Des grands-parents d’enfants français retenus en Syrie portent plainte contre Jean-Yves Le Drian

Dix familles ont décidé de porter plainte pour « omission de porter secours » à des femmes de djihadistes et leurs enfants. Le sujet particulièrement sensible pour le gouvernement.

Par Allan Kaval journaliste du journal « Le Monde »

Les Lopez ont attendu tout l’été. « Nous pensions qu’ils allaient finalement les rapatrier, qu’ils ne les laisseraient pas sous la tente pendant les mois les plus chauds de l’année, dans ces conditions infâmes », se désole Mme Lopez dans le salon de leur appartement parisien. Leur belle-fille, qui a rejoint l’organisation Etat islamique (EI) avec son époux en 2015, est retenue depuis plus d’un an dans le camp de Roj, dans le nord-est de la Syrie, avec ses quatre fils âgés de 10 mois à 9 ans.

En juin, les Lopez, que Le Monde avait suivis dans leur périple, s’étaient rendus sur place dans l’espoir de les voir. Ils n’avaient pu obtenir qu’un moment volé de quelques secondes, quelques mots échangés et un baiser donné à travers le grillage métallique du camp, sous contrôle des forces kurdes. Ils estiment que les autorités françaises, avec lesquelles ces dernières sont en lien étroit, ont empêché la rencontre et sont responsables du calvaire de leurs petits-enfants.

Jeudi 12 septembre, ils ont décidé de déposer plainte pour « omission de porter secours » contre le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, devant la Cour de justice de la République (CJR), compétente pour juger les ministres.

« On a vu dans quelle situation ils se trouvent, ce n’est pas humain, le gouvernement français les laisse pourrir là-bas », dénonce M. Lopez, qui parvient à obtenir des nouvelles régulières de sa belle-fille. La veille, le couple a appris la mort d’un enfant tunisien, victime d’une crise d’asthme, que les soignants du camp n’ont pas pu traiter. La semaine précédente, un de leurs petits-fils a subi une grave crise de dysenterie soignée avec les moyens du bord et dont ils estiment qu’elle aurait pu le tuer. « Cette plainte, c’est un appel au secours pour les enfants et, surtout, une réponse à l’obstination du gouvernement de maintenir ces mineurs dans ce qui est maintenant un camp de prisonniers pour enfants », explique M. Lopez.

« On se heurte à un mur »

Depuis l’arrivée de leur belle-fille et de leurs petits-enfants au camp, les Lopez ont eu des contacts réguliers avec l’administration française, sans qu’on leur formule jamais avec clarté la position de Paris à l’égard de la situation des mineurs français retenus en Syrie et de leur mère. « On se heurte à un mur depuis un an et demi quand on s’adresse aux autorités. On ne comprend vraiment pas ce qu’ils veulent faire de ces enfants qui sont perdus au milieu de nulle part, sans éducation, sans soins suffisants, sans sécurité », explique Mme Lopez.

La procédure est portée par leur avocate, MMarie Dosé, et rejoint une plainte collective pour le même chef, déposée par neuf autres familles se trouvant dans des situations comparables en juillet et portée également par MMarie Dosé, à qui s’est associé MHenri Leclerc. Un autre avocat, MGérard Tcholakian, qui défend une autre famille, a, lui aussi, effectué la même démarche devant la CJR. Cette juridiction, compétente pour juger des membres du gouvernement pour des crimes et délits commis dans le cadre de leurs fonctions, doit maintenant étudier la recevabilité des plaintes.

« Notre raisonnement juridique est simple. Ces enfants et leurs mères sont en danger, le gouvernement le sait et pourrait techniquement les rapatrier, mais il ne fait rien et assume politiquement ce choix. L’omission de porter secours est caractérisée », explique MMarie Dosé.

De fait, les camps de Roj, où les petits-enfants des Lopez sont retenus, et d’Al-Hol, où les conditions de vie sont encore plus mauvaises et où de nombreux Français séjournent, constituent des environnements dangereux. Les maladies y prolifèrent et des incendies se déclarent régulièrement. Par ailleurs, l’EI, par ses idées ou ses réseaux clandestins, regagne du terrain dans les camps en profitant du désespoir ambiant.

« Avec cette plainte, on monte en puissance »

Des orphelins français avaient été rapatriés au printemps par la France, ce qui, pour les avocats, démontre la capacité technique des autorités à porter assistance aux autres mineurs et à leur mère retenus dans les camps syriens et leur volonté délibérée de ne pas le faire. En juillet, Mes Dosé et Tcholakian avaient déjà porté plainte contre X pour séquestration et détention arbitraire pour ses clientes françaises en Syrie et leur famille. La Cour européenne des droits de l’homme avait également été saisie en mai. En février, avec les avocats Martin Pradel et William Bourdon, MDosé avait déposé une plainte contre la France auprès du comité des droits de l’enfant de l’Organisation des nations unies (ONU).

« Avec cette plainte, on monte en puissance. Cela peut paraître disproportionné, la CJR, mais c’est la seule option qu’on ait », explique MTcholakian. Cette démarche intervient dans un contexte où les admonestations contre la politique de Paris à l’égard des mineurs français retenus en Syrie se multiplient aux niveaux national et international. En France, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a appelé en mai le gouvernement à faire cesser « les traitements inhumains et dégradants subis par les enfants français et leur mère ». Le mois suivant, c’est la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, qui a appelé les pays d’origine à organiser le rapatriement de leurs ressortissants détenus ou retenus en Syrie.

Contacté par Le Monde, l’avocat de Jean-Yves Le Drian, Me Jean-Pierre Mignard, n’a pas souhaité s’exprimer. Le ministère français des affaires étrangères, également contacté, n’a pas donné suite.

Cour de justice de la République : beaucoup de plaintes, peu de procès

Emmanuel Macron a promis de supprimer la Cour de justice de la République (CJR), mais tant que la réforme constitutionnelle qu’il appelle de ses vœux n’est pas votée, cette juridiction spéciale continue de fonctionner. Jean-Jacques Urvoas, ex-ministre de la justice, comparaîtra d’ailleurs devant cette juridiction le 24 septembre pour « violation du secret professionnel ». 

Créée en 1993 pour succéder à la Haute Cour de justice afin de juger les ministres pour les crimes ou les délits commis dans l’exercice de leur fonction, la CJR est composée de six sénateurs, six députés et trois magistrats de la Cour de cassation. Les plaintes devant la CJR ne sont pas rares (environ 1 500 plaintes depuis sa création), mais peu débouchent sur un procès (sept ministres jugés). Une commission des requêtes juge de la recevabilité de la plainte tandis que le procureur général de la Cour de cassation, aujourd’hui François Molins, décide ensuite de l’opportunité de saisir la CJR. Une commission d’instruction est alors chargée d’instruire l’affaire afin de qualifier les infractions et de décider du renvoi éventuel du ministre devant la Cour.

Par Allan Kaval journaliste du journal « Le Monde » publié 16 septembre 2019

Témoignage d’une mère et grand mère

Ma fille est dans le camp de Al Hol, avec mes 4 petits enfants de 9,6,4 et 1 an, 3 sont nés en France au sein d’une famille aimante.

Les conditions de vie y sont extrêmement précaires, manque de tentes, certains ont dormis dehors à même le sol dans le froid, manque de sanitaires, ils sont obligés de faire leurs besoins naturels n’importe où, certains ne sont pas lavés depuis plusieurs mois, il y a un manque de nourriture, d’eau et surtout de soins médicaux, il y a des blessés, notamment des enfants. 

 Face à cette urgence sanitaire il y a peu d’ONG sur place. Pourquoi ?

Il y a une volonté de les couper du reste du monde, on les empêche de téléphoner à leurs familles.

Monsieur le Ministre de l’Intérieur estime qu’il ne lui appartient pas d’aller les chercher ; alors qui doit le faire ? Nous parents voulons bien prendre en charge les frais.

Ces femmes sont « détenues » par une entité non-étatique et non reconnue et qui de toutes façons a toujours affirmé qu’elle ne voulait pas les juger. Sans perspective de jugement, elles sont condamnées à l’exil. 

L’alternative Irakienne souvent évoquée et la pire des solutions, elle consisterait à livrer des ressortissants français à un pays étranger en les soustrayant à la justice française, alors que la plupart des adultes ont des mandats d’arrêts internationaux diligentés par des juges français. Ceci dans un pays ou la corruption est généralisée et qui, selon Amnesty Internationale, pratique la peine de mort et la torture (y compris sur des enfants). 

Donc la seule solution est de rapatrier les enfants et leurs mères.

Cette guerre contre daesch est finie en Syrie, elles sont coupables d’avoir rejoint cette idéologie jihadiste et doivent rendre des comptes à la France.

Il ne faut pas faire fi de l’emprise sectaire, ces gens ont été manipulés, endoctrinés et embrigadés par daesch sur notre territoire, nous parents n’avons pas réussi à faire face à ce phénomène, les plus grandes puissances mondiales non plus.

Nous sommes aussi « victimes » de l’IDÉOLIGIE de l’« État islamique », qui nous a volé nos enfants et causé de graves traumatismes dans nos familles. Nous avons le droit à la vérité sur ce mal qui tire une partie de ses origines en France  !

COMMUNIQUÉ DU COLLECTIF DES FAMILLES UNIES SUR LE RAPATRIEMENT DES 12 ENFANTS FRANÇAIS DU KURDISTAN SYRIEN

Le « Collectif des Familles Unies » se réjouit de l’annonce du rapatriement de 12 enfants français de Syrie ce jour, décision pour laquelle nous militions depuis longtemps. 


Nous remercions le Gouvernement d’avoir permis ces retours en toute sécurité, qui nous prouve une fois de plus que rapatrier est possible.
L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une priorité conformément à l’article 3 alinéa 1er de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.


