Les djihadistes français détenus en Irak souhaitent purger leur peine en France

Détenus dans des conditions épouvantables, quatorze Français, douze hommes et deux femmes, tous condamnés pour appartenance à l’Etat islamique, demandent leur rapatriement. 

Par Christophe Ayad du Monde Publié le 07 octobre 2024 à 05h30, modifié le 07 octobre 2024 

La djihadiste française Mélina Boughedir, au tribunal de Bagdad, le 19 février 2018. Elle est désormais détenue à la prison d’Al-Russafa, dans la capitale irakienne.  STRINGER / AFP

Quatorze Français djihadistes sont détenus dans les prisons irakiennes, douze hommes et deux femmes. Arrêtés par les forces arabo-kurdes en 2017 ou 2018 en Syrie, les hommes, tous des combattants de l’organisation Etat islamique (EI), avaient été transférés en Irak en vertu d’un accord secret passé avec Bagdad par Jean-Yves Le Drian, alors ministre des affaires étrangères, et critiqué par la rapporteuse spéciale de l’ONU pour les droits de l’homme. Les femmes avaient, pour leur part, été arrêtées par l’armée irakienne pendant la bataille de Mossoul, où elles résidaient avec leur mari membre de l’EI.

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Une fois à Bagdad, les hommes ont été incarcérés, jugés et condamnés à mort pour participation à une organisation terroriste, suscitant l’embarras de Paris. Les procès, qui se sont tenus en mai et juin 2019, n’avaient duré qu’une demi-heure, sans avocat ni traducteur. Les accusés, qui avaient souligné n’avoir jamais combattu en Irak mais plutôt en Syrie, avaient également fait état de torture. A l’époque, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, avait déclaré que Paris ne contestait pas « l’équité de ces procès » qui se sont tenus « dans de bonnes conditions avec une défense présente ». La Cour suprême fédérale d’Irak a fini par commuer les peines capitales en prison à vie, en juin 2023. Mais leurs conditions de détention posent problème et ils demandent aujourd’hui leur rapatriement afin de purger leur peine en France.

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Depuis 2019, ces Français, à l’exception de l’un d’entre eux, incarcéré à Nassiriya, dans le sud de l’Irak, sont détenus à la prison d’Al-Russafa, dans la capitale irakienne. C’est aussi le cas des deux Françaises, Djamila Boutoutaou et Mélina Boughedir, condamnées à vingt ans de réclusion en 2018. Aussi graves soient les crimes qu’ils aient pu commettre, leurs conditions de détention y sont épouvantables et indignes, selon quatre avocats français qui ont pu visiter leurs clients, à deux reprises ces douze derniers mois, dans leur prison de Bagdad – une première fois du 29 septembre au 3 octobre 2023, puis du 20 au 21 février 2024. Mes Matthieu Bagard, Marie Dosé, Chirine Heydari-Malayeri et Richard Sédillot ont rédigé, à l’attention des autorités françaises, deux mémorandums approfondis que Le Monde a pu consulter.

Nourriture avariée

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Dans la prison pour hommes, les avocats ont pu rendre visite à cinq détenus français dont ils sont les conseils. Quatre d’entre eux sont parqués dans une cellule qui compte 108 à 123 prisonniers, selon les périodes, pour 100 mètres carrés. Il est impossible aux détenus de s’asseoir par terre tous ensemble. Ils dorment sur des matelas sales posés à même le sol, sur le côté et à plusieurs pour pouvoir s’allonger. Le climatiseur de la cellule étant en panne, les gardiens ont demandé aux prisonniers de se cotiser pour en racheter un neuf.

Le récit livré par les avocats dans leur mémorandum est édifiant. La douche, les toilettes et la kitchenette de la cellule, qui pullule de cafards, sont côte à côte, séparées par un simple rideau. Il faut donner quelque chose au détenu qui fait office de chef de cellule pour pouvoir prendre une douche. Pour accéder aux deux toilettes à la turque la nuit, les détenus doivent piétiner leurs congénères. Il n’existe aucun système de lingerie. La gale est courante, la nourriture souvent avariée et insuffisante. Le médecin de la prison ne prescrit que du paracétamol ou des antibiotiques, quelle que soit la maladie.

Sous-alimenté, Léonard Lopez souffre d’une dystrophie et voit les muscles de son dos et de sa poitrine fondre. Il lui est interdit, comme aux autres, de pratiquer la moindre activité s’apparentant à du sport, y compris pendant les promenades, qui se limitent à une vingtaine de minutes une ou deux fois par semaine. Karam El Harchaoui souffre d’un scotome (taches noires dans le champ visuel) et Vianney Ouraghi d’asthme. L’un des détenus français s’est arraché deux dents avec un fil de fer, faute de dentiste. Il arrive que des détenus meurent en cellule.

Les djihadistes français partagent leur cellule avec des miliciens chiites irakiens, qui leur sont farouchement hostiles. Les bagarres, violences entre détenus et agressions sexuelles sont fréquentes. En cas de conflit, les gardiens prennent le parti des chiites, souvent leurs coreligionnaires, écrivent les avocats. En cellule, une télévision allumée en permanence déverse de la propagande religieuse chiite de 8 heures à 23 heures. Les livres sont interdits.
Plainte contre X

Plainte contre X

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Dans la prison des femmes, femmes et enfants sont détenus tous ensemble. Les enfants sont régulièrement frappés et insultés par les gardiens, selon les constatations des avocats, et doivent participer aux tâches ménagères comme le transport de nourriture. Ils n’ont accès à aucune éducation. Djamila Boutoutaou n’a plus aucune nouvelle depuis quatre ans de sa fille rapatriée en France, malgré une décision du tribunal des enfants de Bobigny l’autorisant à garder le contact avec l’enfant, aujourd’hui âgée de 8 ans. Malade, Mme Boutoutaou pèse aujourd’hui 120 kilos sans prendre plus d’un repas par jour. Sa santé est en grave danger. La seule distraction autorisée est la lecture du Coran en arabe. Les agressions sexuelles commises par le personnel pénitentiaire sont monnaie courante.

Les communications téléphoniques des détenus français avec leur famille et leurs avocats ne sont possibles que depuis peu. Les dons des familles (médicaments, livres, vêtements, nourriture, etc.) sont souvent saisis par les gardiens ou la direction de la prison.

« Tous les détenus rencontrés portent les stigmates des violences commises, qu’elles soient de nature physique, psychologique ou sexuelle, subies quotidiennement depuis des années. (…) On peut considérer que leur état physique et psychique est particulièrement inquiétant, et qu’aucun des soins que cet état exige n’est prodigué », résume le mémorandum.

