Révoltes et évasions dans les camps et les prisons du nord-est Syrien

Communiqué de presse du 9 avril 2020

La tentative d’évasion de deux femmes du camp syrien de Roj a été rendue publique. Les deux femmes, l’une française et l’autre belge, sans enfant présent dans le camp, se sont enfuies à la mi-mars. Elles ont finalement été retrouvées et envoyées en prison.

Ces deux femmes étaient prisonnières dans le camp de Roj depuis plus de deux ans. A plusieurs reprises, elles ont exprimé le désir d’être rapatriées dans leurs pays respectifs pour faire face à leurs responsabilités. Toutes deux considéraient que leur départ en Syrie était la plus grande erreur de leur vie et s’étaient publiquement éloignées de l’idéologie djihadiste. Malgré cela, la France comme la Belgique ont refusé leur rapatriement, comme elles ont refusé le rapatriement de tous leurs ressortissants prisonniers en Syrie, y compris les enfants.

Ces deux femmes ne sont judiciarisées qu’en France et en Belgique. En Syrie, elles ne font l’objet d’aucune inculpation ni d’aucune procédure judiciaire, et sont donc détenues arbitrairement puisque « sans droit ni titre ». Les seuls juges saisis de leur départ en Syrie et de leurs actions en zone irako-syrienne sont des juges français et belge. Aucune juridiction locale ne peut les juger au regard du droit international et, en tout état de cause, aucune procédure judiciaire locale n’a été engagée contre elles. Le Défenseur des Droits, dans un avis émis en mai 2019, a dénoncé le caractère arbitraire de la détention subie par toutes ces femmes, qui n’ont pas le droit de rencontrer leurs familles ou leurs avocats, et par tous ces enfants dont près de trois cents sont français. Ces deux femmes se sont donc « évadées » d’une détention arbitraire aux seules fins de rejoindre le seul système judiciaire qui a décerné mandats d’arrêt contre elles : celui de leurs pays respectifs.

Les gouvernements européens cantonnent donc toutes ces mères dans un no man’s land juridique, qui ressemble chaque jour un peu plus à Guantanamo, où elles n’ont aucune possibilité de se défendre légalement. Les Européens ont sous-traité aux Forces Démocratiques Syriennes le maintien arbitraire de leurs ressortissants dans des prisons et des camps, où ils survivent dans des conditions épouvantables. Pourtant, les responsables de l’Administration Autonome du Nord-Est de la Syrie (kurde) n’ont de cesse de répéter qu’ils n’ont pas les moyens d’entretenir tant de prisonniers, et exhortent vainement les pays étrangers à rapatrier leurs ressortissants.

La crise mondiale provoquée par l’épidémie de coronavirus n’a fait qu’accentuer les tensions. Dans le camp d’Al Hol, où 60000 prisonnières et leurs enfants s’entassent, les évasions se sont multipliées ces derniers temps. La récente révolte des prisonniers dans une prison de Hassaké, la multiplication des évasions et des tentatives d’évasion démontrent largement que le statu quo entretenu notamment par les pays européens n’est plus tenable, tant sur le registre sécuritaire qu’humanitaire.  

Les organisations humanitaires préviennent que l’épidémie de coronavirus, si elle gagne les camps et les prisons en Syrie, fera une hécatombe. Face à cette menace, les révoltes et les tentatives d’évasion sont susceptibles de se multiplier. La révolte d’Hasaké a sonné comme un avertissement et un appel des prisonniers à tout faire pour échapper aux mouroirs dans lesquels ils périssent. Dans les camps, les femmes et leurs enfants qui parviennent et qui parviendront à s’échapper rejoindront la Turquie dans le meilleur des cas pour revenir dans leurs pays, mais d’autres rallieront les cellules clandestines de Daesh ou seront prises par les forces de Bachar Al Asad ou d’autres milices. Dans tous les cas, et quel que soit le sort réservé à leurs parents, les enfants français et européens sont les principales victimes de cette indifférence qui confine à l’horreur et dont nos Etats démocratiques d’Europe sont entièrement responsables.

Les autorités françaises ont souvent répété, en particulier la Ministre de la Justice, que le rapatriement était préférable à la dispersion : nous y sommes. Il est temps que la France, et les autres pays européens, prennent leur responsabilité. Il est temps qu’ils s’engagent enfin à assurer la sécurité de nos pays et à respecter tant les principes fondamentaux de l’Etat de droit que les conventions internationales dont ils sont signataires. Il est temps d’organiser le rapatriement de tous les ressortissants français et européens prisonniers pour les juger dans leurs pays respectifs, et sauver des enfants innocents qui vivent depuis des années un calvaire innommable.

Le 9 avril 2020.

