La Défenseure des droits, Claire Hédon, a demandé le 28 avril au gouvernement de rapatrier ces enfants, détenus dans les camps kurdes en Syrie depuis près de cinq ans.
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Au nom des droits de l’enfant et de leur protection, la France a le devoir – et le pouvoir – de rapatrier ceux qui croupissent dans les camps du Nord-Est syrien.
Marie Dosé, avocate
Le 24 février 2022, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies condamnait la France pour avoir violé la Convention internationale des droits de l’enfant en maintenant 200 enfants entre des barbelés et en les exposant directement à des traitements inhumains et dégradants. En substance, rappelle le comité onusien, notre pays est bel et bien responsable du maintien de ces enfants et de leurs mères dans ces « Guantanamo pour enfants » du Nord-Est syrien, puisque le président de la République a le pouvoir de les rapatrier et refuse de le faire. Notre pays choisit donc de faire payer à des enfants innocents la faute de leurs parents.
En 2019, Emmanuel Macron a participé en grande pompe au trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant et son discours fut unanimement salué : « Fidèle à ses combats, la France a, il y a trente ans, élaboré, ratifié et appliqué la Convention internationale des droits de l’enfant. Elle se bat aujourd’hui encore pour que cette Convention soit ratifiée à travers le monde. »
Sagement assis aux côtés du président, 300 enfants l’ont écouté sans mot dire évoquer leur vulnérabilité et la nécessité…
◉ L’ONU a constaté la violation du droit à la vie des enfants français en Syrie.
◉ Claire Hédon, la Défenseure des droits, alerte sur les conditions de vie de ces enfants.
◉ Emmanuel Macron a fait de la protection de l’enfance une priorité de son prochain mandat.
Après l’appel d’un collectif de familles et proches des djihadistes français demandant le rapatriement des enfants « prisonniers en Syrie » et « privés d’enfance dans des prisons à ciel ouvert », c’est Claire Hédon, Défenseure des droits, qui a lancé un appel au gouvernement français.
Celle-ci « demande à nouveau expressément au gouvernement d’honorer ses engagements internationaux vis-à-vis de tous les enfants français retenus actuellement dans plusieurs camps dans le nord-est syrien », peut-on lire dans un communiqué. Dans une décision rendue le 23 février, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a constaté la violation par la France du droit à la vie des enfants français retenus dans ces camps, de leur droit à ne pas subir de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et de leur intérêt supérieur.
La France doit respecter ses engagements
Lors du débat télévisé de l’entre-deux tours, le président-candidat avait affirmé que la protection de l’enfance serait au cœur des cinq années qui viennent. « La France est tenue de respecter ses engagements conventionnels, notamment ses engagements au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) qu’elle a ratifiée. La Belgique, la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Suède ont procédé au rapatriement de la plupart de leurs ressortissants mineurs et, lorsqu’ils n’étaient pas isolés ou orphelins, de leur mère », poursuit Claire Hédon.
Amnesty International France a appelé Emmanuel Macron à rapatrier les 200 enfants français détenus en Syrie et à faire de la protection des droits humains « une priorité » de son second mandat, dans un communiqué publié dimanche soir aussitôt après sa réélection. « Nous demandons que les 200 enfants français détenus en Syrie, au mépris de toutes les règles de droit, puissent être rapatriés sans délais, ce vers quoi s’acheminent de plus en plus d’États européens », a écrit l’ONG.
Jusqu’à présent, Paris a maintenu une politique de retour au cas par cas et pour l’instant, 35 enfants, majoritairement des orphelins, ont été rapatriés jusqu’ici. Paris considère que les adultes devraient être jugés sur place. Claire Hédon a demandé que les examens des situations ne soient plus au compte-goutte.
La défenseure des droits, Claire Hédon, a demandé jeudi 28 avril au gouvernement de rapatrier les enfants de djihadistes français détenus dans les camps kurdes en Syrie depuis près de cinq années.