Bien sûr c’est un soulagement de savoir ces 12 enfants à l’abri, malheureusement près de 200 enfants sont encore sur zone, parfois pas ou mal localisés, vulnérables et parmi eux d’autres orphelins, enfants qui ne sauraient subir de discrimination, qu’ils aient leurs parents vivants ou pas. De plus, aucun enfant n’est responsable pénalement d’une situation de guerre dont il se trouve otage.


Rappelons les récents propos du Défenseur des Droits, Monsieur Jacques Toubon, qui exhorte l’État français à adopter « toutes mesures effectives permettant de faire cesser les traitements inhumains et dégradants subis par les enfants français dans les camps sous le contrôle des forces démocratiques syriennes au nord de la Syrie » et « de faire cesser la détention arbitraire des enfants et de leurs mères ».


Le « Collectif des Familles Unies » conscient de l’urgence, continuera à se mobiliser pour les autres familles en attente de solutions justes, équitables et humaines pour les leurs, décisions que nous appelons de toutes nos forces à être respectueuses des droits, et non dépendantes de l’opinion publique qui influence malheureusement trop souvent le cours des décisions gouvernementales.


Les familles du « Collectif des Familles Unies » 
Paris, le 10 juin 2019

COMMUNIQUÉ DU COLLECTIF DES FAMILLES UNIES SUR LES CONDAMNATIONS À MORT DE RESSORTISSANTS FRANÇAIS EN IRAK

Trois ressortissants français ont été condamnés à mort par pendaison le dimanche 26 mai à Bagdad, en Irak. Un quatrième français a été condamné à mort le lendemain, deux autres le 28 mai.

Les procès ont eu lieu sans que les prévenus puissent avoir accès à leur avocat français, sans journaliste présent. L’avocat commis d’office par la justice irakienne n’a pas eu accès au dossier à l’avance, et n’a pas pu rencontrer ses clients. Les audiences n’ont pas duré plus d’un quart d’heure. L’avocat français d’un des prévenus avait reçu quelques jours auparavant l’assurance du Quai d’Orsay de favoriser son voyage à Bagdad pour avoir accès à la défense de son client. Il n’a pas pu se rendre sur place à temps, et de fait la défense de son client lui a été interdite.

Le Collectif des Familles unies condamne fermement ces parodies de justice, qui ne respectent aucune des règles du procès équitable : procédures expéditives, aucun accès au dossier pour les avocats ni possibilité de visiter les prévenus, aucun droit accordé à la défense, procès expédiés en un quart d’heure.

Les douze français qui passent en procès actuellement ont été transférés de Syrie en Irak à la mi-février. Tous ont été fait prisonniers en Syrie, et étaient incarcérés en Syrie depuis plusieurs mois. Leur transfert en Irak n’a pas pu se faire sans l’assentiment des autorités françaises : de ce fait les autorités françaises ont livré des ressortissants français à un pays pratiquant la peine de mort et où le droit à un procès équitable n’est pas respecté, alors que la France a ratifié de nombreux traités internationaux de protection des droits de l’Homme, dont certains l’engagent à promouvoir l’abolition de la peine de mort. La résolution 2396 adoptée par le Conseil de Sécurité de l’ONU (décembre 2017) appelle les Etats à « veiller à ce que toute mesure prise pour lutter contre le terrorisme soit conforme à toutes leurs obligations au titre du droit international, en particulier le droit international  des droits de l’Homme. » En livrant des français à la mort, les autorités françaises vont à l’encontre de tous les principes qui régissent notre droit et le droit international.

Le Collectif des Familles Unies rappelle que la peine de mort est une abomination, qui n’existe plus dans notre pays depuis près de quarante ans, et que l’Union Européenne a bannie. Nous appelons solennellement le gouvernement français à tout faire pour arrêter ce funeste enchaînement de condamnations à mort, inédit dans notre histoire récente, même si l’on considère que c’est la décision d’autoriser ces transferts qui provoque cette situation qui met la France en contradiction avec ses principes abolitionnistes. Nous appelons le gouvernement français à bloquer toute velléité de nouveaux transferts de ressortissants français vers l’Irak.

L’un des arguments souvent employé pour justifier des procès « sur place » est qu’ils permettraient de connaître la vérité sur les exactions commises par l’Etat Islamique et de faire valoir le droit des victimes : force est de constater qu’aucune vérité ne sort de ces procès sans témoins expédiés à la va-vite, où même les actes d’accusation ne sont pas rendus publics, où aucune preuve n’est produite, où aucun témoin ne comparaît, où les aveux peuvent avoir été extorqués sous la torture, et où les droits de la défense sont inexistants. Seuls des procès équitables, respectant les normes internationales et européennes,  permettront de faire la lumière sur les crimes de l’Etat Islamique, et de prononcer des peines individualisées à l’encontre des personnes accusées. Les procès en Irak viennent de montrer leur vrai visage, malheureusement cautionné par nos autorités : non seulement ils sont des parodies de justice, contraires à tous nos principes de droit, mais ils nous plongent dans l’horreur d’un retour de la peine de mort. Pour le droit de connaître la vérité, pour le respect de nos principes, nous demandons au gouvernement français d’empêcher ce sinistre scénario d’exécutions capitales, et de juger les ressortissants français sur notre sol.

Le 28 mai 2019.

Les familles du  « Collectif des Familles Unies »

Retranscription de l’interview du 27/4/19 Émission de Patricia MARTIN – France Inter « La personnalité de la semaine » : Marie Dose, avocate pénaliste

 

– Patricia Martin : Au 6 mars dernier un plan de rapatriement français prévoyait le retour de 140 enfants et d’une centaine d’adultes qui sont confinés dans des camps du kurdistan syrien.  Le rapatriement a été stoppé,  on va voir pourquoi dans un instant. Vous vous apprêtez à le faire dans quelques jours, saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme après avoir déjà saisi le Comité International des Droits de l’Enfant des Nations Unies ainsi que le Comité International contre la torture ; est-ce à dire que l’Etat français est en la matière hors la loi ?

– Maître Marie Dosé : l’Etat français ne respecte pas ses engagements internationaux et européens.

– Patricia Martin  :  Puisqu’il est signataire effectivement 

- Maître Marie Dosé :Il viole délibérément les traités internationaux et les conventions européennes des Droits de l’Homme en exposant ses enfants, puisque ce sont ses enfants, à des traitements inhumains et dégradants 

– Patricia Martin  : D’ailleurs, je crois que le Ministre de l’Intérieur l’avait souligné avant d’être des djihadistes, ceux qui sont partis faire le djihad sont des français, sont nés en France.

– Maître Marie Dosé : Evidemment, de toute façon, ces enfants sont français qu’on le veuille ou non ils sont français, ils n’ont pas demandé à naître là-bas et ils n’ont pas demandé non plus pour certains à être emmenés là-bas. Ce qu’on leur fait payer là actuellement c’est la faute de leurs parents et c’est ça qui est absolument inaudible. Juste une chose, vous avez parlé tout à l’heure de ce plan de rapatriement, je rappelle tout de même qu’avant un certain sondage qui a mis à mal ce plan de rapatriement Edouard PHILIPPE déclarait exactement ce que nous déclarons, nous les avocats, depuis le début. Il indiquait en janvier, « est ce que l’on préfère qu’ils soient dispersés ? Qu’ils rejoignent les rangs de DAESH ? Ou qu’ils partent dans un autre pays pour continuer à fomenter de tels attentats ? » voilà la question qu’il posait en faveur du rapatriement. Et  Nicole BELLOUBET, Garde des Sceaux, indiquait le choix qui est celui du contrôle et donc du rapatriement, qui  est le choix judicieux. Tout ceci s’est écroulé parce qu’un sondage, un malheureux sondage, a mis en exergue le fait que la majorité des français serait contre.

– Patricia Martin  : L’opinion publique était contre ?

– Maître Marie Dosé : Voilà, mais l’opinion publique n’est pas renseignée, lorsque vous assénez pendant des années à une opinion publique désinformée que ces enfants sont des bombes à retardement, effectivement, lorsque vous tendez le micro aux français ils vont vous dire qu’ils ne veulent pas du rapatriement de bombes à retardement. La réalité c’est pas celle-là, la réalité c’est que ces enfants si on les laisse là-bas, ils deviendront des bombes à retardement et le risque qui est pris est prégnant  un peu plus chaque jour de les voir se transformer en bombes à retardement.

– Patricia Martin :Alors il y a essentiellement deux camps c’est ça ? Au kurdistan syrien ?

– Maître Marie Dosé : Oui le camp Al Hol et le camp Roj

– Patricia Martin : Et dans le camp de Al Hol, à la première quinzaine de mars, les chiffres parlent d’eux-mêmes, 123 enfants sont morts dont 20 % de nouveaux nés.

– Maître Marie Dosé : Exactement, le plus âgé d’entre eux avait 5 ans ; l’OMS dans son rapport du 11 avril 2019 a révélé que à Al Hol 249 personnes étaient décédées, les enfants des photos ont circulé, y a eu un reportage sur France Inter qui a été réalisé la semaine dernière, les enfants souffrent de diarrhées, de dysenterie généralisée, ils sont donc rachitiques, ils manquent de soins, ils manquent de nourriture, ils ont froid. On est ici à un point de non retour, à un point de rupture, et ce n’est pas moi qui le dit, c’est le directeur international du Comité International de la Croix-Rouge 

– Patricia Martin :Oui c’est ça qui a crié un cri d’alarme qui est assez rare, non ?

