Des avocats demandent le rapatriement en urgence de plusieurs Français malades détenus en Syrie

Dans le camp d’Al-Hol, le 8 mars 2019. (LAURENCE GEAI/SIPA / LAURENCE GEAI/SIPA)

Par L’Obs avec AFP·Publié le 

Ils assurent que la vie d’un enfant est « menacée » et qu’il doit bénéficier de « soins spécialisés ». Ils demandent également le rapatriement d’une femme, mère de deux enfants, hospitalisée pour insuffisance respiratoire.

Des avocats ont demandé ce vendredi 26 août aux autorités françaises des rapatriements d’urgence de plusieurs personnes gravement malades actuellement détenues dans le camp kurde de Roj en Syrie, dans un communiqué et des déclarations à l’AFP.

L’état de santé d’un des enfants mineurs d’Estelle K., « partie en Syrie avec ses trois enfants mineurs et son époux en 2014 » et « prisonnière » depuis 2017 « dans la région de Deir Ezzor (nord-est syrien) », est « extrêmement alarmant », selon un communiqué de Me William Bourdon et Vincent Brengarth.

« Sa vie est menacée. Les soussignés enjoignent le gouvernement de procéder au rapatriement en urgence de cet enfant et de sa famille », écrivent-ils. D’après eux, un cardiologue français saisi du dossier a estimé qu’« un rapatriement d’urgence s’impose, son état commande en effet que des soins spécialisés soient effectués ».

« Dizaines d’alertes »

« Les correspondances adressées au ministère des Affaires étrangères demeurent aujourd’hui sans réponse. Les soussignés sont sidérés par ce silence que rien n’explique au vu de la très grande gravité de la situation. Ils interpellent par conséquent publiquement les autorités pour demander le rapatriement de cet enfant et de sa famille », écrivent-ils aussi.

Auprès de l’AFP, Me Marie Dosé a alerté sur la situation d’une femme, mère de deux enfants, également détenue à Roj, « victime d’un AVC récemment, paralysée, et hospitalisée mercredi pour insuffisance respiratoire »« Il faut absolument la rapatrier », a-t-elle indiqué.

Elle a dit avoir adressé durant l’été « des dizaines » d’alertes et de demandes de rapatriement aux autorités françaises concernant des mères et leurs enfants.

« Ces enfants ont passé trois, quatre ou cinq ans dans des prisons à ciel ouvert, à respirer l’odeur des puits à pétrole et n’ont bénéficié d’aucun soin approprié. Beaucoup souffrent d’insuffisance respiratoire et portent les stigmates de leurs blessures qui n’ont jamais été soignées », d’après elle. « La France les maintient là en toute connaissance de cause. Plus les enfants rentrent tard en France, plus leur prise en charge médicale et psychologique sera difficile », a-t-elle fait valoir.

16 femmes et 35 mineurs déjà rapatriés

Lors de son premier quinquennat, le président Emmanuel Macron s’était montré très réticent à faire revenir les ressortissants français partis faire le djihad en Syrie, conscient qu’une large majorité de Français y était résolument hostile. Seuls quelques enfants ont été rapatriés, selon la doctrine du « cas par cas ». Mais alors que d’autres pays ont récupéré leurs ressortissants ces derniers mois, la position de Paris s’est infléchie.

Le 5 juillet, 16 femmes et 35 mineurs, qui vivaient pour certains depuis la chute en 2019 du groupe Etat islamique dans des camps du nord-est de la Syrie tenus par les forces kurdes, ont été ramenés en France.

Toutes les femmes rapatriées ont été mises en examen pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et écrouées. Les enfants ont été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. « Comme vous le savez, depuis 2019, dès que la situation le permet, nous procédons au rapatriement de mineurs en situation de détresse », a indiqué le Quai d’Orsay, sollicité par l’AFP.

« Cette position nous a conduits à procéder à des opérations successives de rapatriement d’enfants français retenus dans le Nord-Est syrien. Le renouvellement de ce type d’opérations de rapatriement est planifié chaque fois que les conditions le permettent », a ajouté le ministère.