Communiqué du Collectif des Familles Unies

Le 24 mars 2020, l’ONU demande à la France d’organiser le rapatriement d’enfants français de Syrie 

Face aux conditions dramatiques dans lesquelles survivent les femmes et les enfants détenus arbitrairement dans les camps du Kurdistan syrien et face au risque de propagation du coronavirus dans ces foyers d’infection à haut risque, plusieurs familles françaises ont saisi le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations-Unies le 12 mars 2020. 

Le 24 mars 2020, le Comité contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations-Unies a exhorté l’Etat français à prendre les mesures suivantes : 

– Fournir aux femmes et aux enfants toute autorisation administrative, d’identité et de voyage nécessaires à leur rapatriement, gouvernemental ou assuré par une organisation humanitaire ou de secours ;

– Prendre toute autre mesure utile et raisonnablement en son pouvoir aux fins de protéger activement l’intégrité physique et psychologique des mères et de leurs enfants, y inclus l’accès aux soins médicaux auxquels ils ont besoin ;

– Tenir le Comité informé sans délai de toute mesure prise à cet effet. 

La France doit donc prendre ses responsabilités dans les meilleurs délais, sachant que plus aucune ONG n’est présente dans les camps syriens et que les enfants et leurs mères n’ont accès à aucun soin adapté. L’administration locale kurde, consciente du danger que représente la propagation du coronavirus dans cette zone particulièrement exposée du fait de sa proximité avec l’Iran, a annoncé un couvre-feu de deux semaines renouvelable au nord-est syrien.

Les familles françaises attendent donc avec impatience que la France respecte enfin ses engagements internationaux et prenne les mesures « nécessaires au rapatriement » des femmes et des enfants français détenus dans ces camps comme l’exhorte le Comité des Nations-Unies.

Le 24 mars 2020.

Communiqué du Collectif des Familles Unies : L’épidémie de coronavirus, si elle se propage en Syrie, risque d’y faire des ravages. Face à cette pandémie, les enfants français prisonniers dans les camps sont en grave danger

Paris le 23 mars 2020

Les autorités françaises maintiennent 300 enfants dans les camps syriens de Roj et de Al Hol depuis des mois et pour certains des années. En refusant de rapatrier ces enfants, dont 17 d’entre eux seulement ont été ramenés en France en mars et juin 2019, notre pays les condamne à l’exil, à une détention arbitraire et illégale, et à des conditions de vie effroyables. Malgré les appels de multiples instances internationales et nationales défendant les droits humains et les droits de l’enfant, la France s’enferre dans une politique absurde et inhumaine en sacrifiant ces enfants.

L’actuelle épidémie de coronavirus, qui dévaste le monde entier, frappe tous les pays proches de la Syrie. Officiellement, le régime de Damas prétend qu’il n’y a qu’un seul cas dépisté en Syrie, mais personne n’est dupe et aucun crédit ne peut être porté à ces déclarations. La Syrie entière, et en particulier la région d’Idlib et le Rojava (qui souffre de l’embargo de la Turquie, du régime de Damas et des Nations Unies) risque de payer le prix fort en cas de propagation du virus. L’Administration autonome kurde, en charge des camps de Roj et de Al Hol, vient de prendre toute une série de mesures pour tenter de contrecarrer l’épidémie : fermeture des écoles, fermeture du poste frontière de Semalka (avec l’Irak), confinement des personnes présentant des symptômes suspects, restrictions de circulation. Mais le système de santé dans le nord-est de la Syrie pourra difficilement lutter efficacement contre la pandémie quand celle-ci touchera le Rojava : il n’existe aucun test de dépistage, les hôpitaux sont sous-équipés, le départ des ONG a isolé un peu plus cette région meurtrie, et le manque de personnel soignant est prégnant depuis des mois.

Dans ce contexte, la situation des personnes incarcérées dans des prisons-mouroirs insalubres et surpeuplées et dans les camps, en particulier la situation des 300 enfants français prisonniers avec leurs mères, risque de devenir rapidement dramatique en cas de propagation du virus. Il semble que le virus ne s’attaque pas ou peu aux enfants, qui sont néanmoins susceptibles de le propager. Mais les enfants détenus dans ces camps sont des enfants affaiblis, dénutris, carencés, souvent malades. En dehors de toute épidémie, 371 enfants sont décédés dans le seul camp de Al Hol en 2019. Ces enfants sont donc exposés, ainsi que leurs mères, à contracter le Covid-19 et toutes formes de maladies les plus graves.