Djamila Boutoutaou, Vianney Ouraghi et Brahim Nejara ont déposé plainte en France contre X, par le biais de leurs avocats, pour « actes de torture et de barbarie », ainsi que pour « séquestration arbitraire ». C’est aussi le cas de Léonard Lopez, Yassine Sakkam et Karam El Harchaoui. Des demandes de transfèrement ont été effectuées par tous les détenus représentés durant les douze derniers mois. Mais le ministère de la justice a fait savoir aux avocats que la demande devait émaner des autorités irakiennes. En septembre, les détenus se sont vu proposer par les autorités irakiennes de signer un texte en arabe demandant leur rapatriement en France, où ils purgeraient le reste de leur peine.

Statut de témoin assisté

Ces détenus djihadistes français sont tous poursuivis en France dans le cadre d’autres procédures pour terrorisme. Leurs avocats, pour pouvoir les rencontrer, doivent obtenir un permis du ministère irakien de la justice − et du ministère de l’intérieur, dans le cas de Mme Boutoutaou. Les avocats des hommes « n’ont pas pu préparer leur défense dans des conditions garantissant la confidentialité de leurs échanges », mentionne le mémorandum. Tous les entretiens se sont déroulés en même temps, dans le bureau du directeur de la prison, en présence d’une agente pénitentiaire et d’un membre des services de renseignement. Dans la prison des femmes, Me Marie Dosé, l’avocate de Djamila Boutoutaou, a rencontré sa cliente en présence de la directrice de l’établissement pénitentiaire et de quatre hommes.

A la deuxième visite en Irak, les avocats des hommes n’ont pas eu le droit de prendre ni papier ni stylo lors des entretiens. Quant à l’avocate défendant Djamila Boutoutaou, Me Dosé, elle a subi une fouille s’apparentant à une agression sexuelle.

De manière surprenante, soulignent les avocats, un juge d’instruction antiterroriste français a pris l’initiative de venir à Bagdad interroger un détenu français, Fodil Tahar Aouidate, sous le statut de témoin assisté, alors qu’il est pourtant sous le coup d’un mandat d’arrêt pour la même procédure. Ce dernier n’ayant pas d’avocat français, le juge a fait appel à un avocat commis d’office de la conférence, qui a accepté de l’accompagner lors de son transport à Bagdad, du 5 au 8 décembre 2023. Fodil Tahar Aouidate a été entendu dans le bureau du premier président de la cour d’appel de Bagdad en présence d’une demi-douzaine de personnes, dont l’officier de sécurité qui l’avait interrogé et torturé à son arrivée en Irak, a-t-il fait savoir à ses autres codétenus, qui l’ont transmis à la délégation des avocats français.

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Sur le papier, rien ne s’oppose à l’exécution de cette commission rogatoire internationale, mais les conditions de l’audition par le juge et de détention du « témoin » − identique à celles des autres Français rencontrés par la délégation de quatre avocats − ne manquent pas d’interroger. « Je trouve déplorable que les magistrats instructeurs se déplacent jusqu’en Irak pour entendre, sous un statut parfaitement inadapté, celui de témoin assisté, des ressortissants français qui sont sous le coup d’un mandat d’arrêt international et qui sont détenus dans des conditions qui ne permettent pas d’être interrogés dans le respect de nos principes fondamentaux », s’insurge Me Marie Dosé.

Ce statut de témoin assisté permet de préserver les droits de la personne entendue à l’étranger, explique une source proche du dossier. Une autre audition de la même sorte par une juge antiterroriste est prévue dans les semaines à venir à Bagdad.

Rectificatif le 7 octobre à 15 h 07 : correction du nombre de djihadistes français détenus en Irak et du nombre de ceux ayant déposé plainte en France, ainsi que de leurs dates d’arrestation.

Christophe Ayad

120 enfants et une cinquantaine de femmes djihadistes françaises toujours détenus dans le Nord-Est syrien

Les mères restant en Syrie refusent d’être rapatriées. Mais le sort de leurs enfants, de plus en plus grands, inquiète. Des grands-parents demandent leur retour en France. 

Par Christophe Ayad du Monde, publié le 07 octobre 2024 à 14h00

Une Française, épouse d’un djihadiste français, et quatre de leurs cinq enfants, dans une zone de contrôle de la province syrienne de Deir ez-Zor, après avoir fui l’ancien bastion EI de Baghouz, le 5 mars 2019.  DELIL SOULEIMAN / AFP

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Malgré les opérations massives de rapatriement opérées en 2022 et en 2023, il reste 120 enfants et leurs mères djihadistes françaises dans les camps de détention kurdes du Nord-Est syrien. C’est un nombre considérable, d’autant qu’au fil des années, les enfants grandissent et deviennent des adolescents, voire de jeunes adultes. « La France conditionne aujourd’hui toute opération de rapatriement à la formulation de demandes explicites de ces femmes qui ne peuvent ou ne veulent pas », explique Me Marie Dosé, qui milite depuis des années pour un rapatriement de tous les enfants de djihadistes français détenus en Syrie.

L’avocate estime que leur situation actuelle est une punition pour des crimes commis par leurs parents et qu’en les abandonnant à leur sort, dans des camps gardés par les forces kurdes dans le nord de la Syrie, on encourage leur radicalisation précoce sous l’influence de mères jusqu’au-boutistes. Me Dosé, mandatée par le Conseil national des barreaux, et Me Matthieu Bagard, coprésident d’Avocats sans frontières France, ont organisé, pour la deuxième fois en 2024, un voyage sur place, fin août, avec une délégation de sept grands-parents de ces enfants.

Selon l’avocate, la cinquantaine de femmes ayant refusé tout rapatriement à ce jour se divise en deux groupes, « celles qui restent très radicalisées et celles qui ont peur, soit des autres femmes, soit d’être séparées de leurs enfants à l’arrivée en France »« Ce que j’observe au fil du temps qui passe, c’est la situation changer et se dégrader pour ces enfants », explique Me Bagard.

« Ils souffrent et dépérissent »

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Pour les grands-parents, qui ont témoigné anonymement lors d’une conférence de presse organisée en septembre au cabinet parisien des deux avocats, il s’agissait parfois de la toute première réunion avec leur fille depuis son départ pour la Syrie au milieu des années 2010. Ces grands-parents, membres du Collectif des familles unies, demandent le rapatriement des enfants. Pour Laurent (le prénom a été modifié), « ces retrouvailles auraient dû se passer en France et non pas dans un camp sordideNos petits-enfants se projettent en France. Ils ont envie de rentrer, c’est évident ». « Ce fut tout à la fois une immense joie [de les retrouver] et un déchirement de devoir quitter nos petits-enfants et de les laisser derrière nous, dans ce camp [de Roj], où ils souffrent et dépérissent depuis six ans, sans protection, sans école et sans soins », écrit le collectif dans son communiqué.

