Tribune du Collectif paru dans le journal « Libération » du 8 janvier 2020

Les autorités françaises entretiennent des camps de prisonniers pour enfants en Syrie

Nous venons de «fêter» le 20 novembre dernier la journée mondiale de l’enfance. Nous venons de «fêter» en France, en Europe, et dans le monde entier le trentième anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’enfant, que la France – comme tous les pays de l’Union Européenne – a ratifiée. A cette occasion, des responsables politiques, posant face caméra auprès de groupes d’enfants de tous âges, ont réaffirmé leur engagement sans faille en faveur des droits des enfants et de la protection de l’enfance. Le secrétaire d’Etat aux droits de l’enfant est intervenu publiquement à maintes reprises pour expliciter le sens de sa mission. Pendant ce temps, plusieurs centaines d’enfants européens dont près de trois cents enfants français sont prisonniers, avec leurs mères, dans les camps de Roj et de Al Hol, au nord-est de la Syrie. 

La France s’est engagée, comme tous les pays européens, à faire respecter le droit à la vie, à la survie et au développement de chacun de ses ressortissants mineurs mais refuse obstinément, depuis près de deux années, de rapatrier des enfants exposés au pire qui périssent en zone de guerre dans des camps insalubres. Est-ce à dire que ces enfants prisonniers, dont l’immense majorité a moins de six ans, sont exclus des principes universels que la France se vante de promouvoir ? A en juger par le silence assourdissant de nos responsables politiques sur le sort de ces enfants au cours des commémorations de ces dernières semaines, la réponse est oui. Non contente d’abandonner des enfants français dans les culs-de-basse-fosse d’un pays en guerre, la France fait le choix délibéré de les garder captifs dans des conditions épouvantables, sans protection, sans soins, sans éducation, sans identité, et sans avenir.

Le Collectif des Familles Unies regroupe plus d’une centaine de familles dont les petits-enfants, les nièces ou les neveux, croupissent dans ces camps de prisonniers en Syrie. Nous sommes en contact, régulièrement pour certains d’entre nous et de façon plus sporadique pour d’autres, avec ces enfants oubliés et leurs mères. Depuis des mois et parfois des années, nous recevons des photos, des appels, des cris de peur et de désespoir, des messages d’espoir aussi quand nous avons l’impression, quand ils ont l’impression, qu’une porte s’entrouvre sur une perspective de retour. Nous voyons nos petits-enfants, nos neveux et nos nièces, grandir et dépérir derrière des grilles et des barbelés. Des nourrissons et des enfants de moins de 5 ans n’ont pour seul horizon que la tente de fortune qu’ils partagent avec leur mère, de la boue et des cailloux. Les enfants de plus de six ans essayent d’apprendre à lire et à écrire avec les moyens du bord, tandis que les plus grands tentent de se souvenir de leur école et de leurs leçons apprises en France en se demandant ce qu’ils ont bien pu faire pour que leur propre pays refuse de les laisser rentrer chez eux. 

Nous connaissons leurs peurs, nous savons quand ils ont froid, quand ils ont faim et quand ils ont mal. Nous, les familles, les grands-parents, les tantes et les oncles, nous souffrons tous les jours dans notre chair de les savoir si démunis, si faibles et si vulnérables. Nous savons que ces enfants sont bien loin des caricatures monstrueuses que certains distillent dans l’opinion comme un venin, bien loin de ces «bombes à retardement biberonnées à la haine». Nos petits-enfants, nos nièces et nos neveux souffrent de traumatismes qui nécessitent une prise en charge médicale et psychologique. Certains d’entre eux ont survécu à de terribles scènes, mais chaque enfant est une histoire particulière : personne ne devrait pouvoir les réduire à un « portrait-robot » tronqué et fabriqué de toutes pièces. Esseulés au milieu d’un désert qui empeste le pétrole, ils veulent aller à l’école, avoir des jouets et s’amuser, comme tous les enfants du monde. Et comme tous les enfants du monde, parce qu’ils portent en eux une magnifique résilience, ils dessinent sous leurs tentes des champs verdoyants, des fleurs, et des soleils.

Que les politiciens qui refusent obstinément de sauver ces enfants osent enfin les regarder dans les yeux, et leur expliquent quel est leur crime, ce qu’ils ont fait pour mériter la prison et l’exil sans procès. Nous, nous n’avons plus les mots pour répondre à leurs questions et calmer leur impatience.

