LA FRANCE RAPATRIE 25 ENFANTS DE SYRIE, MAIS LAISSE DES DIZAINES D’AUTRES ENFANTS FRANÇAIS DANS LES CAMPS

Enfants dans les camps de Roj en Syrie

Communiqué du Collectif des Familles Unies du 4 juillet 2023

La France vient de rapatrier 25 enfants et 10 femmes du camp de prisonniers Roj, dans le nord-est de la Syrie. C’est la quatrième opération de rapatriement depuis juillet 2022. Les enfants et les femmes rapatriés étaient détenus depuis plus de 4 ans, plus de 5 ans pour certains. 

On ne peut bien entendu que se réjouir de cette opération, qui sort de l’enfer des camps des enfants malades, blessés, traumatisés par des années de captivité. Mais, outre le fait qu’ils auraient pu et dû être secourus depuis des années, l’État français laisse dans les camps des dizaines d’enfants français, sans doute une centaine, tout aussi vulnérables, tout aussi traumatisés et tout autant en souffrance que ceux qui viennent de rentrer dans leur pays.

Ces rapatriements ont dû être arrachés à un État qui a toujours manifesté un mépris glacial et un immense manque d’humanité pour la vie de ces enfants, pour leur protection, pour leurs droits : il aura fallu la mobilisation d’organisations des droits humains, d’avocats, des familles, de parlementaires, de personnalités, il aura fallu des condamnations internationales infamantes pour « le pays des droits de l’homme » pour que l’État français initie enfin, après des années d’atermoiements, une série d’opérations de rapatriement sans toutefois les mener à leur terme. 

En septembre dernier, la Cour Européenne des Droits de l’Homme condamnait la France à reconsidérer sa politique de rapatriement, entachée d’arbitraire. Elle demandait à la France de mettre en place un organisme indépendant devant lequel l’État français devra justifier ses décisions, en prenant en compte l’intérêt supérieur des enfants, leur « particulière vulnérabilité », leurs besoins spécifiques et les « circonstances exceptionnelles » qui entourent la situation dramatique de ces enfants (détention dans des camps placés sous l’autorité d’un groupe armé non étatique soutenu par une coalition d’États, dont la France ; conditions de vie dans les camps « incompatibles avec le respect de la dignité humaine » ; absence de procédure pour décider du sort des mères détenues dans les camps ; appel des autorités kurdes à rapatrier ces enfants et leurs mères ; appels et prises de position multiples des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, etc.)

Au lieu de respecter l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, l’État français vient de décider de rapatrier certains enfants, selon un critère unique (l’accord de la mère), et d’abandonner les autres à une détention infinie dans un camp sordide, voire, pour ce qui concerne les garçons et les adolescents, dans des centres de « réhabilitation » (en fait : de détention) ou des prisons. En effet, ce qui a été pris en compte dans ce dernier rapatriement, ce n’est ni l’intérêt supérieur de l’enfant, ni sa « particulière vulnérabilité », ni les circonstances « exceptionnelles » qui entourent la situation dramatique de ces enfants, c’est uniquement l’accord de la mère. 

Au tout début du mois de mai, des émissaires du gouvernement français se sont rendus dans le camp Roj. Ils ont convoqué toutes les femmes françaises en entretien individuel et leur ont demandé si elles acceptaient ou non d’être rapatriées avec leurs enfants lors d’un rapatriement qu’ils ont présenté comme étant « le dernier ». Certaines femmes ont refusé, pour de multiples raisons. Plusieurs d’entre elles restent fidèles à une idéologie extrême, d’autres ont tout simplement perdu la raison ou ne sont plus capables du discernement après des années en zone de guerre et en captivité. 

Mais la raison principale qui conduit certaines mères à refuser cette opération de rapatriement est la peur de se séparer de leurs enfants avec lesquels elles ont vécu en symbiose pendant quatre ou cinq ans sous une tente. En les abandonnant ensemble pendant des années, en les contraignant à supporter ensemble les pires conditions de vie durant des années, la France a alimenté un lien fusionnel qu’elles n’imaginent pas s’arrêter brutalement. 

Ces femmes savent qu’en l’état actuel du dispositif de retour, elles seront incarcérées et séparées de leurs enfants à leur arrivée en France. Elles savent qu’elles ne pourront revoir leurs enfants, dans la plupart des cas, qu’après plusieurs mois. Elles savent que leurs familles, elles aussi, seront écartées de la vie de leurs petits-enfants, neveux et nièces pendant des mois et des mois avant de pouvoir les rencontrer. Elles savent que leurs enfants placés en foyer après avoir vécu 24 heures sur 24 avec elles seront exposés à une toute autre violence. Elles savent que les autres pays européens ont choisi une autre voie. Elles savent qu’en Allemagne, en Belgique ou en Suède, le lien entre les mères et les enfants est soigneusement entretenu et que les contacts des enfants avec leur famille élargie sont rapidement mis en place, voire immédiatement à leur arrivée. Les conditions d’accueil des enfants en France doivent être revues et améliorées, et notre Collectif alerte depuis des mois les pouvoirs publics ainsi que les organisations de défense des droits humains et de l’enfance sur ces dysfonctionnements. 

En tout état de cause, et, quelles que soit leurs décisions, aucun enfant français ne peut être abandonné dans ces camps.

Nous considérons, en accord avec l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, en accord avec le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies et le Comité contre la torture des Nations Unies, que c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit dicter toute décision de rapatriement. Cette primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions concernant les enfants est inscrite dans la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée. C’est d’ailleurs ce qu’a répété notre Secrétaire d’État à l’Enfance devant le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies : encore faut-il que des actes suivent ces déclarations.

L’intérêt supérieur des enfants français, de tous les enfants détenus depuis des années dans des camps de prisonniers du nord-est de la Syrie où les conditions de vie sont « incompatibles avec le respect de la dignité humaine », est d’être rapatriés. L’intérêt supérieur des enfants français, ce n’est pas de survivre misérablement sous des tentes, derrière les barbelés d’un camp d’un pays en guerre, privés d’école, privés de soins appropriés, privés de nourriture, sans protection, exposés à l’influence d’idéologies extrémistes et menacés par de multiples dangers. 

Tous les enfants détenus dans les camps sont en danger, tous sont vulnérables, et tous ont droit au rapatriement. Le « défi juridique » (selon l’expression de la Secrétaire d’État à l’Enfance) posé par l’opposition ou les hésitations de certaines mères doit être surmonté et résolu, dans l’intérêt supérieur de leurs propres enfants. Et nous rappelons que les femmes françaises détenues dans les camps font l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par des juges français. Un pays comme l’Irak, qui a durement souffert des exactions de Daech, a décidé de rapatrier ses ressortissants de Syrie, considérant que c’était une obligation sécuritaire majeure : la France devrait prendre enfin la responsabilité de ses ressortissants, au lieu de se défausser sur les autorités locales kurdes, qui demandent depuis des années aux États de rapatrier leurs citoyens.

La France considère, et cela a été rappelé à la récente Conférence d’Oslo sur les enfants dans les conflits armés, que la protection des enfants dans les conflits armés est une « obligation morale universelle ». La France compte-t-elle à présent abandonner et laisser mourir dans les camps et les prisons syriennes les dizaines d’enfants français qui restent encore sur zone ? L’obligation morale universelle de protection de l’enfance, réaffirmée à chaque occasion par notre diplomatie, ne doit pas s’arrêter aux portes des camps de prisonniers Roj et Al-Hol, sinon nos déclarations et nos principes ne valent rien.

Les familles des enfants français toujours détenus en Syrie ne se contenteront pas d’une lettre identique à leur attention signée du ministère des Affaires étrangères leur indiquant qu’« il ne peut être donné de suite favorable à votre demande de rapatriement » et que, par conséquent, leurs petits-enfants peuvent souffrir et mourir dans les camps syriens. Nous demandons au gouvernement de prendre dès à présent toutes les mesures nécessaires pour rapatrier l’intégralité des enfants français détenus en Syrie, ainsi que leurs mères.

Notre combat continuera jusqu’au retour du dernier enfant français prisonnier en Syrie.

Le 4 juillet 2023

Le Collectif des Familles Unies

UN urges states to repatriate ISIS nationals from Syria’s Hawl Camp

UN Secretary-General Antonio Guterres speaks during the UN High-level Conference of Heads of Counter-Terrorism Agencies of Member States at UN Headquarters in New York on June 19 2023 – AFP

North Press agency

QAMISHLI Syria (North Press) – UN Secretary-General Antonio Guterres reiterated on Monday his call for all the member states to accelerate the pace of repatriating their ISIS nationals from Hawl Camp in northeast Syria.

Guterres’ call came during his speech in the UN High-level Conference of Heads of Counter-Terrorism Agencies of Member States at UN Headquarters in New York the US. The UN Counter-Terrorism Week is a biennial gathering of the member states and international counter-terrorism partners.

Guterres said despite the “significant gains over the years terrorism and violent extremism continue to take root and grow” adding that al-Qaeda and ISIS are rapidly deploying in Africa.