– Maître Marie Dosé : Ce qui est rarissime, généralement vous savez les organisations humanitaires restent discrètes, mais là vous avez effectivement le Comité International de la Croix-Rouge qui est intervenu et également le coordinateur régional de l’ONU pour la Syrie qui, dans un discours très offensif cette semaine a appelé les États à prendre leurs responsabilités .

– Patricia Martin : Au 6 mars dernier un plan de rapatriement français prévoyait le retour de 140 enfants et d’une centaine d’adultes qui sont confinés dans des camps du kurdistan syrien.  Le rapatriement a été stoppé,  on va voir pourquoi dans un instant. Vous vous apprêtez à le faire dans quelques jours, saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme après avoir déjà saisi le Comité International des Droits de l’Enfant des Nations Unies ainsi que le Comité International contre la torture ; est-ce à dire que l’Etat français est en la matière hors la loi ?

– Maître Marie Dosé : l’Etat français ne respecte pas ses engagements internationaux et européens.

– Patricia Martin  : Puisqu’il est signataire effectivement 

– Maître Marie Dosé : Il viole délibérément les traités internationaux et les conventions européennes des Droits de l’Homme en exposant ses enfants, puisque ce sont ses enfants, à des traitements inhumains et dégradants .

– Patricia Martin  : D’ailleurs, je crois que le Ministre de l’Intérieur l’avait souligné avant d’être des djihadistes, ceux qui sont partis faire le djihad sont des français, sont nés en France.

– Maître Marie Dosé : Evidemment, de toute façon, ces enfants sont français qu’on le veuille ou non ils sont français, ils n’ont pas demandé à naître là-bas et ils n’ont pas demandé non plus pour certains à être emmenés là-bas. Ce qu’on leur fait payer là actuellement c’est la faute de leurs parents et c’est ça qui est absolument inaudible. Juste une chose, vous avez parlé tout à l’heure de ce plan de rapatriement, je rappelle tout de même qu’avant un certain sondage qui a mis à mal ce plan de rapatriement Edouard PHILIPPE déclarait exactement ce que nous déclarons, nous les avocats, depuis le début. Il indiquait en janvier, « est ce que l’on préfère qu’ils soient dispersés ? Qu’ils rejoignent les rangs de DAESH ? Ou qu’ils partent dans un autre pays pour continuer à fomenter de tels attentats ? » voilà la question qu’il posait en faveur du rapatriement. Et  Nicole BELLOUBET, Garde des Sceaux, indiquait le choix qui est celui du contrôle et donc du rapatriement, qui  est le choix judicieux. Tout ceci s’est écroulé parce qu’un sondage, un malheureux sondage, a mis en exergue le fait que la majorité des français serait contre.

– Patricia Martin  : L’opinion publique était contre ?

– Maître Marie Dosé : Voilà, mais l’opinion publique n’est pas renseignée, lorsque vous assénez pendant des années à une opinion publique désinformée que ces enfants sont des bombes à retardement, effectivement, lorsque vous tendez le micro aux français ils vont vous dire qu’ils ne veulent pas du rapatriement de bombes à retardement. La réalité c’est pas celle-là, la réalité c’est que ces enfants si on les laisse là-bas, ils deviendront des bombes à retardement et le risque qui est pris est prégnant  un peu plus chaque jour de les voir se transformer en bombes à retardement.

– Patricia Martin : Alors il y a essentiellement deux camps c’est ça ? Au kurdistan syrien ?

– Maître Marie Dosé : Oui le camp Al Hol et le camp Roj

– Patricia Martin : Et dans le camp de Al Hol, à la première quinzaine de mars, les chiffres parlent d’eux-mêmes, 123 enfants sont morts dont 20 % de nouveau-nés.

– Maître Marie Dosé : Exactement, le plus âgé d’entre eux avait 5 ans ; l’OMS dans son rapport du 11 avril 2019 a révélé que à Al Hol 249 personnes étaient décédées, les enfants des photos ont circulé, y a eu un reportage sur France Inter qui a été réalisé la semaine dernière, les enfants souffrent de diarrhées, de dysenterie généralisée, ils sont donc rachitiques, ils manquent de soins, ils manquent de nourriture, ils ont froid. On est ici à un point de non retour, à un point de rupture, et ce n’est pas moi qui le dit, c’est le directeur international du Comité International de la Croix-Rouge

– Patricia Martin:Oui c’est ça qui a crié un cri d’alarme qui est assez rare, non ?

– Maître Marie Dosé : Ce qui est rarissime, généralement vous savez les organisations humanitaires restent discrètes, mais là vous avez effectivement le « Comité International de la Croix-Rouge » qui est intervenu et également le coordinateur régional de l’ONU pour la Syrie qui, dans un discours très offensif cette semaine a appelé les États à prendre leurs responsabilités. 

– Patricia Martin : Alors justement qu’est ce que vous répondez Maître Marie Dosé à ceux qui disent «  ben c’est pas  à nous de nous en occuper, c’est à la justice kurde »  -comme s’il y avait la possibilité d’une justice kurde – «  ou à justice anti terroriste irakienne »

– Maître Marie Dosé : Alors d’abord les enfants, on ne  les juge pas, on les protège, on les sauve, les enfants doivent être sauvés avec leurs mères lorsque les mères veulent rentrer en France et veulent être judiciarisées en France ; et puis, certains enfants doivent être sauvés de leurs mères, mais les enfants on ne les juge pas.  On a été capable d’adopter des enfants de nos ennemis en 1945, ces enfants qui étaient dans des orphelinats, des orphelinats allemands qui étaient là pour perpétuer et améliorer la race arienne, ces enfants là qui étaient les enfants de ceux qui avaient tués nos pères, nos frères on les a adoptés, nous les français.  Et aujourd’hui on est en train de se poser la question : qui va juger des gosses de 2 mois, trois mois, 6 mois, 1 an…? Ces enfants au trois quart ont moins de 6 ans ! Je le rappelle, ont moins de 6 ans. Sur les femmes, il faut les rapatrier pourquoi?

– Maître Marie Dosé : Evidement !

– Patricia Martin  : Même celles qui ne sont pas d’accord ?

– Patricia Martin  ce ne sont pas juste des femmes, ce sont des femmes de djihadistes,  lesquels sont quelque fois en prison ou morts c’est ça ?

 – Maître Marie Dosé : Exactement tout à fait. A Al Hol plus de 90 % des détenus qui sont 74 000 aujourd’hui sont des femmes et des enfants, d’accord. Les hommes, les combattants, sont en prison, soit au kurdistan syrien soit en Irak. Elles, elles sont détenues par les kurdes au kurdistan syrien. Elles ne peuvent pas être judiciarisées au kurdistan syrien puisque le kurdistan syrien ça n’existe pas. La justice kurde n’existe pas, donc à partir de là elles font toutes l’objet d’un mandat d’arrêt international en France. Les juges anti terroristes les attendent, ils ont tous une information judiciaire les concernant, c’est-à-dire que les femmes ne sont judiciarisées que dans un seul pays, en France. Au kurdistan syrien elles sont sans droit ni titre.

– Patricia Martin  : Et c’est une bombe à retardement ça il faut bien le redire, c’est-à-dire que si on ne le fait pas, si on ne les rapatrie pas qu’est ce qui peut se passer ?

 Maître Marie Dosé : Vous savez dans ces camps maintenant il y a deux camps. Il y a celles qui disent : «  on a fait n’importe quoi, on veut rentrer, on va purger notre peine en France, on va sauver nos enfants et on va assumer nos actes » . Et puis y a celles qui disent «  eh ben nous on va continuer »  et celles qui disent «  on va continuer » ,  qui sont sous l’emprise de cette idéologie mortifère et qui ne veulent pas démordre, sont en train de menacer les autres, sont en train de les empêcher de parler et celles-ci là, effectivement sont dangereuses;  et c’est parce qu’elles sont dangereuses qui faut les rapatrier. Attendez, il le dit très bien Edouard Philippe avant ce sondage. Est-ce que l’on préfère qu’ils rejoignent les rangs de DAESH  pour continuer à fomenter de tels attentats. En les laissant là-bas on fabrique sur mesure du terrorisme.

– Patricia Martin C’est inédit Maître Marie Dosé pour un avocat de travailler de la sorte, parce qu’on se dit comment d’abord êtes vous entrée en contact avec ces femmes et quelques fois ces enfants qui sont assez grands pour vous parler ?

 Maître Marie Dosé : Je défends des familles, les grands parents, les oncles, les tantes qui sont venus me voir en me disant : mes petits enfants, mon neveu, ma nièce sont détenus là-bas, aidez-nous à obtenir leur rapatriement ; donc, ce sont ces familles françaises que je défends, et oui c’est inédit. C’est inédit parce que je n’ai pas de contact direct, ou c’est extrêmement difficile avec ces femmes.

– Patricia Martin  : Vous avez ces femmes par téléphone, ou par WhatsApp ?

– Maître Marie Dosé : Oui mais c’est très très compliqué ;  de plus en plus, elles  sont surveillées, elles ont peur, elles ont surtout peur de ce qu’elles peuvent être amenées à dire ; donc je suis surtout en lien moi avec ces familles qui sont en souffrance depuis des années parce qu’elles savent que leurs enfants sont exposés à un risque de mort.

– Patricia Martin Si ces enfants et ces femmes sont rapatriées, évidemment y aura un procès pour ces femmes, elles iront probablement en prison et les enfants iront à l’aide sociale à l’enfance. 

– Maître Marie Dosé : Certainement, elles iront assurément en prison et les enfants seront dans un premier temps placés à l’aide sociale à l’enfance puis confié à leurs grands-parents, oncles et tantes Patricia Martin : Alors justement qu’est-ce que vous répondez Maître Marie Dosé à ceux qui disent «  ben ce n’est pas  à nous de nous en occuper, c’est à la justice kurde »  -comme s’il y avait la possibilité d’une justice kurde -« ou à justice anti terroriste irakienne ».  

