Madame la Députée, Madame la Sénatrices, Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur, La situation des enfants français prisonniers avec leurs mères dans le nord-est de la Syrie, dans les camps de Roj et de Al-Hol, ne fait que se détériorer de jour en jour. La situation dans la région est d’une grande instabilité. Le chaos règne en Irak et les forces de Bachar Al Assad gagnent du terrain en Syrie. L’invasion turque a replongé le nord-est du pays dans la guerre. Cependant, en ce moment même, un calme sans doute précaire règne dans les territoires contrôlés par l’Administration autonome kurde, qui permet à plusieurs pays de rapatrier certains de leurs ressortissants. Il est donc temps d’agir, avant que les hostilités embrasent de nouveau la région. Le Collectif des Familles Unies a écrit une lettre au Président de la République pour lui rappeler que le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, à qui il a confié la direction de la Commission sur les « 1000 premiers jours de l’enfant », a récemment appelé, avec l’UNICEF, au rapatriement de ces enfants et de leurs mères. Nous vous proposons de lire cette lettre, et d’accepter d’insister auprès du gouvernement pour que ces rapatriements se fassent le plus vite possible (lettre dont vous trouverez copie ci-dessous). Pour vous permettre de mieux appréhender l’urgence d’agir pour sortir ces enfants de cette situation tragique, nous vous proposons de voir ou revoir ce documentaire, de Sophie Parmentier et Hélène Lam Trong, « Daesh. Les enfants du soupçon », déjà diffusé sur TV5 (voir les liens ci-dessous) : https://www.france.tv/documentaires/societe/1146485-daech-les-enfants-du-soupcon.html https://www.youtube.com/watch?v=bg3qzZwA80E Et nous vous proposons également la lecture du livre de Marie Dosé, Les victoires de Daesh, qui vient de sortir chez Plon. Tout en vous souhaitant nos meilleurs voeux pour la Nouvelle Année 2020, nous vous prions d’agréer, Madame la Députée, Madame la Sénatrices, Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur, l’expression de nos respectueuses salutations. Le « Collectif des Familles Unies » collectiffamillesunies@gmail.com www.famillesunies.fr ________________________________________________________________________ Monsieur le Président de la République, Vous avez confié au Professeur Boris Cyrulnik la direction d’une commission d’experts qui élabore le « parcours des 1000 jours de la petite enfance ». Cette commission doit rendre ses conclusions en avril prochain. Sur votre compte Twitter, vous venez d’indiquer : « Votre avis compte ». Nous nous permettons donc de vous redonner notre avis sur une tragédie qui concerne la situation d’enfants français. Notre Collectif représente plus d’une centaine de familles dont les petits-enfants, neveux ou nièces, sont prisonniers avec leurs mères dans les camps de Roj et de Al-Hol, dans le nord-est de la Syrie. À ce jour, 250 à 300 enfants français survivent dans ces camps dans des conditions épouvantables, certains depuis deux ans, et la France n’a rapatrié à ce jour des camps syriens qu’une vingtaine d’enfants. Pourtant, la situation ne fait que se dégrader dans les camps : 371 enfants sont morts dans le camp de Al Hol en 2019, de maladie, de blessures ou de malnutrition ; des femmes sont emprisonnées et leurs enfants sont laissés à l’abandon dans les camps ; des adolescents sont emprisonnés sans raison dans des geôles sordides ; le froid devient de plus en plus intense, surtout la nuit. Trente ans après la signature par la France de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, vous remarquez que « ces droits ne sont pas respectés partout » et que « nous ne sommes pas au bout du chemin ». Vous avez raison, mais nous avons malheureusement la certitude que ces droits des enfants ne sont pas respectés dans les camps du nord-est de la Syrie, et que la France ne suit pas ce « chemin » du respect des droits de l’enfant dans toutes les situations où des enfants français sont en danger, en particulier en refusant de rapatrier des enfants innocents de Syrie, dont une bonne partie, sont dans ces « 1000 jours » si essentiels, et dont certains sont même nés dans les camps. Le Professeur Cyrulnik, dans une tribune publiée le 3 novembre 2019 avec le président d’UNICEF France, rappelle, après avoir indiqué qu’il était urgent que ces enfants français prisonniers soient rapatriés : « Unicef exhorte depuis plusieurs mois les États à s’acquitter du devoir qui est le leur de protéger tout enfant de moins de 18 ans,conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide). Pour la France, cette responsabilité s’étend à tous ses enfants associés à des groupes armés sur leur territoire ou à l’étranger, ainsi qu’aux enfants de ressortissants français, où qu’ils soient nés. » Le Professeur Cyrulnik ajoute : « S’il est vrai que tous les enfants exposés aux conflits armés ont vécu des traumatismes, il a été aussi prouvé qu’ils sont capables de résilience en dépit des privations et des violences extrêmes qu’ils ont subies, s’ils sont accompagnés et aidés. Il est essentiel de ne pas les séparer ni de les emmener loin de leur mère, et de maintenir le lien affectif qui a pu se construire. » Et il conclut, avec l’UNICEF : « Ces enfants doivent être traités comme des victimes et non comme des criminels, conformément aux dispositions de la Cide. Tous les enfants ont les mêmes droits. Ils sont inaliénables et reconnus comme tels. N’abandonnons pas ces enfants. » Tous les enfants français prisonniers en Syrie sont fragiles et vulnérables, tous ont droit à la vie, et pas seulement certains d’entre eux ramenés au compte-gouttes ou au « cas par cas ». Ce que la France peut faire sur le « chemin » du respect des droits de l’enfant, dont vous avez parlé, la France doit le faire, conformément à ses engagements et conformément à ses valeurs. Nous vous demandons, Monsieur le Président, d’entendre la douleur de ces enfants, et d’écouter la voix du Professeur Cyrulnik, à qui vous avez accordé votre confiance en lui confiant la direction de cette commission sur les « 1000 premiers jours de l’enfant », en rapatriant tous les enfants français prisonniers en Syrie, avec leurs mères. En vous adressant tous nos meilleurs vœux pour la Nouvelle Année 2020, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre profond respect. Paris le 27 janvier 2020 |