Le Défenseur des Droits, en mai 2019, après une enquête approfondie, a demandé aux autorités françaises de faire cesser les « traitements inhumains et dégradants » dont sont victimes les enfants français et leurs mères détenus dans les camps de Roj et de Al-Hol. Les Comités des Droits de l’enfant des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, l’UNICEF et la Croix-Rouge, le Secrétaire Général des Nations Unies ont demandé à l’Europe et à la France, de rapatrier leurs ressortissants de Syrie, et tout particulièrement les enfants et leurs mères. Plus récemment, le Parlement Européen exhortait les gouvernements européens à organiser le rapatriement des enfants dans leur pays.

Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, déclarait en février 2018 que les enfants français détenus en Syrie allaient être rapatriés en France. Près de deux ans plus tard, seuls 17 enfants français dont 15 orphelins été rapatriés des camps syriens en mars et juin 2019. Depuis, plus rien : 300 enfants attendent d’être sauvés par un pays qui fait le choix de les transformer en « enfants fantômes ». Les seuls enfants qui sont revenus ces derniers mois en France ont été expulsés de Turquie, pays que leurs mères ont réussi à rejoindre en risquant leurs vies après l’évacuation du camp d’Aïn Issa.

Dans une tribune publiée le 3 novembre 2019, le pédopsychiatre Boris Cyrulnik et le président d’UNICEF rappelaient avec force que « s’il est vrai que tous les enfants exposés aux conflits armés ont vécu des traumatismes, il a été aussi prouvé qu’ils sont capables de résilience en dépit des privations et des violences extrêmes qu’ils ont subies, s’ils sont accompagnés et aidés. Il est essentiel de ne pas les séparer ni de les emmener loin de leur mère, et de maintenir le lien affectif qui a pu se construire. » En réponse à nos sollicitations régulières, la présidence de la République et les différents ministères concernés osent nous assurer qu’ils agissent « dans l’intérêt supérieur de l’enfant. » Mais l’intérêt supérieur d’un enfant n’est ni de survivre dans un camp de prisonniers en proie à des « traitements inhumains et dégradants » ni d’être séparé de sa mère. Serge Hefez, psychiatre traitant des mineurs de retour de Syrie, a à son tour rappelé qu’ils étaient «très avides de liens, de paix» et que « la plupart  (…) avait une résilience, une envie de vivre, une envie de reprendre une vie normale absolument extraordinaire.» Alors, arrêtons d’avoir peur, et arrêtons de faire peur : parce que ces enfants sont des victimes et parce qu’ils sont français, il faut les accueillir et réparer les traumatismes. C’est en les laissant là-bas que ceux qui survivront pourront nourrir une haine contre leur pays qui les aura abandonnés à leur triste sort et condamnés à la prison et à l’exil, alors qu’ils ne sont coupables de rien.

Evoquant les ressortissants français incarcérés en Syrie, Jean-Yves Le Drian déclarait récemment : «L’ensemble de ces groupes sont dans des lieux sécurisés en Syrie par les Forces Démocratiques Syriennes, et par des éléments américains, et nous y contribuons à notre manière, pour faire en sorte que ce soit complètement sécurisé sur la durée.» Notre ministre des Affaires étrangères assume donc complètement que des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants français soient détenus sans jugement, sans procédures engagées contre eux, sans avocat, sans droit de visite, et de manière indéfinie dans un no man’s land juridique. L’Europe démocratique avait condamné à l’époque et de façon unanime la création du bagne de Guantanamo parce que des hommes pouvaient y être détenus dans des conditions inhumaines, indéfiniment et sans procès. Aujourd’hui, l’Europe démocratique fait pire parce qu’à Guantanamo, il n’y avait pas d’enfants.

Les Forces Démocratiques Syriennes (kurdes) ont été le fer de lance de la défaite territoriale de Daesh à Raqqa et à Baghouz et des milliers d’hommes et de femmes ont perdu la vie dans ce combat. Trahis par leurs « alliés » à la suite de l’offensive turque, les Forces Démocratiques Syriennes sont désormais cantonnées par la Coalition, et singulièrement par la France et l’Europe, au rang de gardiens de ce gigantesque Guantanamo pour enfants. Les Kurdes, qui exhortent les pays concernés à prendre en charge leurs ressortissants majeurs et mineurs depuis des mois, ne sont que des «mandataires contraints» de la Coalition : nos enfants sont prisonniers d’un seul pays, la France, qui refuse leur retour. Et ce choix assumé par M. Le Drian en violation de notre Etat de droit, des conventions internationales et de nos valeurs les plus fondamentales, s’inscrit désormais « sur la durée », en toute inhumanité. 