“The brutal legacy of Da’esh in Iraq and Syria continue to cast a long shadow over tens of thousands of lives” he warned. 

Two days ago Iraq’s Minister of Defense Thabet al-Abbasi said the Hawl Camp has transformed into an outpost for ISIS members. He urged every nation to repatriate their nationals from the camp and ensure its closure noting that Syria’s northeastern camp has been “a significant cause for concern.”

Guterres commended Iraq and other member states that repatriated their nationals from northeast Syria.

The UN chief pointed out that more than 50000 children women and men still remain in Hawl Camp and other camps and detention centers in northeast Syria.  “I reiterate my call for all Member States to help accelerate the pace of repatriation as an urgent priority.

”Reporting by Jwan Shekaki  

Poverty, inequality and exclusion fuelling terrorism, warns UN chief

© UNICEF/Delil Souleiman UN Secretary-General reminded that more than 50,000 children, women and men remain in Al-Hol and other camps and detention centres.

UN News

19 June 2023 Peace and Security

With terrorism posing a complex, constantly evolving and multi-faceted threat, law-enforcement agencies gathered at United Nations Headquarters in New York on Monday in search of a comprehensive, inclusive, and effective multilateral response.

The day also marked the start of the UN’s Third Counter-Terrorism week

Addressing the delegates at the forefront of a great global effort”, UN Secretary-General Antonio Guterres stressed that terrorism affects every region of the world, while preying on local and national vulnerabilities.

Poverty, inequalities and social exclusion give terrorism fuel. Prejudice and discrimination targeting specific groups, cultures, religions and ethnicities give it flame,” said the UN chief, adding that criminal activities like money laundering, illegal mining, and the trafficking of arms, drugs, stolen artifacts and human beings, help fill terrorist coffers. 

UN counter-terrorism tools

Since terrorism festers in complex crises with no region immune, the response to the threat needs to be multilateral and coordinated, said Mr. Guterres – citing some key UN tools that can help combat the scourge.

He pointed to the UN Global Counter-Terrorism Coordination Compact, which is helping countries implement the Global Counter-Terrorism Strategy.

The UN is helping regional organizations like the African Union, working closely with civil society including victims of terrorism, religious leaders, women and young people, to shape counter-terrorism responses, policies and programmes.  

Four priorities

He said there were four priority areas where the counter-terrorism community should direct its efforts. 

Firstly, he said the UN Global Counter-Terrorism Strategy needed strengthening. This week, the General Assembly is expected to adopt by consensus a resolution reviewing the Strategy. 

The second area of focus needs to be prevention, which means addressing the underlying conditions that lead to terrorism in the first place – such as poverty, discrimination, disaffection, weak infrastructure and institutions and gross violations of human rights. 

This means “more than just foiling attacks and disrupting plots”.  It is also necessary to ensure that counter-terrorism strategies and measures reflect all communities, constituencies and voices. 

Terrorism represents the denial and destruction of human rights, the Secretary-General said.

“And so the fight against it will never succeed if we perpetuate the same denial and destruction.”

Identifying promotion of human rights as the third priority, the Secretary-General expressed his conviction that all counter-terrorism policies and initiatives should be based on respect for human rights. That should include the right to repatriation.

Stain of Syria’s camps

“Despite the territorial defeat of Da’esh over four years ago, more than 50,000 children, women and men still remain in Al-Hol and other camps and detention centres in northeast Syria, subjected to dire security and humanitarian conditions, and human rights abuses,” reminded Mr. Guterres.  

He commended Iraq and other Member States working to repatriate nationals from the camps – and reiterated his call for all Member States to accelerate the pace of repatriation as an urgent priority.   

Proper funding

Finally, he called for more sustainable financing for counter-terrorism efforts.

Thanking Member States for funding already provided, Mr. Guterres warned that funds were running short, with some statutory contributions for the year still unpaid.

He warned that could have far-reaching consequences, both for the UN’s peacekeeping efforts and for the Office of Counter-Terrorism.

A terrorism-free future

There are more than 40 different side events backed by State Members and multilateral organizations due to take place during the week.

“In the names of all those who have suffered and continue to suffer, and in the names of all victims and survivors, let’s intensify our work to create a future without terrorism”, he concluded.

Rapatriement depuis la Syrie : « Ces enfants ne doivent pas être considérés comme autre chose que des victimes », affirme la présidente de l’UnicefLes autorités kurdes en Syrie annoncent vouloir juger sur place les étrangers venus combattre dans les rangs de Daech. Une façon de mettre la pression sur les Occidentaux pour qu’ils rapatrient leurs djihadistes.

La France a rapatrié, mardi, 15 femmes et 32 enfants des camps de prisonniers jihadistes en Syrie. C’est la troisième fois depuis juillet 2022 que le ministère des Affaires étrangères annonce un tel rapatriement.

Dans un camp de prisonniers jihadistes à Roj (Syrie), le 28 mars 2022. Photo d’illustration. (DELIL SOULEIMAN / AFP)

Article rédigé par franceinfo

Publié le 24/01/2023 22:57

« Ces enfants ne doivent pas être considérés comme autre chose que des victimes. Ils ne sont absolument pas responsables des actes commis par leurs parents », a affirmé mardi sur franceinfo Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France alors que les autorités françaises ont procédé dans la matinée du mardi 24 janvier au rapatriement de 15 femmes et 32 enfants français de Syrie, détenus dans des camps de prisonniers jihadistes dans le nord-est syrien.

TÉMOIGNAGE >> Rapatriement d’enfants de Syrie : « J’attendais ce jour depuis des années », confie Sonia, dont le fils avait été kidnappé par son père jihadiste

Adeline Hazan appelle à « accélérer » les opérations de retour, notamment pour la centaine d’enfants encore dans les camps. « C’est une urgence. » L’Unicef plaide également pour que soit « amélioré les conditions de prise en charge de ces enfants » à leur retour.

franceinfo : Comment accueillez-vous ce rapatriement d’enfants de Syrie ?

Adeline Hazan : C’est un progrès incontestablement à saluer et qui augure depuis juillet 2022 d’un changement de politique du gouvernement français. Avant juillet 2002, c’était la politique du retour au cas par cas des enfants. Depuis juillet 2022, c’est la troisième fois qu’il y a à peu près une trentaine d’enfants qui sont ramenés avec leur mère. Nous nous battons à l’Unicef depuis de nombreuses années pour que ces enfants soient tous ramenés. Il en reste à peu près une centaine.

« Il faut absolument accélérer ces retours et faire en sorte que les cent qui restent reviennent dans les plus brefs délais parce qu’il y a un droit à la vie familiale qui est reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant. »

Adeline Hazan, présidente de l’Unicef à franceinfo

Ce qui est dommage, c’est qu’il ait fallu attendre la condamnation de trois organismes internationaux pour que le gouvernement change de politique, la Commission européenne des droits de l’homme, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU et le Comité contre la torture. Il a fallu attendre ces condamnations pour que la France, à la différence de ses voisins européens, change de politique. Maintenant, il faut vraiment que, le plus vite possible, ces enfants rentrent. Ça fait le cinquième hiver qu’ils passent dans des conditions qu’on ne décrit même plus, pas d’eau potable, la santé qui décline. Donc c’est une urgence.

Les mères de ces enfants ne veulent pas rentrer. Que peut-on faire ?

On ne peut pas rapatrier de force les mères. Mais si les mères refusent le départ de leur enfant, on doit considérer que l’enfant est en danger avec la mère, et à ce moment-là, rapatrier l’enfant. Même si on salue cette opération, il y a encore un sujet très important, améliorer les conditions de prise en charge de ces enfants à leur retour. Actuellement, la prise en charge ne se fait pas dans des conditions satisfaisantes. Les enfants sont séparés de leur mère qui est incarcérée. Mais la rencontre avec les familles, les grands parents, les oncles et tantes, elle prend six mois, un an, alors que l’enfant est placé à l’aide sociale à l’enfance.

Ce que nous demandons à l’Unicef, c’est que les investigations sur l’existence d’une famille naturelle – grands-parents, oncles et tantes – soient menées avant l’arrivée des enfants, de façon à ce qu’il y ait au moins un contact avec la famille naturelle à leur arrivée. Et surtout, on constate dans un certain nombre de situations que les mères sont incarcérées à des centaines de kilomètres du lieu où sont placés leurs enfants. Et ça, évidemment, cela ne permet pas le maintien des liens. Alors même que pendant cinq ans, ils ont vécu dans un état de fusion totale.

« On salue cette opération, il faut l’accélérer au maximum et améliorer grandement les conditions de prise en charge de ces enfants une fois qu’ils sont arrivés sur le sol français. Ces enfants ne doivent pas être considérés comme autre chose que des victimes. Ils ne sont absolument pas responsables des actes commis par leurs parents. »

Adeline Hazan, présidente de l’Unicef à franceinfo

Que savez-vous de leur prise en charge et de leur état psychologique, physique quand ils arrivent sur le territoire ?