Les camps de déplacés et de prisonniers en Syrie connaissent déjà depuis des mois un désastre sanitaire qui n’a fait que s’accentuer. Dans le désert médical syrien, les camps, disposant d’antennes médicales très largement insuffisantes, risquent de connaître une hécatombe : les enfants des camps, et les 300 enfants français que notre pays maintient dans ces camps, sont d’ores et déjà en danger face à l’évolution de la maladie.L’administration kurde prévoit de placer le camp de Al Hol en quarantaine, et s’inquiète de la situation sanitaire de ce camp, où de multiples autres maladies, notamment la tuberculose, font déjà des ravages. D’ores et déjà, les incertitudes concernant les commerces opérant dans les camps et la distribution de nourriture, les problèmes d’alimentation en eau, mettent toute une population, et surtout les enfants  –  privés de soins et d’hygiène, manquant de nourriture –  dans un état d’extrême vulnérabilité face à un mal qui peut frapper à tout moment.

La solidarité nationale et internationale pour lutter contre la pandémie bat son plein. La France déploie justement tous les moyens pour aider les Français bloqués à l’étranger, et pour rapatrier ceux qui le demandent. Les seuls français exclus de toute solidarité, les seuls français qui semblent ne devoir bénéficier d’aucune sorte d’aide, sont les français prisonniers au Levant, et en particulier 300 enfants qui survivent dans les camps syriens. Ces enfants sont innocents, ils n’ont pas choisi de partir en Syrie ou en Irak, ni d’y naître. Ils souffrent et meurent pourtant depuis des mois et des années en attendant en vain de pouvoir rentrer dans leur pays.

Le Collectif des Familles Unies réclame depuis des années le rapatriement de tous les enfants français prisonniers en Syrie et de leurs parents. Ces enfants sont à présent pris au piège d’un pays en guerre qui risque de souffrir durement de l’épidémie en cours. La solidarité nationale ne peut pas exclure ces enfants, elle ne peut pas les laisser mourir dans ces conditions sans leur venir en aide, comme tous les français isolés, malades et souffrants. Face à une telle pandémie, les autorités françaises, qui auraient pu depuis des mois rapatrier ces enfants, sont et seront responsables de leur sort. 

Le 23 mars 2020.

Lettre ouverte à Madame la Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme

Tant que la France viole délibérément la Convention Internationale des Droits de l’Enfant,elle n’est pas moralement qualifiée pour présenter sa candidature au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies

Paris le 22 février 2020

Madame la Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme,

L’association « Collectif des Familles Unies » représente plus d’une centaine de familles françaises dont des proches, sous l’influence de l’idéologie totalitaire et mortifère de Daesh, ont rejoint les zones de combat en Syrie et en Irak. Notre Collectif milite pour que les femmes et les hommes français prisonniers en Syrie et en Irak soient rapatriés en France pour y être jugés, et que leurs enfants innocents puissent retrouver une vie normale dans leur pays.

Nous apprenons que M. Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, doit se rendre dans les jours prochains à Genève pour assister à l’ouverture de la 43e session du Conseil des Droits de l’Homme et présenter la candidature de la France au Conseil des Droits de l’Homme.

Notre Collectif tient à attirer votre attention sur le fait que la France ne respecte ni le droit international humanitaire, ni la Convention Internationale des Droits de l’Enfant s’agissant de ses propres ressortissants prisonniers en Syrie et en Irak et en particulier de ses enfants.

À ce jour, entre 250 et 300 enfants français sont prisonniers avec leurs mères (une centaine de femmes) dans les camps de Roj et Al Hol, dans le nord-est de la Syrie, et survivent comme ils le peuvent dans des conditions épouvantables. Ces enfants, dont la grande majorité a moins de 6 ans, sont prisonniers depuis huit mois pour certains et jusqu’à deux années pour d’autres. À ce jour, la France n’a rapatrié que 17 enfants, dont 15 orphelins, sur des critères opaques, arbitraires et discriminatoires.

Notre pays refuse d’organiser le rapatriement de tous ces enfants au prétexte que leurs mères doivent être jugées « sur place » alors que la France est le seul pays à avoir engagé des procédures judiciaires à leur encontre, qu’elles sont donc détenues arbitrairement, que les Forces Démocratiques Syriennes n’ont pas la capacité juridique de les juger et ne cessent d’appeler à leur rapatriement, et qu’aucune juridiction pénale internationale ne peut être mise en place dans une zone aussi instable. À ce jour, au niveau national, le Défenseur des Droits, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, et le coordonnateur des juges antiterroristes français ont appelé au rapatriement des enfants et de leurs mères en demandant que cessent les « traitements inhumains et dégradants » qui leur sont infligés. Tout comme vous, Madame la Haute-Commissaire, le secrétaire général de l’ONU, le Conseil de l’Europe, le Parlement européen, la Croix-Rouge, et l’UNICEF se sont alarmés de la situation et ont appelé au rapatriement des enfants dans leurs pays d’origine.

