« Absence de protection effective contre l’arbitraire : la France condamnée par la CEDH »

COMMUNIQUÉ DE PRESSE DE MARIE DOSE & LAURENT PETTITI

Avocats à la Cour

Ce 14 septembre 2022, la grande chambre de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France à une majorité de 14 voix contre 3 pour avoir violé l’article 3§4 du protocole n° 4 de la Convention européenne, qui stipule que « nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant ». La Cour était saisie par deux familles françaises dont les filles et les petits-enfants sont détenus arbitrairement dans des camps du nord-est syrien depuis des années. Les requérants avaient sollicité le rapatriement en France de leurs filles et de leurs petits- enfants, et s’étaient heurtés au silence et à l’inaction réitérés des autorités françaises.

Depuis 2019, la France a fait le choix de ne rapatrier que certains enfants au « cas par cas », sans que personne ne sache ni ne comprenne sur quels critères, sans aucune transparence ni contrôle effectif. C’est ce que nous dénonçons depuis des années : ce « fait du prince » qui conduit les autorités françaises à sélectionner arbitrairement les enfants qu’elles rapatrient et ceux qu’elles laissent mourir derrière des barbelés, en zone de guerre.

Dans son arrêt du 14 septembre 2022, la Cour européenne a considéré qu’il existait « un risque d’atteinte à l’intégrité physique et à la vie des proches des requérants, en particulier celles de leurs petits-enfants». Ces circonstances, qualifiées d’exceptionnelles par la Cour, fondent la recevabilité de la requête introduite par les requérants sur le fondement de la violation du protocole.

Au fond, la Cour européenne a considéré que le refus des autorités françaises était dénué de « garanties contre l’arbitraire ».

Selon la Cour européenne, une demande de rapatriement faite au nom de mineurs doit respecter un « principe d’égalité » qui exige que tous les enfants soient traités de manière identique, en prenant en considération « l’intérêt supérieur des enfants, leur particulière vulnérabilité et leurs besoins spécifiques ».

Tel n’est évidemment pas le choix cynique adopté par la France depuis plus de trois ans, qui viole délibérément ses engagements internationaux et a fait preuve d’une insoutenable inhumanité. La France a, dans cette affaire, renoncé aux valeurs qu’elle ne cesse de proclamer et de vouloir incarner sur la scène internationale.

Cet arrêt de condamnation, rendu en grande chambre, marque une victoire de l’État de droit contre l’arbitraire.

Marie Dosé et Laurent Pettiti

Avocats à la Cour

Ce 14 septembre 2022