Nous n’entrons pas directement en contact avec les enfants. En revanche, nous sommes en lien permanent avec les professionnels qui s’en occupent. Nous sommes avec les avocats, avec les médecins qui s’en occupent. Nous avons également sur place des représentants dans l’ensemble des pays de ces régions qui peuvent nous expliquer comment les choses se passent. Donc nous pouvons, au moment de leur arrivée, suivre la réintégration de ces enfants. Nous avons des dispositifs, des programmes. Nous avons un savoir-faire là-dessus et nous pouvons aider les pouvoirs publics à faire une bonne prise en charge en matière de réintégration de ces enfants. Nous sommes à la disposition des pouvoirs publics pour cela.

LES ENFANTS RAPATRIÉS DE SYRIE DONT LES MÈRES COMPARAISSENT EN AUDIENCE PUBLIQUE ONT DROIT À L’ANONYMAT

Communiqué du Collectif des Familles Unies à l’attention de la presse

Le 25 février 2023

Dans les jours qui viennent, des femmes rapatriées en France après avoir séjourné en zone irako-syrienne vont être jugées devant des cours d’assises spécialement composées pour répondre de l’infraction d’association de malfaiteurs à caractère terroriste.

Avec le rapatriement en France de femmes et d’enfants jusqu’alors détenus dans des camps de prisonniers du Nord-Est syrien,  les procès vont se multiplier dans les mois et les années à venir.

Ces procès sont publics, et la presse va en rendre compte. Le nom de ces femmes risque donc  d’être divulgué, sans que cela ne présente aucun intérêt pour l’information du public. Ces femmes ont toutes des enfants, qui ont été rapatriés avec elles et qui portent le même nom qu’elles. Tous ces enfants font l’objet d’une prise en charge soutenue, certains sont placés dans des familles d’accueil, d’autres ont rejoint leur famille ou s’apprêtent à les rejoindre, et la plupart d’entre eux sont scolarisés. 

Livrer au grand public le nom de ces femmes, le diffuser sur internet et sur les réseaux sociaux, c’est aussi et surtout diffuser le nom de leurs enfants en pleine reconstruction et de leurs familles, qui les prennent en charge ou ont vocation à le faire.

Ces enfants ne sont en rien responsables des actes reprochés à leurs parents, ils n’ont pas choisi d’être nés en Syrie ou en Irak, ni d’y avoir séjourné. Ils ont enduré de grandes souffrances et ont besoin d’être protégés et sécurisés. La diffusion du nom de leur mère, donc du nom et de l’identité de leurs enfants, risque de remettre en cause le difficile travail de reconstruction, de réparation et de réinsertion, amorcé par les familles et les professionnels de l’enfance, et risque aussi de les stigmatiser injustement.

A l’heure où il suffit de taper le nom d’une personne sur un moteur de recherche pour que toute une histoire apparaisse, sous une forme parfois approximative,  biaisée et en l’espèce nécessairement anxiogène, – le nom de ces enfants doit rester inconnu.

Le respect de l’intérêt supérieur de ces enfants exige que le nom de leur mère, parce qu’il est le leur, ne soit pas rendu public, ce d’autant que le parcours de ces femmes sur zone et celui de leurs enfants sera disséqué à l’audience.

Nous, grands-parents, oncles, tantes, familles de ces enfants, voulons les protéger et garantir autant que faire se peut leur droit à l’oubli. C’est de protection de l’enfance qu’il s’agit, du droit des plus vulnérables à ne pas être exposés à un traitement médiatique qui risque de leur porter préjudice, de les blesser, de les stigmatiser, d’influer négativement sur leur avenir.

Nous demandons donc aux journalistes qui suivent ces procès et qui vont en rendre compte de préserver l’anonymat de ces enfants, en évitant de publier les noms de famille de leur mère. Divulguer le nom de ces femmes n’apporte rien au débat judiciaire, et pourrait s’avérer catastrophique pour les enfants rentrés en France et leurs familles.

Le 25 février 2023.

Le Collectif des Familles Unies

32 enfants et leurs mères rapatriés de Syrie. Il reste une centaine d’enfants dans les camps. Pas une seul enfant français ne doit rester dans les camps en Syrie

Communiqué du Collectif des Familles Unies du 240123

32 enfants français et 15 femmes viennent d’être rapatriés de Syrie. Ils étaient détenus dans le camp de prisonniers Roj, dans le nord-est de la Syrie, depuis quatre ans ou plus. 

C’est la troisième opération d’ampleur effectuée par la France depuis que notre pays a abandonné la politique du « cas par cas » (qui n’avait permis que le rapatriement de 35 enfants, la plupart orphelins, entre 2019 et 2021) et le refus systématique de rapatrier les mères, qui prévalaient jusqu’en juillet 2022. 

La France a été condamnée par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies en février 2022 pour violer le droit à la vie des enfants français en ne les rapatriant pas, elle a été condamnée en septembre 2022 par la Cour Européenne des droits de l’homme pour l’arbitraire de sa politique de non-rapatriement, elle vient d’être condamnée par le Comité contre la torture des Nations Unies pour exposer des enfants à des traitements inhumains et dégradants en les abandonnant dans des camps de prisonniers. Triste avalanche de condamnations internationales pour un pays dont les dirigeants se réclament des droits de l’homme, de l’Etat de droit, de l’esprit des Lumière, de la protection de l’enfance ou de l’humanisme.

Ce rapatriement de 32 enfants est donc bien sûr une bonne nouvelle : 32 enfants ont été sauvés de l’enfer des camps, après des années de captivité. Ces enfants auraient pu être rapatriés depuis des années, et personne ne leur rendra ces années d’enfance perdues derrière des barbelés, mais ils vont pouvoir enfin revivre dans la sécurité, retrouver une vie d’enfant, aller à l’école, rejoindre leur famille qui les attend depuis si longtemps.

Mais il reste encore une centaine d’enfants français dans le camp de prisonniers Roj. La France a le devoir de les protéger et de les rapatrier, comme les autres. Après la politique du « cas par cas », la nouvelle « doctrine » française est à présent de ramener les enfants dont la mère a demandé expressément le rapatriement. Pour notre Collectif, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant, et lui seul, qui doit être pris en compte dans la politique de rapatriement.

Parmi la cinquantaine de femmes françaises qui restent avec leurs enfants dans le camp de prisonniers Roj, il y a des femmes qui demandent depuis longtemps leur rapatriement. D’autres femmes ont exprimé d’une manière ou d’une autre leur refus de retourner en France, pour des raisons qui peuvent être diverses (fidélité à l’idéologie de Daech, espoir d’être rapatriée dans un pays tiers, refus d’être séparée de leurs enfants après des années de vie en symbiose sous une tente, pression d’autres femmes, effets d’un enfermement prolongé avec les enfants…) D’autres enfin n’ont encore rien demandé, ou ont exprimé des avis confus et fluctuants.

Pour le Collectif des Familles Unies, le refus de certaines femmes d’être rapatriées en France ne saurait prévaloir sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Et l’intérêt supérieur des enfants français des camps syriens, ce n’est pas de croupir indéfiniment dans un camp de prisonniers, sans protection, sans soins ni école, soumis à des traitements inhumains et dégradants, en contact permanent avec l’endoctrinement extrémiste qui prévaut dans les camps. L’intérêt supérieur des enfants est également d’être rapatrié avec leur mère, d’autant que les autorités kurdes ont maintes fois affirmé qu’elles refusaient le rapatriement des enfants sans les mères (même si elles ont dérogé plusieurs fois à ce principe). Dès lors, TOUS les enfants doivent être enlevés de l’enfer des camps et rapatriés, pour respecter leur intérêt supérieur, que leur mère soit d’accord ou pas. L’intérêt supérieur des enfants, tout comme des raisons de sécurité pour notre pays souvent évoquées, exigent un rapatriement des enfants et de leurs mères. Nous rappelons que toutes les femmes françaises détenues en Syrie font l’objet d’un mandat d’arrêt international ou d’un mandat d’amener émis par un juge français. Ces femmes sont par ailleurs détenues sans droit ni titre par un acteur non étatique, sans possibilité d’accès à un avocat, et ne seront jamais jugées sur place. Elles doivent donc être ramenées, volontairement ou pas, car elles ne sont judiciarisées qu’en France.

En tout état de cause, et dans tous les cas de figure, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit prévaloir, comme l’a rappelé la Cour Européenne des Droits de l’Homme, comme l’ont rappelé les Comités des droits de l’enfant et contre la torture des Nations Unies. Il est grand temps de mettre fin au calvaire de tous les enfants français prisonniers depuis tant d’années dans des camps sordides. Pas un seul enfant français ne doit rester dans les camps du Nord-Est syrien.