 Alors d’abord les enfants, on ne  les juge pas, on les protège, on les sauve, les enfants doivent être sauvés avec leurs mères lorsque les mères veulent rentrer en France et veulent être judiciarisées en France ; et puis, certains enfants doivent être sauvés de leurs mères, mais les enfants on ne les juge pas.  On a été capable d’adopter des enfants de nos ennemis en 1945, ces enfants qui étaient dans des orphelinats, des orphelinats allemands qui étaient là pour perpétuer et améliorer la race arienne, ces enfants là qui étaient les enfants de ceux qui avaient tués nos pères, nos frères on les a adoptés, nous les français.  Et aujourd’hui on est en train de se poser la question : qui va juger des gosses de 2 mois, trois mois, 6 mois, 1 an…? Ces enfants au trois quart ont moins de 6 ans ! Je le rappelle, ont moins de 6 ans. Sur les femmes, il faut les rapatrier pourquoi?

– Patricia Martin  : Même celles qui ne sont pas d’accord ?

– Maître Marie Dosé : Evidement !

– Patricia Martin  : Y’a celles qui sont d’accord et celles qui ne le sont pas.

– Maître Marie Dosé : Alors celles qui sont d’accord, elles le sont parfois depuis plus d’un an et elles veulent rentrer pour être judiciarisées 

– Patricia Martin  Ce ne sont pas juste des femmes, ce sont des femmes de djihadistes,  lesquels sont quelque fois en prison ou morts c’est ça ?

– Maître Marie Dosé : Exactement tout à fait. A Al Hol plus de 90 % des détenus qui sont 74 000 aujourd’hui sont des femmes et des enfants, d’accord. Les hommes, les combattants, sont en prison, soit au kurdistan syrien soit en Irak. Elles, elles sont détenues par les kurdes au kurdistan syrien. Elles ne peuvent pas être judiciarisées au kurdistan syrien puisque le kurdistan syrien ça n’existe pas. La justice kurde n’existe pas, donc à partir de là elles font toutes l’objet d’un mandat d’arrêt international en France. Les juges anti terroristes les attendent, ils ont tous une information judiciaire les concernant, c’est-à-dire que les femmes ne sont judiciarisées que dans un seul pays, en France. Au kurdistan syrien elles sont sans droit ni titre.

– Patricia Martin  : Et c’est une bombe à retardement ça il faut bien le redire, c’est-à-dire que si on ne le fait pas, si on ne les rapatrie pas qu’est ce qui peut se passer ?

– Maître Marie Dosé : Vous savez dans ces camps maintenant il y a deux camps. Il y a celles qui disent : « on a fait n’importe quoi, on veut rentrer, on va purger notre peine en France, on va sauver nos enfants et on va assumer nos actes ». Et puis y a celles qui disent « eh ben… nous on va continuer » et celles qui disent « on va continuer », qui sont sous l’emprise de cette idéologie mortifère et qui ne veulent pas démordre, sont en train de menacer les autres, sont en train de les empêcher de parler et celles-ci là, effectivement sont dangereuses ; et c’est parce qu’elles sont dangereuses qu’il faut les rapatrier. Attendez, il le dit très bien Édouard Philippe avant ce sondage. Est-ce que l’on préfère qu’ils rejoignent les rangs de DAESH pour continuer à fomenter de tels attentats. En les laissant là-bas on fabrique sur mesure du terrorisme.

– Patricia Martin C’est inédit Maître Marie Dosé pour un avocat de travailler de la sorte, parce qu’on se dit comment d’abord êtes vous entrée en contact avec ces femmes et quelques fois ces enfants qui sont assez grands pour vous parler ?

– Maître Marie Dosé : Je défends des familles, les grands parents, les oncles, les tantes qui sont venus me voir en me disant : mes petits enfants, mon neveu, ma nièce sont détenus là-bas, aidez-nous à obtenir leur rapatriement ; donc, ce sont ces familles françaises que je défends, et oui c’est inédit. C’est inédit parce que je n’ai pas de contact direct, ou c’est extrêmement difficile avec ces femmes.

– Patricia Martin  : Vous avez ces femmes par téléphone, ou par whatsApp ?

– Maître Marie Dosé : Oui mais c’est très très compliqué ;  de plus en plus, elles  sont surveillées, elles ont peur, elles ont surtout peur de ce qu’elles peuvent être amenées à dire ; donc je suis surtout en lien moi avec ces familles qui sont en souffrance depuis des années parce qu’elles savent que leurs enfants sont exposés à un risque de mort.

– Patricia Martin Si ces enfants et ces femmes sont rapatriées, évidemment y aura un procès pour ces femmes, elles iront probablement en prison et les enfants iront à l’aide sociale à l’enfance.

– Maître Marie Dosé : Certainement, elles iront assurément en prison et les enfants seront dans un premier temps placés à l’aide sociale à l’enfance puis confié à leur grand parents, oncle et tante. 

 France Inter le 27 Avril 2019

COMMUNIQUE DE PRESSE Vendredi 5 Avril 2019

Rapatriement des enfants et des mères détenus au Kurdistan syrien

Nous constatons, à la lecture du journal Libération de ce jour, que tout était prêt : la France avait fait le choix de prendre ses responsabilités en rapatriant tous les enfants et leurs mères détenus dans les camps du Kurdistan syrien.Pour des raisons humanitaires certes, mais aussi pour des raisons de sécurité.

Parce que, comme l’ont affirmé la Garde des Sceaux et le Ministre de l’Intérieur, la France a le devoir de choisir le contrôle et donc le rapatriement pour éviter que ses ressortissants français ne se dispersent, ne rejoignent les rangs d’organisations terroristes, et ne partent dans d’autres pays pour continuer à fomenter des actes terroristes visant la France, notamment .

Nous constatons, à la lecture du journal Libération de ce jour, que la France a renoncé à prendre ses responsabilités pour satisfaire une opinion publique mal informée, sacrifiant ainsi la vie d’enfants innocents et un impératif de sécurité qui concerne chaque citoyen français.

En refusant de rapatrier ses enfants et leurs mères, la France fabrique sur mesure du terrorisme. « On aurait pu attendre du pouvoir politique qu’il prenne ses responsabilités et montre un peu de courage » regrette le président du Centre d’analyse du terrorisme Jean-Charles Brisard : il n’est cependant jamais trop tard .

La situation ne cesse de se dégrader sur tous les plans dans les camps du Kurdistan syrien. Sur un plan humanitaire, les enfants ont faim, sont malades, désœuvrés, traumatisés, laissés à l’abandon, et sont tous exposés à un risque de mort. Sur un plan sécuritaire, les détenues les plus radicalisées réussissent un peu plus chaque jour à gagner du terrain en imposant leur idéologie mortifère et en faisant régner la terreur. L’inertie française participe à la reconstruction d’un terreau terroriste dans ces camps.

Parce qu’il s’agit de nos enfants et de notre sécurité, la France avait fait le bon choix , avant de reculer . Tout était prêt, tout reste prêt. Il n’est plus temps de tergiverser .

Marie Dosé & Martin Pradel, avocats

APPEL POUR LE RETOUR DES ENFANTS FRANÇAIS DÉTENUS AU KURDISTAN SYRIEN par un collectif d’acteurs de la société civile :

Patricia Adam, ex-présidente de la commission parlementaire de la défense et de la délégation parlementaire aux renseignements ; Dominique Attias, avocate ; Benoît Hamon, Yannick Aujard, professeur de pédiatrie ; Josiane Bigot, magistrat honoraire ; Valeria Bruni Tedeschi, comédienne et réalisatrice ; Philippe Caubère, comédien ; Elie Chouraqui, réalisateur ; Daniel Cohn-Bendit, Marie Desplechin, écrivaine ; Anny Duperey, comédienne et écrivaine ; Georges Fenech, ancien juge d’instruction, député honoraire Les Républicains ; Romain Goupil, cinéaste ; Nicolas Hénin, président d’Action Résilience ; Mathieu Klein, président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle ; Martine Laroche-Joubert, journaliste ; Dominique Potier, député PS ; Joëlle Losfeld, éditrice ; Ariane Mnouchkine, metteure en scène et fondatrice du Théâtre du Soleil ; Eric Ouzounian, père d’une victime de l’attentat du Bataclan ; Sébastien Pietrasanta, ancien député PS et rapporteur de la commission d’enquête relative aux moyens pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 et du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme ; Edwy Plenel, journaliste ; Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat honoraire, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny et expert Unicef ; Josyane Savigneau, journaliste ; Philippe Torreton, comédien….Marie-Pierre de la Gontrie, Sénatrice….Florence Bellivier, Professeur de droit à l’Université Paris Nanterre, co-directrice de l’UFR Droit et science politique…Frédéric Aribit,  écrivain…. Éric Bonnargent  Ecrivain, professeur de philosophie…Michel Doucin, ancien ambassadeur chargé des droits de l’Homme…Silvain Gire, directeur éditorial d’Arte radio…Jean-Claude Leroy, écrivain…Marina Eudes, maître de Conférences en droit public à l’Université Paris Nanterre… Ismaël Jude, auteur, metteur en scène de théâtre et romancier…Valérie Millet, éditrice…Xavier Philippe, professeur de droit public à l’École de droit de la Sorbonne…Patrick Cheritat, médecin retraité…

À l’initiative de Me Marie Dosé et Me Henri Leclerc

Soyons plus fort que les populismes qui ont oublié les coutumes et les valeurs qui cimentent notre nation …

Signons toutes et tous cet appel des maîtres Marie Dosé & Henri Leclerc


Audition au Palais Bourbon 20 mars 2019

Discours d’intro  de V. Roy

Tout d’abord, je tenais à remercier Clémentine Autain d’avoir bien voulu organiser cette audition, même si nous aurions aimé que davantage de députés soient présents. Car, quelle est la manière la plus sereine d’aborder un sujet de société si ce n’est de rencontrer les gens concernés. On en parle mal et on prend de mauvaises décisions quand on a peur d’un sujet et que l’on se soumet à l’inconnu et pire aux préjugés

En préambule des interventions de Thierry, qui vous parlera de la mission du collectif, et de 3 parents témoins vivants de la radicalisation d’un enfant Lydie, pascale et laurent, je voudrais dire quelques mots.