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https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/10/07/120-enfants-et-une-cinquantaine-de-femmes-djihadistes-francaises-toujours-detenus-dans-le-nord-est-syrien_6345991_3224.html

Les plus âgés des garçons, entre 12 et 14 ans, sont transférés par les autorités autonomes kurdes dans les centres de réhabilitation d’Orkesh et de Houri, ainsi que dans la prison d’Alaya. La délégation a pu rencontrer cinq jeunes majeurs et un mineur français qui y sont incarcérés. « Leur état de santé est catastrophique, les rapatrier est une question de vie ou de mort », a alerté Me Dosé.

« Le projet de l’administration [kurde] du nord-est de la Syrie est d’extraire tous les garçons de plus de 12 ans (…) des camps d’Al-Hol et de Roj pour les interner dans ces centres de réhabilitation avant de les incarcérer dans une prison pour adultes. Un projet qui implique que de jeunes garçons, contre lesquels aucune procédure judiciaire n’est engagée en Syrie et dont la plupart sont arrivés dans le camp très jeunes, soient condamnés à une détention arbitraire sans fin », explique le communiqué du Collectif des familles unies.

La France a cessé, à l’été 2023, les rapatriements collectifs, après avoir mené quatre opérations en un an ayant permis de faire revenir 57 femmes et 169 mineurs. « Ces enfants sont des victimes, pas des bourreaux. Cette situation ubuesque sera une tache indélébile pour la France. C’est la honte de la France. Le temps limite est arrivé », a fustigé Patrick Baudouin, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, lors de la conférence de presse.

Actuellement, 364 enfants rapatriés de Syrie sont suivis par des juges pour enfants en France. Ils « ne posent aucune difficulté particulière », selon le procureur national antiterroriste, Olivier Christen, interrogé en septembre par Franceinfo.

Christophe Ayad

Enfants français retenus dans les camps en Syrie : « C’est la honte de la France ! »

Un collectif d’avocats et d’humanitaires et de familles dénonce l’absence de volonté de la France de rapatrier de nombreux enfants encore prisonniers en Syrie.

Par Timothée Boutry  du Parisien, le 18 septembre 2024 à 18h46

Une enfant dans le camp de Roj (octobre 2023). Des grands-parents français se sont rendus cet été dans les camps de réfugiés kurdes où 120 enfants français et leurs mères croupissent. AFP/Delil souleiman

Au mois d’août, ils ont enfin fait connaissance avec leurs deux petits-fils de 6 et 7 ans, nés en captivité : « Au début, ils étaient un peu intimidés mais ça s’est bien passé. Ils manquent de tout et vivent sous des tentes dans des conditions matérielles et sanitaires déplorables. » Lors de ce déplacement dans le camp de Roj, au Kurdistan syrien, où sont retenus les femmes djihadistes et leurs enfants, ils ont aussi pu serrer dans leurs bras le corps chétif de leur fille, qu’ils n’avaient pas revue depuis neuf ans. « On l’a sentie extrêmement lasse et fatiguée. »

Ce couple fait partie des sept grands-parents qui se sont rendus cet été avec Me Marie Dosé, l’avocate du Collectif des familles unies, et Me Matthieu Bagard, coprésident d’Avocats sans frontières, dans les camps de réfugiés kurdes, où 120 enfants français et leurs mères croupissent. Lors d’une conférence de presse organisée ce mercredi 18 septembre, ces grands-parents meurtris et plusieurs organisations ont lancé un nouvel appel pour le rapatriement immédiat de tous les ressortissants français.

« Les Kurdes nous demandent pourtant de les reprendre »

Lors de ce déplacement estival, les avocats, mandatés par le Conseil national des barreaux (CNB), ont non seulement eu accès aux camps de réfugiés, mais également aux centres de réhabilitation d’Orkech et de Houry, où sont emmenés les garçons à l’adolescence, ainsi qu’à la prison d’Alaya.

« Six enfants français, de jeunes majeurs et un mineur, sont détenus là. La priorité, c’est de les ramener eux. Ils sont dans un état physique et psychologique catastrophique, c’est même une question de vie ou de mort. Après une première visite en février, nous avions demandé leur rapatriement au Quai d’Orsay. L’absence de réponse correspond à un refus implicite. Les Kurdes nous demandent pourtant de les reprendre », développe Marie Dosé qui a lu des extraits de leurs lettres de demandes de retour.

« On l’a oublié et on le laisse crever »

Dans chaque courrier, la même détresse : A., né à Toulouse en 2002, qui souffre d’intenses douleurs après avoir été gravement blessé par des éclats de mortier ; A., lui aussi né dans la ville rose en 2002 et qui tombe régulièrement dans les pommes après avoir sauté sur une mine ; I., né en Corse en 2004, emmené de force en Syrie par ses parents lorsqu’il avait 12 ans et malade du rein. L’un d’eux se trouve à Orkech alors que sa mère et ses frères et sœurs ont été rapatriés en janvier 2023. « On l’a oublié et on le laisse crever », assène Marie Dosé. Tous ces jeunes sont judiciarisés. Ils ont également reçu à plusieurs reprises la visite des services de renseignement français.

« Quand il nous a vus, notre petit-fils de 15 ans s’est jeté dans nos bras. Il était abasourdi qu’on ait fait un tel trajet et ne pensait jamais nous revoir. Il était très amaigri », racontent des grands-parents après leur visite à Orkech – leur fille et leurs trois autres petits-enfants de 13, 9 et 5 ans sont à Roj. « C’est abominable de laisser ces enfants qui n’ont rien demandé grandir dans ces conditions, sans soins ni instruction », ajoutent-ils.

Au-delà du cas de ces 6 adolescents, se pose la question plus globale du rapatriement de tous les enfants qui n’ont pas été concernés par les différentes vagues de retour déjà intervenues. « La France conditionne toute opération à l’accord des mères. Celles qui refusent le font pour différentes raisons : elles peuvent être radicalisées, fragiles psychologiquement ou tout simplement incapables de se projeter dans la séparation d’avec leurs enfants avec lesquels elles vivent en symbiose depuis de si longues années, expose Me Dosé. Mais aujourd’hui, la France doit protéger ces enfants de l’incapacité de leurs mères à prendre les bonnes décisions. »

Ces enfants ont un nom, un visage. On les voit grandir »

L’attente pour les proches n’en est que plus insoutenable. « C’est impossible de décrire ce qui nous submerge quand on retrouve ses petits-enfants, décrit un couple. Ils avaient 1, 3 et 7 ans lorsqu’ils sont arrivés dans le camp. Ils sont parfaitement innocents et, pourtant, ils purgent une peine. Malgré tout, les deux aînés se projettent dans l’avenir avec un mélange d’espoir et d’inquiétude. »

Et ce couple de rappeler que la France est quasiment le seul pays européen à ne pas avoir rapatrié ses jeunes ressortissants. « Ces enfants ont un nom, un visage. On les voit grandir. On a peur pour eux quand l’hiver approche. On se demande comment un pays peut les abandonner et leur faire subir une injustice aussi vertigineuse », interroge l’humoriste Sophia Aram du collectif des parrains-marraines.

