nord-Est syrien. C’est un nombre considérable, d’autant qu’au fil des années, les enfants grandissent et deviennent des adolescents, voire de jeunes adultes. « La France conditionne aujourd’hui toute opération de rapatriement à la formulation de demandes explicites de ces femmes qui ne peuvent ou ne veulent pas », explique Me Marie Dosé, qui milite depuis des années pour un rapatriement de tous les enfants de djihadistes français détenus en Syrie.

L’avocate estime que leur situation actuelle est une punition pour des crimes commis par leurs parents et qu’en les abandonnant à leur sort, dans des camps gardés par les forces kurdes dans le nord de la Syrie, on encourage leur radicalisation précoce sous l’influence de mères jusqu’au-boutistes. Me Dosé, mandatée par le Conseil national des barreaux, et Me Matthieu Bagard, coprésident d’Avocats sans frontières France, ont organisé, pour la deuxième fois en 2024, un voyage sur place, fin août, avec une délégation de sept grands-parents de ces enfants.

Selon l’avocate, la cinquantaine de femmes ayant refusé tout rapatriement à ce jour se divise en deux groupes, « celles qui restent très radicalisées et celles qui ont peur, soit des autres femmes, soit d’être séparées de leurs enfants à l’arrivée en France »« Ce que j’observe au fil du temps qui passe, c’est la situation changer et se dégrader pour ces enfants », explique Me Bagard.

« Ils souffrent et dépérissent »

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Pour les grands-parents, qui ont témoigné anonymement lors d’une conférence de presse organisée en septembre au cabinet parisien des deux avocats, il s’agissait parfois de la toute première réunion avec leur fille depuis son départ pour la Syrie au milieu des années 2010. Ces grands-parents, membres du Collectif des familles unies, demandent le rapatriement des enfants. Pour Laurent (le prénom a été modifié), « ces retrouvailles auraient dû se passer en France et non pas dans un camp sordideNos petits-enfants se projettent en France. Ils ont envie de rentrer, c’est évident ». « Ce fut tout à la fois une immense joie [de les retrouver] et un déchirement de devoir quitter nos petits-enfants et de les laisser derrière nous, dans ce camp [de Roj], où ils souffrent et dépérissent depuis six ans, sans protection, sans école et sans soins », écrit le collectif dans son communiqué.

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https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/10/07/120-enfants-et-une-cinquantaine-de-femmes-djihadistes-francaises-toujours-detenus-dans-le-nord-est-syrien_6345991_3224.html

Les plus âgés des garçons, entre 12 et 14 ans, sont transférés par les autorités autonomes kurdes dans les centres de réhabilitation d’Orkesh et de Houri, ainsi que dans la prison d’Alaya. La délégation a pu rencontrer cinq jeunes majeurs et un mineur français qui y sont incarcérés. « Leur état de santé est catastrophique, les rapatrier est une question de vie ou de mort », a alerté Me Dosé.

« Le projet de l’administration [kurde] du nord-est de la Syrie est d’extraire tous les garçons de plus de 12 ans (…) des camps d’Al-Hol et de Roj pour les interner dans ces centres de réhabilitation avant de les incarcérer dans une prison pour adultes. Un projet qui implique que de jeunes garçons, contre lesquels aucune procédure judiciaire n’est engagée en Syrie et dont la plupart sont arrivés dans le camp très jeunes, soient condamnés à une détention arbitraire sans fin », explique le communiqué du Collectif des familles unies.

La France a cessé, à l’été 2023, les rapatriements collectifs, après avoir mené quatre opérations en un an ayant permis de faire revenir 57 femmes et 169 mineurs. « Ces enfants sont des victimes, pas des bourreaux. Cette situation ubuesque sera une tache indélébile pour la France. C’est la honte de la France. Le temps limite est arrivé », a fustigé Patrick Baudouin, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, lors de la conférence de presse.

Actuellement, 364 enfants rapatriés de Syrie sont suivis par des juges pour enfants en France. Ils « ne posent aucune difficulté particulière », selon le procureur national antiterroriste, Olivier Christen, interrogé en septembre par Franceinfo.

Christophe Ayad