La France fait la sourde oreille, et laisse depuis des mois et des années des enfants français périr dans les camps syriens sans soutien, sans soins, sans aide psychologique, et sans éducation : tous sont privés de liberté et de sécurité, et survivent tant bien que mal dans des conditions climatiques épouvantables. 371 enfants sont morts en 2019 dans le seul camp d’Al Hol, et la France persiste à abandonner ces enfants dans un pays en guerre, au beau milieu d’un désastre humanitaire dénoncé de toutes parts. Elle choisit de les maintenir en détention arbitraire et de les exposer au pire alors que les Forces Démocratiques Syriennes qui les détiennent n’ont de cesse de réclamer leur rapatriement. 

Notre pays déclare vouloir s’engager, entre autres, pour « la protection des défenseurs des droits » : un signe fort de cet engagement, au-delà des déclarations d’intention, serait de respecter la décision du Défenseur des Droits du 22 mai 2019 qui a clairement exhorté la France à adopter « toutes mesures effectives permettant de faire cesser les traitements inhumains et dégradants ainsi que la détention arbitraire d’enfants français et de leurs mères dans les camps sous le contrôle des forces démocratiques syriennes au nord de la Syrie. »

Aussi, tant que la France — par son refus de sauver ces enfants — violera délibérément les dispositions de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et restera sourde aux injonctions du Secrétaire général de l’ONU et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unis, elle ne saurait être qualifiée moralement pour présenter sa candidature au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.

Par la présente, nous vous demandons, Madame la Haute-Commissaire, de bien vouloir rappeler à la France ses engagements en matière de protection de l’enfance et en matière de droit international humanitaire.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Haute-Commissaire, l’expression de nos sentiments distingués.

Le Collectif des Familles Unies

VAGUE DE FROID ET NEIGE DANS LE NORD DE LA SYRIE : 300 ENFANTS FRANÇAIS EN DANGER SOUS DES TENTES DANS LES CAMPS DE ROJ ET DE AL-HOL.

Combien de temps les enfants vont-ils tenir encore sous les tentes & dans le froid glacial  ?

Un froid glacial s’est abattu sur le nord-est de la Syrie, où les températures sont tombées à moins 10 degrés certaines nuits. Les prévisions météo indiquent des températures en dessous de zéro les prochaines nuits. Il neige, et des pluies de grêlons s’abattent sur les camps.


Dans les camps de Roj et de Al Hol, des milliers d’enfants vivent sous les tentes avec leurs mères, et parmi eux 300 enfants français que le gouvernement se refuse toujours à rapatrier. Ces enfants sont malades, ils souffrent de carences et de traumatismes, ils ont froid. Les poêles à gaz que les familles utilisent sous les tentes sont d’une extrême dangerosité : de nombreuses tentes ont déjà brûlé suite à des accidents occasionnés par ces poêles. Dans ces conditions, et dans ces températures glaciales, la vie et la santé des enfants sont en grave péril.

Ces enfants, dont la grande majorité a moins de dix ans, dont beaucoup de nourrissons, sont prisonniers des camps syriens depuis huit mois pour certains, depuis deux ans pour d’autres. Ces enfants sont français, ils ont le droit absolu de revenir dans leur pays. Les autorités kurdes, qui les détiennent, demandent depuis des mois aux pays concernés, et à la France de rapatrier ces enfants et leurs parents. En 2019, dans le seul camp de Al Hol, 371 enfants sont morts de maladie, de blessures, de froid. Comment nos gouvernants peuvent-ils être à ce point indifférents devant la souffrance des enfants ?

Le Président Macron a déclaré que la France « est une nation qui n’abandonne jamais ses enfants, quelles que soient les circonstances et fût-ce à l’autre bout du monde. » Le gouvernement a su prendre les mesures qu’il fallait pour rapatrier les Français résidant à Wuhan, en Chine, confrontés à l’épidémie de coronavirus.

IL FAUT AUSSI RAPATRIER D’URGENCE LES ENFANTS FRANÇAIS PRISONNIERS EN SYRIE ET LEURS MÈRES, CONFRONTÉS À UNE VAGUE DE FROID EXTRÊME QUI MENACE LEURS VIES. 