-Sachez qu’une recherche universitaire dans le cadre d’un doctorat en psychologie (2ème année) est en cours à l’université Paris 13 Villetaneuse, Laboratoire UTRPS. Elle a pour objet d’étudier la nature traumatique spécifique des familles touchées par le départ de leurs enfants pour la Syrie. Dans les premières pistes exploratoires, il apparait que la nature traumatique est inédite en raison de la brusque désaffiliation des enfants et en raison du maintien d’un lien de nature luiaussi traumatique plusieurs mois, voire plusieurs années. La constante proximité avec le discours déshumanisé de leur enfant vaut traumatisme en lui-même. L’opprobe sociale, la honte rend difficile une expression adéquate d’une large majorité des familles.

Nous espérons qu’un jour ce trauma subi sera reconnu pour que nous puissions aussi nous reconstruire.

-Au moment où je vous parle, 5 mineurs sont rentrés de Syrie et nous nous en réjouissons. Comme l’ont dit les familles et leurs avocats « ce sauvetage montre que la France peut faire de bons choix » malgré des volte-face sur le rapatriement des français depuis 6 mois et le silence de l’Etat . De nombreux enfants vulnérables sont morts (hier encore) et d’autres doivent être sauvés par la France accusée devant l’ONU d’inaction et de non-assistance & de traitement dégradants qui s’apparentent à la torture On est vulnérable même au-dessus de 5 ans, même avec sa mère, qu’on soit dans un camp ou orphelin dans la nature, ou bien encore dans les prisons irakiennes. Je parlerai aussi des mères et pères qui se sont rendus dans un état physique très critique (je pense aux dénutris, aux brûlés, aux blessés graves, aux amputés que ne peuvent et ne veulent pas garder les kurdes à terme); comment rendre la justice sereinement si ces adultes prisonniers de guerre ne sont pas soignés et traités dignement ? Et pour ceux qui en doutent encore, n’est- ce pas un désaveu de Daech que de se rendre à la justice des hommes au lieu de mourir quand on ne croyait qu’à la justice de Dieu, comme le martèle l’idéologie djihadiste , qui a touché & fragilisé nos enfants ici en France et brisé des familles?

Pour finir je voudrais vous dire que nous recevons de merveilleux témoignages de soutien d’anonymes mais aussi de victimes du terrorisme (Georges Salines, Arnaud lançon, Aurélia Gilbert…) et la pétition initiée par maitres Marie Dosé et maître Leclerc compte aujourd’hui plus de 5 000 signataires.

Aidez-nous à porter l’espoir et la parole auprès du gouvernement : nos compatriotes se désolidarisent des haineux et croient en la réparation La France en a les moyens, il suffit de le vouloir, même si c’est difficile ce n’est pas impossible. Oui les enfants doivent être protégés, « grandir en bonne santé, dans la paix et la dignité » (ex secrétaire général de l’ONU Kofi A. ANNAN) et ils n’ont pas à payer le poids des fautes qu’auraient commises leurs parents. On a laissé les familles désarmées devant la radicalisation de leurs enfants, ils ont fait ce qu’ils ont pu, il est encore temps de panser ensemble les plaies de la société

Notre  » Collectif des Familles Unies  » par T. Roy

Le Collectif des Familles Unies existe depuis près de 3 ans, il milite sur plusieurs fronts, et en particulier sur le regard et le traitement porté aux enfants de djihadistes. Je vais vous expliquer notre démarche et notre incompréhension par une mise à l’index des personnes peu ou pas fréquentables, alors que nous combattons de toutes nos forces cet extrémiste religieux qui sévit dans la France entière.

Le Collectif des Familles Unies est exclusivement composé de familles victimes de la radicalisation religieuse violente. Cette idéologie mortifère a entraîné nos enfants dans la zone de conflit Syro-Irakienne pour les sacrifier en première ligne, alors qu’ils n’auraient pas dû se sentir concernés par cette guerre.

Le nombre de personnes adhérentes s’élève à près de 80 ce qui peut être peu par rapport aux 1700 départs (nombre donné par le ministère de l’Intérieur). Néanmoins c’est un chiffre considérable au regard des autres associations qui partagent avec nous ce destin tragique.

Les familles touchées sont issues de toutes les classes sociales et s’investissent dans la société avec des métiers aussi variés qu’avocats, gendarmes, artistes, ouvriers, chauffeurs livreurs, chauffeurs de taxi, cadres supérieurs de la fonction publique et privée, chefs d’entreprise, enseignants, ingénieurs, infirmières, médecins…

Et pourtant l’embrigadement idéologique qui a touché leurs enfants au point de les faire partir en quittant tout ce à quoi ils étaient attachés, a été plus fort que l’éducation et les valeurs qu’ils ont données.

Refuser de regarder en face ce mal qui nous touche, qui s’est répandu et se répand dans toute la France, c’est ne pas réaliser l’ampleur du mal qui pourrait nous anéantir si nous continuons à ne rien faire.

Et ne rien faire c’est précisément ce que le collectif des familles unies ne veut pas faire. 

À travers nous, la famille qui est la plus petite entité de notre société, cette idéologie attaque les fondements sur lesquels nous nous sommes construits tout au long de notre histoire avec nos valeurs nos coutumes et notre droit. Elle cherche à exclure et détruire tout ce qui ne lui ressemble pas ou qui n’adhère pas à ses principes politico-religieux.

Pourtant, durant ces dernières décennies, les personnalités se réclamant de ces mouvances extrémistes ont été accueillies en France comme un signe de bonne coopération entre 2 pays ou comme demandeur d’asile, sans qu’on se soucie de leurs intentions à notre égard, quand bien même notre arsenal juridique aurait pu nous protéger de tous ces excès. 

Ne pas appliquer nos lois, qui auraient dû nous protéger, a eu des conséquences désastreuses. Nous avons laissé propager dans la France entière des discours communautaires et haineux reposant sur l’obligation de l’individu à se conformer à ces doctrines extrémistes, ce qui aurait dû être sous le coup de la loi :

J’ai pour exemple ce fameux tract qui circulait dans de nombreuses villes pendant les élections municipales de mars avril 2014 : « PRÉSERVE TA FOI, NE VOTE PAS, LA FITNA C’EST PLUS GRAVE QUE LE MEUTRE » a été considéré par le maire de notre commune comme un fait marginal sans importance, tout comme l’imam qui est passé à l’émission « C polémique » du dimanche 19 février 2017.  

En décembre 2014 nous avions soumis au Député Sébastien Pietrasanta, un des rapporteurs spéciaux sur les moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme, qu’un rôle décisif peut-être joué par le maire pour prévenir la population d’un danger imminent survenant dans sa commune. C’est une pratique courante en cas d’intempérie ou de pollution par exemple. Cette suggestion est restée lettre morte alors qu’elle aurait permis aux familles touchées par cette radicalité d’être averties de l’imminence de ces dangers.

Oui, les familles sont les premiers maillons touchés par ces extrémistes politico-religieux qui gangrènent notre pays et le rôle de l’état & ses représentants aurait pu être primordial pour limiter ces départs dont la conséquence a été de renforcer cette idéologie mortifère et de causer des traumas familiaux énormes.

Pour rappel à la fin de la Seconde Guerre mondiale nous avons eu une attitude très ferme à l’égard de l’idéologie nazie. Est-il nécessaire de rappeler les similitudes qui existent entre ces 2 idéologies ?

Pourtant, les familles, victimes de cette radicalisation religieuse violente, ont collaboré sans faille avec toutes les instances de la République : la police, la justice, le ministère de l’Intérieur… Nous avons alerté des députés de nos circonscriptions et les maires de nos communes sans que ce soit pourvu d’effet.

Je rappelle que certains d’entre nous font partie des premières personnes ayant participé activement à la lutte contre ce fléau expérimenté au niveau national par le biais de la campagne de communication « Stop djihadisme », à l’échelon du département sous le patronage du ministère de l’Intérieur et des préfets, cela n’a pas suffi pour être écoutés et reçus.

Nous ne comprenons pas qu’un constat d’échec reconnu contre la lutte dans l’« Histoire secrète de l’antiterrorisme » (du 13/11/2018) par de très hauts commis de l’État sur France 2 ne permette pas une remise en question pour une approche multifactorielle et pluridisciplinaire pour s’asseoir autour d’une table et étudier nos propositions.  

De plus, de nombreuses personnes nous ont utilisés à des fins personnelles et mercantiles et comme cela ne suffisait pas, il y a eu des tentatives d’escroquerie ou des sommes considérables ont été demandées aux familles.

Ainsi, notre collectif est né de cette nécessité d’aborder de front ce fléau qui ravage nos familles et la France entière, sans préjugés ni tabou avec un parler-vrai. Toutes nos interventions médiatiques l’ont été en ce sens et nous n’avons jamais fui cette actualité qui nous ne nous a pas épargnés depuis au moins 6 ans. 