Par  L’Obs avec AFP

« Je n’ai pas choisi cette vie, je n’étais qu’une enfant »

Photo Politis

Parmi les femmes encore prisonnières des camps kurdes, certaines ont été emmenées très jeunes par des parents radicalisés. Elles n’ont pas été rapatriées en priorité.

Nadia Sweeny (Politis)

Vous saviez qu’ils étaient extrémistes… Pourquoi, quand on m’a imposé le voile à 10 ans sous prétexte que j’étais pubère, vous n’avez rien fait ? J’étais qu’une gosse, merde ! » Ces quelques lignes couchées par Julia* en juin 2019 sur une feuille arrachée d’un cahier d’écolier sont adressées à sa famille et à la société française. La jeune femme, alors prisonnière à Al-Hol avec ses deux enfants, dit avoir été emmenée par le mari que ses parents lui ont choisi. « On m’a imposé de me marier à un extrémiste… Je n’avais que 17 ans. » Dans sa lettre, elle supplie la France de la reprendre : « Encore aujourd’hui, je dois subir. Je n’en peux plus de cette vie, je veux rentrer dans mon pays, je veux choisir ma vie maintenant, il n’est pas trop tard : je n’ai que 25 ans… » Un appel resté lettre morte, alors que l’une de ses deux filles présentait tous les signes d’une malnutrition sévère. Et puis, un jour, Julia s’est enfuie, évaporée dans la guerre.

La France a-t-elle manqué une énième chance de sortir une femme et ses enfants du bain radical dans lequel ils baignent depuis si jeunes ? Marie Dosé, avocate de nombreuses familles qui réclament inlassablement le rapatriement de leurs proches, propose cette analyse : « Beaucoup de femmes dans

les camps veulent rentrer, mais subissent la pression et la répression des plus radicales, qui réorganisent la puissance idéologique du groupe terroriste au sein des camps. » Un

phénomène connu des services de renseigne- ment, qui, rapport après rapport, détaillent par le menu la restructuration de la police des mœurs de Daech, imposant des sévices DELIL SOULEIMAN/AFP à celles qui oseraient évoquer leur souhait d’être rapatriées ou ne respecteraient pas les préceptes durs de la charia. L’urgence du rapatriement apparaît d’autant plus pressante.

Pour Linda*, prisonnière à Roj, la vie est une succession de chaos. Emmenée à 10 ans par ses parents, mariée à 13 ans à un combat- tant, elle est la seule survivante de sa famille. Les derniers sont morts à Baghouz alors qu’elle n’avait que 16 ans. Arrêtée par les Kurdes, elle veut rentrer en France, où sa famille ne cesse de réclamer son retour.«On discute avec elle via un téléphone clandestin environ une fois par semaine », explique son grand-père, qui multiplie les appels depuis des années pour que Linda soit rapatriée. Dans un courriel transmis en 2020 au ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, la famille en appelait à son humanisme : « Vous avez le pouvoir de sauver ces enfants si une once d’humanité existe en vous ! exhortait-elle. L’État fait la sourde oreille et ferme les yeux sur des enfants de “Daech”, “coupables” d’être nés au mauvais endroit, au mauvais moment. »

Contacté, le Quai d’Orsay refuse de répondre aux questions précises sur les dossiers évoqués et se borne à répéter que « la France s’est toujours efforcée de prendre en compte l’intérêt supérieur des enfants, qui, à la différence de leurs parents, n’ont pas choisi de rejoindre la cause d’une organisation terroriste ». En dépit de ces déclarations,

même les orphelins encore mineurs peinent à être rapatriés. Ce 5 juillet, lors du der- nier rapatriement organisé par la France, 35 mineurs faisaient partie du voyage. Parmi eux, 7 orphelins. Les jeunes majeurs comme Linda, désormais âgée de 19 ans, sont loin d’être une priorité pour la France. Nora*, 20 ans, « rêve d’un petit appartement et d’une vie normale », écrivait-elle en juin dans de brefs messages WhatsApp, avant de prévenir : « Je ne vais pas tenir longtemps ici. » Nora aussi écrit d’un téléphone clandestin. Née en France, elle a été emmenée à 15 ans. Mariée de force. Violée. Aujourd’hui maman et veuve, elle supplie la France. En vain.