Comment un pays démocratique comme la France peut-il maintenir des enfants innocents en prison? Nous sommes épuisées, nous, les familles, de devoir supporter l’inhumanité de notre propre pays face à la souffrance de nos enfants dont nous sommes, chaque jour, les témoins impuissants. Mais nous sommes aussi déterminées à nous battre jusqu’au bout pour les sauver. Nous ne demandons que l’application stricte de la loi et rien d’autre que le respect par la France de ses valeurs et principes fondamentaux. Ces enfants sont nos enfants, et nous ne les abandonnerons jamais.

Le 30 décembre 2019.

Communiqué du Collectif des Familles Unies : SOS Enfants innocents en danger

FROID, PLUIE ET INTEMPERIES S’ABATTENT SUR LES CAMPS EN SYRIE :
LES ENFANTS PREMIERES VICTIMES !

Avec l’arrivée du froid et des intempéries, la situation devient de plus en plus dramatique dans les camps de prisonniers du nord-est de la Syrie, où 300 enfants français et leurs mères sont détenus, pour certains depuis des années. Des trombes d’eau se sont abattues ces derniers jours sur les camps de Al Hol et de Roj, occasionnant des dommages considérables à toutes les infrastructures matérielles où survivent les femmes et les enfants : tentes emportées par le vent, en partie ou complètement écroulées. L’eau s’infiltre dans les tentes qui résistent, la boue envahit les sols et pénètre à l’intérieur des installations. Le froid est de plus en plus présent, les températures avoisinent  zéro degré durant la nuit, et les enfants tentent de se protéger dans une atmosphère humide et glaciale. La neige, prévue dans cette région, pourrait encore aggraver dans les semaines qui viennent les conditions de vie déjà désastreuses des enfants et des femmes. La situation est particulièrement éprouvante dans le camp de Al Hol, où les trafics en tout genre, y compris de tentes et de couvertures, ont entravé l’action déjà dispensée de façon aléatoire par les organisations humanitaires de plus en plus absentes et débordées. Dans ces conditions, les maladies et en particulier les infections pulmonaires frappent les enfants et les nourrissons, et l’aide et l’assistance médicale est faible ou inexistante.

Les enfants français prisonniers dans les camps syriens souffrent, ils ont faim et froid, ils survivent dans des conditions inhumaines, et le gouvernement refuse toujours leur rapatriement. Récemment le ministre des Affaires étrangères a objecté que la guerre qui sévit dans la région rendait impossible tout rapatriement : dans le même temps, l’Allemagne rapatriait une femme et ses enfants du camp de Al Hol, et des femmes et des enfants bosniaques sont en cours de rapatriement. Après les comités des Droits humains des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, après le CNCDH (Comité National Consultatif des Droits de l’Homme) et le Défenseur des Droits, après l’UNICEF et la Croix-Rouge, le Parlement Européen vient de demander aux Etats membres de rapatrier au plus vite les enfants européens détenus dans les camps syriens.

Comment le Président de la République, comment le Premier Ministre et les ministres concernés, peuvent-ils être à ce point insensibles à la souffrance d’enfants français qui sont en train de dépérir dans les camps ? Comment peuvent-ils manquer à ce point d’humanité devant la détresse des enfants? L’hiver qui pointe en Syrie va devenir de plus en plus violent, les intempéries vont se multiplier. Des centaines d’enfants sont déjà morts dans les camps : l’hécatombe doit s’arrêter, maintenant !

A l’occasion du trentième anniversaire de la Convention des Droits de l’Enfant, que la France a signée le 26 janvier 1990 mais qu’elle s’obstine malheureusement à ne pas respecter, des grands-parents, des oncles et des tantes d’enfants prisonniers dans les camps syriens ont écrit au Président de la République pour lui demander de rapatrier ces enfants innocents et leurs mères. Le Collectif des Familles Unies s’associe à leur demande : 

IL FAUT RAPATRIER D’URGENCE LES ENFANTS FRANÇAIS DE SYRIE 

20 novembre 2019 : Journée mondiale de l’enfance 30e & anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE)

LETTRE OUVERTE DU COLLECTIF DES FAMILLES UNIES AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Monsieur le Président,

300 enfants français sont prisonniers dans des camps en Syrie : que fait la France ?

Au moment où nous célébrons la Journée mondiale de l’enfance, au moment où notre pays et les pays européens fêtent le trentième anniversaire de l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant, des centaines d’enfants européens, et parmi eux 300 enfants français, sont prisonniers dans les camps de Al Hol et de Roj, dans le nord-est de la Syrie, depuis des mois pour certains, et depuis des années pour d’autres. La grande majorité de ces enfants a moins de six ans.