Communiqué du Collectif des Familles Unies suite aux déclarations de Jean-Yves Le Drian (RTL, 2 février 2020)

Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires Étrangères, a affirmé encore une fois, le 2 février 2020, que les ressortissants français prisonniers en Syrie et en Irak devaient être jugés sur place. Reconnaissant que tout procès est impossible pour l’instant en raison de l’état de guerre et de l’instabilité chronique de la région, il a repoussé le « processus de jugement » à la conclusion d’un hypothétique « dispositif de paix ». Le Collectif des Familles Unies rappelle que la guerre en Syrie entre dans sa neuvième année, et que le seul « dispositif de paix » actuellement en cours (parallèlement à des « pourparlers » qui n’aboutissent à rien) est incarné par la victoire progressive et inéluctable de Bachar Al Assad sur une grande partie du territoire syrien et par l’offensive meurtrière sur la région d’Idlib, où des centaines de civils, dont de nombreux enfants, sont tués. Après la victoire à Idlib, Bachar Al Assad n’a jamais caché son intention de réunifier toute la Syrie sous sa gouvernance, y compris le territoire de l’Administration autonome kurde, où se trouvent les prisons et les camps dans lesquels survivent actuellement 300 enfants français dans des conditions épouvantables.
 
L’objectif des autorités françaises serait-il, après l’organisation et la « sécurisation » d’un Guantanamo pour Français et Européens — Guantanamo qui enferme aussi des centaines d’enfants — de livrer les ressortissants français, y compris les enfants, à la « justice » syrienne et aux prisons du régime de Bachar Al Assad ? Faut-il rappeler que la France considère encore Assad comme un criminel de guerre, que des milliers de Syriens et de Syriennes ont été torturés, violés, exécutés dans des conditions atroces à l’intérieur de ces prisons syriennes ? Abandonner les ressortissants français en Syrie en attendant un « dispositif de paix » qui ne peut être que la victoire de Bachar Al Assad à court et moyen terme, c’est les livrer soit à Daesh, qui réussit désormais à récupérer un certain nombre de prisonniers et de familles, soit à un régime qui n’hésitera pas à les massacrer ou à les transformer en monnaie d’échange et de chantage.
 
Concernant les enfants, le ministre — tout en reconnaissant qu’ils sont « innocents »— persiste à ne vouloir les rapatrier qu’au « cas par cas » et au compte-gouttes, en les séparant de leurs mères et en introduisant confusément une notion d’âge (« moins de six ans »), qui ne repose sur aucune base juridique et que nous considérons comme une ignominie supplémentaire. Le Collectif des Familles Unies estime que séparer les femmes et les enfants en Syrie, ramener des enfants tout en abandonnant leurs mères (et sans doute certains de leurs frères et sœurs) dans l’horreur des camps est contraire aux principes fondamentaux de la protection de l’enfance, à la Convention Internationale des droits de l’enfant, à l’intérêt supérieur de l’enfant. Quel enfant ramené en France après avoir été arraché à sa mère supportera de la savoir périr sous la tente qui fut la sienne des mois et des années durant ? Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik et l’UNICEF rappelaient encore récemment : « Il est essentiel de ne pas les séparer ni de les emmener loin de leur mère, et de maintenir le lien affectif qui a pu se construire. » L’ONU, la Croix-Rouge, le Conseil de l’Europe, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, ont également appelé sans ambiguïté aucune la France à rapatrier les enfants avec leurs mères.
 
Le refus du rapatriement est non seulement une faute sur le plan sécuritaire, confirmée par tous les plus grands spécialistes de l’anti-terrorisme, mais il témoigne d’un manque d’humanité sans précédent dans l’histoire récente de la France de la part de nos gouvernants. Sur le congé de deuil d’un enfant, le Président Macron a demandé au gouvernement de « faire preuve d’humanité ». Pour célébrer le trentenaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, le Président Macron a rappelé que les droits des enfants « ne sont pas respectés partout » et que « notre premier combat est celui de l’éducation et de la petite enfance ». Face aux enfants français innocents et victimes de guerre, qui souffrent, qui ont faim et froid, qui survivent misérablement et qui meurent dans les camps syriens, nous demandons au Président Macron de respecter sa parole et ses engagements, et de « faire preuve d’humanité. »
 
Paris, le 2 février 2020

URGENCE : enfants français prisonniers en Syrie

Madame la Députée,
Madame la Sénatrices,
Monsieur le Député,
Monsieur le Sénateur,
 
La situation des enfants français prisonniers avec leurs mères dans le nord-est de la Syrie, dans les camps de Roj et de Al-Hol, ne fait que se détériorer de jour en jour. 
 
La situation dans la région est d’une grande instabilité. Le chaos règne en Irak et les forces de Bachar Al Assad gagnent du terrain en Syrie. L’invasion turque a replongé le nord-est du pays dans la guerre. Cependant, en ce moment même, un calme sans doute précaire règne dans les territoires contrôlés par l’Administration autonome kurde, qui permet à plusieurs pays de rapatrier certains de leurs ressortissants. Il est donc temps d’agir, avant que les hostilités embrasent de nouveau la région.
 