Pour plusieurs femmes, la question des papiers génère de grandes inquiétudes : certains parents radicalisés originaires d’autres pays européens ou extra-européens n’ont pas demandé la nationalité française pour leurs filles nées en France et enlevées dans leur enfance. La France, qui rechigne déjà à rapatrier les orphelins de Daech, acceptera-t-elle de reconnaître ses responsabilités à l’égard de ces jeunes femmes ? La question de leur traitement judiciaire reste aussi un enjeu déterminant. Elles risquentune mise en examen pour association de malfaiteurs terroriste. Non pour s’être rendues sur place, mais pour y être restées, bien qu’elles aient été retenues par leurs parents. Parmi les 35 jeunes rapatriés le 5 juillet, Mourad*, emmené à l’âge de 10 ans et qui fêtait ce jour-là ses 18 ans, a été mis en examen. Linda veut rentrer mais a peur d’être jetée en prison. « Je suis marquée Daech », écrit-elle à sa famille. 

* Les prénoms ont été modifiés. 

Roj, une prison à ciel ouvert

Des dizaines de Françaises, arrêtées début 2019, restent détenues dans ce camp du nord-est de la Syrie, avec 250 enfants.

PAR CÉLINE MARTELET

Photo du site Politis

Elle marche lentement, comme perdue entre les tentes de ce camp de Roj qu’elle connaît pourtant par cœur. Inès (1), 14 ans, ne sait plus où aller depuis que sa copine Sofia a été rapatriée par la France au début du mois de juillet. Les deux adolescentes, survivantes de l’enfer de Daech, passaient leurs journées ensemble mais, le 4 juillet, Sofia, 17 ans, a eu le droit de monter dans un van, direction l’Irak pour prendre un vol pour Paris avec ses trois petits frères. Inès, elle, n’a pas eu cette chance. Les deux jeunes Françaises ont pourtant la même histoire : leurs mères ont été tuées début 2019 dans le dernier bastion de l’organisation État islamique à Baghouz (2), en Syrie. « Quand ils sont venus chercher Sofia, les Français qui étaient là m’ont dit : “On va revenir dans quelques jours.” Mais ils ne sont pas revenus, raconte Inès. J’ai pleuré pendant deux jours après leur départ. »

Toute la journée, l’adolescente reste dans une tente. Elle attend. « Quand je vois des gens nouveaux arriver en voiture dans le camp, je me dis qu’ils viennent nous chercher. Mais non », soupire l’adolescente. Elle s’est habituée au pire : vivre dans l’incertitude. Elle finit par lâcher : «Moi, je me dis que c’est mort, personne ne va venir pour nous ramener en France. Ils vont me laisser là. » Au bord des larmes, elle se reprend immédiatement, comme pour s’interdire toute émotion. Inès souffre d’un bras, mais elle n’a pas accès à un médecin. Sa main est paralysée à cause d’une balle venue se loger dans son dos. «Elle est rentrée par-derrière et elle est sortie par là, devant», détaille l’adolescente en minant l’impact du projectile.