Communiqué du Collectif des Familles Unies sur les conditions de détention des condamnés à mort français en Irak et les risques d’exécution
Le 23 janvier 2020
Les onze Français condamnés à mort en Irak en mai et juin 2019 subissent depuis leur condamnation des tortures, des sévices, des maltraitances physiques et psychiques dans la prison Al Rosafa à Bagdad. Dans un courrier parvenu à leurs familles, des prisonniers parlent de « tortures et d’humiliations », de « menaces incessantes » de la part de certains gardiens. Les prisonniers sont prévenus par les miliciens qui les gardent qu’ils seront bientôt exécutés, dans cette prison ou après un transfert dans la prison de Nassiriyah, dans le sud de l’Irak. D’après nos informations, tous les prisonniers ont été sévèrement battus lors de leur transfert de la prison Al-Muthana vers la prison Al Rosafa, en septembre dernier, et certains prisonniers font l’objet de passages à tabac et de sévices réguliers. Certains présenteraient d’ores et déjà des séquelles physiques et psychiques graves. Les Français prisonniers sont incarcérés dans des cellules où se côtoient 60 à 70 détenus, prisonniers de droit commun, combattants de Daesh ou personnes suspectées d’avoir appartenu à l’organisation et détenus chiites : il est à craindre que placer ainsi dans un même endroit exigu des personnes qui se haïssent n’ait pas d’autre but que d’espérer qu’ils s’entre-tuent. Les détenus français, considérés comme des renégats par des adeptes de Daesh et comme des terroristes sunnites par les chiites, risquent leur vie à tout moment.
Ces prisonniers français ont déjà été torturés lors de l’instruction de leur procès, de février à mai 2019, suite à leur transfert de Syrie en Irak organisé par les autorités françaises.
Lors d’une visite du président irakien Barham Saleh à Paris, le 25 février 2019, ce dernier a évoqué le « partenariat exemplaire » entre la France et l’Irak. A cette occasion, le Président Macron avait précisé que si des ressortissants français étaient jugés en Irak, ceux-ci « seraient en droit de demander la protection consulaire. » Il précisait que « nous nous assurerons que s’ils sont condamnés à la peine de mort, celle-ci soit commuée dans une peine à la perpétuité. »
Si des visites consulaires ont effectivement eu lieu en juin et juillet 2019, lors du séjour des détenus dans la prison Al Muthana, avec y compris durant cette période des possibilités de contact avec leurs familles, il n’y a plus eu de visite consulaire entre le 28 juillet et le 17 décembre 2019. Lors de la visite consulaire du 17 décembre, le représentant du consul de France à Bagdad a dit aux prisonniers qu’il ne pouvait « rien faire pour eux ».
La dernière communication téléphonique des prisonniers avec leurs familles date du 1er septembre. Les comptes rendus de la dernière visite consulaire du 17 décembre faits aux familles par le Ministère des Affaires étrangères ont été d’une brièveté accablante : rien n’a été communiqué sur leur état de santé, leurs conditions de détention, les procédures d’appel suite à leur condamnation à mort, – malgré le fait que le représentant du consul se soit entretenu avec chaque détenu, et que M. Le Drian se soit rendu en octobre à Bagdad. Aucune famille n’a pu obtenir de visa pour l’Irak pour rendre visite aux détenus.
La France s’honore d’être un pays abolitionniste qui condamne toute forme de torture et de mauvais traitements infligés à des prisonniers, quels que soient les crimes dont on les accuse. Malgré cela, les autorités françaises ont organisé le transfert de ressortissants français vers un pays qui applique la peine de mort, et dont la pratique de la torture en prison, y compris sur des enfants, est largement documentée par les organisations humanitaires internationales.
Le Collectif des Familles Unies demande au gouvernement d’intervenir pour faire cesser toute forme de traitements inhumains et dégradants infligés aux prisonniers et pour que les peines de mort soient effectivement commués, selon l’assurance du Président de la République exprimée en février 2019. Il demande également qu’une protection consulaire effective soit exercée, ce qui n’est pas le cas actuellement. À l’instar de la représentante spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, nous demandons également le transfèrement de ces prisonniers en France pour qu’ils puissent faire face à un procès équitable.
Ce qui se passe actuellement avec les détenus français de Daesh en Irak, mais aussi en Syrie, n’a rien à voir avec la justice, et s’apparente plutôt à la vengeance et à l’extermination. Les mises à mort, les tortures et les mauvais traitements ont été ainsi délégués, comme notre justice, à un État tiers. Un État de droit qui accepte ainsi d’utiliser les méthodes de l’adversaire et renie ses principes ne fait que renforcer l’idéologie qu’il prétend combattre.Le 23 janvier 2020
Communiqué du Collectif des Familles Unies à propos des déclarations de Madame Nicole Belloubet, Garde des Sceaux
Paris, le 12 janvier 2020
Les déclarations de Madame Nicole Belloubet le 11 janvier 2020 sont parfaitement cohérentes avec la décision prise par ce gouvernement, il y a tout juste un an, de rapatrier les Français mineurs et majeurs détenus dans le nord-est syrien.
Le 31 janvier 2019, Madame Belloubet affirmait en effet : « Nous avons fait un choix, qui est celui de la préférence du contrôle et donc du rapatriement en France ». Elle précisait par ailleurs que « la situation nouvelle, qui est liée notamment au retrait des forces américaines a bouleversé la donne et évidemment nous nous préparons à un éventuel retour des Français qui sont actuellement au nord de la Syrie ».