J’ai une image : 

Si la politique exprime dans sa noble tâche ce que doit être notre vie de demain, les députés et le gouvernement s’apparentent aux médecins qui nous guériront des maux de la société. Si maintenant ces mêmes médecins refusent d’ausculter les traumatisés que nous sommes, nous les familles touchées par ces extrémistes religieux, nous ne bénéficierons pas d’un bon diagnostic et vos décisions, qui s’apparentent aux médicaments prescrits, ne seront pas adaptées, ce qui nous conduira inexorablement à un échec pour lequel il nous sera difficile de nous relever.

Déjà, de nombreux hommes, femmes et enfants ont quitté la zone de guerre Syro-Irakienne pour revenir en France. Si nous avons perdu du temps dans les rapatriements, faisons-le maintenant pour les enfants qui sont encore dans ces zones et les autres adultes qui rentreront, car les laisser là-bas sans les traduire devant notre justice, c’est renforcer l’idéologie et dire à leurs commanditaires et maîtres à penser qu’ils ont gagné sur notre Société.  

Les enfants sont notre éternité

Robert Debré


Parole de L., un père et un grand père pour le rapatriement de TOUS les enfants français prisonniers en Syrie :

Pour la première fois, cinq enfants français ont été rapatriés des camps syriens administrés par les forces kurdes. C’est bien évidemment avec une joie immense, beaucoup de soulagement que nous avons appris cette nouvelle.


Depuis qu’il y a des enfants français dans les camps en Syrie, c’est-à-dire depuis deux ans ou trois , il n’a avait eu aucun retour de ces camps. 85 enfants de djihadistes français ont été rapatriés en France depuis 2014, mais tous venaient de Turquie. Mais dans les camps kurdes, des camps de Roj, Aïn Issa et Al-Hol, des enfants français sont nés, des enfants français sont morts, mais aucun enfant n’était revenu jusqu’à présent.

Le rapatriement de ces cinq enfants orphelins prouve qu’il n’y a pas d’obstacle logistique pour les rapatriements, que la coopération entre les autorités françaises et les autorités kurdes qui détiennent les enfants et leurs mères fonctionne. L’argument si souvent invoqué auprès des familles par le Ministère des Affaires étrangères que l’absence de relations diplomatiques avec la Syrie empêchait toute action en faveur des enfants ne peut plus dès lors être employé.

Cette nouvelle est donc une nouvelle formidable. Cinq orphelins ont été rapatriés, cinq enfants qui étaient dans une situation d’extrême précarité, des enfants « particulièrement vulnérables ».

Mais est-ce à dire que si ces enfants avaient été avec leur mère, leur situation aurait été moins précaire ? Certes, ils auraient bénéficié d’une protection maternelle, mais leur situation matérielle, leur situation sanitaire, aurait été tout aussi effroyable, comme c’est le cas de tous les autres enfants qui restent dans les camps, et dont on nous dit que le retour n’est pas à l’ordre du jour.

La presse a parlé longuement ces derniers jours de la situation dans le camp de Al-Hol, où plus de soixante mille personnes s’entassent, civils syriens réfugiés, familles de djihadistes rescapées des combats de Baghouz – une immense majorité de femmes et d’enfants qui vivent dans des conditions insupportables, avec un accès aux soins, à l’eau, à la nourriture, aux sanitaires très difficile, entassés dans des tentes, souffrant du froid. Des dizaines d’enfants sont déjà décédés dans ce camp, ou durant le transport en camion de Baghouz à Al-Hol. Beaucoup sont blessés. Nous ne savons pas exactement combien de femmes et d’enfants français sont arrivés dans ce camp.

Il existe deux autres camps où il y a des femmes et des enfants français. A Aïn Issa, il y a trois françaises avec des enfants. C’est au camp de Roj que se concentre l’essentiel des  français : une quinzaine de femmes françaises, avec une soixantaine d’enfants. Les trois quarts des enfants ont moins de 5 ans, et il y très peu d’adolescents – plus de 13 ans – peut-être 4 ou 5.

Je voudrais simplement évoquer ces enfants français de Roj, leur vie, leur quotidien, à travers notamment mes petits-enfants, mes 4 petits-enfants. L’aîné va avoir 9 ans le mois prochain. Ses frères ont 4 ans, 2 ans et 4 mois. Le mois prochain, cela va faire un an qu’ils sont prisonniers à Roj. Mais certains enfants sont à Roj depuis près de deux ans.

Le premier constant général que l’on peut faire, c’est que ces enfants sont prisonniers avec leurs mères dans un camp d’un pays en guerre, dans une zone qui peut dans les mois qui viennent constituer le théâtre de nouveaux affrontements, avec la Turquie, qui veut éliminer les forces kurdes (qui détiennent ces enfants), avec les forces syriennes de Bachar al-Assad, qui veulent récupérer les territoires kurdes. Ces enfants sont donc, de par la situation, de par l’endroit où ils se trouvent, en danger, et en danger de mort.

Cette situation d’insécurité, de risque permanent, peut s’illustrer par quelques exemples précis. Le 20 septembre 2018, dans le camp, un petit français de deux ans est mort, écrasé par un véhicule militaire. C’était un accident, certes, mais cela illustre l’ambiance d’insécurité et les risques dans lesquels vivent les enfants : premier enfant français mort dans le camp de Roj. 

Plus récemment, le 7 mars, une tente prend feu, le feu se propage à une autre tente. Le feu est provoqué par un petit poêle à gaz fourni par l’administration kurde pour l’hiver. Chaque famille dispose d’un poêle de ce type. Il suffit de peu, une bousculade d’enfants, une personne qui tombe, un retour de flamme, pour que le poêle soit renversé et que la tente s’embrase. Depuis un an, il y a des tentes qui brûlent régulièrement. Mais le 7 mars, trois petits enfants, turcs ou azéris, sont morts brûlés vifs dans l’incendie.

A la suite de cet incident, des femmes ont jeté des pierres sur les gardiens, qui ont riposté en tirant en l’air. La nuit suivante, plusieurs femmes ont été arrêtées et amenées en prison. Le problème, c’est que quand on emmène une femme en prison, on emmène ses enfants avec, et les enfants subissent donc la punition avec leur mère, l’enfermement plus ou moins long entre quatre murs.

C’est le lot quotidien de ces enfants : vivre dans ce climat d’insécurité et de stress, qui peut à tout moment se transformer en drame. Le secrétaire d’Etat à l’Intérieur a dit récemment : « Ce sont des enfants comme les autres mais qui ont subi des traumatismes importants. » C’est vrai. Certains ont pu assister à des exactions. Certains ont vécu la peur durant des bombardements. Certains ont perdu leur père, ou des frères et sœurs. A des degrés divers, suivant les enfants, suivant les familles, car la tendance dans une certaine presse, chez certains « experts » est de globaliser toutes les expériences, et de fabriquer un prototype d’enfant de djihadiste, parfois avec de bonnes intentions, mais parfois pour faire peur en créant un monstre.

Mais oui, ces enfants ont des traumatismes, à des degrés divers. On prévoit d’ailleurs, pour leur éventuel retour, toute une batterie d’examens, de prises en charge, de suivi psychologique sur des périodes longues, et c’est très bien. Et, dans le même temps, on les laisse, on les abandonne depuis des mois dans des camps – sans suivi, sans soins, sans thérapie d’aucune sorte. Les traumatismes, dans le climat d’insécurité du camp, ne peuvent que s’accentuer, augmenter – à cause aussi de l’état de stress et de désespoir dans lequel de trouvent leurs mères.

La situation sanitaire dans le camp est dramatique. Il y a une antenne du Croissant Rouge dans le camp, qui fonctionne par intermittences, et qui apporte des soins de première nécessité avec des personnels qui ne sont pas nécessairement formés.

Le 22 octobre dernier, ma belle-fille a accouché sous la tente, avec un kit médical, et l’aide d’une détenue qui était sage-femme dans son pays. L’accouchement s’est heureusement bien passé, mais le bébé était très faible à la naissance, et dans les semaines qui ont suivi sa courbe de poids était au plus bas. Le 19 décembre, nous avons écrit au Président de la République : « A ce jour l’état de santé de notre quatrième petit-fils nous préoccupe énormément : à bientôt deux mois, il  a la jaunisse, il est très maigre, son poids se situe au-dessous de la courbe de croissance « basse » d’un bébé de son âge. Il n’y a dans le camp aucune possibilité de suivi pédiatrique. Nous avons peur pour sa vie. » « Faudra-t-il que des enfants meurent pour accélérer la solution de ce douloureux problème ? » Le 17 janvier, le chef de cabinet du Président  nous répondait qu’ « il a été pris connaissance de vos préoccupations relatives à l’état de santé de vos petits-enfants ».

Le 7 mars, le bébé de Shamima Begum, prisonnière au camp de Roj, est mort. Notre petit-fils, quant à lui, se porte mieux, et a survécu jusqu’à présent. Il a actuellement une bronchiolite. Mais tout cela l’illustre l’extrême précarité sanitaire dans laquelle se trouvent en particulier les très jeunes enfants dans le camp : ils sont tous en danger de mort. La moindre infection, la maladie la plus bénigne peut leur être fatale, car il n’y a aucun soutien médical sérieux. Je ne parle même pas de la possibilité de contracter une maladie grave : il y a eu des cas de tuberculose, de dysenterie, et le risque d’épidémies est grand.