Assise au fond de la tente, une autre jeune fille reste immobile, enveloppée dans une longue robe noire qui lui couvre tout le corps. Le regard vide, la tête posée sur ses mains, elle ne prononce pas un mot. Zahra, la sœur aînée d’Inès, ne parle quasiment plus depuis la mort de ses deux frères et de sa mère lors de la bataille de Baghouz. Abandonnée dans ce camp-prison, sans soutien psychologique, elle est incapable de verbaliser cette blessure invisible qui la dévore lentement. Dans le camp, c’est une Ouzbèke qui prend soin des deux sœurs. Elle a déjà dix enfants. « Ces deux-là sont comme mes filles maintenant, elles sont gentilles », répète l’ex-membre de Daech. Inès, juste derrière elle, baisse la tête et chuchote : « C’est vrai, elle s’occupe mieux de nous que la précédente, une femme marocaine qui nous battait. »

En France, la famille d’Inès multiplie les démarches depuis des mois pour ramener les deux sœurs dans leur pays d’origine, de naissance. Leur mère les a arrachées à leur vie d’enfants en 2016. « À l’époque, j’étais en CM2. Elle nous a dit qu’on allait en vacances en Turquie, qu’on irait à la plage, raconte Inès. Moi je l’ai crue, mais au bout de quelques semaines on a traversé la frontière, et on s’est retrouvés à Raqqa, au milieu des bombardements. »

Dans une autre partie du camp, Souleyman, un petit Français de 6 ans, ne parle quasiment pas. Sa mère, ses frères et ses sœurs sont décé- dés. Il est le seul survivant de sa famille, avec son père, détenu, lui, par les Forces démocratiques syriennes (FDS) dans une prison du nord-est de la Syrie. Les autorités kurdes ont choisi de confier le garçon à une Tunisienne. Debout à l’entrée de sa tente, cette femme accepte de nous parler. On distingue à peine ses yeux, tout le reste de son corps est recouvert par un long voile noir, elle porte des gants. Avec un aplomb glaçant, elle assure que Souleyman est désormais son fils et enchaîne les mensonges sur l’histoire du petit garçon.

 Souleyman aurait dû rentrer en France au début du mois de juillet. Il était sur la liste pour être rapatrié, mais celle qui s’est autodésignée comme sa mère de substitution a refusé de le remettre aux autorités françaises. Souleyman survit donc encore dans le camp de Roj, privé de sa véritable famille qui l’attend en région parisienne. Une famille qui a passé des nuits entières à le chercher avant de le retrouver il y a quelques mois.

CAMP-PRISON

En été, le soleil est brûlant dans cette zone du nord-est de la Syrie. Le camp de Roj a été construit dans une plaine sans aucunevégétation. Tout autour, des puits de pétrole crachent sans cesse une fumée noire. Après avoir passé le haut portail qui sert d’entrée, on traverse le camp en empruntant une longue allée. À droite comme à gauche s’étalent des tentes au milieu de la poussière et des déchets. Seuls les bâtiments construits pour abriter les toilettes et de petites cuisines offrent un peu d’ombre. Ce camp-prison s’agrandit progres- sivement depuis des années. Des personnes de 45 nationalités sont retenues désormais derrière les hauts grillages qui l’enserrent. Au total, selon l’administration kurde en charge du lieu, 681 familles viennent de l’étran- ger. Des femmes et des enfants originaires de Russie, du Maghreb, d’Asie mais aussi d’Europe. À l’image de ce qu’a été pendant près de cinq ans l’État islamique. « On leur donne de quoi vivre ici, mais on manque de soutien, déplore Rachid Afrin, l’un des responsables du camp. En ce moment, les températures sont très élevées dans les tentes. On aimerait distribuer des ventilateurs, mais aucune ONG n’a répondu à nos demandes. Pour l’aide alimentaire, c’est la même chose. Nous n’avons rien reçu depuis trois mois. La coalition internationale doit trouver une solu- tion pour que ce camp n’existe plus un jour. »