De l’avis de tous les intervenants, seul le manque de courage politique empêche un retour massif. « C’est la honte de la France. Cela restera comme une tache indélébile », martèle Patrick Baudouin, le président de la Ligue des droits de l’homme (LDH). « Il y a un décalage terrible entre une diplomatie qui se glorifie, à juste titre, d’avoir fait adopter des textes sur la protection de l’enfance et son incapacité à les appliquer là où cela demande de la créativité », développe l’avocat et ancien ambassadeur François Zimeray, en rappelant que les principales associations de victimes du terrorisme militent également pour ces retours.

La semaine dernière sur France Info, le procureur national antiterroriste Olivier Christen a indiqué que les 364 enfants jusqu’ici rapatriés « ne posent aucune difficulté particulière ».

Timothée Boutry 

NOUVELLE MISSION DANS LE NORD-EST DE LA SYRIE : RENCONTRES AVEC LES ENFANTS FRANÇAIS PRISONNIERS  :

Communiqué de presse du 18/09/24

Camp de prisonniers Roj, centres Orkesh et Houri, prison Alaya

Sept grands-parents, tous membres du Collectif des Familles Unies, se sont rendus à la fin du mois d’août dans le Nord-Est de la Syrie, pour rencontrer leurs petits-enfants détenus dans le camp de prisonniers Roj, les centres de « réhabilitation » Orkesh et Houri, et la prison d’Alaya. Ils étaient accompagnés par Me Matthieu Bagard, co-président de Avocats sans frontières France, et Me Marie Dosé, mandatée par le Conseil National des Barreaux.

C’est la deuxième visite cette année d’une délégation française de familles et d’avocats dans le Nord-Est de la Syrie : en février dernier, Me Dosé et Me Bagard, accompagnés de deux représentants du Collectif des Familles Unies, avait pu avoir accès au camp Roj, où ils avaient rencontré des enfants et des femmes françaises, et au centre Orkesh, où quatre jeunes français leur avaient exprimé leur désespoir et leur désir d’être rapatriés. Cette mission a également été l’occasion de retrouvailles entre des enfants français et leurs grands-parents.


En février, notre délégation composée de quatre personnes avait pu circuler librement dans le camp et entrer dans les tentes. Cette fois-ci, les rencontres ont eu lieu dans les locaux de l’administration. Des grands-parents ont pu serrer dans leurs bras des petits-enfants qu’ils ne connaissaient pas ou qu’ils n’avaient pas vus depuis des années. Nous avons eu accès au camp deux jours de suite, et avons longuement échangé avec nos petits-enfants et leurs mères. Nous avons évoqué leurs conditions de vie misérables et répondu à leurs questions sur leur avenir, leur famille, leur pays… Nous avons dialogué, non seulement avec nos familles, mais avec d’autres femmes françaises du camp, venues nous parler ou interroger Mes Dosé et Bagard sur les conditions d’accueil en France. Ce fut tout à la fois une immense joie et un déchirement de devoir quitter nos petits-enfants et de les laisser derrière nous, dans ce camp, où ils souffrent et dépérissent depuis six ans, sans protection, sans école et sans soins.

Le troisième jour, nous sommes rentrés dans les centres Orkesh et Houri et dans la prison d’Alaya pour rencontrer les mineurs et jeunes majeurs français qui y sont incarcérés. Nous avons rencontré des jeunes français blessés (certains très sérieusement), malades, épuisés, qui ne comprennent pas pourquoi leur pays les abandonne dans ces centres de détention et ces prisons où ils errent sans but depuis qu’ils ont douze, treize ou quatorze ans. Le plus jeune d’entre eux a 15 ans. Il a été arraché à sa mère, ses frères et sœurs il y a un an et demi dans le camp Roj. Un autre est détenu seul dans le centre Houri depuis six ans. Un troisième, oublié par le quai d’Orsay, a vu toute sa famille rapatriée en France sans lui. Un quatrième a tenté de se suicider dans sa cellule avant d’être sauvé in extremis par un prisonnier syrien. L’avenir de ces jeunes français, nous ont confirmé les responsables kurdes, est soit un rapatriement en France, soit la prison en Syrie sans aucune certitude qu’ils en sortent un jour. Le projet de l’Administration du Nord-Est de la Syrie est d’extraire tous les garçons de plus de 12 ans – que leur pays ne rapatrierait pas – des camps Al-Hol et Roj pour les interner dans ces centres de « réhabilitation » avant de les incarcérer dans une prison pour adultes. Un projet qui implique que de jeunes garçons, contre lesquels aucune procédure judiciaire n’est engagée en Syrie et dont la plupart sont arrivés dans les camps très jeunes, soient condamnés à une détention arbitraire sans fin. Tous ces garçons nous ont suppliés, ont supplié les avocats de les sortir de cet enfer.

Nous avons quitté la Syrie avec un sentiment d’amertume et de profonde tristesse. Comment un Etat de droit comme la France, qui se proclame le pays des droits de l’homme, peut-il abandonner ses enfants dans des conditions pareilles ? Comment peut-on accepter qu’on punisse des enfants innocents pour des faits qu’ils n’ont pas commis ? 

En 2019, tout était prêt pour rapatrier tout le monde, adultes et enfants. Puis le pouvoir politique a lâchement renoncé. D’abord, on n’a rapatrié personne en avançant des raisons plus fallacieuses les unes que les autres, puis les orphelins uniquement (et notamment une petite orpheline dont la mère est morte dans le camp, sous ses yeux), puis les enfants sans leurs mères… De 2019 à 2022, 35 enfants seulement ont été rapatriés.

Enfin, après les condamnations de la France par les comités onusiens et la Cour Européenne des droits de l’homme, 134 enfants et leurs mères ont été rapatriés de juillet 2022 à juillet 2023. 

Depuis juillet 2023, rien. L’Etat français a laissé sur place, dans le camp de prisonniers Roj, une cinquantaine de femmes et environ 120 enfants (la responsable kurde de la sécurité du camp Roj nous a confirmé qu’il restait cinquante familles françaises dans le camp), au prétexte que les femmes qui restaient n’avaient pas accepté le rapatriement, et qu’elles conservaient l’autorité parentale sur leurs enfants. Aucune autre opération de rapatriement n’était donc envisagée, et l’on pouvait, en toute quiétude, abandonner une centaine d’enfants français à un emprisonnement sans fin dans des conditions épouvantables.