Monsieur Edouard Philippe, Premier Ministre, avait pris soin de confirmer et d’expliquer cette décision le même jour : « Ce que je souhaite surtout, c’est qu’ils ne disparaissent pas. Je ne veux pas qu’ils soient dispersés, qu’ils repartent en liberté pour continuer leurs activités. S’ils sont expulsés, je préfère qu’ils soient jugés et condamnés (…) en France plutôt qu’ils se dispersent dans la nature pour fomenter d’autres actions, y compris contre nos pays ».
Le choix du gouvernement de rapatrier les enfants et leurs parents détenus en Syrie était donc pesé, mûri, et assumé. Ce choix était et demeure celui de la raison. Cette décision de rapatriement a été annulée au dernier moment, et un autre choix semble l’avoir emporté au sein du gouvernement, celui du déni de nos valeurs et des conventions internationales, celui d’une terrible inhumanité envers les enfants français prisonniers : livrer et tenter de livrer nos ressortissants à un pays où peine de mort, procès inéquitables et torture sont la règle, et maintenir des enfants innocents prisonniers dans des conditions épouvantables.
Depuis lors, le retrait partiel des troupes américaines a permis à la Turquie de mener à bien son offensive militaire ; les troupes de Bachar al-Assad continuent de progresser ; le chef de l’Etat Islamique aujourd’hui décédé a appelé les cellules dormantes de Daech à aller chercher les enfants et leurs mères détenus dans ces camps ; l’Irak a officiellement fait savoir à la France qu’elle ne jugerait pas ses ressortissants en lui signifiant ne pas vouloir devenir « une poubelle à djihadistes » ; la révolte des Irakiens contre les autorités de ce pays gronde un peu plus chaque jour ; l’assassinat ciblé du général Soleimani a poussé à son paroxysme l’instabilité de toute cette zone.
En janvier 2019, l’instabilité géopolitique et la perspective d’un retrait des troupes américaines avaient conduit ce gouvernement à décider du rapatriement de tous les ressortissants français. Comment pourrait-il en être différemment aujourd’hui alors que la situation n’a eu de cesse de s’aggraver?
Les Français ne seront pas jugés en Irak et la création d’un tribunal international est inconcevable dans un tel contexte géopolitique. Tous sont judiciarisés dans un seul pays : la France. Les laisser dans cette zone de guerre revient à les livrer à court et moyen terme à Daech ou à Bachar Al-Assad.
La voix de Nicole Belloubet, qui s’exprime de nouveau après un an d’une politique qui ne prenait en compte ni le droit, ni la sécurité, ni la protection de l’enfance, est celle de la raison et de la cohérence. Elle répond à un impératif sécuritaire et humanitaire incontestable. Lutter efficacement contre Daech, c’est aussi ne pas renoncer à nos valeurs fondamentales : c’est sauver des enfants innocents et rapatrier nos ressortissants pour éviter de repeupler les rangs de Daesh.
Le Collectif des Familles Unies
Tribune du Collectif paru dans le journal « Libération » du 8 janvier 2020
Les autorités françaises entretiennent des camps de prisonniers pour enfants en Syrie
Nous venons de «fêter» le 20 novembre dernier la journée mondiale de l’enfance. Nous venons de «fêter» en France, en Europe, et dans le monde entier le trentième anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’enfant, que la France – comme tous les pays de l’Union Européenne – a ratifiée. A cette occasion, des responsables politiques, posant face caméra auprès de groupes d’enfants de tous âges, ont réaffirmé leur engagement sans faille en faveur des droits des enfants et de la protection de l’enfance. Le secrétaire d’Etat aux droits de l’enfant est intervenu publiquement à maintes reprises pour expliciter le sens de sa mission. Pendant ce temps, plusieurs centaines d’enfants européens dont près de trois cents enfants français sont prisonniers, avec leurs mères, dans les camps de Roj et de Al Hol, au nord-est de la Syrie.
La France s’est engagée, comme tous les pays européens, à faire respecter le droit à la vie, à la survie et au développement de chacun de ses ressortissants mineurs mais refuse obstinément, depuis près de deux années, de rapatrier des enfants exposés au pire qui périssent en zone de guerre dans des camps insalubres. Est-ce à dire que ces enfants prisonniers, dont l’immense majorité a moins de six ans, sont exclus des principes universels que la France se vante de promouvoir ? A en juger par le silence assourdissant de nos responsables politiques sur le sort de ces enfants au cours des commémorations de ces dernières semaines, la réponse est oui. Non contente d’abandonner des enfants français dans les culs-de-basse-fosse d’un pays en guerre, la France fait le choix délibéré de les garder captifs dans des conditions épouvantables, sans protection, sans soins, sans éducation, sans identité, et sans avenir.
Le Collectif des Familles Unies regroupe plus d’une centaine de familles dont les petits-enfants, les nièces ou les neveux, croupissent dans ces camps de prisonniers en Syrie. Nous sommes en contact, régulièrement pour certains d’entre nous et de façon plus sporadique pour d’autres, avec ces enfants oubliés et leurs mères. Depuis des mois et parfois des années, nous recevons des photos, des appels, des cris de peur et de désespoir, des messages d’espoir aussi quand nous avons l’impression, quand ils ont l’impression, qu’une porte s’entrouvre sur une perspective de retour. Nous voyons nos petits-enfants, nos neveux et nos nièces, grandir et dépérir derrière des grilles et des barbelés. Des nourrissons et des enfants de moins de 5 ans n’ont pour seul horizon que la tente de fortune qu’ils partagent avec leur mère, de la boue et des cailloux. Les enfants de plus de six ans essayent d’apprendre à lire et à écrire avec les moyens du bord, tandis que les plus grands tentent de se souvenir de leur école et de leurs leçons apprises en France en se demandant ce qu’ils ont bien pu faire pour que leur propre pays refuse de les laisser rentrer chez eux.