Le 24 janvier 2023

Le Collectif des Familles Unies

ENFANTS FRANÇAIS DÉTENUS DANS LES CAMPS SYRIENS : LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE DES NATIONS UNIES CONDAMNE LA FRANCE ET APPELLE AU RAPPATRIEMENT

Communiqué du Collectif des Familles Unies du 21 janvier 2023

La France vient d’être condamnée par le Comité contre la Torture des Nations Unies pour violation de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Plusieurs familles françaises avaient saisi le Comité sur la situation de leurs petits-enfants détenus dans des camps de prisonniers du Nord-Est syrien depuis plusieurs années et le refus de la France de les rapatrier.

Le Comité estime « qu’il existe des informations suffisantes permettant d’établir que les conditions de détention des requérants dans les camps du Nord-est syrien (…) équivalent aux traitements inhumains et dégradants, telles que prohibés par l’article 16 de la Convention. » Dans la mesure où la France a parfaitement connaissance de la détention prolongée et des traitements inhumains et dégradants subis par des ressortissants français dans les camps, elle « a l’obligation positive de les protéger contre une violation effective de leur droit de ne pas être soumis aux actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »  

Considérant que les autorités non étatiques kurdes qui détiennent les enfants français et leurs mères demandent leur rapatriement, considérant également que des rapatriements français ont déjà eu lieu sans que soient signalés d’incidents dans l’exécution de ces rapatriements ou de refus de coopération des autorités kurdes, le Comité estime que la France « a la capacité et le pouvoir de protéger leurs droits [de ces enfants et leurs mères] en prenant des mesures pour les rapatrier. »

En conclusion, le Comité contre la Torture des Nations Unies demande à la France d’assurer le rapatriement des enfants français et leurs mères détenues, dans des conditions inhumaines et dégradantes, dans des camps de prisonniers du Nord-Est syrien.

Après le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, qui estimait en février 2022 que la France violait le droit à la vie des enfants français détenus en Syrie en ne les rapatriant pas, après l’arrêt de la Cour Européenne des droits de l’homme qui condamnait la France en septembre dernier pour l’arbitraire de ses décisions de non-rapatriement, notre pays est de nouveau condamné par une instance internationale. L’État français maintient délibérément depuis 4 ans, depuis 5 ans, des enfants français dans des camps de prisonniers dans des conditions abjectes. L’État français n’a rapatrié, entre 2019 et 2022, que 35 enfants, dont plus de la moitié étaient des orphelins, alors que plus de 2000 enfants et femmes étaient rapatriés des camps syriens par différents pays. Depuis juillet 2022, l’abjecte politique du « cas par cas » semble avoir été abandonnée, et des rapatriements plus importants ont eu lieu, concernant également les mères des enfants. Malgré cela, environ 150 enfants français et leurs mères restent détenus en Syrie : la quasi-totalité des enfants européens encore parqués dans les camps sont des enfants français.

Le Président de la République a déclaré récemment : « L’Europe et le monde attendent que nous défendions partout l’esprit des Lumières menacés dans tant d’endroits. » Ce que l’État français « défend » en Syrie en maintenant depuis des années des enfants derrière des barbelés est le contraire de l’esprit des Lumières, une atteinte intolérable aux droits humains et aux droits de l’enfant, une violence insupportable infligée à des enfants vulnérables, blessés, traumatisés.

Cette ignominie d’État, condamnée de toutes parts, doit cesser. Notre pays doit refermer cette page honteuse de notre histoire en rapatriant sans délai l’intégralité des enfants français et leurs mères détenues dans des camps de prisonniers ou des prisons en Syrie. Pas un seul enfant français ne doit rester prisonnier dans ces camps !

Le 21 janvier 2023

Le Collectif des Familles Unies

3 MOIS APRÈS L’ARRÊT DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME LES ENFANTS FRANÇAIS SONT TOUJOURS DANS DES CAMPS DE PRISONNIERS EN SYRIE

Enfants dans des camps de prisonniers en Syrie

Communiqué du Collectif des Familles Unies du 16 décembre 2022

Le 14 septembre dernier, la Cour Européenne des Droits de l’Homme condamnait la France pour violation du Protocole n° 4 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui stipule que « Nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant », et pour l’arbitraire de ses « décisions » de non-rapatriement des enfants français et de leurs mères détenus dans les camps syriens. La CEDH demandait à la France de mettre en place ou de désigner « dans les meilleurs délais » un organisme indépendant devant lequel l’État devra justifier ses décisions de non-rapatriement, en prenant en compte l’intérêt supérieur de l’enfant et les « circonstances exceptionnelles » qui entourent la situation dramatique des enfants français, détenus depuis des années dans des camps de prisonniers et des prisons du nord-est de la Syrie par « un groupe armé non-étatique ». 

Trois mois plus tard, la majorité des enfants français détenus depuis 2017, 2018 ou 2019 dans des camps sont toujours derrière les barbelés, en Syrie. Deux opérations de rapatriement ont eu lieu en 2022 : une première, en juillet, a permis de rapatrier 35 enfants et leurs mères ; une seconde, en octobre, 40 enfants. Ces opérations se sont déroulées après un an et demi d’absence totale de rapatriement français, tandis que, dans le même temps, nos voisins européens rapatriaient la plupart de leurs ressortissants détenus dans les camps. Alors que la France compte le plus fort contingent d’enfants dans les camps, notre pays a été le plus rétif à prendre des décisions conformes à ses engagements internationaux et à ses principes fondamentaux ; il a tout fait pour retarder les rapatriements et a employé les arguments les plus mensongers pour justifier l’injustifiable : l’abandon d’enfants dans un Guantanamo syrien et la violation systématique de la Convention internationale des Droits de l’enfant que la France a ratifiée il y a plus de 30 ans. L’arrêt de la CEDH avait été précédé, en février 2022, par la condamnation de la France par le Comité des Droits de l’enfant des Nations Unies, garant de l’application de la Convention des droits de l’enfant, pour violation des droits des enfants français détenus dans les camps, en particulier leur droit à la vie.

Car il s’agit bien de cela : du droit à la vie d’enfants français assignés à souffrir dans un pays en guerre, parqués sous des tentes dans des camps insalubres, affrontant des conditions de vie indignes depuis des années, sans soins appropriés, sans école, sans protection. Ces enfants sont des victimes innocentes d’un espèce de châtiment collectif qui leur est infligé pour des fautes commises par leurs parents. Et c’est ce pays, le nôtre, qui exerce cette vengeance ignoble sur des enfants dont la majorité n’a pas plus de 6 ou 7 ans, et qui prétend tout à la fois faire de la protection des enfants dans les conflits armés une « priorité absolue ». Jamais le fossé entre la noblesse des principes affichés sur la protection de l’enfance et l’ignominie du maintien de jeunes enfants en captivité n’a été aussi vertigineux. 

Des centaines de vies d’enfants ont été brisées par cette captivité qui dure et s’éternise. Nous ne rendrons pas ces années d’enfance perdues à ces enfants, mais nous pouvons leur donner dès à présent la possibilité d’avoir un nouveau départ, et l’accès à une vie où ils seront en sécurité, une vie à laquelle ils ont droit. Nous pouvons leur rendre leur droit à l’enfance en les rapatriant tout de suite, en arrêtant de tergiverser, en prenant une décision ferme et immédiate de rapatriement. C’est possible : quand la France rapatriait 35 enfants en juillet, le Tadjikistan en rapatriait 104 20 jours plus tard. 

L’hiver syrien arrive, avec des températures qui peuvent atteindre les moins 10 degrés. D’ores et déjà, il fait très froid la nuit, et la vie dans les camps devient un calvaire pour des enfants affaiblis par des années de captivité. Les enfants et leurs mères vont-ils affronter un quatrième ou un cinquième hiver à souffrir du froid sous des tentes ? Comment peut-on continuer à infliger cela à des enfants ? Comment nos dirigeants politiques qui condamnent année après année des enfants à subir de telles souffrances peuvent-ils encore se regarder dans une glace ?

Les bombardements turcs dans le nord-est de la Syrie ont touché les camps : à Roj comme à Al-Hol, les bruits des bombes effrayent les enfants et les replongent dans l’horreur de la guerre. L’offensive turque déstabilise la région, et Daech menace les camps et les prisons du Nord-Est syrien. Le commandant en chef des Forces Démocratiques Syriennes, forces pro-kurdes qui contrôlent les camps, a déclaré récemment qu’en cas d’offensive terrestre turque, « nos forces seraient occupées à protéger notre propre peuple et nous ne serions pas en mesure de garder les camps ». La catastrophe humanitaire et sécuritaire se poursuit et s’aggrave. Pendant que les enfants sont en danger, à la merci de la guerre et d’une attaque de Daech, la France attend et reste inerte. Face à cette situation, un pays soucieux des droits humains et de protection de l’enfance, soucieux également de préserver sa sécurité à long terme, aurait accéléré les rapatriements, au lieu de les retarder, de les reporter ou de les annuler. La France a rapatrié des dizaines de milliers de français coincés à l’étranger par le COVID. Elle a participé à l’évacuation de milliers de personnes de l’aéroport de Kaboul encerclé par les Talibans. Elle a su accueillir en un temps record des milliers d’enfants ukrainiens. Et elle ne pourrait pas rapatrier en urgence 150 enfants français en danger de mort ? La protection de l’enfance, en France, c’est toujours pour demain. 