La France et les autres pays européens, tous signataires de la « Convention Internationale des Droits de l’Enfant » (CIDE), se sont engagés avec force dans la défense des droits des mineurs.

Les enfants français prisonniers en Syrie survivent difficilement en zone de guerre dans des conditions épouvantables, sans protection, en proie à toutes sortes de maladies, sans soins adaptés, malnutris et déshydratés. Leurs traumatismes et leurs blessures, physiques ou psychiques, ne sont pas traités. Ils n’ont accès ni à l’école ni aux loisirs, et demeurent enfermés dans un univers clos et étouffant, sans perspective et sans avenir. 

Pourtant, la France et les pays signataires se sont engagés à garantir le droit des enfants à la vie et au développement, à la santé, à l’éducation, à l’identité. La France et les pays signataires se sont engagés à garantir le droit des enfants à être protégés contre toutes formes de violence, à ne pas être détenus arbitrairement, à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants. La France et les pays signataires se sont engagés à garantir le droit des enfants à être protégés contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par les activités de leurs parents.

Les 300 enfants français prisonniers dans les camps en Syrie sont privés de tous ces droits, et les autorités françaises sont parfaitement informées de la situation dramatique dans laquelle ils se trouvent. L’UNICEF et la Croix-Rouge, les différents comités des droits humains et des droits de l’enfant des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, la « Commission Nationale Consultative des Droits de l’homme » ([CNCDH], le Défenseur des Droits, et plus récemment le Secrétaire Général des Nations Unies, ont exhorté les différents pays à rapatrier leurs ressortissants, à rapatrier les enfants et leurs mères.

La France et l’Europe font la sourde oreille. Non seulement notre pays manifeste une totale inertie pour aider ces enfants innocents, mais il les maintient volontairement en détention et donc en danger en refusant de les rapatrier. Les forces kurdes, qui gardent encore les camps [mais jusqu’à quand ? la France va-t-elle laisser Bachar Al Assad récupérer nos enfants ?], appellent depuis des mois les différents pays étrangers à rapatrier leurs ressortissants, et tout particulièrement les enfants.

Si un groupe d’enfants français était coincé dans une crevasse au fin fond de l’Himalaya, la France mobiliserait tous ses moyens pour les secourir. Que valent toutes les conventions de protection de l’enfance et des droits des enfants, si l’on peut opérer une discrimination insupportable entre des enfants, si l’on peut décider de sauver certains et de laisser mourir d’autres, en leur faisant payer les fautes commises par leurs parents ? 

Comment un pays comme la France, qui a toujours soutenu et diffusé dans le monde tous les principes de la protection de l’enfance, peut-il rester indifférent au sort de ces enfants français malades, épuisés, traumatisés, blessés, qui survivent depuis des mois derrière les grilles et les barbelés des camps syriens ? Pire encore : comment un pays signataire de toutes les Conventions sur les droits de l’enfant peut-il maintenir arbitrairement en détention, dans une espèce de sous-traitance abjecte, des centaines d’enfants ?

Pour la première fois de notre Histoire, la France abandonne des enfants français et les condamne à l’exil et à la prison. Pourtant, ces enfants sont les victimes innocentes de la guerre et de Daesh.

Le Nord-est syrien, où sont détenus ces enfants, est de nouveau en proie aux affrontements, aux offensives, aux bombardements, et à l’instabilité. Ces enfants peuvent à tout moment tomber entre les mains des forces de Bachar Al Assad ou de Daesh. Survivant dans des conditions matérielles épouvantables, manquant de soins, malnutris, sans école, ces enfants, si rien n’est fait pour les sauver, vont devoir affronter dans des tentes de fortune le froid glacial de l’hiver syrien, dans un contexte où les organisations humanitaires sont de moins en moins présentes. Certains n’y survivront pas.  

Monsieur le Président, 

Nous célébrons cette année en France et dans le monde entier le trentième anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’enfant, et au même moment 300 enfants français sont prisonniers dans des camps en Syrie. Comment peut-on fermer les yeux et regarder ailleurs que vers cette catastrophe humanitaire annoncée ? La mise en péril de ces enfants n’est plus l’œuvre de Daesh, mais celle de la France qui refuse obstinément de les sauver depuis plus de deux ans.

Monsieur le Président, 

Il est temps d’engager une action concrète pour sauver ces enfants, et les rapatrier en France. Il est temps de prouver que notre pays reste fidèle à ses valeurs, et que la défense des enfants et de leurs droits n’est pas un vain mot pour notre démocratie.

