Déclaration de Karim A.A. Khan KC, Procureur de la Cour pénale internationale
Déclaration: 8 Décembre 2023
Alors que nous sommes témoins de la souffrance des enfants dans le monde entier, mon Bureau a publié un nouveau Document de politique générale relatif aux enfants afin de remédier à leur sous‑représentation historique et à leur manque de participation dans les procédures de justice pénale internationale. Cette politique constitue une étape cruciale dans la mise en œuvre de l’objectif que je me suis fixé d’adopter une approche soucieuse du bien‑être des enfants dans les enquêtes et les poursuites, en précisant comment nous pouvons prendre en compte de manière proactive et explicite ce qu’ils ont vécu dans toutes nos affaires.
Les enfants ont le droit de participer aux procédures judiciaires qui les concernent. La position du Bureau est de porter la voix des enfants dans chaque affaire et chaque situation. L’interaction avec un enfant dépendra bien sûr de ses capacités, de son consentement et de son intérêt supérieur. Mais dans le cadre de l’affaire, mon Bureau cherchera activement et de manière déterminée à collaborer avec les enfants afin que nous puissions mieux comprendre la manière dont ils sont ciblés et affectés par les crimes relevant du Statut de Rome.
Ce nouveau Document de politique générale souligne notre position selon laquelle tous les crimes relevant du Statut de Rome peuvent viser ou toucher des enfants. Selon leurs caractéristiques personnelles, notamment l’âge, le sexe, le handicap, l’appartenance ethnique, la religion, le lieu de résidence et le niveau d’éducation, les enfants sont affectés de diverses manières par les conflits.. Contrairement à une vision traditionnelle qui veut que les enfants soient un tout homogène, notre politique vise à tenir activement compte, pour s’y adapter, des questions liées à l’intersectionnalité, aux différents stades de développement des enfants et à l’évolution de leurs capacités.
S’appuyant sur la Politique de 2016 du Bureau du Procureur relative aux enfants, la nouvelle politique intègre des recherches récentes sur le développement, la mémoire et les capacités des enfants à participer aux procédures judiciaires, ainsi que l’émergence de nouvelles technologies de nature à permettre une participation sûre.
Afin de garantir la participation des enfants en tant que victimes, survivants et témoins, la Politique souligne mon engagement à créer un environnement institutionnel qui facilite des enquêtes et des poursuites efficaces en matière de crimes visant ou touchant les enfants, notamment par le biais du recrutement, de la formation, de la collaboration externe et de mesures significatives de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation.
En adoptant une approche axée sur les droits de l’enfant, son bien‑être et qui lui soit adaptée, nous visons à remédier à la vision centrée sur les adultes qui a prévalu jusqu’ici dans les tribunaux, où les enfants sont largement exclus du processus judiciaire. Les enquêtes que nous menons dans toutes les situations, notamment en Afghanistan, au Bangladesh / Myanmar, au Darfour, au Soudan et dans l’État de Palestine, s’intéressent notamment aux crimes visant ou touchant les enfants à l’égard desquels nous enquêtons et engageons des poursuites. Avant même le lancement de la présente Politique, nous avons progressé dans la mise en œuvre d’une telle approche, comme avec les mises en accusation pour déportation ou transfert illégal d’enfants dans le cadre de la situation en Ukraine en mars 2023.
Publié parallèlement au Document de politique générale relatif aux crimes liés au genre, et en association avec le Document de politique générale relatif au crime de persécution liée au genre de 2022, le présent document illustre notre objectif stratégique d’enrichir notre cadre réglementaire dans des domaines thématiques et de devenir un pôle d’excellence en matière de justice pénale internationale. L’année prochaine, nous lancerons des politiques relatives à la complémentarité et à la coopération, la cybercriminalité, les crimes liés à l’esclavage et les crimes contre l’environnement. Avec cette série de politiques, nous aspirons à promouvoir l’échange des enseignements tirés et des bonnes pratiques issues des efforts déployés sur le plan local et international afin d’établir les responsabilités des auteurs de crimes relevant de notre compétence.
Je tiens à saluer la Procureure adjointe Nazhat Shameem Khan et ma conseillère spéciale sur les crimes visant et touchant les enfants, Véronique Aubert, pour avoir dirigé le processus intensif d’élaboration de cette nouvelle politique. De nombreux experts du Bureau ont joué un rôle clé dans cette initiative, notamment la coordonnatrice principale chargée des crimes liés au genre et des crimes visant ou touchant les enfants, Mme Kim Thuy Seelinger. De même, 186 experts externes issus de plus d’une trentaine de pays ont partagé leur temps et leur sagesse. Je leur suis profondément reconnaissant de leurs contributions.
Alors que nous continuons à souligner l’importance de donner de la visibilité aux enfants et d’écouter leur voix, j’espère que ce nouveau Document de politique générale renforcera le travail de tous ceux qui cherchent à obtenir justice pour les enfants victimes d’atrocités dans le monde entier. Reconnaissons les torts subis par les enfants et veillons à ce que le droit les prenne sous ses ailes protectrices.
De plus amples informations sur les « examens préliminaires » et les « situations et affaires » portées devant la Cour sont disponibles ici et ici.
Source: Bureau du Procureur | Contact: OTPNewsDesk@icc-cpi.int