Le quinquennat de la protection de l’enfance, promis par Emmanuel Macron en mai dernier, n’a toujours pas commencé pour les 150 enfants français parqués dans les camps de prisonniers syriens. Pour eux, ce n’est pas la protection de l’enfance que la France met en place, mais la destruction de leur enfance qui se poursuit année après année, mois après mois, jour après jour. 

Les familles des enfants français des camps les attendent depuis des années ; elles réclament depuis des années leur rapatriement, et elles se heurtent depuis des années à l’indifférence glaciale de l’État français pour la souffrance des enfants, pour les droits de l’enfant. Les condamnations de la France par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies et par la Cour Européenne des Droits de l’Homme ne laissent pourtant place à aucun échappatoire : c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit guider toute décision, et l’intérêt supérieur de l’enfant, de tous les enfants, ce n’est pas de mourir dans un camp de prisonniers, c’est d’être rapatrié, dans tous les cas et sans aucune exception.

Nos amis de l’association Repatriate the Children, qui ont œuvré en Suède et au Danemark pour le rapatriement des enfants et de leurs mères — la quasi-totalité des enfants suédois et danois ont d’ores et déjà été rapatriés — viennent de lancer cette semaine un appel à l’évacuation immédiate des enfants des camps de prisonniers du Nord-Est syrien et à leur rapatriement dans leurs pays d’origine. Nous nous associons avec force à cet appel : il faut rapatrier tous les enfants des camps, maintenant et sans attendre. Il faut rendre tout de suite leur enfance à ces enfants : la grande majorité des enfants déjà rapatriés se portent bien et retrouvent rapidement une vie « normale », comme l’a montré un récent et important rapport de Human Rights Watch.

Devant la lenteur intolérable de l’État français à rapatrier les enfants des camps et à respecter les injonctions du Comité des droits de l’enfant de l’ONU et de la CEDH, les familles, avec leurs avocats, vont maintenant saisir le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, et multiplier les recours devant les juridictions internes. Et si cette inertie persiste, nous sommes décidés à nous rendre en Syrie, à la rencontre de nos petits-enfants et demandons officiellement au gouvernement français de ne pas s’y opposer comme il l’a fait par le passé. 

L’ignominie et la « maltraitance d’État » contre nos petits-enfants, pour reprendre les termes du psychiatre Serge Hefez, doivent cesser : TOUS les enfants français détenus dans les camps en Syrie doivent rentrer, maintenant.

Le Collectif des Familles Unies

Le 16 décembre 2022.

#RapatriezLes

Recommandations

À tous les gouvernements dont des ressortissants sont détenus dans le nord-est de la Syrie et en Irak

Rapport de Human Rights Watch du 22 novembre 2022

·       Assurer de toute urgence le rapatriement de tous les ressortissants détenus de manière arbitraire dans le nord-est de la Syrie ou faisant l’objet de procès entachés d’irrégularités en Irak, en accordant la priorité aux enfants et à leurs mères, aux personnes qui ont besoin d’une assistance médicale d’urgence et aux autres détenus particulièrement vulnérables.

·       Veiller à ce que toutes les mères ou autres tuteurs adultes ainsi que leurs enfants puissent rentrer dans leur pays immédiatement, sauf preuve péremptoire de ce qu’une séparation serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément aux obligations juridiques internationales relatives à l’unité familiale.

·       Mettre à la disposition des personnes qui retournent dans leur pays des services de réadaptation et de réintégration, y compris un soutien médical et psychosocial. Mener des évaluations individuelles pour adapter l’assistance aux circonstances particulières de chacune de ces personnes, en tenant compte de son genre, de son âge, de ses besoins éducatifs, de sa situation familiale et de son profil culturel.

·       Réévaluer régulièrement les progrès de chaque enfant et apporter un soutien et des services supplémentaires sur une durée prolongée si nécessaire.

·       Veiller à ce que les personnes qui retournent dans leur pays obtiennent les documents appropriés, y compris un acte de naissance et une carte d’identité, et reçoivent le soutien nécessaire pour s’inscrire à des programmes de soins de santé et accéder à d’autres services sociaux.

·       Inscrire le plus tôt possible les enfants en âge d’être scolarisés dans un établissement scolaire ou préscolaire, et fournir des opportunités d’apprentissage accéléré, y compris des cours supplémentaires et de soutien, afin de permettre aux enfants de combler leurs lacunes et de se mettre au niveau de leurs camarades.

·       Veiller à ne pas séparer les femmes et les enfants une fois dans leur pays d’origine sauf si cela est absolument nécessaire, par exemple en mettant à disposition des logements supervisés lorsque des évaluations ou des enquêtes doivent être menées. Il pourrait par exemple s’agir de fournir aux travailleurs sociaux un accès sans restriction au logement en question à des fins d’observation.

·       Identifier suffisamment à l’avance ou dès que possible des solutions de placement de longue durée pour les enfants après leur rapatriement afin d’éviter une période de transition et de bouleversement inutile.

·       Chaque fois que cela est possible, accorder la priorité aux placements familiaux ; lancer et réaliser une évaluation des membres de la famille élargie, dans l’idéal à l’avance ou le plus rapidement possible après le rapatriement, afin que les décisions concernant la garde soient prises dans les meilleurs délais.

·       Faciliter dès que possible les contacts entre l’enfant et les membres de sa famille élargie au retour de l’enfant, y compris au moyen de visites supervisées, le cas échéant. Impliquer les membres de la famille élargie dans les décisions relatives aux soins et au placement de l’enfant.

·       Fournir aux familles d’accueil le soutien nécessaire, y compris de la part de travailleurs sociaux et d’autres professionnels dotés de la formation et de l’expérience requises pour accompagner les enfants affectés par la guerre.

·       S’il est inévitable de séparer l’enfant de sa mère, veiller à ce que la mère sache ce qui adviendra d’elle et de son enfant et comprenne qu’elle a la possibilité d’y préparer son enfant.

·       Dans les cas où la mère aurait commis des crimes liés à l’EI, envisager, dans la mesure du possible, des mesures non privatives de liberté au lieu d’une détention ou d’une incarcération si les préoccupations en matière de sécurité le permettent, afin d’empêcher que les enfants ne soient séparés de leur mère, sauf si une séparation est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Parmi les mesures envisageables figurent notamment une mise en liberté conditionnelle, une peine avec sursis, une limitation des mouvements ou un suivi assuré par les autorités policières.

·       Si la détention ou l’incarcération d’un parent est jugée nécessaire, veiller à ce qu’il puisse avoir des contacts fréquents par téléphone et vidéo avec l’enfant/les enfants, et veiller à ce que des visites en personne soient possibles fréquemment, d’une durée adéquate et dans un environnement adapté aux enfants. Veiller à ce que le parent soit détenu dans un centre situé aussi près de l’enfant que possible.

·       Traiter les enfants affiliés à l’EI d’abord et surtout comme des victimes, en reconnaissant que tout recrutement ou recours à des enfants de moins de 18 ans par des groupes armés non étatiques constitue une violation du droit international. Ne poursuivre en justice et ne détenir les enfants que dans des circonstances exceptionnelles et en dernier ressort, conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant, son Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et les normes internationales relatives à la justice des mineurs.

·       Si un parent est décédé, veiller à ce que les familles rapatriées soient éligibles et perçoivent les allocations de décès disponibles, même en l’absence d’un acte de décès formel.

·       En attendant leur retour, veiller à ce que les ressortissants détenus aient immédiatement accès à des services consulaires sans discrimination, et prendre toutes les mesures raisonnables pour protéger leur droit à la vie, leur droit de ne pas être soumis à la torture et à de mauvais traitements, et leur droit à une procédure régulière.

Aux entités des Nations Unies

Y compris au Secrétaire général, au Conseil de sécurité, au Haut-Commissaire pour les réfugiés (HCR), au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), au Bureau des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme (ONUDC), à l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) et à la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des enfants et des conflits armés :

·       Continuer d’exhorter tous les gouvernements concernés à rapatrier immédiatement leurs citoyens, en accordant la priorité aux enfants et à leurs mères ; à apporter une aide en matière de réadaptation et de réintégration ; et à poursuivre en justice les adultes de manière appropriée en veillant à une procédure régulière ;

·       Soutenir les réinstallations dans un pays tiers lorsqu’un détenu fait face à un risque de mort, de torture ou d’autres mauvais traitements, ou de procédure irrégulière s’il venait à regagner son pays d’origine ;

·       Chercher à améliorer immédiatement l’accès humanitaire et l’aide aux camps et prisons du nord-est de la Syrie afin de mettre un terme aux conditions déplorables et souvent à un risque de mort ;

·       Aider les autorités du nord-est de la Syrie à transférer les garçons détenus dans des prisons pour adultes vers des centres non militarisés en attendant leur rapatriement ou leur réinstallation dans un pays tiers, en veillant à ce qu’ils disposent d’un accès maximal aux membres de leur famille sauf si un tel accès est contraire à leur intérêt supérieur ;

·       Apporter un soutien en matière de poursuites en justice, de façon appropriée et conformément aux normes internationales garantissant une procédure régulière, aux adultes accusés de crimes graves liés à l’EI, dans le pays dont ils sont ressortissants ou à l’étranger.