Nouveau quinquennat, même chef d’État, anciennes revendications. Fraîchement réélu, Emmanuel Macron doit une nouvelle fois faire face au dossier épineux des familles de djihadistes français détenues en Syrie. La défenseure des droits, Claire Hédon, a demandé au gouvernement, jeudi 28 avril, le rapatriement « dans les plus brefs délais » de tous les enfants français retenus dans les camps du nord-est de la Syrie, ainsi que de leurs mères. L’ancienne journaliste désormais à la tête de cette autorité administrative indépendante a envoyé un courrier au président, selon les informations de La Croix.
« Chaque jour passé dans ces camps met en danger la vie de ces enfants exposés à des traitements inhumains et dégradants », écrit-elle dans un communiqué. L’autorité avait déjà formulé plusieurs recommandations en ce sens, et elle était intervenue devant le Comité des droits de l’enfant de l’ONU en 2021. Ce dernier a exhorté la France à prendre des mesures urgentes en février 2022, considérant qu’elle violait les droits des enfants.
Doctrine du « cas par cas »
Environ 200 enfants français et entre 80 et 100 femmes adultes sont détenus dans les camps de Roj et de Al-Hol dans le nord-est de la Syrie, gérés par les autorités kurdes. La situation sanitaire y est décrite comme dramatique et l’insécurité, très forte. Une Française de 28 ans, diabétique, est décédée en décembre.
L’exécutif n’a jamais infléchi sa doctrine du rapatriement au « cas par cas ». Depuis 2019, 35 enfants ont été rapatriés en France. Des orphelins ou des enfants dont la mère acceptait le retour. Le rapatriement des adultes est refusé, au motif qu’ils devraient être jugés sur place.
Interpellations fréquentes
Mercredi 27 avril, un collectif de familles interpellait lui aussi le président face à ce qu’il considère comme « une faute morale, un déni d’humanité, mais aussi et surtout une violation des droits des enfants, une violation de leur droit à la vie et un mépris glacial pour leur intérêt supérieur ». Et rappelait l’exemple de pays comme la Belgique, l’Allemagne ou encore la Suède, qui rapatrient des enfants avec leur mère. La France a une « position isolée », regrette aussi la défenseure des droits.
La France est régulièrement interpellée par des organes et personnalités diverses qui plaident pour le rapatriement, dans des décisions officielles ou des tribunes. Pêle-mêle : le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), l’Unicef, le coordonnateur des juges antiterroristes français, l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve ou encore de nombreuses personnalités du monde de la culture.
La Défenseure des droits, Claire Hédon, chargée en particulier de défendre les droits des enfants, demande à nouveau expressément au gouvernement d’honorer ses engagements internationaux vis-à-vis de tous les enfants français retenus actuellement dans plusieurs camps dans le nord-est syrien.
Saisie depuis 2017 de réclamations par leurs familles, la Défenseure des droits rappelle que chaque jour passé dans ces camps met en danger la vie de ces enfants exposés à des traitements inhumains et dégradants qui engagent la responsabilité de l’Etat français.
Responsable de la défense des droits des enfants et garant du respect de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) par la France, le Défenseur des droits a depuis 2019 formulé de nombreuses recommandations, contenues notamment dans les décisions 2021-201[1] et 2019-129, pour que soit mis un terme à cette situation d’autant plus grave et préoccupante qu’elle porte atteinte aux droits les plus élémentaires d’enfants particulièrement vulnérables.
Dans une décision du 23 février dernier, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a constaté la violation par la France du droit à la vie des enfants français retenus dans ces camps, de leur droit à ne pas subir de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et de leur intérêt supérieur. En conséquence, le Comité considère que la France est tenue de prendre des mesures pour réparer les violations subies par ces enfants et prévenir toute nouvelle atteinte à leurs droits. Il recommande de donner, de manière urgente, une réponse officielle à chaque demande de rapatriement des enfants victimes et de prendre des mesures positives pour effectuer ce rapatriement.
La Défenseure des droits rappelle que la France est tenue de respecter ses engagements conventionnels, notamment ses engagements au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) qu’elle a ratifiée. Elle souligne par ailleurs que la France est tenue de fournir au Comité, dans un délai de 180 jours, des renseignements sur les mesures adoptées pour donner effet à sa décision du 23 février 2022[2]. La Défenseure des droits a interrogé à ce titre le président de la République.
