La France a rapatrié, mardi, 15 femmes et 32 enfants des camps de prisonniers jihadistes en Syrie. C’est la troisième fois depuis juillet 2022 que le ministère des Affaires étrangères annonce un tel rapatriement.
Dans un camp de prisonniers jihadistes à Roj (Syrie), le 28 mars 2022. Photo d’illustration. (DELIL SOULEIMAN / AFP)
Article rédigé par franceinfo
Publié le 24/01/2023 22:57
« Ces enfants ne doivent pas être considérés comme autre chose que des victimes. Ils ne sont absolument pas responsables des actes commis par leurs parents », a affirmé mardi sur franceinfo Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France alors que les autorités françaises ont procédé dans la matinée du mardi 24 janvier au rapatriement de 15 femmes et 32 enfants français de Syrie, détenus dans des camps de prisonniers jihadistes dans le nord-est syrien.
Adeline Hazan appelle à « accélérer » les opérations de retour, notamment pour la centaine d’enfants encore dans les camps. « C’est une urgence. » L’Unicef plaide également pour que soit « amélioré les conditions de prise en charge de ces enfants » à leur retour.
franceinfo : Comment accueillez-vous ce rapatriement d’enfants de Syrie ?
Adeline Hazan : C’est un progrès incontestablement à saluer et qui augure depuis juillet 2022 d’un changement de politique du gouvernement français. Avant juillet 2002, c’était la politique du retour au cas par cas des enfants. Depuis juillet 2022, c’est la troisième fois qu’il y a à peu près une trentaine d’enfants qui sont ramenés avec leur mère. Nous nous battons à l’Unicef depuis de nombreuses années pour que ces enfants soient tous ramenés. Il en reste à peu près une centaine.
« Il faut absolument accélérer ces retours et faire en sorte que les cent qui restent reviennent dans les plus brefs délais parce qu’il y a un droit à la vie familiale qui est reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant. »
Adeline Hazan, présidente de l’Unicef à franceinfo
Ce qui est dommage, c’est qu’il ait fallu attendre la condamnation de trois organismes internationaux pour que le gouvernement change de politique, la Commission européenne des droits de l’homme, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU et le Comité contre la torture. Il a fallu attendre ces condamnations pour que la France, à la différence de ses voisins européens, change de politique. Maintenant, il faut vraiment que, le plus vite possible, ces enfants rentrent. Ça fait le cinquième hiver qu’ils passent dans des conditions qu’on ne décrit même plus, pas d’eau potable, la santé qui décline. Donc c’est une urgence.
Les mères de ces enfants ne veulent pas rentrer. Que peut-on faire ?
On ne peut pas rapatrier de force les mères. Mais si les mères refusent le départ de leur enfant, on doit considérer que l’enfant est en danger avec la mère, et à ce moment-là, rapatrier l’enfant. Même si on salue cette opération, il y a encore un sujet très important, améliorer les conditions de prise en charge de ces enfants à leur retour. Actuellement, la prise en charge ne se fait pas dans des conditions satisfaisantes. Les enfants sont séparés de leur mère qui est incarcérée. Mais la rencontre avec les familles, les grands parents, les oncles et tantes, elle prend six mois, un an, alors que l’enfant est placé à l’aide sociale à l’enfance.
Ce que nous demandons à l’Unicef, c’est que les investigations sur l’existence d’une famille naturelle – grands-parents, oncles et tantes – soient menées avant l’arrivée des enfants, de façon à ce qu’il y ait au moins un contact avec la famille naturelle à leur arrivée. Et surtout, on constate dans un certain nombre de situations que les mères sont incarcérées à des centaines de kilomètres du lieu où sont placés leurs enfants. Et ça, évidemment, cela ne permet pas le maintien des liens. Alors même que pendant cinq ans, ils ont vécu dans un état de fusion totale.
« On salue cette opération, il faut l’accélérer au maximum et améliorer grandement les conditions de prise en charge de ces enfants une fois qu’ils sont arrivés sur le sol français. Ces enfants ne doivent pas être considérés comme autre chose que des victimes. Ils ne sont absolument pas responsables des actes commis par leurs parents. »
Adeline Hazan, présidente de l’Unicef à franceinfo
Que savez-vous de leur prise en charge et de leur état psychologique, physique quand ils arrivent sur le territoire ?
Nous n’entrons pas directement en contact avec les enfants. En revanche, nous sommes en lien permanent avec les professionnels qui s’en occupent. Nous sommes avec les avocats, avec les médecins qui s’en occupent. Nous avons également sur place des représentants dans l’ensemble des pays de ces régions qui peuvent nous expliquer comment les choses se passent. Donc nous pouvons, au moment de leur arrivée, suivre la réintégration de ces enfants. Nous avons des dispositifs, des programmes. Nous avons un savoir-faire là-dessus et nous pouvons aider les pouvoirs publics à faire une bonne prise en charge en matière de réintégration de ces enfants. Nous sommes à la disposition des pouvoirs publics pour cela.