Le Collectif des Familles Unies a écrit une lettre au Président de la République pour lui rappeler que le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, à qui il a confié la direction de la Commission sur les « 1000 premiers jours de l’enfant », a récemment appelé, avec l’UNICEF, au rapatriement de ces enfants et de leurs mères. Nous vous proposons de lire cette lettre, et d’accepter d’insister auprès du gouvernement pour que ces rapatriements se fassent le plus vite possible (lettre dont vous trouverez copie ci-dessous).

Pour vous permettre de mieux appréhender l’urgence d’agir pour sortir ces enfants de cette situation tragique, nous vous proposons de voir ou revoir ce documentaire, de Sophie Parmentier et Hélène Lam Trong, « Daesh. Les enfants du soupçon », déjà diffusé sur TV5 (voir les liens ci-dessous) :

https://www.france.tv/documentaires/societe/1146485-daech-les-enfants-du-soupcon.html  

https://www.youtube.com/watch?v=bg3qzZwA80E

Et nous vous proposons également la lecture du livre de Marie Dosé, Les victoires de Daesh, qui vient de sortir chez Plon.

Tout en vous souhaitant nos meilleurs voeux pour la Nouvelle Année 2020, nous vous prions d’agréer, Madame la Députée, Madame la Sénatrices, Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur, l’expression de nos respectueuses salutations.

Le « Collectif des Familles Unies » 
collectiffamillesunies@gmail.com
www.famillesunies.fr
________________________________________________________________________
Monsieur le Président de la République,

Vous avez confié au Professeur Boris Cyrulnik la direction d’une commission d’experts qui élabore le « parcours des 1000 jours de la petite enfance ». Cette commission doit rendre ses conclusions en avril prochain. Sur votre compte Twitter, vous venez d’indiquer : « Votre avis compte ». Nous nous permettons donc de vous redonner notre avis sur une tragédie qui concerne la situation d’enfants français.

Notre Collectif représente plus d’une centaine de familles dont les petits-enfants, neveux ou nièces, sont prisonniers avec leurs mères dans les camps de Roj et de Al-Hol, dans le nord-est de la Syrie. À ce jour, 250 à 300 enfants français survivent dans ces camps dans des conditions épouvantables, certains depuis deux ans, et la France n’a rapatrié à ce jour des camps syriens qu’une vingtaine d’enfants. Pourtant, la situation ne fait que se dégrader dans les camps : 371 enfants sont morts dans le camp de Al Hol en 2019, de maladie, de blessures ou de malnutrition ; des femmes sont emprisonnées et leurs enfants sont laissés à l’abandon dans les camps ; des adolescents sont emprisonnés sans raison dans des geôles sordides ; le froid devient de plus en plus intense, surtout la nuit.

Trente ans après la signature par la France de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, vous remarquez que « ces droits ne sont pas respectés partout » et que « nous ne sommes pas au bout du chemin ». Vous avez raison, mais nous avons malheureusement la certitude que ces droits des enfants ne sont pas respectés dans les camps du nord-est de la Syrie, et que la France ne suit pas ce « chemin » du respect des droits de l’enfant dans toutes les situations où des enfants français sont en danger, en particulier en refusant de rapatrier des enfants innocents de Syrie, dont une bonne partie, sont dans ces « 1000 jours » si essentiels, et dont certains sont même nés dans les camps.

Le Professeur Cyrulnik, dans une tribune publiée le 3 novembre 2019 avec le président d’UNICEF France, rappelle, après avoir indiqué qu’il était urgent que ces enfants français prisonniers soient rapatriés : « Unicef exhorte depuis plusieurs mois les États à s’acquitter du devoir qui est le leur de protéger tout enfant de moins de 18 ans,conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide). Pour la France, cette responsabilité s’étend à tous ses enfants associés à des groupes armés sur leur territoire ou à l’étranger, ainsi qu’aux enfants de ressortissants français, où qu’ils soient nés. »

Le Professeur Cyrulnik ajoute : « S’il est vrai que tous les enfants exposés aux conflits armés ont vécu des traumatismes, il a été aussi prouvé qu’ils sont capables de résilience en dépit des privations et des violences extrêmes qu’ils ont subies, s’ils sont accompagnés et aidés. Il est essentiel de ne pas les séparer ni de les emmener loin de leur mère, et de maintenir le lien affectif qui a pu se construire. » Et il conclut, avec l’UNICEF : « Ces enfants doivent être traités comme des victimes et non comme des criminels, conformément aux dispositions de la Cide. Tous les enfants ont les mêmes droits. Ils sont inaliénables et reconnus comme tels. N’abandonnons pas ces enfants. »

Tous les enfants français prisonniers en Syrie sont fragiles et vulnérables, tous ont droit à la vie, et pas seulement certains d’entre eux ramenés au compte-gouttes ou au « cas par cas ». Ce que la France peut faire sur le « chemin » du respect des droits de l’enfant, dont vous avez parlé, la France doit le faire, conformément à ses engagements et conformément à ses valeurs.