Elle constate en outre la position isolée de la France sur cette question alors que la Belgique, la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Suède ont procédé au rapatriement de la plupart de leurs ressortissants mineurs et, lorsqu’ils n’étaient pas isolés ou orphelins, de leur mère.
La Défenseure des droits considère que, dans l’intérêt supérieur des enfants, seule l’organisation du retour de l’ensemble des enfants avec leurs mères sur le sol français et leur prise en charge par les services compétents, est à même d’assurer leur protection et de mettre un terme à la violation actuelle de leurs droits fondamentaux.
Des rapatriements d’enfants ont précédemment été opérés par la France, démontrant que ces mesures sont réalisables. La Défenseure des droits appelle instamment à cesser l’examen au compte-goutte des situations et insiste sur l’impératif qui s’attache à la pleine effectivité des droits de ces enfants. Il n’est pas d’enfant dont il serait admissible que la protection ne soit que relative ou dégradée face à un risque pour leur vie, où qu’ils se trouvent, « qu’ils fussent à l’autre bout de la planète » comme l’a rappelé le président Emmanuel Macron le 14 mai 2019.
Plus de 200 enfants français sont retenus en Syrie. (illustration) — Omar Sanadiki/AP/SIPA
Le drame avait relancé le débat sur le sort des enfants de djihadistes, à quelques jours de Noël. Le 14 décembre 2021, une Française de 28 ans, diabétique, est morte dans un camp syrien réservé aux familles de djihadistes capturées, laissant derrière elle une orpheline de 6 ans. Candidat à sa réélection, Emmanuel Macron a ensuite affirmé que la protection de l’enfance serait au cœur des cinq années qui viennent. Désormais, les familles attendent que le président joigne les actes aux paroles.
« Il est grand temps de changer de direction, et de donner à ces enfants, qui sont aussi des victimes de Daesh, leur chance », indique dans un communiqué le collectif familles Unies, association regroupant une grande partie des quelque 80 femmes de djihadistes et 200 enfants français retenus dans des camps dans le nord-est syrien. « Il est grand temps de leur accorder la protection que méritent tous les enfants », « de se conformer à nos engagements internationaux, et de respecter notamment la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire », poursuit le collectif.
La difficile question des mères
Ces enfants sont des « victimes, reconnues comme telles par les Nations Unies, l’Unicef ou la Croix-Rouge » et ils vivent « sans protection, sans soins appropriés, sans accès à l’éducation, sans espoir » dans des camps de déplacés sous contrôle kurde en Syrie. Ils sont « privés d’enfance dans des prisons à ciel ouvert », insistent les familles.
Contrairement à ses voisins européens, dont l’Allemagne qui a rapatrié « une grande partie » des enfants, Paris maintient une politique de retours au compte-gouttes qui lui attire les foudres alors que les conditions de vie sur place sont « épouvantables », selon l’ONU, en raison de la question difficile du rapatriement des mères. Depuis 2016, 126 enfants français sont revenus de Syrie ou d’Irak, la plupart en bas âge.
Communiqué du Collectif des Familles Unies du 27 avril 2022
Enfants dans les camps de Roj aux nord-est de la Syrie
Emmanuel Macron vient d’être réélu pour un deuxième et dernier mandat.
Durant son premier quinquennat, de 2017 à 2022, des enfants français ont été maintenus dans des camps de prisonniers sordides, au nord-est de la Syrie. Des adultes de nationalité française, pourtant poursuivis et réclamés par la justice française, sont restés incarcérés dans une zone de non-droit, au secret, sans avocat, sans perspective de jugement et sans accès à quelque forme de justice que ce soit. Certains d’entre eux ont même été transférés illégalement en Irak, avec la complicité des autorités françaises, pour y être condamnés à mort, en violation flagrante de nos engagements internationaux. Durant le quinquennat qui vient de s’achever, la France a traité les hommes et les femmes qui avaient rejoint l’État islamique, mais également leurs enfants, en violation de ses engagements internationaux, de la Convention internationale des droits de l’enfant et de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a en effet délégué l’incarcération de ses ressortissants, même mineurs, à un acteur non étatique, et les a donc tous maintenus en détention arbitraire. Notre pays n’a donc pas agi en État de droit digne de ce nom.