Grands-parents, qui se sont rendus à la fin du mois d’août dans le Nord-Est de la Syrie, dans le camp de prisonniers Roj et des centres de « réhabilitation » Orkesh et Houri, et la prison d’Alaya, accompagnés par Me Matthieu Bagard, d’Avocats sans frontières France, et Me Marie Dosé, mandatée par le Conseil National des Barreaux.

L’Etat français oublie que ces femmes et ces enfants sont prisonniers des Forces Démocratiques Syriennes, qui sont membres de la Coalition contre Daech, dirigée par les Etats-Unis, et dont la France fait partie.

L’Etat français oublie que les Forces Démocratiques Syriennes demandent expressément aux pays étrangers de rapatrier leurs ressortissants, et considèrent que ces pays doivent assumer la responsabilité de leurs citoyens détenus.

L’Etat français oublie que toutes les femmes françaises détenues dans le camp Roj font l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par des juges français qui travaillent depuis dix ans sur leurs dossiers d’instruction.

L’Etat français oublie que ces enfants subissent une détention arbitraire, dénoncée par les Rapporteurs des Nations Unies, la Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie, les organisations internationales des droits humains. 

L’Etat français oublie que cette détention arbitraire est susceptible de constituer un crime de guerre, que la France est signataire de la Convention des droits l’enfant qui précise dans son article 37 : « Les Etats parties veillent à ce que (…) nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale et arbitraire. » 

L’Etat français oublie que le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, le Comité contre la Torture des Nations Unies, et la Cour Européenne des droits de l’homme ont jugé que les conditions de détention des enfants dans les camps syriens sont totalement contraires à l’intérêt supérieur des enfants, constituent des traitements inhumains et dégradants, et portent atteinte à leur droit à la vie.

L’Etat français oublie que l’intérêt supérieur de l’enfant (qui n’est pas de survivre en détention dans un camp sordide) doit prévaloir sur l’avis d’une mère toujours radicalisée, ou terrorisée par la perspective de devoir se séparer de ses enfants avec lesquels elle a vécu en osmose forcée durant dans d’années.

L’Etat français oublie que la protection de l’enfance, dans tous les cas de figure, est un devoir absolu, et que la diplomatie française a fait de la protection de l’enfance dans les conflits armés une « priorité absolue » (et si peu respectée…)

L’Etat français oublie que la France peut trouver une solution globale pour ramener TOUS ces enfants et leurs mères en France, et respecter ainsi le droit international, les droits de l’enfant, nos principes et nos valeurs. Des solutions existent, les autorités françaises les connaissent, les autorités kurdes sont prêtes à collaborer et à participer à une solution globale de rapatriement, qui mettrait fin à l’une des pages les plus honteuses de notre histoire.

***

Notre Collectif, après cette mission, demande solennellement et de nouveau au Président de la République et au gouvernement français de rapatrier les ressortissants français détenus dans le Nord-Est de la Syrie et en Irak, en particulier les enfants détenus dans le camp Roj et les garçons détenus dans les centres et prison Orkesh, Houri et Alaya. Les adultes doivent être jugés en France, où le Parquet National Antiterroriste, les magistrats instructeurs antiterroristes et les associations de défense des victimes du terrorisme les réclament. 

Après tant d’années, ces enfants doivent être enfin libérés et rentrer chez eux. C’est une question de dignité.

Nous remercions l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie pour avoir autorisé ces visites.

Le 18 septembre 2024.

Le Collectif des Familles Unies

Roubaix : la justice annule l’expulsion d’une jeune femme rentrée de Syrie après y avoir été emmenée et mariée de force

par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille pour Libération

publié le 7 mai 2024 à 18h44

L’ancien préfet du Nord Georges-Francois Leclerc qui avait demandé l’expulsion de la jeune femme et Marie Dosé, l’avocate de la plaignante menacée d’expulsion. (Sameer Al-Doumy. Thomas Samson/AFP)

Suspendu par la justice dès sa publication en octobre, l’arrêté d’expulsion de la jeune femme de 25 ans emmenée en Syrie par sa mère radicalisée il y a dix ans a été annulé, a-t-on appris ce mardi 7 mai.

Sana (1), 25 ans aujourd’hui, emmenée et mariée de force en Syrie à 15 ans, peut enfin espérer reprendre une vie normale. Le tribunal administratif de Lille a annulé ce vendredi 3 mai la procédure d’expulsion intentée à son encontre par la préfecture du Nord, dans un jugement rendu public ce mardi 7 mai. «Je suis soulagée, réagit son avocate, Me Marie Dosémais c’est un immense gâchis et une perte de temps considérable.»

Elle le rappelle, Sana est entrée sur le territoire français en juillet 2023, après avoir réussi à sortir du camp syrien de Al-Roj, avec ses deux petites filles, et est depuis considérée en situation irrégulière. «Elle n’a pas pu commencer à travailler, pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses filles. Celles-ci ont été placées, même si elle les voit toutes les semaines, et que tous les rapports la décrivent comme une excellente mère», raconte l’avocate, qui déplore : «Elle a très mal vécu d’être une charge pour l’Etat français.»

Sana a choisi de vivre dans le Nord car c’est là où elle a grandi, à Roubaix, avec une mère algérienne radicalisée qui lui a refusé l’accès à la nationalité française. Elle avait alors 13 ans. «C’est à ce moment-là que sa mère la déscolarise, l’envoile et lui interdit de sortir», précise Marie Dosé.

«Ma cliente a survécu à cette violence administrative»

L’avocate a du mal à comprendre l’obstination préfectorale dans cette affaire : l’ancien préfet du Nord, Georges-François Leclerc, aujourd’hui directeur de cabinet de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, avait défendu sa position en personne devant la Commission d’expulsion des étrangers. Une implication rarissime. Celle-ci n’avait pas cillé et avait émis un avis défavorable à l’expulsion. Comme il n’était que consultatif, le préfet était passé outre en publiant l’arrêté le 10 octobre 2023, aussitôt suspendu par le tribunal administratif de Lille.

Déjà, à cette époque, celui-ci estimait qu’un doute sérieux concernait la menace que représenterait Sana, qui justifierait son obligation de quitter le territoire français. «On aurait pu croire qu’avec un nouveau préfet, des écrits de la Défenseure des droits en notre faveur, ils auraient lâché, soupire Marie Dosé. Pas du tout. L’avocate de la préfecture a soutenu à l’audience que quand ces femmes provenant de Syrie arrivent en France, on ne sait pas qui elles sont et qu’il est normal qu’on ne prenne pas de risques.»