Nous vous demandons, Monsieur le Président, d’entendre la douleur de ces enfants, et d’écouter la voix du Professeur Cyrulnik, à qui vous avez accordé votre confiance en lui confiant la direction de cette commission sur les « 1000 premiers jours de l’enfant », en rapatriant tous les enfants français prisonniers en Syrie, avec leurs mères.

En vous adressant tous nos meilleurs vœux pour la Nouvelle Année 2020, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre profond respect.

Paris le 27 janvier 2020

Communiqué du Collectif des Familles Unies sur les conditions de détention des condamnés à mort français en Irak et les risques d’exécution

Le 23 janvier 2020

Les onze Français condamnés à mort en Irak en mai et juin 2019 subissent depuis leur condamnation des tortures, des sévices, des maltraitances physiques et psychiques dans la prison Al Rosafa à Bagdad. Dans un courrier parvenu à leurs familles, des prisonniers parlent de « tortures et d’humiliations », de « menaces incessantes » de la part de certains gardiens. Les prisonniers sont prévenus par les miliciens qui les gardent qu’ils seront bientôt exécutés, dans cette prison ou après un transfert dans la prison de Nassiriyah, dans le sud de l’Irak. D’après nos informations, tous les prisonniers ont été sévèrement battus lors de leur transfert de la prison Al-Muthana vers la prison Al Rosafa, en septembre dernier, et certains prisonniers font l’objet de passages à tabac et de sévices réguliers. Certains présenteraient d’ores et déjà des séquelles physiques et psychiques graves. Les Français prisonniers sont incarcérés dans des cellules où se côtoient 60 à 70 détenus, prisonniers de droit commun, combattants de Daesh ou personnes suspectées d’avoir appartenu à l’organisation et détenus chiites : il est à craindre que placer ainsi dans un même endroit exigu des personnes qui se haïssent n’ait pas d’autre but que d’espérer qu’ils s’entre-tuent. Les détenus français, considérés comme des renégats par des adeptes de Daesh et comme des terroristes sunnites par les chiites, risquent leur vie à tout moment.

Ces prisonniers français ont déjà été torturés lors de l’instruction de leur procès, de février à mai 2019, suite à leur transfert de Syrie en Irak organisé par les autorités françaises.

Lors d’une visite du président irakien Barham Saleh à Paris, le 25 février 2019, ce dernier a évoqué le « partenariat exemplaire » entre la France et l’Irak. A cette occasion, le Président Macron avait précisé que si des ressortissants français étaient jugés en Irak, ceux-ci « seraient en droit de demander la protection consulaire. » Il précisait que « nous nous assurerons que s’ils sont condamnés à la peine de mort, celle-ci soit commuée dans une peine à la perpétuité. »

Si des visites consulaires ont effectivement eu lieu en juin et juillet 2019, lors du séjour des détenus dans la prison Al Muthana, avec y compris durant cette période des possibilités de contact avec leurs familles, il n’y a plus eu de visite consulaire entre le 28 juillet et le 17 décembre 2019. Lors de la visite consulaire du 17 décembre, le représentant du consul de France à Bagdad a dit aux prisonniers qu’il ne pouvait « rien faire pour eux ».

La dernière communication téléphonique des prisonniers avec leurs familles date du 1er septembre. Les comptes rendus de la dernière visite consulaire du 17 décembre faits aux familles par le Ministère des Affaires étrangères ont été d’une brièveté accablante : rien n’a été communiqué sur leur état de santé, leurs conditions de détention, les procédures d’appel suite à leur condamnation à mort, – malgré le fait que le représentant du consul se soit entretenu avec chaque détenu, et que M. Le Drian se soit rendu en octobre à Bagdad. Aucune famille n’a pu obtenir de visa pour l’Irak pour rendre visite aux détenus.

La France s’honore d’être un pays abolitionniste qui condamne toute forme de torture et de mauvais traitements infligés à des prisonniers, quels que soient les crimes dont on les accuse. Malgré cela, les autorités françaises ont organisé le transfert de ressortissants français vers un pays qui applique la peine de mort, et dont la pratique de la torture en prison, y compris sur des enfants, est largement documentée par les organisations humanitaires internationales.