En mai 2017, quand Emmanuel Macron accède au pouvoir, quelques enfants français seulement sont détenus avec leur mère dans les camps du Nord-Est syrien. À partir du deuxième semestre 2017 et durant l’année 2018, ce nombre va s’accroître progressivement jusqu’à représenter plus de 200 enfants en mars 2019 après la chute du dernier bastion de l’État islamique en Syrie, à Baghouz.
Au début de l’année 2019, une opération est organisée en vue de rapatrier l’ensemble de nos ressortissants avec l’aide des États-Unis, mais Emmanuel Macron l’annule au dernier moment. Depuis, c’est la doctrine indigne, dite du « cas par cas », qui s’applique, et que revendique Emmanuel Macron. Elle vise à trier des enfants, en choisissant d’en rapatrier certains, mais surtout d’abandonner le plus grand nombre dans ces Guantanamo pour enfants. Ainsi, 35 enfants ont été rapatriés depuis 2019 : des orphelins, mais aussi des enfants arrachés à leur mère et à leur fratrie restées dans le camp.
Depuis 2017, et durant tout le quinquennat qui vient de s’écouler, des enfants français ont survécu dans les camps de prisonniers Roj et Al-Hol, sans protection, sans soins appropriés, sans accès à l’éducation, sans espoir. Des enfants français ont été privés d’enfance dans des prisons à ciel ouvert. Certains ont passé des mois enfermés avec leur mère dans des cachots, sans lumière, sans hygiène, sans nourriture suffisante. Ces enfants, dont la plupart sont rentrés dans ces camps alors qu’ils n’avaient pas 6 ans, sont des victimes, reconnues comme telles par les Nations Unies, l’UNICEF ou la Croix-Rouge. Mais l’État français, lui, a fait le choix de les traiter comme des coupables, de les maintenir parqués, de laisser ces enfants blessés, malades et traumatisés derrière des barbelés durant des années. Il a même choisi d’y maintenir des orphelins, livrés à eux-mêmes depuis trois ans, d’y laisser mourir une femme, décédée faute de soins en décembre dernier en refusant obstinément son rapatriement sanitaire et de fabriquer ainsi une orpheline de 6 ans, qui n’est toujours pas rapatriée.
Les autorités françaises ont usé de tous les arguments les plus malhonnêtes et les plus mensongers possibles pour justifier cette ignominie, arguant de l’absence de relations diplomatiques, de l’extrême dangerosité des missions de rapatriement, alors même que des dizaines d’autres pays rapatriaient des centaines d’enfants et leurs mères. Emmanuel Macron, durant ces années, est resté sourd aux appels au rapatriement des familles, des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, du Parlement européen, de l’UNICEF, de la Croix-Rouge. Il est resté sourd aux demandes de la Défenseure des droits, de la CNCDH, du coordonnateur des juges antiterroristes français, des organisations de défense des droits humains comme la LDH, la FIDH, Human Rights Watch, Amnesty. Il est resté sourd aux appels de centaines de personnalités, de parlementaires. Il est resté sourd aux appels au rapatriement de l’Administration kurde elle-même… Cette incarcération prolongée d’enfants français dans des camps est la tâche la plus honteuse sur l’histoire du quinquennat qui prend fin. Elle est une faute morale, un déni d’humanité, mais aussi et surtout une violation des droits des enfants, une violation de leur droit à la vie et un mépris glacial pour leur intérêt supérieur, comme le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies l’a asséné en février dernier.
Emmanuel Macron vient d’être réélu Président de la République. Il a déclaré, à la fin du débat télévisé du second tour : « La protection de l’enfance sera au cœur des cinq années qui viennent. » Il a assuré, peu de temps auparavant : «Nous ferons en sorte que tous les enfants de France aient les mêmes chances. » Il est grand temps de changer de direction, et de donner à ces enfants, qui sont aussi des victimes de Daech, leur chance. Il est grand temps de leur accorder la protection que méritent tous les enfants. Il est grand temps de se conformer à nos engagements internationaux, et de respecter notamment la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire.