Un principe de précaution que n’a pas suivi le tribunal administratif. Il souligne dans son jugement : «Si elle n’a pas condamné expressément l’organisation terroriste auprès de laquelle elle a vécu plusieurs années, elle a, à de nombreuses reprises, pris ses distances et exprimé son hostilité à l’égard de son milieu d’origine et de cette période de sa vie.» Il rajoute : «Il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’elle entretiendrait d’autres relations, depuis son retour en France, avec des personnes membres de l’Etat islamique ou proches de ce mouvement.» La préfecture, contactée, n’a pas commenté pas cette décision. Marie Dosé, l’avocate de Sana, conclut : «Ma cliente a survécu à cette violence administrative. Mais ses enfants et elle avaient besoin de tout, sauf de cela.»

(1) Le prénom a été modifié.

«Envoyé spécial» sur les enfants de jihadistes français : «Je ne suis pas un monstre, je ne suis pas un vampire»

A voir sur France 2

Dans le remarquable documentaire «Fils de jihadistes : l’impossible retour ?», diffusé jeudi 11 avril sur France 2, quatre jeunes détenus d’une prison du nord-est syrien racontent leur parcours et leur vie depuis la chute du «califat» de Daech.
Dans le camp de Roj (nord-est de la Syrie), où sont détenus des proches de jihadistes, le 8 octobre. (Delil Souleiman /AFP)

par Luc Mathieu , Libération du 10/04/24

Ils avaient 9 ans, ou à peine 10, lorsque leurs parents français les ont emmenés en Syrie. C’était aux alentours de 2015, lorsque l’Etat islamique venait de déclarer son «califat» et attirait des milliers de jihadistes étrangers. Adem, Youssef, Elias et Hamza sont aujourd’hui détenus dans le centre de réhabilitation d’Orkesh, à côté de Qamichli, dans le nord-est syrien. C’est dans cette prison que les journalistes Guillaume Lhotellier et Chris Huby ont pu, après des années de négociations avec les autorités kurdes, les filmer pour la première fois à visage découvert. En a résulté un remarquable documentaire, Fils de jihadistes : l’impossible retour ? – sobre et précis, sans emphase ni jugement –, qui permet de retracer leur parcours et d’entendre ces quatre jeunes que les autorités françaises aimeraient bien oublier en Syrie.

Les quatre Français ont aujourd’hui une vingtaine d’années et disent leur épuisement. Adem est l’un des fils de Fabien Clain, l’un des jihadistes français les plus dangereux, responsable entre autres de la propagande du groupe et qui a revendiqué les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. Fabien Clain est mort à Al-Baghouz, là où s’est joué début 2019 la dernière bataille entre l’EI et les forces kurdes et occidentales. Son fils a survécu mais a été blessé gravement à une jambe, mal soignée. Hamza a des éclats d’obus dans la tête. La médecin qui l’ausculte dit qu’il aurait besoin de cinq opérations chirurgicales mais qu’ils ne peuvent pas les pratiquer en Syrie. Youssef, blessé à Al-Baghouz, raconte qu’il a «la mémoire cassée» et des idées suicidaires.

Ils blâment leurs parents qui les ont emmenés en Syrie sans rien leur demander, ni les prévenir. «J’en veux à mon père. Il a ramené d’autres [Français] qui n’ont pas survécu», dit Adem. Il affirme n’avoir jamais combattu ou tenu une arme. Hamza, lui, a été l’un de ces «lionceaux du califat», ces enfants et adolescents de 9 à 15 ans qui ont nourri la propagande de Daech et parfois participé à des combats. «J’espère que je n’ai tué personne mais je n’en sais rien, dit-il. Ce n’est pas un jeu la guerre, ce n’est pas comme sur un téléphone où quand tu perds tu peux recommencer. Là, si tu perds, tu ne reviens pas.»

Ils vivent désormais «en dehors du monde», enfermés 16 heures par jour, sans radio ni accès à Internet. «J’ai l’impression d’être en mode “pause”, j’attends que quelqu’un appuie sur “lecture” pour commencer ma vie», dit Adem. Ils suivent des cours de maths, d’arabe et d’anglais, dispensés par des femmes non voilées. L’une des professeures explique qu’ils font des progrès, que l’idée n’est pas de les confronter frontalement à leur idéologie, mais qu’ils s’en distancient par eux-mêmes.

Depuis leur prison, les quatre Français comprennent la peur et le rejet qu’ils peuvent engendrer dans leur pays d’origine, tout en refusant d’être assimilés à leurs parents, le plus souvent morts, et à l’idéologie de ces derniers. «Je ne suis pas un monstre, je ne suis pas un vampire, je n’ai pas envie de ça», dit Youssef.«Nous sommes quatre gamins qui demandent à rentrer dans notre pays»,résume Adem.

Plusieurs dizaines de jeunes, originaires d’une vingtaine de pays, sont aujourd’hui détenus à Orkesh. Le responsable du centre se plaint de la faiblesse des financements des pays étrangers. Il craint que l’EI, toujours actif en Syrie, attaque la prison.

Enfants de jihadistes en Syrie : «Ils n’ont rien choisi et pourtant ils se retrouvent là, loin de leur pays, blessés et gravement malades»

Interview par  Luc Mathieu / Libération du 4 mars 2024

Les avocats Marie Dosé et Matthieu Bagard ont accompagné des représentants du Collectif des familles unies en Syrie auprès de femmes et d’enfants de jihadistes qui n’ont toujours pas été rapatriés par la France. Ils alertent sur leur situation qui se dégrade.

Au camp de Roj, dans lequel sont regroupées des familles de jihadistes, dans le nord-est de la Syrie, le 8 octobre 2023. (Delil Souleiman/AFP)

Malgré plusieurs condamnations, notamment par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, la France refuse de rapatrier les enfants et leurs mères qui sont toujours détenus dans les camps pour familles de jihadistes de l’Etat islamique du nord-est de la Syrie. Pour la première fois, l’avocate Marie Dosé et le coprésident de l’association Avocats sans frontières Matthieu Bagard se sont rendus avec des représentants du Collectif des familles unies dans celui de Roj et dans le centre d’Orkech, où sont détenus au moins quatre adolescents français. Selon nos informations, des agents de la DGSI ont interrogé ces quatre Français à deux reprises, dont la dernière fois en janvier 2023. Ils leur avaient alors assuré qu’ils seraient rapatriés.

Quelle est la situation humanitaire dans le camp de Roj ?

Marie Dosé : Il reste un peu plus d’une centaine d’enfants français et une quarantaine de mères. Le camp de Roj, c’est de la terre, de la poussière, et des tentes à perte de vue. Rien d’autre.

Matthieu Bagard : Et il n’y a plus d’électricité depuis plus d’un mois, à cause des bombardements turcs. La situation humanitaire est catastrophique.

Dans quel état les enfants sont-ils ? Demandent-ils à rentrer en France ?