Aux bailleurs de fonds et aux membres de la Coalition internationale contre l’État islamique

·       Étendre leur soutien aux pays d’accueil afin de rapatrier leurs ressortissants, en accordant la priorité aux enfants et à leurs mères, aux personnes nécessitant une assistance médicale d’urgence et aux autres détenus particulièrement vulnérables.

·       Renforcer l’aide humanitaire, l’aide médicale et l’accès aux camps et prisons dans le nord-est de la Syrie.

·       Exhorter les autorités du nord-est de la Syrie à ne pas séparer les enfants de leur mère et à s’abstenir de transférer les garçons vers des prisons ou des centres de détention pour adultes, en reconnaissance du risque accru de radicalisation.

·       Prendre des mesures urgentes pour aider les autorités du nord-est de la Syrie à transférer les garçons détenus dans des prisons pour adultes vers des centres non militarisés en attendant leur rapatriement ou leur réinstallation dans un pays tiers, en veillant à ce qu’ils disposent d’un accès maximal aux membres de leur famille sauf si un tel accès est contraire à leur intérêt supérieur.

·       Prendre des mesures urgentes pour veiller à ce que tous les détenus aient accès à un tribunal pour contester la légalité et la nécessité de leur détention, et collaborer avec les autorités détentrices locales afin de libérer rapidement et en toute sécurité ceux d’entre eux qui sont détenus de manière arbitraire.

Méthodologie

Human Rights Watch a réalisé les travaux de recherche aux fins de ce rapport de février à septembre 2022. Nous avons basé nos conclusions sur des entretiens réalisés avec des membres des familles d’enfants rapatriés de camps de détention, dans le nord-est de la Syrie, réservés aux personnes soupçonnées d’activités liées à l’EI et à leurs familles, ainsi que sur des enquêtes en ligne auprès de membres de familles, de familles d’accueil, d’enseignants et d’assistants sociaux. Human Rights Watch a également mené des entretiens avec deux juristes, un tuteur légal, deux assistants sociaux, deux professionnels suivant les cas d’enfants retournés ou rapatriés et deux professionnels de la santé mentale qui travaillent auprès de ces derniers.

Les enquêtes et les entretiens représentent un échantillon raisonné, et non aléatoire, les membres des familles, les familles d’accueil, les enseignants, les assistants sociaux et autres entités ayant été identifiés sur recommandation de juristes, d’intervenants locaux et d’organisations travaillant avec des femmes et enfants rapatriés. Les conclusions sont donc susceptibles de ne pas être représentatives de la situation de tous les enfants rapatriés.

Les entretiens et les enquêtes en ligne réalisés auprès de prestataires de soins, d’enseignants et d’assistants sociaux nous ont renseignés sur une centaine d’enfants étrangers détenus en tant que membres de la famille de personnes soupçonnées d’être liées à l’EI dans le nord-est de la Syrie ou en Irak et qui vivent aujourd’hui dans l’un des sept pays suivants : l’Allemagne (6), la France (6), le Kazakhstan (39), l’Ouzbékistan (22), les Pays-Bas (4), le Royaume-Uni (1) et la Suède (26). Les enquêtes en ligne ont été remplies par 81 personnes, dont 66 membres de familles d’enfants rapatriés, 7 assistants sociaux, 6 enseignants et 2 membres de familles d’accueil. Des entretiens ont également été menés en Suède, en France et en Allemagne avec sept membres de familles qui ont la charge de 24 enfants au total.

Les différents enfants concernés par nos entretiens et enquêtes étaient âgés de deux à 17 ans et étaient arrivés dans leur pays de résidence actuel entre 2019 et 2022. Des entretiens réalisés avec une juriste et un psychiatre en France renseignent également sur le vécu d’enfants et de mères qui ont fui la Syrie en 2018 et ont été expulsés de la Turquie vers la France en 2018 et 2019.

L’enquête en ligne comprenait des questions sur la famille biologique de l’enfant, son cadre de vie actuel, sa scolarité, ses activités, ses compétences linguistiques, ses contacts avec d’autres membres de sa famille, son bien-être émotionnel et psychologique perçu et la façon dont il s’adapte à son pays d’origine. L’enquête portait également sur les services à la disposition de l’enfant ainsi que sur les autres services souhaitables. Chaque enquête visait à recueillir des renseignements sur un seul enfant ; certains répondants qui interagissaient avec ou étaient chargés de plusieurs enfants ont complété plusieurs enquêtes. Les questions n’étaient pas toutes pertinentes pour chaque répondant et les réponses étaient facultatives, par conséquent le nombre de réponses obtenues à chaque question va de 70 à 81.

Human Rights Watch a mis à disposition des enquêtes en allemand, anglais, français, kazakh, ouzbek, russe et suédois. Les répondants ont été informés de l’objectif de l’enquête et y ont répondu de manière anonyme et volontaire. Dans certains cas, l’enquête a été gérée par un défenseur local au moyen d’un appel téléphonique avec le répondant.

Les chercheurs de Human Rights Watch ont mené des entretiens par téléphone et vidéo en ligne en allemand, en anglais, en français ou en suédois, avec une interprétation vers l’anglais. Nous avons expliqué à toutes les personnes interrogées la nature et l’objectif de cette étude, en précisant que les entretiens étaient volontaires et confidentiels, et qu’ils ne dégageraient aucun service ou bénéfice personnel de leur contribution. Nous avons obtenu le consentement verbal de chaque personne interrogée.

La plupart des membres des familles ont demandé à Human Rights Watch de ne pas divulguer d’informations permettant de les identifier, telles que leur nom et le lieu où il se trouvent, ce afin de protéger la vie privée des enfants dont ils sont chargés. Dans certains cas, le pays de résidence de la personne interrogée n’est pas indiqué car les enfants rapatriés vers ce pays sont si peu nombreux que cette personne pourrait facilement être identifiée.

Human Rights Watch a également passé en revue des documents pertinents provenant de sources secondaires, y compris des reportages médiatiques, des déclarations de gouvernements et des rapports des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales.

Human Rights Watch a adressé un courrier aux gouvernements de l’Allemagne, de la France, du Kazakhstan, de l’Ouzbékistan, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Suède pour demander des renseignements sur leurs politiques et stratégies en matière de rapatriement de femmes et d’enfants. Au 15 octobre 2022, les gouvernements allemand, néerlandais et suédois avaient répondu à cette requête. Les informations qu’ils ont communiquées sont reflétées dans ce rapport.

Terminologie

La plupart des enfants dont il est question dans ce rapport ont été formellement rapatriés par le pays dont ils détiennent la nationalité, avec la coopération de l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie et, dans certains cas, par des tiers ou avec leur assistance. Certains, cependant, ont été emmenés des camps du nord-est de la Syrie par un parent ou un tuteur, généralement par l’intermédiaire de trafiquants qui les ont acheminés vers le pays dont ils sont ressortissants ou un pays tiers. Pour des raisons de simplicité, les termes « enfant retourné » et « enfant rapatrié » peuvent faire référence à des enfants qui ont regagné le pays dont ils détiennent la nationalité soit à l’issue d’un rapatriement officiel, soit par d’autres moyens. Ces termes désignent aussi les enfants nés en Syrie qui vivent aujourd’hui pour la première fois dans le pays dont ils détiennent la nationalité.

Conformément aux normes internationales, le terme « enfant » désigne une personne de moins de 18 ans.

« Mon fils est juste un enfant comme les autres »

Lien de la vidéo

Expériences d’enfants rapatriés des camps pour suspects de l’EI et leurs familles dans le nord-est de la Syrie

Communiqué de Human Right Watch du 21 novembre 2022

En France, un garçon de huit ans aime les Lego, les dinosaures et rêve de devenir archéologue. En Suède, un garçon de cinq ans aime le hip-hop et invente des chorégraphies pour ses frères et sœurs. Dans un autre pays d’Europe, une fillette de cinq ans adore les films de Disney et parle sans cesse de « Bruno », personnage du film Encanto. Au Kazakhstan, un garçon de huit ans aime les maths et apprendre des poésies par cœur.

Tous ces enfants sont bons à l’école et aiment jouer avec leurs amis. Leur autre point commun, c’est que jusqu’à peu, ils vivaient dans des camps de détention réservés aux personnes présumées membres du groupe armé extrémiste État islamique (EI) et à leurs familles dans le nord-est de la Syrie.