Nous savons maintenant que le jugement des adultes sur place est impossible, et qu’il n’y aura pas de procès (et a fortiori de procès équitables) en Syrie ou en Irak (pays qui vient de réaffirmer son refus de « recevoir » et de juger des détenus étrangers), comme nous savons qu’il n’y aura pas de tribunal international sur zone. Les adultes, les mères de ces enfants, ne sont judiciarisés qu’en France, et l’intérêt supérieur des enfants, qui doit être une considération primordiale, exige qu’ils soient rapatriés avec leurs mères. La séparation dans les camps des enfants et de leur mère restée sur place, la séparation de fratries, sont des horreurs qui n’auraient jamais dû être acceptées : aucun autre pays de l’Union Européenne n’a osé aller jusque-là, aucun. La France, dans cette nouvelle étape, doit respecter les droits humains, les droits de l’enfant et le droit international : plusieurs pays européens — la Belgique, l’Allemagne, le Danemark, la Suède, la Finlande… — ont entrepris de rapatrier les enfants avec leurs mères. La France doit faire de même et cesser de s’isoler en choisissant l’inhumanité.
Le Collectif des Familles Unies appelle Emmanuel Macron à rapatrier les ressortissants français détenus en Syrie et en Irak, afin que des procès soient organisés en France, parce qu’un Président de la République ne peut continuer à se défier de notre justice. Le rapatriement des ressortissants français est la seule solution conforme à l’humanité, aux droits humains, à l’État de droit, à la justice et à la sécurité.
Le Collectif des Familles Unies appelle Emmanuel Macron à rapatrier d’urgence TOUS les enfants français et leurs mères détenus dans les camps du Nord-Est syrien.
À l’issue de sa réélection face à une candidate dont le programme, incompatible avec les engagements internationaux de la France, laissait craindre une régression sans précédent du respect des droits humains dans le pays, le président Emmanuel Macron sera confronté pour son second mandat à des défis cruciaux, dans des contextes nationaux et internationaux incertains. Amnesty International France sera vigilante et exigeante sur le respect des droits humains, qui ne doivent jamais être sacrifiés au bénéfice d’intérêts économiques ou stratégiques.
« Le premier quinquennat n’ayant pas été exemplaire sur les droits humains, nous appelons solennellement le président de la République, réélu pour un second mandat, à faire en sorte que le second le soit. Nous serons particulièrement vigilants et exigeants pour que les politiques menées par le président, en France comme à l’international, soient respectueuses des droits fondamentaux et du droit international », a déclaré Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France, précisant « Nous souhaitons dès à présent engager un dialogue constructif autour d’un certain nombre de demandes ».
PROMOUVOIR LE RESPECT DU DROIT INTERNATIONAL ET LA PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES
Tout d’abord, alors que la collecte des preuves de potentiels crimes internationaux est engagée en Ukraine et que plusieurs États européens ont récemment pu juger des criminels de guerre syriens au nom de la compétence universelle, la loi en France comporte toujours des verrous restreignant très fortement les possibilités de poursuite par ses juridictions. Il est temps de rompre avec une législation ambigüe et d’effectuer les adaptations nécessaires pour se donner tous les moyens juridiques de juger en France les auteurs présumés de crimes internationaux.
Par ailleurs, la France doit cesser les ventes d’armes, à destination de l’Arabie saoudite et des Émirat arabes unis, des pays engagés dans une coalition soupçonnée de crimes de guerre au Yémen. Alors que le Traité sur le commerce des armes interdit les transferts dès lors qu’il existe un risque majeur que soient commises de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire, il est temps que la France mette un terme à l’opacité de ses ventes d’armes et instaure un réel contrôle parlementaire.
D’autre part, nous demandons que les 200 enfants français détenus en Syrie, au mépris de toutes les règles de droit, puissent être rapatriés sans délais, ce vers quoi s’acheminent de plus en plus d’États européens.
RESPECTER LE DROIT DES PERSONNES EXILÉES
Si nous saluons la manière dont, ces dernières semaines en France, les réfugiés ukrainiens ont été accueillis, dans les discours comme dans les actes, la situation des personnes exilées s’est toutefois dégradée ces cinq dernières années dans l’hexagone, notamment dans le Calaisis et à la frontière avec l’Italie.