M.D. : Les enfants ne nous ont pas quittés un seul instant, et il n’était pas sorcier de voir combien nous représentions pour eux une incroyable attraction, dans un quotidien vide d’absolument tout. Ils posent énormément de questions sur la France, sur leurs copains rapatriés, sur notre mode de vie. Ça a été très compliqué de les laisser…

M.B. : Ils étaient très joyeux, heureux de rencontrer enfin des Français. Leurs mères nous ont laissés discuter librement avec eux pendant des heures. En revanche, la plupart sont maigres et visiblement carencés. Certains ont besoin de soins, notamment dentaires, de toute urgence.

Y a-t-il encore des orphelins dans le camp ?

M.D. : A notre connaissance, un seul orphelin n’a pas été rapatrié. Sa grand-mère, qui vit elle aussi dans le camp, ne veut pas qu’il le soit.

Est-il vrai, comme l’affirme le gouvernement français, que les mères encore présentes refusent de rentrer en France ? Comment se justifient-elles ?

M.D. : Ce fut une de mes plus grosses surprises, lors de cette mission : l’accueil que nous ont réservé ces femmes. Nous ne les avons pas vues toutes, certes, mais nous avons échangé avec beaucoup d’entre elles. Je m’attendais à de la défiance, et même à de l’hostilité, or ce ne fut pas du tout le cas.

M.B. : Nous étions persuadés que leur refus d’être rapatriées avec leurs enfants était dicté par leur idéologie. En réalité, elles ont surtout peur de rentrer en France, et cela pour plusieurs raisons : la perspective d’être séparées de leurs enfants après toutes ces années passées à vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec eux, les peines d’emprisonnement évidemment très lourdes qui les attendent. Enfin, le fait que la prise en charge de leurs enfants se ferait en foyers ou en familles d’accueil, et non dans leurs propres familles. Ce sont tous ces facteurs qui, à différents degrés, les retiennent.

M.D. : Et lorsqu’on leur explique qu’il n’y a pas d’autre solution, elles l’entendent parfaitement mais ne parviennent pas vraiment à se faire une raison.

Vous avez rencontré quatre mineurs français détenus dans le centre pour adolescents d’Orkech. Comment sont-ils arrivés là ?

M.D. : Ce fut un choc immense que de les voir là, dans ce centre. Tous ont été emmenés en Syrie par leurs parents alors qu’ils avaient 10 ou 11 ans. Ils n’ont rien choisi ni voulu de cette situation, et pourtant les voilà qui se retrouvent là, loin de leur pays, de leurs familles, blessés et gravement malades.

M.B. : L’un est aveugle d’un œil et doit être opéré de toute urgence, deux ont des blessures au crâne impressionnantes, et un autre souffre d’une maladie rénale. Leurs muscles sont atrophiés et leurs blessures visibles à l’œil nu. Ils sont dans un état déplorable. La France ne peut les laisser plus longtemps là-bas.

M.D. : Tous les quatre demandent à être rapatriés au plus vite. La famille d’un de ces jeunes Français l’a d’ailleurs déjà été, mais sans lui. Pourquoi ? Pourquoi lui faire payer le choix de ses parents ? Ils nous ont suppliés de ne pas les abandonner.

M.B. : Les autorités françaises savent très bien où ils se trouvent, et dans quel état. Ce fut vraiment le moment le plus dur de notre mission.

Ont-ils des contacts avec leur famille ?

M.D. : L’un d’eux, gravement blessé, n’a plus aucune famille en Syrie : sa mère est morte dans le camp d’Al-Hol. Il a appris que sa sœur était rentrée en France, mais n’a aucune nouvelle d’elle depuis six ans.

M.B. : Celui dont la famille a été rapatriée ne sait plus rien d’elle non plus. Sa mère, actuellement incarcérée, ignorait même où il se trouvait. Ceux dont les familles se trouvent dans le camp Roj peuvent les appeler quatre ou cinq minutes tous les deux mois.

La France a été condamnée à de multiples reprises pour son refus de rapatrier les femmes et mineurs détenus en Syrie. Comment expliquez-vous qu’elle continue à se mettre hors la loi sur ce dossier ?

M.D. : Récemment encore, et pour la seconde fois, le Comité contre la torture des Nations unies a épinglé la France sur cette question. Il faut rappeler que tous, enfants et mères, devaient être rapatriés au début de l’année 2019, avant que le président de la République ne fasse machine arrière, au motif de la prétendue impopularité d’une telle décision. Depuis, les autorités n’en finissent plus de s’enliser, alors qu’il existe des solutions pour rapatrier tous les enfants et leurs mères, malgré les réticences de celles-ci.

M.B. : Avocats sans frontières France a transmis des observations au Comité des ministres du Conseil de l’Europe pour l’alerter sur l’attitude de la France, qui persiste à ne pas respecter l’arrêt de condamnation de la Cour européenne. En refusant de rapatrier ces enfants et leurs mères, notre pays viole ouvertement la Convention internationale des droits de l’enfant, la Convention contre la torture des Nations unies et la Convention européenne.

Que vous ont dit les autorités kurdes sur le non-rapatriement des ressortissants français ?

M.B. : Nous avons été reçus, avec les représentants du Collectif des familles unies, par le directeur des Affaires étrangères du Rojava. Il est très préoccupé par les récentes offensives turques, qui ont visé des infrastructures civiles, et nous a vivement confirmé sa volonté de voir les femmes et les enfants détenus dans les camps de Roj et Al-Hol rapatriés dans leurs pays respectifs. Et il continue bien entendu de déplorer et de nous alerter sur le manque de soutien de la communauté internationale.

M.D. : Les autorités kurdes et la direction du centre Orkesh nous ont également indiqué que des rapatriements pouvaient être organisés à partir de ce centre comme à partir du centre Houri. Nous avons très bien compris que la question des rapatriements était entre les seules mains de la France : c’est aux autorités françaises de les organiser et de les mettre en œuvre.

DANS LE NORD-EST DE LA SYRIE , AUPRÈS DES ENFANTS FRANÇAIS PRISONNIERS 

Me Matthieu Bagard, co-président d’Avocats sans frontières, Me Marie Dosé, et deux représentants du Collectif des Familles Unies se sont rendus fin février dans le Nord-Est de la Syrie. 

Communiqué du Collectif des Familles Unies du lundi 04 mars 2024

Nous avons pu rencontrer des responsables de l’Administration kurde, et avoir accès au Centre de réhabilitation Orkesh et au camp de prisonniers Roj. C’est la première fois qu’une délégation française composée d’avocats et de représentants de familles peut se rendre dans le Nord-Est syrien, visiter les camps et rencontrer des enfants, des femmes, des jeunes majeurs français qui croupissent dans des centres de détention depuis des années. Toutes les tentatives précédentes ont été bloquées à l’initiative des autorités françaises. 