Environ 38 000 ressortissants étrangers – dont plus de 60 % sont des enfants – sont détenus à al-Hol et Roj, deux vastes camps fermés qui abritent les épouses, d’autres parentes adultes et les enfants d’hommes membres présumés de l’EI, dans le nord-est de la Syrie. Pour la plupart d’entre eux, cette détention a commencé en février ou mars 2019, lorsque des combattants régionaux appuyés par une coalition militaire dirigée par les États-Unis ont fait tomber ce qu’il restait du « califat » autoproclamé de l’EI dans le nord-est de la Syrie. Environ 28 000 des ressortissants étrangers viennent d’Irak, pays voisin, tandis que plus de 10 000 autres sont originaires d’une soixantaine d’autres pays. Plusieurs centaines de garçons étrangers sont également détenus dans des « centres de réhabilitation » dont ils n’ont pas le droit de sortir, ou dans des prisons militaires prévues pour environ 10 000 hommes soupçonnés d’avoir des liens avec l’EI.

Parmi les enfants qui se trouvent dans ces camps, près de 80 % ont moins de 12 ans, et 30 % ont cinq ans ou moins. Un grand nombre d’entre eux ont passé la majorité, voire la totalité, de leur existence dans un camp. 

L’autorité régionale, dirigée par les forces kurdes et appelée « Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie », ont à maintes reprises répété qu’elles manquaient de ressources pour détenir ces étrangers et appelé les différents pays à reprendre leurs ressortissants. Des hauts responsables des Nations Unies ont eux aussi à plusieurs reprises exhorté les gouvernements à rapatrier leurs ressortissants détenus dans ces camps. 

Depuis 2019, une trentaine de pays ont rapatrié ou contribué à ramener d’une autre manière un plus ou moins grand nombre de leurs ressortissants détenus dans le nord-est de la Syrie, dont plus de 1 500 enfants. Certains pays, dont l’Allemagne, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, le Kazakhstan, le Kosovo, l’Ouzbékistan, la Russie, la Suède, le Tadjikistan et l’Ukraine, ont désormais rapatrié un grand nombre de leurs ressortissants, voire la totalité d’entre eux. Quelques pays, notamment l’Australie, la France et les Pays-Bas, ont redémarré ou accéléré les rapatriements en 2022. D’autres, cependant, dont le Canada, le Maroc, le Royaume-Uni et Trinité-et-Tobago, n’en avaient rapatrié qu’un très petit nombre au moment de la rédaction du présent rapport. 

Les personnes qui se trouvent encore dans les camps, dont des milliers d’enfants, sont détenues pour une durée indéterminée dans des conditions mettant leur vie en danger et si dégradantes qu’elles pourraient constituer de la torture. Les détenus sont privés de nourriture, d’eau et d’abri adéquats, et des centaines d’entre eux, dont des enfants, sont morts de maladies évitables, d’accidents ou à cause de la violence qui sévit dans les camps. L’EI cible les enfants des camps afin de les recruter et de les radicaliser. Aucun de ces détenus n’ayant eu accès à un tribunal pour contester la légalité ou la nécessité de sa détention, ces détentions sont arbitraires et illégales.

Ce rapport examine les expériences de plus d’une centaine d’enfants âgés de deux à 17 ans qui ont été ramenés – ou dans certains cas, amenés pour la première fois – dans le pays dont ils sont ressortissants entre 2019 et 2022. La majorité ont été rapatriés ou ramenés du nord-est de la Syrie, et un petit nombre d’entre eux de l’Irak. Au moyen d’entretiens et d’enquêtes en ligne auprès de leurs parents, d’autres membres de leurs familles, d’assistants sociaux, d’enseignants, de familles d’accueil, de juristes, de psychologues et de tuteurs légaux, ce rapport examine leur réintégration – ou, pour ceux d’entre eux qui sont nés à l’étranger, leur intégration – dans leur pays d’origine, y compris leurs activités, leurs centres d’intérêt et leur scolarité. Il montre que la plupart d’entre eux sont perçus comme ayant de bons résultats scolaires et se faisant des amis. Il montre qu’un rapatriement réussi est tout à fait possible.

La recherche de Human Rights Watch montre que les enfants rapatriés pratiquent un large éventail d’activités, comme le football, le patinage, le cyclisme, la danse, les travaux manuels et la musique. Ils aiment le trampoline et les sorties au zoo, au cirque et au musée. Un grand nombre de ces enfants sont très sociables, aiment s’amuser avec d’autres enfants et se sont fait de nombreux amis. Ils sont invités chez leurs amis et aiment les soirées pyjama.

À la question de savoir si l’enfant s’adapte bien globalement à son nouveau pays de résidence, 89 % des répondants – membres de la famille, enseignants et travailleurs sociaux – ont indiqué que l’enfant se portait « très bien » ou « assez bien ». Seuls 4 % d’entre eux ont indiqué que l’enfant éprouvait des difficultés.

Les expériences d’enfants examinées dans ce rapport montrent que, malgré les épreuves auxquelles ils ont survécu sous l’EI puis lors de leur captivité dans les camps du nord-est de la Syrie, nombre d’entre eux réussissent à se réintégrer dans leur nouvelle communauté. Le grand-père de plusieurs enfants rapatriés en Suède en 2019 a expliqué : « C’est possible, totalement possible, que les enfants se réintègrent et récupère. Mes petits-enfants en sont la preuve. Ils s’en sont remis de la manière la plus incroyable. Cela montre bien que c’est possible.… Tous les enfants devraient pouvoir bénéficier d’une nouvelle chance dans la vie. »

La plupart des enfants qui font l’objet de ce rapport vont à l’école, et beaucoup obtiennent d’excellents résultats. 73 % des personnes ayant répondu à l’enquête ont indiqué que l’enfant réussissait « très bien » ou « assez bien » en classe. Plusieurs des répondants et personnes avec qui Human Rights Watch a mené des entretiens ont affirmé que malgré le manque d’opportunités éducatives dans les camps du nord-est de la Syrie, les enfants rapatriés arrivaient très rapidement à rattraper leurs camarades de classe. Un homme allemand, grand-père de trois enfants revenus d’Irak en 2019, a expliqué qu’au départ, ils avaient éprouvé quelques difficultés à l’école, mais que tous les trois avaient désormais de très bons résultats et que sa petite-fille de sept ans était parmi les meilleurs élèves de sa classe.

82 % des répondants à l’enquête ont qualifié le bien-être émotionnel et psychologique de l’enfant de « très bon » ou « assez bon ». Seuls 6 % ont déclaré que l’enfant avait « des difficultés ». Plusieurs membres des familles d’enfants rapatriés ont signalé que les psychologues qui évaluaient les enfants dont ils avaient la charge n’avaient pas décelé de signe de stress post-traumatique ou autre trouble psychologique. Un psychiatre français qui a évalué une douzaine d’enfants rapatriés âgés de trois à 15 ans a indiqué que presque tous allaient bien. Des professionnels chargés de plus d’une cinquantaine d’enfants rapatriés en Allemagne ont eux aussi indiqué que la majorité d’entre eux se portaient bien et que les cas d’enfants éprouvant des difficultés liées à un traumatisme étaient rares.

Malgré les conditions déplorables qui régnaient à al-Hol et Roj ainsi qu’en Irak, de nombreuses mères ont fait ce qu’elles pouvaient pour protéger leurs enfants des dangers et d’un environnement difficile. Lors de plusieurs visites dans les deux camps du nord-est de la Syrie entre 2017 et mai 2022, les chercheurs-euse-s de Human Rights Watch ont constaté que des mères se chargeaient d’instruire leurs enfants à domicile, leur faisaient la lecture et les amenaient au centre sanitaire du camp. Une mère suédoise rapatriée en 2021 avec plusieurs enfants a ainsi déclaré : « Les gens s’attendent à ce que les enfants des camps soient complètement détruits sur le plan psychique. Ce n’est pas le cas. Les parents font de leur mieux pour protéger leurs enfants dans les camps. »

Un grand nombre d’enfants rapatriés ont subi de graves épreuves. En raison de la décision de leurs parents de rejoindre l’EI, les enfants ont été amenés ou sont nés dans une zone de conflit où ils sont susceptibles d’avoir été témoins de violences ou d’avoir subi des blessures ou d’autres traumatismes. Les pères de la plupart des enfants ont été tués lors de combats menés pour mettre l’EI en déroute dans le nord-est de la Syrie ou sont emprisonnés dans la région. Certains enfants ont aussi perdu leur mère ou en sont séparés. De nombreux enfants en bas âge sont trop jeunes pour se souvenir de la vie sous l’EI, mais ils ont subi des conditions atroces dans les camps de détention, avec souvent des effets néfastes sur leur santé. La plupart n’ont suivi aucune scolarité formelle.

Il n’est donc pas surprenant que certains enfants rencontrent des difficultés à leur retour. Une mère ouzbèke a ainsi indiqué que son fils de 13 ans était traumatisé par la mort de son père, survenue lors de combats pour reprendre le territoire à l’EI. Elle a précisé qu’il est « très nerveux et se bagarre tout le temps » et qu’il souffre d’énurésie et d’insomnie. D’autres membres de familles ont déclaré que les enfants présentaient des troubles du comportement à l’école. Les enfants plus âgés sont susceptibles de pâtir de déficits d’apprentissage du fait de l’absence de scolarité dans les camps, et d’avoir du mal à rattraper leurs camarades sur le plan scolaire.