Que ce soit sur son territoire, dans le cadre européen et international, ou en lien avec ses accords avec le Royaume Uni, nous appelons la France à ne pas considérer les personnes qui fuient les conflits et les persécutions comme des « flux migratoires irréguliers » et à leur donner accès à la protection à laquelle elles ont droit au titre des engagements internationaux de la France, dont le respect de la Convention de Genève de 1951.
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Constatant l’inaction des autorités françaises dans la lutte contre les contrôles d’identité discriminatoires, six ONG, dont Amnesty International France, saisissaient le Conseil d’État, le 22 Juillet dernier, afin que la justice contraigne l’État à agir. Le président réélu doit absolument prendre la mesure des conséquences désastreuses de telles discriminations systémiques et entamer une réforme en profondeur des pratiques policières.
Nous lui demandons par ailleurs de s’engager à abroger les mesures que nous avions dénoncées dans les lois « lutte contre le terrorisme et renseignement », et celle « confortant les principes de la République », parce qu’elles favorisent un amalgame dangereux entre Islam et terrorisme et comportent des risques d’application discriminatoire à l’encontre des personnes musulmanes.
RENOUER AVEC LE DROIT DE MANIFESTER PACIFIQUEMENT
Les cinq dernières années ont été marquées par des atteintes à la liberté de manifester pacifiquement en France. Non seulement les manifestants ont été exposés à un usage excessif de la force lors d’opérations de maintien de l’ordre, mais les autorités ont aussi instrumentalisé des lois contraires au droit international pour verbaliser, arrêter arbitrairement et poursuivre en justice des personnes n’ayant commis aucune violence.
Aussi, nous demandons une réforme structurelle des stratégies de maintien de l’ordre afin de favoriser des logiques de concertation et de désescalade plutôt que de confrontation et de répression. Les dispositions trop vagues de certaines lois doivent être abrogées car elles ouvrent la voie à l’arbitraire. Enfin, le recours aux grenades assourdissantes et de désencerclement doit être interdit et l’usage des LBD40 suspendu.
SURVEILLANCE DE MASSE
Autre sujet de préoccupation croissante, le futur gouvernement devra également veiller à ce que les progrès technologiques soient rigoureusement encadrés pour ne pas faire basculer nos sociétés dans la surveillance de masse. Nous resterons par exemple vigilants sur le développement de l’utilisation des drones par les forces de l’ordre pour surveiller les manifestations.
Nous continuons par ailleurs à demander l’interdiction de la reconnaissance faciale à des fins d’identification, car elle est incompatible avec le respect du droit à la vie privée.
CLIMAT : TROIS ANS POUR AGIR
Le président Macron ne doit pas oublier que la France a été condamnée le 14 octobre 2021 par le Tribunal administratif de Paris pour son inaction climatique.
Le GIEC continue d’alerter sur les conséquences catastrophiques d’un réchauffement climatique qui ne serait pas contenu dans la limite de 1,5° par rapport à l’ère préindustrielle. Aussi, le président réélu devra tout faire pour que la France atteigne la neutralité carbone à l’horizon 2050 et pour peser sur la scène internationale en faveur d’une action immédiate et d’une ampleur planétaire, face à une urgence climatique qui menace l’humanité tout entière.
Lisa est arrivée en Syrie il y a sept ans, laissant derrière elle sa vie de petite fille normale dans une grande ville de l’ouest de la France. (RAYMOND ALBOUY / RADIO FRANCE)
Derrière les barbelés de cette prison à ciel ouvert, en plein désert, l’une des gardiennes kurdes nous conduit sous la tente de Sophia, 16 ans. Sophia est née en banlieue parisienne, elle avait 8 ans quand sa mère l’a emmenée en Syrie.