Nous avons eu un long entretien avec M. Badran Çiya Kurd, co-président du Département des Affaires étrangères de l’Administration autonome. Nous lui avons exposé nos positions, concernant le rapatriement nécessaire de tous les ressortissants français détenus dans le nord-est de la Syrie, en particulier de la centaine d’enfants qui survivent depuis 5 ans et plus dans le camp Roj. M. Badran Çiya Kurd nous a longuement parlé de la situation dans le Nord-Est syrien, marquée par les bombardements répétés de la Turquie sur des infrastructures civiles, qui privent une grande partie de la région d’électricité et qui affectent gravement la vie de la population civile. Il a insisté sur le manque de soutien de la communauté internationale face à ces attaques de la Turquie, et nous a confirmé que l’Administration kurde demandait toujours aux pays étrangers le rapatriement de leurs ressortissants, en particulier des enfants et des femmes détenues dans les camps. Les modalités particulières des rapatriements, les conditions du transfert des femmes et des enfants, sont entre les mains de la France en ce qui concerne les ressortissants français. Cet entretien nous a confirmé que les autorités françaises ont les capacités de faire revenir en France l’intégralité des enfants et des femmes détenus dans les camps, après négociations avec les responsables de l’Administration kurde, pour qui la présence de ces femmes et enfants dans les camps est une lourde charge. Par ailleurs, la lenteur du processus de rapatriement permet à Daech de se reconstituer à l’intérieur même des camps et d’accentuer sa propagande auprès des détenues et des enfants.

Nous avons visité le centre de réhabilitation d’Orkesh, où 151 garçons étrangers de 11 à 18 ans (et un peu au-delà) sont détenus. Un autre centre du même type, le centre Houri, accueille 108 garçons. L’Administration kurde insiste sur la nécessité de créer et développer de ces centres, à cause de la radicalisation des garçons qui grandissent dans les camps. En revanche, les experts des Nations Unies et les organisations défendant les droits humains estiment que la séparation brutale des garçons et de leur mère dans les camps et leur transfert dans ce type de centres est une violation du droit international et de la Convention des droits de l’enfant. Nous avons pu rencontrer 4 des 5 garçons français qui vivent dans ce centre. Ces 4 garçons, emmenés enfants en Syrie par leurs parents, qui n’ont donc rien choisi, ont connu les camps et la prison durant plusieurs années avant d’être transférés à Orkesh. Leur état de santé est catastrophique : deux sont gravement blessés à la tête et ont le corps couvert de blessures, qui provoquent des douleurs permanentes, l’un a un bras atrophié, un autre ne voit plus que d’un œil, un troisième a de graves blessures à la jambe, un autre souffre d’une maladie du rein. Il n’y a pas dans le nord-est de la Syrie de possibilité de les soigner ou de traiter leurs blessures, et les responsables du centre nous ont confirmé que la seule solution était leur rapatriement. Ces garçons nous ont suppliés de ne pas les abandonner et de tout faire pour qu’ils soient rapatriés. La mère et la fratrie de l’un d’entre eux ont été rapatriées en France sans lui. Les autorités françaises savent où se trouvent ces garçons et dans quel état ils sont. Cette rencontre fut pour nous un choc : comment les autorités d’un État de droit peuvent-elles abandonner de jeunes Français, partis enfants en Syrie, dans un tel état alors qu’elles avaient et ont toujours la capacité de les rapatrier? C’est profondément choquant. Nous nous sommes entretenus avec les responsables du centre Orkesh qui nous ont confirmé que des rapatriements pouvaient sans difficulté aucune être organisés par les pays étrangers à partir du centre.

Le dernier jour de notre visite, nous avons eu accès durant un après-midi au camp de prisonniers Roj. Nous n’avons pu visiter que l’une des 3 sections du camp (Roj 1). Dans ce camp, situé à quelques kilomètres de la frontière irakienne, et non loin de la Turquie, s’entassent sous des tentes 1500 enfants étrangers et leurs mères. Parmi eux, plus de 100 enfants français, dont la plupart ont moins de 12 ans, qui survivent ici depuis maintenant plus de 5 ans. Des dizaines d’enfants français nous ont rapidement accompagnés dans les allées poussiéreuses du camp, se présentant, posant des questions. Nous avons pu parler longuement avec des femmes françaises qui nous ont rejoints. Leurs questionnements portaient essentiellement sur les conditions d’incarcération en France (les femmes françaises sont systématiquement placées en détention provisoire à leur retour, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays européens), les difficultés pour rencontrer leurs enfants en prison, la longueur des délais pour les familles pour visiter et prendre en charge les enfants. 

Pour les enfants, la situation dans le camp ne fait qu’empirer : il n’y a plus d’électricité depuis les bombardements turcs d’il y a un mois, l’accès à l’eau est souvent difficile, se chauffer est compliqué, il n’y a aucune offre de soins adéquate, et nous ne parlons même pas d’aide psychologique, il n’y a pas d’école (quelques cours sont dispensés dans le camp, mais aucun suivi éducatif n’est mis en place, et sûrement pas en français, alors que les petits Français constituent la population européenne la plus importante du camp). Ces enfants sont confinés dans une prison à ciel ouvert alors qu’ils ne sont coupables de rien, payant pour les fautes de leurs parents. Leur pays défend les droits de l’homme, fait de beaux discours sur la protection de l’enfance, et abandonne ses propres enfants dans un camp de prisonniers d’un pays en guerre. Cela fait 5 ans, 6 ans, que cette ignominie perdure. Pour nous, ce fut un crève-cœur de les quitter et de les laisser dans cette prison.

La situation dans le nord-est de la Syrie devrait inciter les autorités françaises à envisager un rapatriement général, et à respecter le droit international : les attaques turques rendent la situation de plus en plus instable, les milices pro-iraniennes attaquent les forces de la Coalition et les Forces Démocratiques Syriennes, et Daech est toujours actif. Un éventuel retrait américain pourrait faire tomber les camps entre les mains des troupes de Bachar Al-Assad. Est-ce que la France des droits humains veut que des petits Français deviennent les prisonniers d’Assad ?

Notre Collectif, après cette visite, demande de nouveau au Président de la République, au gouvernement français, de rapatrier les ressortissants français détenus dans le Nord-Est de la Syrie, en particulier les enfants et les garçons détenus dans le centre Orkesh. Les adultes doivent être jugés en France, et les enfants doivent être libérés : ils subissent depuis tant d’années, dans des conditions indignes, une détention arbitraire dénoncée par les Nations Unies et différentes instances internationales, et par l’ensemble des organisations de défense des droits humains. 

Nous remercions M. Badran Çiya Kurd, co-président du Département des Affaires étrangères de l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie, pour avoir autorisé ces visites, et pour la disponibilité de ses services.

Le 4 mars 2024.

Le Collectif des Familles Unies