Le 20 novembre 2019

LE COLLECTIF DES FAMILLES UNIES


Communiqué sur l’expulsion de Turquie de quatre femmes et sept enfants français

Quatre femmes françaises et leurs sept enfants détenus dans des camps du Kurdistan syrien ont réussi à rejoindre la Turquie pour être enfin expulsés vers la France, en application du protocole Cazeneuve.

Dans quelques jours, elles atterriront sur le sol français, seront mises en examen et placées en détention provisoire. Elles seront séparées de leurs enfants, pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance et placés dans des familles d’accueil jusqu’à ce qu’ils retrouvent, progressivement, leurs familles. Ces retours sont préparés, pensés, et encadrés depuis plusieurs années. Et nous connaissons la compétence de celles et ceux qui vont entourer, soigner, et panser les traumatismes de nos petits-enfants, de nos neveux et de nos nièces, avant de nous les confier.

Dans quelques jours, nous serons des centaines à nous projeter dans l’histoire du retour de quatre ces mères et de sept enfants parce que nos filles, nos sœurs, nos nièces, nos neveux, et nos petits-enfants toujours détenus en Syrie risquent, chaque jour un peu plus, de périr entre les mains de Bachar El Assad ou d’être récupérés par les cellules dormantes de l’État Islamique.

Le Collectif des Familles Unies ne cesse d’appeler au rapatriement de toutes nos familles, parce que l’équité commande que tous les enfants soient sauvés et que toutes leurs mères répondent devant une justice équitable, la nôtre, de ce qu’elles ont effectivement fait. Les femmes qui vont être expulsées dans quelques jours ne se sont pas évadées du camp d’Aïn Issa : les bombardements turcs et le chaos qui s’en est suivi les ont contraintes à sortir des camps et à fuir avec elles leurs enfants (dont un nouveau-né) tous âgés de moins de quatre ans.

La France n’a plus que deux solutions : soit rapatrier ses ressortissants majeurs et mineurs, soit contraindre ces femmes et ces enfants à fuir les camps de Roj et d’Al Hol pour rejoindre la Turquie au péril de leur vie. Car nous savons tous, nous leurs familles, que ceux qui se présentent comme des passeurs en leur assurant qu’ils réussiront à les sauver de Bachar El Assad ou de Daech sont avant tout des milices syriennes peuvent les vendre au plus offrant ou à des cellules dormantes de l’État Islamique. Quatre femmes et sept enfants français évacués du camp d’Aïn Issa ont réussi à rejoindre la Turquie:qu’en est-il des autres ? Qui sait ce qu’il est advenu d’elles et de leurs enfants?

Après le Haut-commissariat du Conseil de l’Europe, le Haut-commissariat des Nations Unis, le Défenseur des droits, la CNCDH, le coordinateur des magistrats antiterroristes français, l’ancien président de la République, et l’ancien directeur des services de renseignement français, le secrétaire général des Nations Unies, Monsieur Antonio Guterres, a exhorté hier chaque État européen à prendre enfin ses responsabilités en rapatriant les femmes et les enfants détenus en Syrie, pris sous le feu des offensives turques, du retour de Bachar El Assad et de celui de l’État Islamique.

La France ne peut parier sur la capacité de ces femmes et de leurs enfants épuisés, malades, traumatisés, malnutris et rachitiques à s’enfuir en pleine zone de guerre, à échapper au pire, et à rejoindre la Turquie. Notre pays doit faire face à son Histoire : il est encore temps de sauver nos enfants et nos petits-enfants, de faire œuvre de justice et d’humanité, et de faire gagner nos valeurs contre l’obscurantisme en les rapatriant.

« Collectif des Familles Unies » 


Pensée solidaire

En cette journée particulière de commémoration des attentats du 13 novembre 2015, le « Collectif des Familles Unies » exprime sa pleine solidarité avec les victimes et toutes les familles touchées par le terrorisme.

Notre Collectif a également une pensée en ce jour pour tous les enfants victimes de la guerre en Syrie et en Irak, et en particulier pour les enfants français prisonniers dans les camps du Kurdistan syrien, qui ne sont pas des victimes du terrorisme, mais qui sont des victimes de guerre et de l’idéologie mortifère qui a provoqué les attentats du 13 novembre 2015.

Lettre à Monsieur Adrien Taquet Secrétaire d’État à la Protection de l’enfance

Monsieur le Ministre,

Notre Collectif des Familles Unies vous a déjà écrit pour attirer votre attention sur la situation dramatique des enfants français prisonniers avec leurs mères dans des camps du nord-est de la Syrie. Vous nous avez répondu en nous informant que vous transmettez notre courrier au ministre des Affaires étrangères. 