Nous connaissons leurs peurs, nous savons quand ils ont froid, quand ils ont faim et quand ils ont mal. Nous, les familles, les grands-parents, les tantes et les oncles, nous souffrons tous les jours dans notre chair de les savoir si démunis, si faibles et si vulnérables. Nous savons que ces enfants sont bien loin des caricatures monstrueuses que certains distillent dans l’opinion comme un venin, bien loin de ces «bombes à retardement biberonnées à la haine». Nos petits-enfants, nos nièces et nos neveux souffrent de traumatismes qui nécessitent une prise en charge médicale et psychologique. Certains d’entre eux ont survécu à de terribles scènes, mais chaque enfant est une histoire particulière : personne ne devrait pouvoir les réduire à un « portrait-robot » tronqué et fabriqué de toutes pièces. Esseulés au milieu d’un désert qui empeste le pétrole, ils veulent aller à l’école, avoir des jouets et s’amuser, comme tous les enfants du monde. Et comme tous les enfants du monde, parce qu’ils portent en eux une magnifique résilience, ils dessinent sous leurs tentes des champs verdoyants, des fleurs, et des soleils.
Que les politiciens qui refusent obstinément de sauver ces enfants osent enfin les regarder dans les yeux, et leur expliquent quel est leur crime, ce qu’ils ont fait pour mériter la prison et l’exil sans procès. Nous, nous n’avons plus les mots pour répondre à leurs questions et calmer leur impatience.
Le Défenseur des Droits, en mai 2019, après une enquête approfondie, a demandé aux autorités françaises de faire cesser les « traitements inhumains et dégradants » dont sont victimes les enfants français et leurs mères détenus dans les camps de Roj et de Al-Hol. Les Comités des Droits de l’enfant des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, l’UNICEF et la Croix-Rouge, le Secrétaire Général des Nations Unies ont demandé à l’Europe et à la France, de rapatrier leurs ressortissants de Syrie, et tout particulièrement les enfants et leurs mères. Plus récemment, le Parlement Européen exhortait les gouvernements européens à organiser le rapatriement des enfants dans leur pays.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, déclarait en février 2018 que les enfants français détenus en Syrie allaient être rapatriés en France. Près de deux ans plus tard, seuls 17 enfants français dont 15 orphelins été rapatriés des camps syriens en mars et juin 2019. Depuis, plus rien : 300 enfants attendent d’être sauvés par un pays qui fait le choix de les transformer en « enfants fantômes ». Les seuls enfants qui sont revenus ces derniers mois en France ont été expulsés de Turquie, pays que leurs mères ont réussi à rejoindre en risquant leurs vies après l’évacuation du camp d’Aïn Issa.
Dans une tribune publiée le 3 novembre 2019, le pédopsychiatre Boris Cyrulnik et le président d’UNICEF rappelaient avec force que « s’il est vrai que tous les enfants exposés aux conflits armés ont vécu des traumatismes, il a été aussi prouvé qu’ils sont capables de résilience en dépit des privations et des violences extrêmes qu’ils ont subies, s’ils sont accompagnés et aidés. Il est essentiel de ne pas les séparer ni de les emmener loin de leur mère, et de maintenir le lien affectif qui a pu se construire. » En réponse à nos sollicitations régulières, la présidence de la République et les différents ministères concernés osent nous assurer qu’ils agissent « dans l’intérêt supérieur de l’enfant. » Mais l’intérêt supérieur d’un enfant n’est ni de survivre dans un camp de prisonniers en proie à des « traitements inhumains et dégradants » ni d’être séparé de sa mère. Serge Hefez, psychiatre traitant des mineurs de retour de Syrie, a à son tour rappelé qu’ils étaient «très avides de liens, de paix» et que « la plupart (…) avait une résilience, une envie de vivre, une envie de reprendre une vie normale absolument extraordinaire.» Alors, arrêtons d’avoir peur, et arrêtons de faire peur : parce que ces enfants sont des victimes et parce qu’ils sont français, il faut les accueillir et réparer les traumatismes. C’est en les laissant là-bas que ceux qui survivront pourront nourrir une haine contre leur pays qui les aura abandonnés à leur triste sort et condamnés à la prison et à l’exil, alors qu’ils ne sont coupables de rien.
Evoquant les ressortissants français incarcérés en Syrie, Jean-Yves Le Drian déclarait récemment : «L’ensemble de ces groupes sont dans des lieux sécurisés en Syrie par les Forces Démocratiques Syriennes, et par des éléments américains, et nous y contribuons à notre manière, pour faire en sorte que ce soit complètement sécurisé sur la durée.» Notre ministre des Affaires étrangères assume donc complètement que des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants français soient détenus sans jugement, sans procédures engagées contre eux, sans avocat, sans droit de visite, et de manière indéfinie dans un no man’s land juridique. L’Europe démocratique avait condamné à l’époque et de façon unanime la création du bagne de Guantanamo parce que des hommes pouvaient y être détenus dans des conditions inhumaines, indéfiniment et sans procès. Aujourd’hui, l’Europe démocratique fait pire parce qu’à Guantanamo, il n’y avait pas d’enfants.