Aujourd’hui, Sophia vit toute seule, dans ce camp avec ses trois petits frères. Leur mère et leur sœur sont mortes. Au sol, trois matelas, une vieille télé et quelques couvertures. Abattue, Sophia a perdu tout espoir de rentrer un jour dans son pays. « C’est difficile, j’aimerais rentrer en France, c’est mon pays, je ne veux pas rester dans le camp,explique-t-elle, éteinte. J’ai plein de famille en France : mes tantes, ma grand-mère, mon grand-père. Je suis fâchée : cela fait longtemps qu’on croit qu’ils vont nous rapatrier et à chaque fois qu’on a l’espoir, eh ben on perd espoir. »
» Cela fait presque quatre ans qu’on est dans le camp, seuls, sans mère. On n’a rien à faire ici. Pourquoi les gens disent que je suis un danger ? Je suis venue ici quand j’étais petite, avec ma mère. Je ne sais pas pourquoi je serais un danger. «
Sophia, 16 ans à franceinfo
Un visage d’enfant, un corps tout frêle. Les orphelins se nourrissent des rations qu’on leur distribue : du riz, des lentilles, du sucre. Trois fois par semaine, ils vont à l’école : au programme l’arabe, l’anglais et les mathématiques. Pas loin, Lisa, 14 ans, a elle aussi perdu sa mère et ses deux frères dans la bataille de Baghouz, lors de la chute du califat. Gravement blessée, elle vit avec sa grande sœur Sarah chez une femme ouzbèke. « Lors de la guerre, là-bas, tout le monde mourait, décrit Lisa. Quand nous avons fui, dans la montagne, il y avait plein de bombes. Ma mère a reçu une bombe sur elle. Elle et mes frères sont morts. Puis il y a eu des balles sur moi, sur mon bras, et je suis tombée. Puis il y a eu des balles dans mes jambes. Après, des militaires sont venus nous porter et je suis venue ici à Roj. »
Un petit garçon joue dans le camp avec son camion. (RAYMOND ALBOUY / RADIO FRANCE)
« J’aimerais bien retourner en France dans ma famille. C’est dur, ici, dans le camp. Si ça avait été entre nos mains, jamais on ne serait venus ici. On était trop petits. On ne serait jamais venus là. »
Lisa, 14 ans, à franceinfo
À Roj, plus de 300 femmes et enfants sont rentrés l’année dernière dans leur pays : en Allemagne, en Suède ou en Belgique. La France elle n’a rapatrié que sept enfants en 2021. Paris refuse catégoriquement de rapatrier les mères, ce qui les oblige à un choix douloureux : se séparer de son enfant, avec qui elles vivent et dorment, pour lui offrir une meilleure vie en France. Dans le camp, elles sont encore 80 femmes, accompagnées de leurs 200 enfants français. Parmi elles, Celia mère jihadiste de 27 ans, qui se dit prête à se séparer de son fils, mais le cœur brisé.
« Mon fils me demande : ‘J’ai cinq ans, maman… Est-ce que j’irais à l’école ?’ «
Célia à franceinfo
« Je lui fais l’école, poursuit Célia, la voix brisée par les sanglots, mais je n’ai aucun support. Un enfant de cinq ans, il va à la maternelle, il a une maîtresse. Alors il me dit :’Maman, même si je pars, toi, tu viendras et tu reviendras me chercher.’Quand votre fils vous dit cela, vous avez votre coeur de mère qui est déchiré parce que vous aimez votre enfant plus que tout. Mais à côté de cela, vous voulez le meilleur pour lui. Pourquoi faire encore un traumatisme à un enfant en le séparant de sa mère ? Alors qu’on leur demande d’être rapatriées, et qu’on regrette, qu’on sait ce qui nous attend, qu’on paiera. On le sait. Mais en attendant, on est toujours là. »
Dans le camp, 80 femmes françaises et leurs 200 enfants attendent un signe de l’Etat français, qui refuse de les rapatrier ensemble. (RAYMOND ALBOUY / RADIO FRANCE)
Au moins 62 enfants seraient morts dans les camps à cause de ces conditions depuis le début de l’année 2021
Le refus de la France de rapatrier des enfants français détenus dans des camps syriens dans des conditions mettant leur vie en danger depuis des années viole leur droit à la vie, ainsi que leur droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants, a déclaré le Comité des droits de l’enfant de l’ONU jeudi.
Le Comité des droits de l’enfant (CRC) a publié ses constatations après avoir examiné trois requêtes déposées par un groupe de ressortissants français dont les petits-enfants, nièces et neveux sont actuellement détenus dans les camps de Roj, d’Aïn Issa et d’Al-Hol, qui sont sous le contrôle des forces kurdes.
Les trois cas concernent 49 enfants français. Certains d’entre eux sont nés en République arabe syrienne, tandis que d’autres y ont voyagé avec leurs parents français à un très jeune âge. Leurs parents auraient collaboré avec le groupe terroriste Daech.
