Tant que la France viole délibérément la Convention Internationale des Droits de l’Enfant,elle n’est pas moralement qualifiée pour présenter sa candidature au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies
Paris le 22 février 2020
Madame la Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme,
L’association « Collectif des Familles Unies » représente plus d’une centaine de familles françaises dont des proches, sous l’influence de l’idéologie totalitaire et mortifère de Daesh, ont rejoint les zones de combat en Syrie et en Irak. Notre Collectif milite pour que les femmes et les hommes français prisonniers en Syrie et en Irak soient rapatriés en France pour y être jugés, et que leurs enfants innocents puissent retrouver une vie normale dans leur pays.
Nous apprenons que M. Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, doit se rendre dans les jours prochains à Genève pour assister à l’ouverture de la 43e session du Conseil des Droits de l’Homme et présenter la candidature de la France au Conseil des Droits de l’Homme.
Notre Collectif tient à attirer votre attention sur le fait que la France ne respecte ni le droit international humanitaire, ni la Convention Internationale des Droits de l’Enfant s’agissant de ses propres ressortissants prisonniers en Syrie et en Irak et en particulier de ses enfants.
À ce jour, entre 250 et 300 enfants français sont prisonniers avec leurs mères (une centaine de femmes) dans les camps de Roj et Al Hol, dans le nord-est de la Syrie, et survivent comme ils le peuvent dans des conditions épouvantables. Ces enfants, dont la grande majorité a moins de 6 ans, sont prisonniers depuis huit mois pour certains et jusqu’à deux années pour d’autres. À ce jour, la France n’a rapatrié que 17 enfants, dont 15 orphelins, sur des critères opaques, arbitraires et discriminatoires.
Notre pays refuse d’organiser le rapatriement de tous ces enfants au prétexte que leurs mères doivent être jugées « sur place » alors que la France est le seul pays à avoir engagé des procédures judiciaires à leur encontre, qu’elles sont donc détenues arbitrairement, que les Forces Démocratiques Syriennes n’ont pas la capacité juridique de les juger et ne cessent d’appeler à leur rapatriement, et qu’aucune juridiction pénale internationale ne peut être mise en place dans une zone aussi instable. À ce jour, au niveau national, le Défenseur des Droits, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, et le coordonnateur des juges antiterroristes français ont appelé au rapatriement des enfants et de leurs mères en demandant que cessent les « traitements inhumains et dégradants » qui leur sont infligés. Tout comme vous, Madame la Haute-Commissaire, le secrétaire général de l’ONU, le Conseil de l’Europe, le Parlement européen, la Croix-Rouge, et l’UNICEF se sont alarmés de la situation et ont appelé au rapatriement des enfants dans leurs pays d’origine.
La France fait la sourde oreille, et laisse depuis des mois et des années des enfants français périr dans les camps syriens sans soutien, sans soins, sans aide psychologique, et sans éducation : tous sont privés de liberté et de sécurité, et survivent tant bien que mal dans des conditions climatiques épouvantables. 371 enfants sont morts en 2019 dans le seul camp d’Al Hol, et la France persiste à abandonner ces enfants dans un pays en guerre, au beau milieu d’un désastre humanitaire dénoncé de toutes parts. Elle choisit de les maintenir en détention arbitraire et de les exposer au pire alors que les Forces Démocratiques Syriennes qui les détiennent n’ont de cesse de réclamer leur rapatriement.
Notre pays déclare vouloir s’engager, entre autres, pour « la protection des défenseurs des droits » : un signe fort de cet engagement, au-delà des déclarations d’intention, serait de respecter la décision du Défenseur des Droits du 22 mai 2019 qui a clairement exhorté la France à adopter « toutes mesures effectives permettant de faire cesser les traitements inhumains et dégradants ainsi que la détention arbitraire d’enfants français et de leurs mères dans les camps sous le contrôle des forces démocratiques syriennes au nord de la Syrie. »
Aussi, tant que la France — par son refus de sauver ces enfants — violera délibérément les dispositions de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et restera sourde aux injonctions du Secrétaire général de l’ONU et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unis, elle ne saurait être qualifiée moralement pour présenter sa candidature au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.
Par la présente, nous vous demandons, Madame la Haute-Commissaire, de bien vouloir rappeler à la France ses engagements en matière de protection de l’enfance et en matière de droit international humanitaire.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Haute-Commissaire, l’expression de nos sentiments distingués.
Le Collectif des Familles Unies