LETTRE DU COLLECTIF DES FAMILLES UNIES AUX ASSOCIATIONS DÉFENDANT LES DROITS DE L’ENFANT ET LES DROITS HUMAINS

Enfants dans les camps de prisonniers en Syrie

20 NOVEMBRE 2021 : Journée Internationale des Droits de l’enfant

À l’occasion de la Journée Internationale des Droits de l’enfant, le Collectif des Familles Unies a envoyé la lettre suivante à une cinquantaine d’associations et d’organisations défendant les droits de l’enfant et les droits humains en France.

Le 20 novembre, la France, comme d’autres pays dans le monde, va célébrer la Journée Internationale des droits de l’enfant. 

À cette occasion, nous tenons à attirer votre attention sur la situation des enfants français actuellement prisonniers dans des camps en Syrie dans des conditions épouvantables.

Plus de 200 enfants français sont détenus avec leurs mères dans les camps de prisonniers Roj et Al-Hol. Ces camps sont sous le contrôle de l’Administration Autonome du nord-est de la Syrie (kurde). Ces enfants, dont une partie est née en France et une autre en Syrie, sont très jeunes : les deux tiers ont moins de 6 ans et 90 % moins de 12 ans. Certains sont nés dans les camps. Ces enfants sont détenus avec leurs mères depuis des années : leur temps de détention se situe entre 2 ans et demi pour certains, et près de 5 ans pour d’autres.

Leur situation dans ces camps a été longuement documentée par la presse et par les organisations de défense des droits humains qui ont enquêté sur place :

  • De nombreux enfants souffrent de maladies chroniques, de malnutrition, d’infections pulmonaires, de dysenterie, de maladies de peau, de problèmes oculaires et dentaires, de blessures mal soignées. L’accès aux soins est très limité.
  • Les enfants ont vécu des situations extrêmement traumatisantes, des deuils, une vie extrêmement difficile dans le camp. Aucun suivi psychologique n’est bien sûr proposé pour les enfants, aucun traitement de leurs traumatismes, et la prolongation de leur détention ne fait qu’accentuer les traumatismes et la détresse de beaucoup d’enfants.
  • Les enfants sont privés d’éducation et d’école.
  • Les enfants sont sans protection, et vivent dans la peur, la précarité et le danger. Des accidents sont fréquents dans le camp, des incendies de tentes ont provoqué des morts d’enfants et d’adultes et de graves blessures. Le 19 octobre dernier, un incendie a ravagé le camp Roj, détruisant une dizaine de tentes. 

Sans soins, sans école, sans protection, ces enfants survivent dans une prison à ciel ouvert, un Guantanamo pour enfants. Qu’est-ce qui peut justifier la détention d’enfants innocents, considérés comme des victimes de guerre par les experts de l’ONU et les organisations défendant les droits humains, des enfants qui n’ont jamais choisi de se rendre en Syrie ni d’y naître ? 

Depuis trois ans, des appels au rapatriement ont été lancés de toutes parts : le Secrétaire Général de l’ONU, le Haut-Commissariat aux Droits de l’homme et le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, le Commissariat aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, le Parlement Européen, le Comité International de la Croix-Rouge, l’UNICEF ont appelé au rapatriement des enfants détenus et de leurs mères. En France, le Défenseur des Droits et le CNCDH sont intervenus également dans le même sens, tout comme des dizaines de parlementaires et bien sûr les familles. L’Administration kurde, qui a le contrôle des camps Roj et Al-Hol et qui détient donc les ressortissants étrangers et français, demande également aux pays concernés de rapatrier les enfants et leurs mères.

En vain : les autorités françaises n’ont rapatrié à ce jour que 35 enfants de Syrie (en 3 ans). C’est la politique du « cas par cas », politique discriminatoire et incompréhensible. Cette politique a été condamnée récemment par la Défenseure des Droits, qui estime « que les politiques de rapatriements “au cas par cas” ne sont aujourd’hui plus tenables » et que « des décisions fortes doivent être adoptées quant au retour en France dans les meilleurs délais, de ces enfants et de leurs mères. » 

Depuis 2019, plus de 1000 enfants étrangers ont été rapatriés de Syrie, et plus de 200 en 2021. Certains pays ont déjà rapatrié des centaines d’enfants : ce que ces pays ont fait, la France peut et doit le faire. La France, en maintenant prisonniers des enfants dans ces camps, viole délibérément ses engagements internationaux, le droit international humanitaire, la Convention internationale des droits de l’enfant.

L’hiver arrive en Syrie, avec ses températures extrêmes qui peuvent atteindre moins 10 degrés la nuit, avec les tempêtes, la pluie, la neige. Passer cette période sous des tentes, dans un camp de prisonniers, est un calvaire et une souffrance énorme pour les enfants. Les autorités françaises doivent agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, avant que des enfants ne meurent.

Aujourd’hui, nous faisons appel à vous. Nous vous demandons de bien vouloir prendre en compte la situation insupportable de ces enfants français prisonniers, et de leur venir en aide. Seule une mobilisation de tous ceux qui considèrent que la défense des droits humains et des droits de l’enfant n’est pas un vain mot dans notre pays peut inciter nos autorités à prendre leurs responsabilités, et à rapatrier ces enfants.

Le 8 novembre 2021

Le Collectif des Familles Unies