Le Collectif des Familles Unies demande au gouvernement d’intervenir pour faire cesser toute forme de traitements inhumains et dégradants infligés aux prisonniers et pour que les peines de mort soient effectivement commués, selon l’assurance du Président de la République exprimée en février 2019. Il demande également qu’une protection consulaire effective soit exercée, ce qui n’est pas le cas actuellement. À l’instar de la représentante spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, nous demandons également le transfèrement de ces prisonniers en France pour qu’ils puissent faire face à un procès équitable.

Ce qui se passe actuellement avec les détenus français de Daesh en Irak, mais aussi en Syrie, n’a rien à voir avec la justice, et s’apparente plutôt à la vengeance et à l’extermination. Les mises à mort, les tortures et les mauvais traitements ont été ainsi délégués, comme notre justice, à un État tiers. Un État de droit qui accepte ainsi d’utiliser les méthodes de l’adversaire et renie ses principes ne fait que renforcer l’idéologie qu’il prétend combattre.Le 23 janvier 2020

Communiqué du Collectif des Familles Unies à propos des déclarations de Madame Nicole Belloubet, Garde des Sceaux

Paris, le 12 janvier 2020

Les déclarations de Madame Nicole Belloubet le 11 janvier 2020 sont parfaitement cohérentes avec la décision prise par ce gouvernement, il y a tout juste un an, de rapatrier les Français mineurs et majeurs détenus dans le nord-est syrien.

Le 31 janvier 2019, Madame Belloubet affirmait en effet : « Nous avons fait un choix, qui est celui de la préférence du contrôle et donc du rapatriement en France ». Elle précisait par ailleurs que « la situation nouvelle, qui est liée notamment au retrait des forces américaines a bouleversé la donne et évidemment nous nous préparons à un éventuel retour des Français qui sont actuellement au nord de la Syrie »

Monsieur Edouard Philippe, Premier Ministre, avait pris soin de confirmer et d’expliquer cette décision le même jour : « Ce que je souhaite surtout, c’est qu’ils ne disparaissent pas. Je ne veux pas qu’ils soient dispersés, qu’ils repartent en liberté pour continuer leurs activités. S’ils sont expulsés, je préfère qu’ils soient jugés et condamnés (…) en France plutôt qu’ils se dispersent dans la nature pour fomenter d’autres actions, y compris contre nos pays ». 

Le choix du gouvernement de rapatrier les enfants et leurs parents détenus en Syrie était donc pesé, mûri, et assumé. Ce choix était et demeure celui de la raison. Cette décision de rapatriement a été annulée au dernier moment, et un autre choix semble l’avoir emporté au sein du gouvernement, celui du déni de nos valeurs et des conventions internationales, celui d’une terrible inhumanité envers les enfants français prisonniers : livrer et tenter de livrer nos ressortissants à un pays où peine de mort, procès inéquitables et torture sont la règle, et maintenir des enfants innocents prisonniers dans des conditions épouvantables. 

Depuis lors, le retrait partiel des troupes américaines a permis à la Turquie de mener à bien son offensive militaire ; les troupes de Bachar al-Assad continuent de progresser ; le chef de l’Etat Islamique aujourd’hui décédé a appelé les cellules dormantes de Daech à aller chercher les enfants et leurs mères détenus dans ces camps ; l’Irak a officiellement fait savoir à la France qu’elle ne jugerait pas ses ressortissants en lui signifiant ne pas vouloir devenir « une poubelle à djihadistes » ; la révolte des Irakiens contre les autorités de ce pays gronde un peu plus chaque jour ; l’assassinat ciblé du général Soleimani a poussé à son paroxysme l’instabilité de toute cette zone.

En janvier 2019, l’instabilité géopolitique et la perspective d’un retrait des troupes américaines avaient conduit ce gouvernement à décider du rapatriement de tous les ressortissants français. Comment pourrait-il en être différemment aujourd’hui alors que la situation n’a eu de cesse de s’aggraver? 

Les Français ne seront pas jugés en Irak et la création d’un tribunal international est inconcevable dans un tel contexte géopolitique. Tous sont judiciarisés dans un seul pays : la France. Les laisser dans cette zone de guerre revient à les livrer à court et moyen terme à Daech ou à Bachar Al-Assad.

La voix de Nicole Belloubet, qui s’exprime de nouveau après un an d’une politique qui ne prenait en compte ni le droit, ni la sécurité, ni la protection de l’enfance,  est celle de la raison et de la cohérence. Elle répond à un impératif sécuritaire et humanitaire incontestable. Lutter efficacement contre Daech, c’est aussi ne pas renoncer à nos valeurs fondamentales : c’est sauver des enfants innocents et rapatrier nos ressortissants pour éviter de repeupler les rangs de Daesh.

Le Collectif des Familles Unies