Des professionnels de la santé mentale soulignent que les enfants rapatriés ne sont guère différents des autres enfants qui ont connu des difficultés, notamment les enfants réfugiés ou victimes de la traite d’êtres humains, et qu’ils ont besoin d’un soutien psychosocial similaire pour se réintégrer. De nombreux pays, par exemple, disposent de programmes de longue durée visant à réintégrer les enfants réfugiés dans leurs communautés et à les aider à surmonter les défis auxquels ils peuvent faire face. Le Canada a réinstallé plus de 20 000 enfants réfugiés venus de Syrie et des pays de l’Union européenne ont accordé le statut de réfugiés à près de 60 000 enfants ne serait-ce qu’en 2021. La situation des enfants réfugiés et des enfants rapatriés des camps n’est pas tout à fait similaire ; pour éviter d’être stigmatisés, par exemple, les enfants rapatriés des camps du nord-est de la Syrie peuvent avoir besoin de mesures spéciales pour protéger leur identité. Cependant, de nombreux pays peuvent recourir aux programmes et à l’expertise existants pour appuyer la réintégration des enfants des camps, d’autant qu’ils sont relativement peu nombreux.

Les entretiens et les enquêtes que nous avons réalisés ont révélé que si de nombreux enfants réussissent leur réintégration dans leur nouvelle communauté, les choix de politiques par certains gouvernements rendent cette réintégration plus difficile et ont même, dans certains cas, entraîné des préjudices supplémentaires. Dans certains pays – dont la Belgique, la France, les Pays-Bas et la Suède –, les autorités ont séparé les enfants de leur mère dès leur retour, soit parce que la mère faisait l’objet d’une enquête, soit parce qu’elle était mise en examen pour des infractions en relation avec l’EI. Cette séparation peut engendrer une détresse émotionnelle et psychologique significative chez l’enfant, d’après les membres de familles et les professionnels de la santé mentale. Certaines personnes interrogées ont déclaré que l’événement le plus traumatisant dans la vie de leurs enfants n’était pas les difficultés associées à la vie dans le camp mais la séparation d’avec leur mère à leur arrivée dans leur nouveau pays.

Une mère suédoise séparée de ses enfants pendant trois mois après leur rapatriement en 2021 a observé :

Dans les camps, leur maman est la seule personne en qui les enfants aient confiance. Si soudain on leur enlève leur maman, cela peut être traumatisant.… Pendant ces trois mois de séparation, mes enfants ont été tristes et ils n’ont pas compris ce qui leur arrivait et pourquoi nous étions séparés. J’ai l’impression que la séparation les a encore plus traumatisés.… Certains de mes enfants ont commencé à avoir des troubles comportementaux qu’ils n’avaient pas avant. Mon fils de trois ans n’a pas prononcé un seul mot pendant des semaines. Sa famille d’accueil croyait qu’il était muet.

Certains répondants ont signalé que les enfants ne disposaient pas d’un accès adéquat à un parent détenu ou emprisonné, que les visites étaient trop courtes ou qu’elles se déroulaient dans un environnement inadapté aux enfants. Une avocate française qui travaille avec de nombreuses familles a indiqué que les enfants dont la mère était détenue « ont besoin de plus de temps avec leur mère. Une heure ou deux, une ou deux fois par mois, c’est insuffisant ».

De nombreux enfants rapatriés ont une famille élargie, notamment des grands-parents, qui souhaite vivement s’impliquer dans leur prise en charge ou les soutenir. Le fait de veiller à établir un contact avec ces parents dès que possible après le retour de l’enfant – surtout si le père et la mère de l’enfant sont décédés ou détenus – peut contribuer à apporter une stabilité à l’enfant et favoriser la réussite de sa réintégration. En Allemagne, par exemple, les grands-parents ou les membres de la famille élargie ont le droit de s’occuper des enfants dès leur retour. Dans d’autres pays, cependant, les membres de la famille élargie n’ont pas le droit de s’occuper des enfants, voire n’ont aucun droit de contact, tant que de longues procédures d’évaluation ou d’enquête n’ont pas abouti. Une avocate en France a représenté les grands-parents d’une fille arrivée en France à l’âge de cinq ans, mais ayant passé trois ans chez une famille d’accueil avant que ses grands-parents ne soient autorisés à s’occuper d’elle. Dans de tels cas, les enfants peuvent nouer des liens étroits avec leur famille d’accueil, ce qui peut entraîner un traumatisme lorsque l’enfant finit par être confié à sa véritable famille.

Les personnes interrogées et les répondants à l’enquête ont identifié d’autres domaines dans lesquels les gouvernements pourraient intervenir pour mieux appuyer la réintégration des enfants, notamment en délivrant rapidement des actes de naissance, des cartes d’identité et d’autres documents officiels ; en tenant à disposition des équipes pluridisciplinaires de professionnels dotés d’une formation spécialisée et ayant l’expérience des enfants exposés à un conflit armé ; et en donnant aux enfants la possibilité de bénéficier d’un soutien éducatif pour combler leurs lacunes.

Toutes les personnes interrogées ont rejeté l’idée selon laquelle les enfants représentent des menaces pour la sécurité, et nombre d’entre elles ont souligné qu’il était urgent de ramener chez eux les derniers enfants qui se trouvent encore dans les camps et les prisons. Une mère a ainsi déclaré : « Plus on attend, plus on fait de mal à ces enfants. »

Des experts en sécurité et en lutte contre le terrorisme soulignent aussi qu’il est important de rapatrier le plus vite possible les femmes et les enfants des camps. Le coordinateur américain par intérim pour la lutte contre le terrorisme et envoyé spécial de la Coalition internationale contre l’État islamique, Timothy Alan Betts, a déclaré en juillet 2022 : « Laisser les combattants et les membres de leur famille dans le nord-est de la Syrie n’est pas une option viable ; nous courons le risque que ces individus migrent d’un conflit à un autre et engendrent un nouveau conflit et de l’instabilité ailleurs, menacent notre sécurité collective et posent un danger sérieux pour les civils innocents. » De même, Vladimir Voronkov, responsable du Bureau des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, a déclaré que l’inaction en matière de rapatriement risquait d’« engendrer une situation que nous cherchons justement à empêcher », y compris « la radicalisation et le recrutement d’une nouvelle génération de terroristes, et le renforcement de groupes terroristes dans la région et à travers le monde ». Dans une réunion d’information devant le Conseil de sécurité de l’ONU en août 2022, il a réitéré les multiples appels lancés par le Secrétaire général de l’ONU aux États membres pour qu’ils rapatrient leurs ressortissants, précisant : « Ces individus, dont un grand nombre sont des enfants qui n’ont pas choisi d’être là-bas… courent un véritable risque de radicalisation et de recrutement. »

En vertu du droit international, tout individu jouit du droit à la vie ; du droit d’entrer dans son propre pays ; de ne pas être soumis à la torture et à de mauvais traitements, y compris en détention ; du droit à une procédure régulière et à ne pas faire l’objet d’une privation arbitraire de sa liberté ; et du droit à la nationalité. Les gouvernements doivent prendre toutes les mesures raisonnables pour protéger les droits de leurs ressortissants, y compris à l’étranger lorsque ceux-ci sont confrontés à des risques mettant leur vie en danger ou à de la torture. Quelles que soient les mesures relatives aux enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. La Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Fionnuala Ní Aoláin, a déclaré à de multiples reprises que le retour et le rapatriement urgents d’étrangers soupçonnés d’être des combattants ainsi que de leurs familles depuis les zones de conflit représentaient « l’unique réponse conforme au droit international » à apporter à leur détention indéterminée et arbitraire.

Tous les gouvernements dont des ressortissants sont détenus dans le nord-est de la Syrie devraient de toute urgence s’assurer qu’ils regagnent leur pays, en donnant la priorité aux enfants et à leurs mères, et aux détenus particulièrement vulnérables, sauf si leur retour dans le pays dont ils sont ressortissants les expose à un risque de mort ou de torture. Les gouvernements devraient fournir à ces enfants et à leurs mères un soutien individualisé et pluridisciplinaire en matière de réadaptation et de réintégration, en accordant la priorité à l’unité familiale chaque fois que possible. L’intérêt supérieur de l’enfant devrait éclairer toutes les décisions relatives aux enfants rapatriés. Les gouvernements devraient éviter de séparer les enfants de leur mère sauf si cela est absolument nécessaire et dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Si possible, ils devraient envisager des solutions alternatives de prise en charge sans privation de liberté au lieu de recourir à la détention ou à l’incarcération des mères, y compris à travers un placement dans des logements d’observation en attendant que des enquêtes soient menées, ou des mesures telles que la liberté conditionnelle, la peine avec sursis, des limitations de mouvements ou un suivi assuré par les autorités policières, pour les mères dont il pourrait s’avérer qu’elles ont commis des délits pénaux.