Les Forces Démocratiques Syriennes (kurdes) ont été le fer de lance de la défaite territoriale de Daesh à Raqqa et à Baghouz et des milliers d’hommes et de femmes ont perdu la vie dans ce combat. Trahis par leurs « alliés » à la suite de l’offensive turque, les Forces Démocratiques Syriennes sont désormais cantonnées par la Coalition, et singulièrement par la France et l’Europe, au rang de gardiens de ce gigantesque Guantanamo pour enfants. Les Kurdes, qui exhortent les pays concernés à prendre en charge leurs ressortissants majeurs et mineurs depuis des mois, ne sont que des «mandataires contraints» de la Coalition : nos enfants sont prisonniers d’un seul pays, la France, qui refuse leur retour. Et ce choix assumé par M. Le Drian en violation de notre Etat de droit, des conventions internationales et de nos valeurs les plus fondamentales, s’inscrit désormais « sur la durée », en toute inhumanité.
Comment un pays démocratique comme la France peut-il maintenir des enfants innocents en prison? Nous sommes épuisées, nous, les familles, de devoir supporter l’inhumanité de notre propre pays face à la souffrance de nos enfants dont nous sommes, chaque jour, les témoins impuissants. Mais nous sommes aussi déterminées à nous battre jusqu’au bout pour les sauver. Nous ne demandons que l’application stricte de la loi et rien d’autre que le respect par la France de ses valeurs et principes fondamentaux. Ces enfants sont nos enfants, et nous ne les abandonnerons jamais.
Le 30 décembre 2019.
Communiqué du Collectif des Familles Unies : SOS Enfants innocents en danger
FROID, PLUIE ET INTEMPERIES S’ABATTENT SUR LES CAMPS EN SYRIE :
LES ENFANTS PREMIERES VICTIMES !
Avec l’arrivée du froid et des intempéries, la situation devient de plus en plus dramatique dans les camps de prisonniers du nord-est de la Syrie, où 300 enfants français et leurs mères sont détenus, pour certains depuis des années. Des trombes d’eau se sont abattues ces derniers jours sur les camps de Al Hol et de Roj, occasionnant des dommages considérables à toutes les infrastructures matérielles où survivent les femmes et les enfants : tentes emportées par le vent, en partie ou complètement écroulées. L’eau s’infiltre dans les tentes qui résistent, la boue envahit les sols et pénètre à l’intérieur des installations. Le froid est de plus en plus présent, les températures avoisinent zéro degré durant la nuit, et les enfants tentent de se protéger dans une atmosphère humide et glaciale. La neige, prévue dans cette région, pourrait encore aggraver dans les semaines qui viennent les conditions de vie déjà désastreuses des enfants et des femmes. La situation est particulièrement éprouvante dans le camp de Al Hol, où les trafics en tout genre, y compris de tentes et de couvertures, ont entravé l’action déjà dispensée de façon aléatoire par les organisations humanitaires de plus en plus absentes et débordées. Dans ces conditions, les maladies et en particulier les infections pulmonaires frappent les enfants et les nourrissons, et l’aide et l’assistance médicale est faible ou inexistante.
Les enfants français prisonniers dans les camps syriens souffrent, ils ont faim et froid, ils survivent dans des conditions inhumaines, et le gouvernement refuse toujours leur rapatriement. Récemment le ministre des Affaires étrangères a objecté que la guerre qui sévit dans la région rendait impossible tout rapatriement : dans le même temps, l’Allemagne rapatriait une femme et ses enfants du camp de Al Hol, et des femmes et des enfants bosniaques sont en cours de rapatriement. Après les comités des Droits humains des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, après le CNCDH (Comité National Consultatif des Droits de l’Homme) et le Défenseur des Droits, après l’UNICEF et la Croix-Rouge, le Parlement Européen vient de demander aux Etats membres de rapatrier au plus vite les enfants européens détenus dans les camps syriens.
Comment le Président de la République, comment le Premier Ministre et les ministres concernés, peuvent-ils être à ce point insensibles à la souffrance d’enfants français qui sont en train de dépérir dans les camps ? Comment peuvent-ils manquer à ce point d’humanité devant la détresse des enfants? L’hiver qui pointe en Syrie va devenir de plus en plus violent, les intempéries vont se multiplier. Des centaines d’enfants sont déjà morts dans les camps : l’hécatombe doit s’arrêter, maintenant !
A l’occasion du trentième anniversaire de la Convention des Droits de l’Enfant, que la France a signée le 26 janvier 1990 mais qu’elle s’obstine malheureusement à ne pas respecter, des grands-parents, des oncles et des tantes d’enfants prisonniers dans les camps syriens ont écrit au Président de la République pour lui demander de rapatrier ces enfants innocents et leurs mères. Le Collectif des Familles Unies s’associe à leur demande :
IL FAUT RAPATRIER D’URGENCE LES ENFANTS FRANÇAIS DE SYRIE
20 novembre 2019 : Journée mondiale de l’enfance 30e & anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE)
LETTRE OUVERTE DU COLLECTIF DES FAMILLES UNIES AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Monsieur le Président,
300 enfants français sont prisonniers dans des camps en Syrie : que fait la France ?
Au moment où nous célébrons la Journée mondiale de l’enfance, au moment où notre pays et les pays européens fêtent le trentième anniversaire de l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant, des centaines d’enfants européens, et parmi eux 300 enfants français, sont prisonniers dans les camps de Al Hol et de Roj, dans le nord-est de la Syrie, depuis des mois pour certains, et depuis des années pour d’autres. La grande majorité de ces enfants a moins de six ans.
La France et les autres pays européens, tous signataires de la « Convention Internationale des Droits de l’Enfant » (CIDE), se sont engagés avec force dans la défense des droits des mineurs.
Les enfants français prisonniers en Syrie survivent difficilement en zone de guerre dans des conditions épouvantables, sans protection, en proie à toutes sortes de maladies, sans soins adaptés, malnutris et déshydratés. Leurs traumatismes et leurs blessures, physiques ou psychiques, ne sont pas traités. Ils n’ont accès ni à l’école ni aux loisirs, et demeurent enfermés dans un univers clos et étouffant, sans perspective et sans avenir.
