Communiqué de presse : ENFANTS FRANÇAIS DETENUS AU KURDISTAN SYRIEN

Marie Dosé et Henri Leclerc Avocats

Paris le 18 mars 2019

PLAINTE CONTRE L’ETAT FRANÇAIS AUPRES DU COMITE CONTRE LA TORTURE DES NATIONS-UNIES

Après une première plainte internationale enregistrée par le Comité international des droits de l’enfant, une seconde plainte internationale a été déposée vendredi dernier par Me Marie Dosé et Me Henri Leclerc contre l’Etat français devant le Comité contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). 

Cette plainte internationale a été déposée au nom de 5 familles françaises sollicitant le rapatriement de près de 10 enfants français actuellement détenus dans le camp Al-Hol au Kurdistan syrien. 

Le Comité international des droits de l’enfant de l’ONU est, de son côté, saisi depuis plus de deux semaines d’une plainte internationale concernant le sort de près de 40 enfants français détenus au Kurdistan syrien que la France refuse de rapatrier. Le Comité international des droits de l’enfant de l’ONU a enregistré cette plainte internationale la semaine dernière et l’a transmise à l’Etat français aux fins de recueillir ses observations

D’autres familles ont donc saisi vendredi dernier le Comité international contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’ONU.

L’Etat français, signataire de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants depuis le 4 février 1985, l’a ratifiée le 18 février 1986 et a accepté la compétence du Comité contre la torture au titre des articles 21 et 22 de la Convention. 

Dans la mesure où la décision de rapatrier ou de ne pas rapatrier les enfants actuellement détenus dans le camp Al-Hol – tous exposés à un risque de mort – est constitutive d’un acte de gouvernement insusceptible de recours (et plus exactement d’un acte non détachable de la conduite des relations extérieures de la France), la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’applique pas. 

L’article 2 de la Convention internationale impose à l’Etat une obligation d’adopter toutes mesures nécessaires en vue de mettre fin à des traitements prohibés par le Convention sur ses ressortissants.

Combiné à l’article 16, l’article 2 de la Convention oblige les Etats parties à prévenir par tous moyens tous traitements cruels, inhumains, ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture. Ces mêmes dispositions imposent aux Etats parties de lever tous les obstacles juridiques qui auraient pour conséquence de placer une personne face à un risque de traitements prohibés par le Convention

Les enfants français actuellement détenus à Al-Hol, dont la grande majorité a moins de 6 ans, sont exposés au froid, à la soif, à la faim, et à des maladies mortelles telles que la tuberculose ou le choléra. Ils sont la proie de traitements cruels, inhumains et dégradants au sens des dispositions sus visées. Des dizaines d’enfants sont décédés en moins de trois mois aux portes et à l’intérieur de ces camps. Certains ont succombé au froid, d’autres sont morts brûlés après l’incendie de la tente dans laquelle ils se trouvaient, d’autres encore décèdent de maladies, d’épuisement ou de malnutrition. Tous sont en état de sous-nutrition et souffrent de famine et de dysenterie ; tous  également présentent les stigmates des traumatisés de guerre. 

Emmanuel Macron a pris la décision vendredi dernier de rapatrier cinq des six orphelins français actuellement identifiés dans les camps Roj et Al-Hol. Il avait pris, au tout début du mois de février dernier, la décision de rapatrier 70 enfants et 60 adultes, avant de faire marche arrière sans explication aucune. 

Le temps n’est plus aux tergiversations mais à l’urgence humanitaire et sécuritaire. Ces enfants sont en danger de mort, et n’ont pas demandé à naître ou à être emmenés en Syrie. Ils ne représentent un danger pour notre pays que si nous les abandonnons à leur sort : ce qu’il reste de DAECH et les groupuscules terroristes actuellement présents en Syrie n’attendent qu’une chose : les récupérer pour en faire des « bombes à retardement », selon la triste expression consacrée.

Le rapatriement des cinq orphelins français, réalisé en moins de quarante-huit heures, démontre que l’Etat français dispose des moyens nécessaires pour rapatrier dans les meilleurs délais tous les enfants exposés au pire. 

Aucune discrimination ne peut être faite entre des enfants français orphelins et des enfants français dont l’un des deux parents serait encore en vie. La règle du « cas par cas » aboutit nécessairement à une odieuse discrimination tendant à laisser périr et mourir des enfants français (et à refuser donc de les sauver) au prétexte que leur mère ne serait pas décédée. 

En refusant de rapatrier tous ses enfants, la France viole les dispositions de la Convention internationale contre la torture dont elle est signataire, puisqu’elle les expose directement à des traitements cruels, inhumains et dégradants. 

Désormais, les familles d’une cinquantaine d’enfants ont saisi le Comité international des droits de l’enfant et le Comité contre la torture de l’ONU. La France doit respecter ses engagements internationaux et abréger les souffrances de ces enfants en les rapatriant au plus vite avant qu’il ne soit trop tard.

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