Nous nous permettons de vous écrire de nouveau, car nous considérons que la situation de ces enfants relève en grande partie des prérogatives de votre ministère : dans cette douloureuse affaire, il s’agit pleinement de la protection de l’enfance, de l’application de la Convention Internationale des Droits de l’enfant, de l’enfance en péril, d’enfants français en danger de mort.

Notre Collectif des Familles Unies, qui regroupe plus d’une centaine de familles dont les enfants, petits-enfants, neveux ou nièces, sont détenus dans des camps ou des prisons en Syrie et en Irak, milite depuis plusieurs années contre l’idéologie totalitaire et criminelle qui a poussé nos proches vers les zones de conflits et pour le rapatriement de tous les ressortissants français prisonniers, pour que les adultes soient jugés en France dans le cadre de procès équitables, et pour que les enfants innocents puissent retrouver une vie normale et être réinsérés dans la société française

L’évolution de la situation sur place, avec notamment l’offensive turque contre les Forces Démocratiques Syriennes, rend d’autant plus urgent un tel rapatriement, tant d’un point de vue sécuritaire, avec les risques de dispersion et d’évasion de prisonniers, que d’un point de vue humanitaire, si l’on considère la situation épouvantable dans laquelle se trouvent des centaines d’enfants français innocents, qui croupissent dans des camps insalubres, dans le nord-est de la Syrie.

La situation dans le nord-est de la Syrie est loin de se stabiliser, et la confusion règne sur le partage des différentes zones d’influence. Notre Collectif est particulièrement alarmé par le retour dans la région des forces de Bachar Al Assad, qui pourraient prendre le contrôle des camps ou pour le moins s’emparer d’un certain nombre de nos ressortissants, en particulier d’enfants, qui deviendraient une source de chantage ou une monnaie d’échange. 

Pour nous, permettre le transfert à ces forces d’enfants français, ou ne rien faire face à cette possibilité, serait un crime — quand on connaît la réalité des prisons du régime syrien, où meurtres, tortures, viols — y compris d’enfants — sont monnaie courante. 

En février 2018, M. Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, affirmait que les enfants français seraient rapatriés par le biais de la Croix-Rouge. Plus d’un an et demi plus tard, seuls quelques orphelins ont été rapatriés, et près de 300 enfants français sont toujours prisonniers dans les camps de Roj et de Al-Hol, sans soins, sans éducation, dans des conditions matérielles d’une extrême précarité. 

Cette politique attentiste adoptée par nos autorités enfonce les enfants français prisonniers (pour certains depuis deux ans), dont la majorité a moins de cinq ans, dans un malheur plus grand encore, dans une incertitude insupportable, dans un risque permanent de mort, de blessures, de maladie. Chaque jour supplémentaire passé dans ces camps ajoute une inexcusable charge traumatique aux graves traumatismes déjà vécus par ces enfants : cela fait des mois que notre pays a la possibilité de les ramener, et au lieu de cela on tergiverse au détriment des plus faibles, des plus vulnérables.

C’est bien le Droit, l’humanité, les valeurs de notre société qui demandent que les autorités françaises prennent sans délai cette décision courageuse du rapatriement de ces enfants français innocents de Syrie. La nécessité de ce rapatriement est aussi demandée par toutes les organisations humanitaires présentes sur le terrain, des différents comités en charge de la défense des droits humains et du droit des enfants de l’ONU et du Conseil de l’Europe, ainsi que la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme ou le Défenseur des Droits, sans oublier les experts internationaux de la lutte contre le terrorisme.

À présent, c’est l’UNICEF, au niveau national comme au niveau international, qui demande instamment aux gouvernements concernés de rapatrier les enfants. Dans une tribune publiée le 4 novembre, M. Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et membre du Comité de parrainage d’UNICEF France et M. Jean-Marie Dru, président d’UNICEF France, affirment que les enfants français retenus en Syrie « doivent être considérés comme des victimes » et qu’il « est urgent qu’ils soient rapatriés par leur pays et qu’ils soient accompagnés dans la construction de leur avenir. » Conformément aux dispositions de la CIDE, l’UNICEF demande que les enfants soient rapatriés avec leurs mères.

Nous nous permettons de joindre à notre lettre des photos de dessins d’enfants, la déclaration de MM. Cyrulnik et Dru, ainsi que celle de Mme Henrietta Fore, directrice générale d’UNICEF. 