Pourtant, la France et les pays signataires se sont engagés à garantir le droit des enfants à la vie et au développement, à la santé, à l’éducation, à l’identité. La France et les pays signataires se sont engagés à garantir le droit des enfants à être protégés contre toutes formes de violence, à ne pas être détenus arbitrairement, à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants. La France et les pays signataires se sont engagés à garantir le droit des enfants à être protégés contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par les activités de leurs parents.
Les 300 enfants français prisonniers dans les camps en Syrie sont privés de tous ces droits, et les autorités françaises sont parfaitement informées de la situation dramatique dans laquelle ils se trouvent. L’UNICEF et la Croix-Rouge, les différents comités des droits humains et des droits de l’enfant des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, la « Commission Nationale Consultative des Droits de l’homme » ([CNCDH], le Défenseur des Droits, et plus récemment le Secrétaire Général des Nations Unies, ont exhorté les différents pays à rapatrier leurs ressortissants, à rapatrier les enfants et leurs mères.
La France et l’Europe font la sourde oreille. Non seulement notre pays manifeste une totale inertie pour aider ces enfants innocents, mais il les maintient volontairement en détention et donc en danger en refusant de les rapatrier. Les forces kurdes, qui gardent encore les camps [mais jusqu’à quand ? la France va-t-elle laisser Bachar Al Assad récupérer nos enfants ?], appellent depuis des mois les différents pays étrangers à rapatrier leurs ressortissants, et tout particulièrement les enfants.
Si un groupe d’enfants français était coincé dans une crevasse au fin fond de l’Himalaya, la France mobiliserait tous ses moyens pour les secourir. Que valent toutes les conventions de protection de l’enfance et des droits des enfants, si l’on peut opérer une discrimination insupportable entre des enfants, si l’on peut décider de sauver certains et de laisser mourir d’autres, en leur faisant payer les fautes commises par leurs parents ?
Comment un pays comme la France, qui a toujours soutenu et diffusé dans le monde tous les principes de la protection de l’enfance, peut-il rester indifférent au sort de ces enfants français malades, épuisés, traumatisés, blessés, qui survivent depuis des mois derrière les grilles et les barbelés des camps syriens ? Pire encore : comment un pays signataire de toutes les Conventions sur les droits de l’enfant peut-il maintenir arbitrairement en détention, dans une espèce de sous-traitance abjecte, des centaines d’enfants ?
Pour la première fois de notre Histoire, la France abandonne des enfants français et les condamne à l’exil et à la prison. Pourtant, ces enfants sont les victimes innocentes de la guerre et de Daesh.
Le Nord-est syrien, où sont détenus ces enfants, est de nouveau en proie aux affrontements, aux offensives, aux bombardements, et à l’instabilité. Ces enfants peuvent à tout moment tomber entre les mains des forces de Bachar Al Assad ou de Daesh. Survivant dans des conditions matérielles épouvantables, manquant de soins, malnutris, sans école, ces enfants, si rien n’est fait pour les sauver, vont devoir affronter dans des tentes de fortune le froid glacial de l’hiver syrien, dans un contexte où les organisations humanitaires sont de moins en moins présentes. Certains n’y survivront pas.
Monsieur le Président,
Nous célébrons cette année en France et dans le monde entier le trentième anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’enfant, et au même moment 300 enfants français sont prisonniers dans des camps en Syrie. Comment peut-on fermer les yeux et regarder ailleurs que vers cette catastrophe humanitaire annoncée ? La mise en péril de ces enfants n’est plus l’œuvre de Daesh, mais celle de la France qui refuse obstinément de les sauver depuis plus de deux ans.
Monsieur le Président,
Il est temps d’engager une action concrète pour sauver ces enfants, et les rapatrier en France. Il est temps de prouver que notre pays reste fidèle à ses valeurs, et que la défense des enfants et de leurs droits n’est pas un vain mot pour notre démocratie.
Le 20 novembre 2019
LE COLLECTIF DES FAMILLES UNIES
Communiqué sur l’expulsion de Turquie de quatre femmes et sept enfants français
Quatre femmes françaises et leurs sept enfants détenus dans des camps du Kurdistan syrien ont réussi à rejoindre la Turquie pour être enfin expulsés vers la France, en application du protocole Cazeneuve.
Dans quelques jours, elles atterriront sur le sol français, seront mises en examen et placées en détention provisoire. Elles seront séparées de leurs enfants, pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance et placés dans des familles d’accueil jusqu’à ce qu’ils retrouvent, progressivement, leurs familles. Ces retours sont préparés, pensés, et encadrés depuis plusieurs années. Et nous connaissons la compétence de celles et ceux qui vont entourer, soigner, et panser les traumatismes de nos petits-enfants, de nos neveux et de nos nièces, avant de nous les confier.
Dans quelques jours, nous serons des centaines à nous projeter dans l’histoire du retour de quatre ces mères et de sept enfants parce que nos filles, nos sœurs, nos nièces, nos neveux, et nos petits-enfants toujours détenus en Syrie risquent, chaque jour un peu plus, de périr entre les mains de Bachar El Assad ou d’être récupérés par les cellules dormantes de l’État Islamique.
Le Collectif des Familles Unies ne cesse d’appeler au rapatriement de toutes nos familles, parce que l’équité commande que tous les enfants soient sauvés et que toutes leurs mères répondent devant une justice équitable, la nôtre, de ce qu’elles ont effectivement fait. Les femmes qui vont être expulsées dans quelques jours ne se sont pas évadées du camp d’Aïn Issa : les bombardements turcs et le chaos qui s’en est suivi les ont contraintes à sortir des camps et à fuir avec elles leurs enfants (dont un nouveau-né) tous âgés de moins de quatre ans.