Pour les plus grands, la situation sanitaire est aussi très préoccupante. Pour eux aussi, la moindre maladie grave, la moindre complication, peut devenir fatale. Depuis un an, mes petits-enfants sont malades régulièrement et à tour de rôle, et c’est le lot de tous les enfants qui vivent dans le camp. Je ne suis pas sûr qu’il se soit passé une semaine sans que l’un d’entre eux n’ait été malade :

  • maladies et douleurs intestinales, diarrhées ;
  • infections pulmonaires, bronchites, oreillons, coqueluche ;
  • fièvres, maux de tête, irruption de boutons ;
  • problèmes oculaires, conjonctives, problèmes de vue, problèmes de lunettes ;
  • problèmes dentaires
  • blessures diverses, brûlures…

Les enfants vivent en permanence dans la poussière, dans l’humidité (la pluie pénètre dans les tentes lors de fortes précipitations), dans les émanations des vapeurs de pétroles provenant de champs pétroliers situés à proximité. Ils ont subi cet été des températures dépassant fréquemment les 40°. Ils vivent à présent dans le froid. La dangerosité des poêles à gaz présents dans les tentes ne permet pas qu’on les laisse allumés durant le sommeil des familles.

L’administration du camp, les organismes humanitaires fournissent aux familles des rations alimentaires basiques : riz, lentilles, huile, diverses conserves… De quoi survivre certes, mais de nombreux enfants souffrent de malnutrition, de carences alimentaires. Tout le « surplus » – légumes, fruits, viande… – est payant. Il existe dans le camp des magasins qui vendent des marchandises aux détenus et aux réfugiés. Les familles reçoivent divers « colis » des organisations humanitaires – produits d’entretien, de toilettes, vêtements, etc. – dont ils ils revendent parfois certains éléments pour acheter par de la nourriture par exemple.

Ces enfants n’ont pas d’école, ils n’ont aucun suivi éducatif, sinon celui que peuvent éventuellement dispensé leurs mères. Il existe une structure dans le camp qui se rapproche plus d’un Centre de loisirs que d’une école, et d’où les enfants peuvent parfois rapporter les feuilles, des cahiers, des crayons. Le retard scolaire pour les plus grands est donc patent. Les conditions de vie dans le camp ne favorisent pas l’apprentissage. L’aîné de mes petits-enfants rechigne souvent à « travailler » l’écriture ou la lecture. Quand sa mère veut le mettre au travail, il dit : « Je travaillerai quand j’aurai un bureau » (il n’y a pas de table dans les tentes, on vit au niveau du sol) ou « Je travaillerai quand je serai revenu en France… » (Bon, il travaille quand même un peu, mais il a un retard considérable…)

Voilà ce qu’on peut dire en faisant bref sur la situation des enfants dans le camp de Roj, qui est considéré comme le plus « confortable » (entre guillemets). Qu’ont fait ces enfants français pour qu’on les condamne – pour que leur propre pays les condamne à vivre ainsi, à mourir ainsi, dans un pays en guerre ? Bien sûr, ils n’ont rien fait, ils sont parfaitement innocents, ce sont des victimes de guerre. Leur seul crime, c’est d’être les enfants de leurs parents. Ils payent pour les fautes ou les crimes de leurs parents : on les condamne de facto à l’exil, à la relégation dans une zone de non-droit, à la privation de liberté, à la réduction au rang d’apatride.  (Pourtant, la Convention des Droits de l’enfant stipule, dans son article 2, stipule que « les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions ou les convictions de ses parents ».

La manière même dont l’opinion, une certaine presse, certains « chercheurs » et « spécialistes » perçoivent les enfants détenus dans les camps kurdes, donc nos petits-enfants, est significative d’une dérive dangereuse et d’un manque de perspective psychologique et historique. La généralisation, source de discriminations et de racismes, est souvent de mise : parce qu’il y a eu de macabres mises en scène par Daesh impliquant des enfants, on procède à un amalgame qui s’étend à tous les enfants, comme si toutes les situations étaient identiques, toutes les expériences similaires, tous les enfants également exposés à l’influence de la barbarie. « Bombes à retardement », « enfants nourris à la haine », qui ont appris dès leur plus jeune âge à manier les armes : ces enfants sont tous pareils, tous indifférenciés, tous dangereux. Qualifiés d’ « enfants-soldats » ou de « lionceaux du califat » alors que c’est complètement faux en ce qui concerne les enfants déjà rapatriés (de Turquie en général) et également en ce qui concerne les enfants détenus dans les camps kurdes, on oublie complètement que même les enfants-soldats sont considérés comme des victimes par toutes les conventions internationales. Quand ils sont trop petits pour être considérés comme dangereux ou même endoctrinés, on ne se réfère pas au droit ou à la psychologie de l’enfant, mais on cède à des pulsions et à des analyses archaïques en suggérant finalement que s’ils ne sont pas dangereux pour le moment, ils le deviendront (les « bombes à retardement »). C’est à croire que certains « commentateurs » (sans parler des réseaux sociaux ») sont eux-mêmes saisis par la haine.

Le plus significatif à ce sujet est sans doute le « débat » sur l’âge des enfants. Soudain, et pour ces enfants-là, certains sont prêts à refuser le retour à des enfants de 6, 8 ou 10 ans (je ne parle même pas des adolescents…) L’âge adulte, l’âge de la responsabilité pénale doit subitement être ré-adaptée pour ces enfants-là. On ne sait pas ce qu’ils ont fait (ce qu’a fait Untel ou Untel), on ne sait ce qu’ils ont vécu, mais soudain leur âge les condamne : ce ne sont plus des enfants comme les autres. Trois de mes petits-enfants ont moins de cinq ans. Leur frère aîné va avoir 9 ans le mois prochain, et cela fait un an qu’il est dans un camp. Cet enfant, nous l’avons eu à nos côtés durant durant les 5 premières années de sa vie : je l’ai amené au spectacle, au cinéma, au musée, à la piscine, à la bibliothèque… La suite de sa vie, c’est 2 ans et demi dans le territoire de Daesh, et un an dans un camp. Durant ces dernières années, j’ai été en contact avec lui, je lui ai envoyé des livres pour enfants en pdf, des comptines, des histoires, je lui ai parlé. Ce que je peux vous dire, c’est que c’est un enfant qui ne rêve que de revenir en France, qui ne rêve que de sa chambre chez nous, de ses jouets… Durant la période de Noël, il nous a demandé de lui envoyer une photo de ses jouets, de ses légos, de ses billes.  Quand on lui a dit, le 29 janvier (suite à certains articles de presse), qu’il allait enfin rentrer, il a sauté de joie. Il va avoir 9 ans, et il y a dans le camp de Roj beaucoup d’enfants qui lui ressemble.

Alors, qu’est-ce qu’on attend ? Pourquoi prolonger à ce point le calvaire de ces enfants ? M. Le Drian avait déjà annoncé leur retour, avec l’aide de la Croix-Rouge, en février 2018. En septembre et octobre dernier, des officiels du Ministère des Affaires étrangères avaient annoncé le retour des enfants, mais sans leur mère. Des émissaires du Ministère des Affaires étrangères s’étaient même rendus au camp de Roj le 21 octobre dernier, et avaient rencontré des femmes françaises pour leur proposer le retour de leurs enfants… sans elles. Une seule femme avait accepté. A présent, il semble que ce dispositif a été écarté : d’après le Monde du 15 mars, « il n’est plus question de rapatrier séparément les enfants détenus avec leur mère, même si celles-ci donnent leur accord à une séparation. » Et le communiqué du Ministère des Affaires étrangères à l’occasion du retour des 5 orphelins réaffirme que « s’agissant des ressortissants français adultes, combattants et djihadistes ayant suivi Daech au Levant, la position de la France n’a pas changé : ils doivent être jugés sur le territoire où ils ont commis leurs crimes ».

Qu’est-ce que cela veut dire ? Si on décide de ne pas rapatrier les mères, et de ne pas séparer les mères des enfants, cela voudrait-il dire que la France veut laisser tous ces enfants français vivre et mourir dans les camps syriens ? Faudra-t-il attendre d’être orphelin pour avoir une chance de revenir dans son pays ?

Le Président de la République reparle de « cas par cas ». Et on invoque « l’intérêt supérieur de l’enfant » (déjà mis en avant par le Ministère des Affaires étrangères en octobre dernier). Je ne comprends pas bien ce que peut signifier le « cas par cas » s’agissant des enfants. Y aurait-il des enfants français prisonniers en Syrie dont « l’intérêt supérieur » serait de revenir en France, d’avoir accès aux soins, à l’éducation, aux loisirs, à la culture, d’avoir droit à une vie d’enfant ? Et y aurait-il des enfants français dont « l’intérêt supérieur » serait de survivre et mourir dans un camp d’un pays en guerre ?

L’intérêt supérieur de TOUS les enfants français détenus en Syrie est de revenir dans leur pays, de retrouver une vie normale, d’aller à l’école, d’être soignés quand ils sont malades, de se reconstruire après ce qu’ils ont vécu. Tous sont des enfants, tous sont innocents, ce sont des victimes de guerre, tous doivent revenir.

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Les enfants français dans les camps, ceux qui ont 6 ou 9 ans, et même des plus petits, comprennent la situation, ils attendent leur rapatriement. Les enfants français des camps nous écoutent, CES ENFANTS NOUS REGARDENT : NOTRE PAYS VA-T-IL SE DECIDER A LES REGARDER EN FACE, ET A LES AIDER ENFIN.

Un mot sur un sondage récent qui dit que deux tiers des français souhaitent que les enfants restent en Syrie.

Si on avait posé la question : « Trouvez-vous normal que des enfants français de 4 ou 5 ans soient prisonniers dans des camps d’un pays en guerre, sans soins, mal nourris, sans suivi médical et psychologique, sans école, sans éducation, vivant dans des tentes et souffrant du froid ? » – QU’AURAIENT-ILS REPONDU ??

Si on avait posé la question : un enfant de 5 ans doit-il payer, doit-il être condamné pour les fautes ou les crimes de ses parents ? QU’AURAIENT-ILS REPONDU ??