Depuis que les proches ont porté leur cas devant le Comité en 2019, le gouvernement français a rapatrié 11 de ces enfants. Les 38 autres enfants victimes, dont certains n’ont que cinq ans, sont toujours détenus dans des camps fermés en zone de guerre.
Selon le Comité, « la France a la responsabilité et le pouvoir de protéger les enfants français dans les camps syriens contre un risque imminent pour leur vie en prenant des mesures pour les rapatrier ».
Le Comité a en outre considéré que la détention prolongée des enfants victimes dans des conditions mettant leur vie en danger « équivaut également à des peines ou traitements inhumains et dégradants » et conclu que la France « n’avait pas démontré qu’elle avait dûment pris en compte l’intérêt supérieur des enfants victimes lors de l’évaluation des demandes de rapatriement de leurs proches ».
Le Comité a exhorté la France à prendre des mesures urgentes pour rapatrier les 38 enfants victimes restants.
Dans l’intervalle, il a demandé à ce pays de prendre des mesures supplémentaires pour atténuer les risques pour la vie, la survie et le développement des enfants victimes pendant leur séjour dans le nord-est de la Syrie.
« Nous demandons à la France de prendre des mesures immédiates, car chaque jour qui passe crée un risque pour de nouvelles victimes », a souligné Mme Skelton.
La France a violé les droits des enfants français détenus dans des camps en Syrie en refusant de les rapatrier, a affirmé jeudi un comité de l’ONU, après avoir examiné des requêtes concernant 49 enfants français. Le Comité exhorte la France à prendre des mesures urgentes pour rapatrier les 38 enfants victimes restants.
La France a violé les droits des enfants français détenus en Syrie en omettant de les rapatrier, a affirmé jeudi 24 février un comité de l’ONU, après avoir examiné des requêtes concernant 49 enfants français.
« Le refus de la France de rapatrier des enfants français détenus dans des camps syriens dans des conditions mettant leur vie en danger depuis des années viole leur droit à la vie, ainsi que leur droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants », a déclaré le Comité des droits de l’enfant, dans un communiqué.
Il a estimé que « la France a la responsabilité et le pouvoir de protéger les enfants français dans les camps syriens contre un risque imminent pour leur vie en prenant des mesures pour les rapatrier ».
Ce Comité est composé de 18 experts indépendants chargés de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant par ses États parties.
Il a publié ses constatations concernant la France après avoir examiné trois requêtes déposées par un groupe de ressortissants français dont les petits-enfants, nièces et neveux sont actuellement détenus dans les camps de Roj, d’Aïn Issa et de Al-Hol, qui sont sous le contrôle des forces kurdes.
38 enfants toujours détenus en zone de guerre
Les trois cas concernent 49 enfants français, dont les parents auraient collaboré avec le groupe État islamique (ou Daech). Certains sont nés en Syrie, tandis que d’autres y ont voyagé avec leurs parents français à un très jeune âge.
Depuis que les proches ont porté leur cas devant le Comité en 2019, le gouvernement français a rapatrié 11 de ces enfants. Les 38 autres enfants victimes, dont certains n’ont que cinq ans, sont toujours détenus dans des camps fermés en zone de guerre.
Le Comité de l’ONU a estimé que « la France a la responsabilité et le pouvoir de protéger les enfants français dans les camps syriens contre un risque imminent pour leur vie, en prenant des mesures pour les rapatrier ».
Il a en outre considéré que la détention prolongée des enfants victimes dans des conditions mettant leur vie en danger équivaut également à « des peines ou traitements inhumains et dégradants ».
Les experts ont également conclu que la France n’avait pas démontré « qu’elle avait dûment pris en compte l’intérêt supérieur des enfants victimes lors de l’évaluation des demandes de rapatriement de leurs proches ».
En conclusion, le Comité exhorte la France à prendre des mesures urgentes pour rapatrier les 38 enfants victimes restants.
Dans l’intervalle, il demande aux autorités françaises « de prendre des mesures supplémentaires pour atténuer les risques pour la vie, la survie et le développement des enfants victimes pendant leur séjour dans le nord-est de la Syrie ».