La France n’a plus que deux solutions : soit rapatrier ses ressortissants majeurs et mineurs, soit contraindre ces femmes et ces enfants à fuir les camps de Roj et d’Al Hol pour rejoindre la Turquie au péril de leur vie. Car nous savons tous, nous leurs familles, que ceux qui se présentent comme des passeurs en leur assurant qu’ils réussiront à les sauver de Bachar El Assad ou de Daech sont avant tout des milices syriennes peuvent les vendre au plus offrant ou à des cellules dormantes de l’État Islamique. Quatre femmes et sept enfants français évacués du camp d’Aïn Issa ont réussi à rejoindre la Turquie:qu’en est-il des autres ? Qui sait ce qu’il est advenu d’elles et de leurs enfants?
Après le Haut-commissariat du Conseil de l’Europe, le Haut-commissariat des Nations Unis, le Défenseur des droits, la CNCDH, le coordinateur des magistrats antiterroristes français, l’ancien président de la République, et l’ancien directeur des services de renseignement français, le secrétaire général des Nations Unies, Monsieur Antonio Guterres, a exhorté hier chaque État européen à prendre enfin ses responsabilités en rapatriant les femmes et les enfants détenus en Syrie, pris sous le feu des offensives turques, du retour de Bachar El Assad et de celui de l’État Islamique.
La France ne peut parier sur la capacité de ces femmes et de leurs enfants épuisés, malades, traumatisés, malnutris et rachitiques à s’enfuir en pleine zone de guerre, à échapper au pire, et à rejoindre la Turquie. Notre pays doit faire face à son Histoire : il est encore temps de sauver nos enfants et nos petits-enfants, de faire œuvre de justice et d’humanité, et de faire gagner nos valeurs contre l’obscurantisme en les rapatriant.
« Collectif des Familles Unies »
Pensée solidaire
En cette journée particulière de commémoration des attentats du 13 novembre 2015, le « Collectif des Familles Unies » exprime sa pleine solidarité avec les victimes et toutes les familles touchées par le terrorisme.
Notre Collectif a également une pensée en ce jour pour tous les enfants victimes de la guerre en Syrie et en Irak, et en particulier pour les enfants français prisonniers dans les camps du Kurdistan syrien, qui ne sont pas des victimes du terrorisme, mais qui sont des victimes de guerre et de l’idéologie mortifère qui a provoqué les attentats du 13 novembre 2015.
Lettre à Monsieur Adrien Taquet Secrétaire d’État à la Protection de l’enfance
Monsieur le Ministre,
Notre Collectif des Familles Unies vous a déjà écrit pour attirer votre attention sur la situation dramatique des enfants français prisonniers avec leurs mères dans des camps du nord-est de la Syrie. Vous nous avez répondu en nous informant que vous transmettez notre courrier au ministre des Affaires étrangères.
Nous nous permettons de vous écrire de nouveau, car nous considérons que la situation de ces enfants relève en grande partie des prérogatives de votre ministère : dans cette douloureuse affaire, il s’agit pleinement de la protection de l’enfance, de l’application de la Convention Internationale des Droits de l’enfant, de l’enfance en péril, d’enfants français en danger de mort.
Notre Collectif des Familles Unies, qui regroupe plus d’une centaine de familles dont les enfants, petits-enfants, neveux ou nièces, sont détenus dans des camps ou des prisons en Syrie et en Irak, milite depuis plusieurs années contre l’idéologie totalitaire et criminelle qui a poussé nos proches vers les zones de conflits et pour le rapatriement de tous les ressortissants français prisonniers, pour que les adultes soient jugés en France dans le cadre de procès équitables, et pour que les enfants innocents puissent retrouver une vie normale et être réinsérés dans la société française.
L’évolution de la situation sur place, avec notamment l’offensive turque contre les Forces Démocratiques Syriennes, rend d’autant plus urgent un tel rapatriement, tant d’un point de vue sécuritaire, avec les risques de dispersion et d’évasion de prisonniers, que d’un point de vue humanitaire, si l’on considère la situation épouvantable dans laquelle se trouvent des centaines d’enfants français innocents, qui croupissent dans des camps insalubres, dans le nord-est de la Syrie.
La situation dans le nord-est de la Syrie est loin de se stabiliser, et la confusion règne sur le partage des différentes zones d’influence. Notre Collectif est particulièrement alarmé par le retour dans la région des forces de Bachar Al Assad, qui pourraient prendre le contrôle des camps ou pour le moins s’emparer d’un certain nombre de nos ressortissants, en particulier d’enfants, qui deviendraient une source de chantage ou une monnaie d’échange.
Pour nous, permettre le transfert à ces forces d’enfants français, ou ne rien faire face à cette possibilité, serait un crime — quand on connaît la réalité des prisons du régime syrien, où meurtres, tortures, viols — y compris d’enfants — sont monnaie courante.
En février 2018, M. Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, affirmait que les enfants français seraient rapatriés par le biais de la Croix-Rouge. Plus d’un an et demi plus tard, seuls quelques orphelins ont été rapatriés, et près de 300 enfants français sont toujours prisonniers dans les camps de Roj et de Al-Hol, sans soins, sans éducation, dans des conditions matérielles d’une extrême précarité.
Cette politique attentiste adoptée par nos autorités enfonce les enfants français prisonniers (pour certains depuis deux ans), dont la majorité a moins de cinq ans, dans un malheur plus grand encore, dans une incertitude insupportable, dans un risque permanent de mort, de blessures, de maladie. Chaque jour supplémentaire passé dans ces camps ajoute une inexcusable charge traumatique aux graves traumatismes déjà vécus par ces enfants : cela fait des mois que notre pays a la possibilité de les ramener, et au lieu de cela on tergiverse au détriment des plus faibles, des plus vulnérables.