Peut-on d’accord sur des principes, – et par exemple sur les principes fondamentaux des droits de l’enfant et de la protection de l’enfance – mais peut-on estimer en même temps que ces principes ne s’appliquent pas à certains ?

Juste une citation : Matteo Renzi, ancien Président du Conseil italien, la semaine dernière : « Je préfère sauver des vies en Méditerranée, au risque de perdre quelques points dans les sondages, et pouvoir me regarder dans la glace…

20 mars 2019.

Paroles de Lydie, mère et grand-mère

Ma fille est partie en Syrie en novembre 2014 malgré un signalement fait auprès de la DGSI par l’intermédiaire du CAFFES (Centre d’Accompagnement  des Familles face aux dérives sectaires).

Cette association qui lutte contre toutes les dérives sectaires a été mandatée et financée par la Préfecture pour accompagner les familles (sur la base du volontariat) qui avaient fait un signalement sur le départ de  leurs enfants ou sur des signes de radicalisation.

Julie est décédée en Syrie avec son  nouveau né et son deuxième mari. Ses trois petits enfants se sont retrouvés dans le camp de Al Hol. Ils font partie des 5 enfants rapatriés par l’Etat Français le vendredi  15 mars  (enfants orphelins et isolés).

Ce fut un soulagement d’apprendre leur retour. Les autres petits enfants en état de précarité sanitaire doivent être également rapatriés.

Je ne suis plus dans l’attente du retour de ma fille et de mes petits –enfants mais je tiens à témoigner  sur ces 7 dernières années de cauchemar que nous avons vécu et qui est celui de toutes les familles concernées par ce fléau :

  • L’incompréhension et l’impuissance devant la mise sous emprise de son enfant par des recruteurs qui l’ont embrigadé vers une idéologie djihadiste
  • Les dommages collatéraux : sur le plan familial (atteinte psychologique sur la fratrie) ; sur le plan social (ne pas oser parler de peur d’être jugé) sur le plan professionnel…
  • l’attente angoissante les yeux rivés sur les téléphones
  • l’espoir, la peur, le désespoir
  • le chagrin d’apprendre le décès de ses enfants et petits-enfants
  • Aucune prise en charge psychologique

Nous sommes passés de parents victimes à parents d’enfants djihadistes, responsables de leur départ.

Notre vie est détruite. Nous garderons à jamais les marques de cette souffrance. Le retour des petits enfants  innocents est une lueur d’espoir de prendre un nouveau départ


Communiqué de presse : ENFANTS FRANÇAIS DETENUS AU KURDISTAN SYRIEN

Marie Dosé et Henri Leclerc Avocats

Paris le 18 mars 2019

PLAINTE CONTRE L’ETAT FRANÇAIS AUPRES DU COMITE CONTRE LA TORTURE DES NATIONS-UNIES

Après une première plainte internationale enregistrée par le Comité international des droits de l’enfant, une seconde plainte internationale a été déposée vendredi dernier par Me Marie Dosé et Me Henri Leclerc contre l’Etat français devant le Comité contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). 

Cette plainte internationale a été déposée au nom de 5 familles françaises sollicitant le rapatriement de près de 10 enfants français actuellement détenus dans le camp Al-Hol au Kurdistan syrien. 

Le Comité international des droits de l’enfant de l’ONU est, de son côté, saisi depuis plus de deux semaines d’une plainte internationale concernant le sort de près de 40 enfants français détenus au Kurdistan syrien que la France refuse de rapatrier. Le Comité international des droits de l’enfant de l’ONU a enregistré cette plainte internationale la semaine dernière et l’a transmise à l’Etat français aux fins de recueillir ses observations

D’autres familles ont donc saisi vendredi dernier le Comité international contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’ONU.

L’Etat français, signataire de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants depuis le 4 février 1985, l’a ratifiée le 18 février 1986 et a accepté la compétence du Comité contre la torture au titre des articles 21 et 22 de la Convention. 

Dans la mesure où la décision de rapatrier ou de ne pas rapatrier les enfants actuellement détenus dans le camp Al-Hol – tous exposés à un risque de mort – est constitutive d’un acte de gouvernement insusceptible de recours (et plus exactement d’un acte non détachable de la conduite des relations extérieures de la France), la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’applique pas. 

L’article 2 de la Convention internationale impose à l’Etat une obligation d’adopter toutes mesures nécessaires en vue de mettre fin à des traitements prohibés par le Convention sur ses ressortissants.

Combiné à l’article 16, l’article 2 de la Convention oblige les Etats parties à prévenir par tous moyens tous traitements cruels, inhumains, ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture. Ces mêmes dispositions imposent aux Etats parties de lever tous les obstacles juridiques qui auraient pour conséquence de placer une personne face à un risque de traitements prohibés par le Convention

Les enfants français actuellement détenus à Al-Hol, dont la grande majorité a moins de 6 ans, sont exposés au froid, à la soif, à la faim, et à des maladies mortelles telles que la tuberculose ou le choléra. Ils sont la proie de traitements cruels, inhumains et dégradants au sens des dispositions sus visées. Des dizaines d’enfants sont décédés en moins de trois mois aux portes et à l’intérieur de ces camps. Certains ont succombé au froid, d’autres sont morts brûlés après l’incendie de la tente dans laquelle ils se trouvaient, d’autres encore décèdent de maladies, d’épuisement ou de malnutrition. Tous sont en état de sous-nutrition et souffrent de famine et de dysenterie ; tous  également présentent les stigmates des traumatisés de guerre. 

Emmanuel Macron a pris la décision vendredi dernier de rapatrier cinq des six orphelins français actuellement identifiés dans les camps Roj et Al-Hol. Il avait pris, au tout début du mois de février dernier, la décision de rapatrier 70 enfants et 60 adultes, avant de faire marche arrière sans explication aucune. 

Le temps n’est plus aux tergiversations mais à l’urgence humanitaire et sécuritaire. Ces enfants sont en danger de mort, et n’ont pas demandé à naître ou à être emmenés en Syrie. Ils ne représentent un danger pour notre pays que si nous les abandonnons à leur sort : ce qu’il reste de DAECH et les groupuscules terroristes actuellement présents en Syrie n’attendent qu’une chose : les récupérer pour en faire des « bombes à retardement », selon la triste expression consacrée.

Le rapatriement des cinq orphelins français, réalisé en moins de quarante-huit heures, démontre que l’Etat français dispose des moyens nécessaires pour rapatrier dans les meilleurs délais tous les enfants exposés au pire. 

Aucune discrimination ne peut être faite entre des enfants français orphelins et des enfants français dont l’un des deux parents serait encore en vie. La règle du « cas par cas » aboutit nécessairement à une odieuse discrimination tendant à laisser périr et mourir des enfants français (et à refuser donc de les sauver) au prétexte que leur mère ne serait pas décédée. 

En refusant de rapatrier tous ses enfants, la France viole les dispositions de la Convention internationale contre la torture dont elle est signataire, puisqu’elle les expose directement à des traitements cruels, inhumains et dégradants. 

Désormais, les familles d’une cinquantaine d’enfants ont saisi le Comité international des droits de l’enfant et le Comité contre la torture de l’ONU. La France doit respecter ses engagements internationaux et abréger les souffrances de ces enfants en les rapatriant au plus vite avant qu’il ne soit trop tard.

Lettre à Monsieur Adrien Taquet, Secrétaire d’État à la Protection de l’enfance

Paris le 26 février 2019

Monsieur le Ministre,

En ce début d’année, nous avons le souhait que la cause des familles touchées par la radicalisation et le sort des enfants français retenus dans des camps et des prisons en Syrie et en Irak soient une priorité du gouvernement. 

Nous avons l’honneur de vous transmettre ci-joint la lettre du Collectif des Familles Unies, adressée nommément à tous les parlementaires de la nation en vue de les sensibiliser sur ce sujet.

Cette situation nécessite une approche respectueuse de notre droit et des valeurs qui cimentent notre nation. Les conventions internationales, et en particulier la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire, doivent être respectées et appliquées pleinement.

Le sort de ces enfants, dont la plupart ont moins de cinq ans, est crucial, et il ne peut pas dépendre des aléas de l’opinion publique ou de la vindicte des réseaux sociaux. Si c’est le cas, c’est le début d’une dérive sociétale où tous nos fondements démocratiques seraient remis en cause, rappelant des époques sombres de notre histoire.

Le 21 février dernier, sur la chaîne « Public Sénat », vous avez dit  : « … ces enfants sont des victimes… ces enfants doivent être protégés… les abandonner risquerait à en faire des enfants du djihad, je veux qu’on en fasse des enfants de la République… » ; aujourd’hui, nous n’avons vu aucune incidence pour une action gouvernementale concrète. Depuis plus d’un an, le Gouvernement ne fait que des annonces pour le rapatriement des enfants sans que ces dernières soient suivies d’effet ! 

Prendre cette décision de rapatrier ces très jeunes enfants, avec leurs parents, qui eux doivent être jugés conformément à notre droit, doit être une priorité, pour le droit des familles touchées, mais aussi pour tous les Français devant connaître certaines vérités indispensables sur le processus de propagation de l’idéologie mortifère de Daesh et d’organisations similaires.

Nous réitérons notre demande d’être reçus, par vous, par les autres autorités de la République afin que nous puissions évoquer ensemble les conditions de rapatriement, et de réinsertion de nos enfants. Nous ne sommes pas entendus et nous nous sentons ignorés malgré nos actions et prises de parole, notre contribution active avec tous les autres acteurs (le Gouvernement, la Justice, les avocats, l’Administration, les médecins, les psychologues…), nous semble pourtant indispensable dans la situation actuelle.

Avec l’espoir que notre justice républicaine s’applique avec sérénité, et dans l’attente de vous rencontrer, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.