La France des droits humains, la France qui fête cette année le trentième anniversaire de la Déclaration internationale des Droits de l’Enfant, s’honorerait de respecter ses propres principes et ses propres valeurs en rapatriant ses enfants innocents qui croupissent dans les camps syriens dans des conditions inhumaines. 

Nous ne voulons pas que ces enfants français meurent dans les camps kurdes ou dans les prisons de Bachar Al Assad, nous ne voulons pas qu’ils vivent un autre traumatisme dans les cages des prisons irakiennes : nous voulons qu’ils vivent, qu’ils reviennent, qu’ils aillent à l’école, qu’ils puissent avoir une vie d’enfant dans leur pays (ils n’en ont pas d’autres), dans notre société.

Nous vous demandons, Monsieur le Ministre, de porter la parole des enfants français prisonniers en Syrie, de ces enfants victimes, auprès du Président de la République. Nous sollicitons une nouvelle fois votre bienveillance pour être reçus.

En espérant que notre appel, qui s’unit à celui de tant d’autres, soit enfin entendu, nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de notre haute considération.

Le «  Collectif des Familles Unies » 

Lettre à Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République

Monsieur le Président,

Notre « Collectif des Familles Unies », qui regroupe plus d’une centaine de familles dont les enfants, petits-enfants, neveux ou nièces, sont détenus dans des camps ou des prisons en Syrie et en Irak, vous a adressé une lettre le 19 octobre vous demandant, une nouvelle fois, de rapatrier les ressortissants français prisonniers pour que les adultes soient jugés en France, que les enfants puissent retrouver dans leur pays une vie normale et soient enfin réinsérés dans notre société. 

L’évolution de la situation sur place, avec notamment l’offensive turque contre les Forces démocratiques syriennes, rendent urgent aux yeux de tous un tel rapatriement, tant d’un point de vue sécuritaire, avec les risques de dispersion et d’évasion de prisonniers, que d’un point de vue humanitaire, si l’on considère la situation épouvantable dans laquelle se trouvent des centaines d’enfants français innocents, qui croupissent dans des camps insalubres, dans le nord-est de la Syrie.

La situation dans le nord-est de la Syrie est loin de se stabiliser, et la confusion règne sur le partage des différentes zones d’influence. Notre Collectif est particulièrement alarmé par le retour dans la région des forces de Bachar Al Assad, qui pourraient prendre le contrôle des camps, voire de s’emparer d’un certain nombre de nos ressortissants avec des enfants innocents comme monnaie d’échange, de chantage, oude tout autre ordre, serait bien plus qu’un désastre humanitaire. Permettre le transfert à une puissance étrangère d’enfants innocents protégés par les conventions internationales, ou ne rien faire face à cette possibilité, serait un crime.

C’est bien le Droit, l’humanité, les valeurs de notre société qui motivent notre demande de prendre sans délai cette décision courageuse du rapatriement des enfants français innocents de Syrie. La nécessité de ce rapatriement vous est aussi prouvée par toutes les demandes faites par des organisations humanitaires présentes sur le terrain, des différents comités en charge de la défense des droits humains et du droit des enfants, de l’ONU et du Conseil de l’Europe, ainsi que la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme ou le Défenseur des Droits, sans oublier les experts internationaux de la lutte contre le terrorisme.

À présent, c’est l’UNICEF, au niveau national comme au niveau international, qui demande instamment aux gouvernements concernés de rapatrier les enfants. Dans une tribune publiée le 4 novembre, M. Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et membre du Comité de parrainage d’UNICEF France et M. Jean-Marie Dru, président d’UNICEF France, affirment que les enfants français retenus en Syrie « doivent être considérés comme des victimes » et qu’il « est urgent qu’ils soient rapatriés par leur pays et qu’ils soient accompagnés dans la construction de leur avenir. »

Nous nous permettons de joindre à notre lettre des photos de dessins d’enfants, la déclaration de MM. Cyrulnik et Dru, ainsi que celle de Mme Henrietta Fore, directrice générale d’UNICEF. La France des droits humains, la France qui fête cette année le trentième anniversaire de la Déclaration internationale des Droits de l’Enfant, s’honorerait de respecter ses propres principes et ses propres valeurs en rapatriant les enfants français innocents qui croupissent dans les camps syriens dans des conditions inhumaines.

En espérant que notre appel, qui s’unit à ceux de tant d’autres, soit enfin entendu pour notre bien à tous et celui de notre société brisée en son sein et déshumanisée, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de notre haute considération.