C’est bien le Droit, l’humanité, les valeurs de notre société qui demandent que les autorités françaises prennent sans délai cette décision courageuse du rapatriement de ces enfants français innocents de Syrie. La nécessité de ce rapatriement est aussi demandée par toutes les organisations humanitaires présentes sur le terrain, des différents comités en charge de la défense des droits humains et du droit des enfants de l’ONU et du Conseil de l’Europe, ainsi que la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme ou le Défenseur des Droits, sans oublier les experts internationaux de la lutte contre le terrorisme.
À présent, c’est l’UNICEF, au niveau national comme au niveau international, qui demande instamment aux gouvernements concernés de rapatrier les enfants. Dans une tribune publiée le 4 novembre, M. Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et membre du Comité de parrainage d’UNICEF France et M. Jean-Marie Dru, président d’UNICEF France, affirment que les enfants français retenus en Syrie « doivent être considérés comme des victimes » et qu’il « est urgent qu’ils soient rapatriés par leur pays et qu’ils soient accompagnés dans la construction de leur avenir. » Conformément aux dispositions de la CIDE, l’UNICEF demande que les enfants soient rapatriés avec leurs mères.
Nous nous permettons de joindre à notre lettre des photos de dessins d’enfants, la déclaration de MM. Cyrulnik et Dru, ainsi que celle de Mme Henrietta Fore, directrice générale d’UNICEF.
La France des droits humains, la France qui fête cette année le trentième anniversaire de la Déclaration internationale des Droits de l’Enfant, s’honorerait de respecter ses propres principes et ses propres valeurs en rapatriant ses enfants innocents qui croupissent dans les camps syriens dans des conditions inhumaines.
Nous ne voulons pas que ces enfants français meurent dans les camps kurdes ou dans les prisons de Bachar Al Assad, nous ne voulons pas qu’ils vivent un autre traumatisme dans les cages des prisons irakiennes : nous voulons qu’ils vivent, qu’ils reviennent, qu’ils aillent à l’école, qu’ils puissent avoir une vie d’enfant dans leur pays (ils n’en ont pas d’autres), dans notre société.
Nous vous demandons, Monsieur le Ministre, de porter la parole des enfants français prisonniers en Syrie, de ces enfants victimes, auprès du Président de la République. Nous sollicitons une nouvelle fois votre bienveillance pour être reçus.
En espérant que notre appel, qui s’unit à celui de tant d’autres, soit enfin entendu, nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de notre haute considération.
Le « Collectif des Familles Unies »
Lettre à Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République
Monsieur le Président,
Notre « Collectif des Familles Unies », qui regroupe plus d’une centaine de familles dont les enfants, petits-enfants, neveux ou nièces, sont détenus dans des camps ou des prisons en Syrie et en Irak, vous a adressé une lettre le 19 octobre vous demandant, une nouvelle fois, de rapatrier les ressortissants français prisonniers pour que les adultes soient jugés en France, que les enfants puissent retrouver dans leur pays une vie normale et soient enfin réinsérés dans notre société.
L’évolution de la situation sur place, avec notamment l’offensive turque contre les Forces démocratiques syriennes, rendent urgent aux yeux de tous un tel rapatriement, tant d’un point de vue sécuritaire, avec les risques de dispersion et d’évasion de prisonniers, que d’un point de vue humanitaire, si l’on considère la situation épouvantable dans laquelle se trouvent des centaines d’enfants français innocents, qui croupissent dans des camps insalubres, dans le nord-est de la Syrie.
La situation dans le nord-est de la Syrie est loin de se stabiliser, et la confusion règne sur le partage des différentes zones d’influence. Notre Collectif est particulièrement alarmé par le retour dans la région des forces de Bachar Al Assad, qui pourraient prendre le contrôle des camps, voire de s’emparer d’un certain nombre de nos ressortissants avec des enfants innocents comme monnaie d’échange, de chantage, oude tout autre ordre, serait bien plus qu’un désastre humanitaire. Permettre le transfert à une puissance étrangère d’enfants innocents protégés par les conventions internationales, ou ne rien faire face à cette possibilité, serait un crime.
C’est bien le Droit, l’humanité, les valeurs de notre société qui motivent notre demande de prendre sans délai cette décision courageuse du rapatriement des enfants français innocents de Syrie. La nécessité de ce rapatriement vous est aussi prouvée par toutes les demandes faites par des organisations humanitaires présentes sur le terrain, des différents comités en charge de la défense des droits humains et du droit des enfants, de l’ONU et du Conseil de l’Europe, ainsi que la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme ou le Défenseur des Droits, sans oublier les experts internationaux de la lutte contre le terrorisme.
À présent, c’est l’UNICEF, au niveau national comme au niveau international, qui demande instamment aux gouvernements concernés de rapatrier les enfants. Dans une tribune publiée le 4 novembre, M. Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et membre du Comité de parrainage d’UNICEF France et M. Jean-Marie Dru, président d’UNICEF France, affirment que les enfants français retenus en Syrie « doivent être considérés comme des victimes » et qu’il « est urgent qu’ils soient rapatriés par leur pays et qu’ils soient accompagnés dans la construction de leur avenir. »
Nous nous permettons de joindre à notre lettre des photos de dessins d’enfants, la déclaration de MM. Cyrulnik et Dru, ainsi que celle de Mme Henrietta Fore, directrice générale d’UNICEF. La France des droits humains, la France qui fête cette année le trentième anniversaire de la Déclaration internationale des Droits de l’Enfant, s’honorerait de respecter ses propres principes et ses propres valeurs en rapatriant les enfants français innocents qui croupissent dans les camps syriens dans des conditions inhumaines.
En espérant que notre appel, qui s’unit à ceux de tant d’autres, soit enfin entendu pour notre bien à tous et celui de notre société brisée en son sein et déshumanisée, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de notre haute considération.
Le« Collectif des Familles Unies »