Le«  Collectif des Familles Unies » 


LES GOUVERNEMENTS DOIVENT RAPATRIER LES ENFANTS ÉTRANGERS BLOQUÉS EN SYRIE AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD

Unicef le 4 novembre 2019

Déclaration de la Directrice Générale d’UNICEF, Henrietta Fore

AMMAN, 4 novembre 2019 –  » La dernière flambée dans le nord-est de la Syrie vient appuyer l’urgence pour les gouvernements de rapatrier les enfants étrangers bloqués dans la région avant qu’il ne soit trop tard. Les gouvernements nationaux ont maintenant la responsabilité et la possibilité de faire ce qui s’impose et de ramener ces enfants et leurs parents chez eux, où ils pourront recevoir des soins adéquats et être à l’abri de la violence et des abus.

« Selon nos meilleures estimations :

– Près de 28 000 enfants de plus de 60 pays différents, dont près de 20 000 Iraquiens, sont toujours piégés dans le nord-est, principalement dans des camps de déplacés.

– Plus de 80 % de ces enfants ont moins de 12 ans et 50 % ont moins de 5 ans.

– Au moins 250 garçons, dont certains n’ont que neuf ans, sont détenus, bien que le nombre réel soit probablement beaucoup plus élevé.

« Tous vivent dans des conditions qui ne conviennent pas aux enfants. Leur principale question au reste du monde est : Que va-t-il nous arriver ? 

« Ces enfants ont un besoin urgent de soins et de protection adéquats.

« Nous savons qu’au moins 17 pays ont déjà rapatrié plus de 650 enfants – dont beaucoup vivent maintenant avec des membres de leur famille, y compris, dans certains cas, leur mère qui est revenue avec eux. Les enfants sont en sécurité, vont à l’école et se remettent de leurs expériences de guerre.

« L’UNICEF a aidé certains de ces enfants rapatriés, notamment en les aidant à se réinsérer dans leurs familles élargies et leurs communautés.

« L’UNICEF salue le leadership de ces pays. Leurs actions et la longue expérience de l’UNICEF en matière de soutien aux enfants, aux familles et aux communautés touchées par les conflits armés dans le monde entier, nous montrent que lorsque l’on veut, on peut. 

« Les actions de ces pays demeurent toutefois l’exception plutôt que la norme. Notre message aux gouvernements est sans équivoque : L’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale en tout temps.

« L’UNICEF reste profondément inquiet pour la sécurité et le bien-être de ces enfants et des dizaines de milliers d’enfants syriens qui luttent pour survivre dans des conditions de plus en plus difficiles dans les camps et centres de détention de la région. Cela inclut les 40 000 enfants nouvellement déplacés dans le nord-est de la Syrie. Certains ont été séparés de leur famille, blessés ou handicapés à cause de la violence. Tous sont extrêmement vulnérables et ont un besoin urgent d’être protégés contre d’autres préjudices.

« L’UNICEF renouvelle ses appels à une action urgente de la part des États membres et des parties au conflit, notamment :

– La détention ne doit être qu’une mesure de dernier recours et pour la durée la plus courte possible. Les enfants ne doivent pas être détenus uniquement en raison de liens familiaux présumés avec des groupes armés ou de l’appartenance de membres de la famille à des groupes armés. Si des enfants sont soupçonnés d’avoir commis un crime, ils doient être traités conformément aux principes de la justice pour mineurs, l’accent étant mis sur leur réadaptation et leur retour à la vie civile.

– Conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant et aux normes internationales, les gouvernements doivent assurer la réinsertion en toute sécurité des enfants syriens dans leur communauté locale et le rapatriement sûr, digne et volontaire des enfants étrangers dans leur pays d’origine. La préservation de l’unité familiale et le principe de non-refoulement sont essentiels pour protéger les enfants.

– Tous les Etats membres doivent fournir aux enfants qui sont leurs citoyens, ou nés de leurs ressortissants, des documents civils pour prévenir l’apatridie.

– Les parties au conflit et ceux qui ont une influence sur elles doivent protéger les enfants à tout moment. Il s’agit notamment d’éviter les attaques contre les civils et les infrastructures civiles, comme les centres de santé, les systèmes d’approvisionnement en eau et les écoles.

– Les différents parties doivent également permettre aux organisations humanitaires d’accéder sans entrave à l’assistance et aux soins fournis aux enfants et aux familles, y compris dans les lieux de détention.

« Les enfants, que ce soit dans le nord-est ou ailleurs en Syrie, ne doivent pas être abandonnés alors que les murs de la guerre se referment sur eux. »
Vu sur: https://www.unicef.fr/article/les-gouvernements-doivent-rapatrier-les-enfants-etrangers-bloques-en-syrie-avant-quil-ne