Selon Laurent Nuñez, l’ex-coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, il reste aujourd’hui une centaine de femmes et 250 enfants français sous les tentes de ce camp de Roj (3). Des enfants, pour la majorité d’entre eux, âgés de moins de 10 ans. Beaucoup ont passé plus de temps derrière les grillages de ce camp qu’au cœur de l’État islamique. Certains fré- quentent le matin l’école ouverte par Save the Children : des préfabriqués plantés au milieu des tentes. L’ONG a également installé une balançoire dans ce qui ressemble à une cour de récréation. La journée, ces fillettes et ces garçons français errent dans le camp et ils dessinent. Des maisons, des arbres, des superhéros comme Superman. Les plus âgés peuvent faire du vélo, de la trottinette… Des jouets achetés grâce à l’argent envoyé par leurs familles, le plus souvent. « Quelques femmes françaises reçoivent de l’argent. Cela leur permet de vivre un peu mieux, et ça allège notre charge, confie Rachid Afrin. Chaque pays doit ramener toutes ses femmes et ses enfants ! Ici, on a de plus en plus de problèmes parce que certains pays font un tri. Ensuite, ces femmes viennent nous voir pour savoir pourquoi ils n’ont pas pris tout le monde. » 

RAPATRIEMENT INCERTAIN

Il est 6 heures du matin le lundi 4 juillet lorsque plusieurs voitures et mini-vans pénètrent dis- crètement dans le camp de Roj. Des représentants des autorités françaises descendent des véhicules encadrés par des hommes cagoulés. Le groupe se dirige vers le centre administratif du camp, un bâtiment de plusieurs étages. C’est là que 16 femmes et 35 enfants français sont amenés par les responsables kurdes des lieux. Tous figurent sur une liste établie en amont. En quelques minutes, les Françaises du camp comprennent qu’un rapatriement se prépare. « Je me suis précipitée pour aller voir si je pouvais monter dans l’un des vans avec mon fils, mais je n’étais pas sur cette fameuse liste », explique Manon, 28 ans. Elle a été arrêtée par les FDS en mars 2019. Manon a rejoint l’État islamique en 2014, elle assure avoir tenté à plusieurs reprises de s’échapper de l’organisation terroriste. « On est toutes conscientes qu’on va aller en prison pour plusieurs années, mais on demande notre rapatriement. Je veux être jugée par la France et ne pas rester ici, assure la Française. Les conditions de vie sont impos- sibles pour nos enfants dans les tentes. Je parle sans cesse de la France à mon fils. Je lui décris la mer, les montagnes… Mon fils sait qu’il est français, il n’est pas syrien, même s’il est né ici ! » Sous sa tente, Manon a pu ins- taller une télévision connectée à des chaînes françaises, grâce à l’argent envoyé par sa famille. « En ce moment, on regarde l’Euro féminin de football. On suit toutes les ren- contres. Mon fils me demande s’il pourra un jour jouer dans un club. » Le petit garçon nelâchepaslamaindesamère.Ila5ans.Il vient de sortir de l’école où il se rend quelques heures chaque semaine pour apprendre un peu d’anglais et quelques notions de calcul. « Tu sais, demain, je vais partir en France », lance une fillette française vêtue d’une robe à fleurs. « Ma maison est ici, j’habite là avec ma maman », poursuit l’enfant en désignant une tente blanche collée aux grillages du camp. Mais Yasmine, sa mère, qui demande à être rapatriée également depuis plusieurs mois, ne figurait pas sur la liste.

Les autorités françaises n’ont pas détaillé comment le choix de ces seize mères de famille a été réalisé. Certaines avaient déjà laissé partir leurs enfants sans elles, deux étaient malades. Mais, pour d’autres, il semble que la priorité a été donnée à des femmes soup- çonnées d’être liées à des attentats commis en France. De leur côté, les épouses des frères Clain, ceux qui revendiquent les attentats du 13 novembre 2015, sont toujours à Roj et refusent, comme d’autres profils très radica- lisés, d’être rapatriées.

En faisant revenir dans l’Hexagone ce premier groupe de femmes avec des enfants (lire page 7), l’Élysée semble avoir mis fin à sa politique dite du « cas par cas » appliquée depuis mars 2019. Mais aucune information ne filtre quant à la suite. Quel avenir pour celles qui restent derrière les grillages ? « Ils sont venus une première fois un lundi. Donc nous, maintenant, on se dit que le lundi, c’est “le jour du rapatriement”, se console Anne, une Française détenue à Roj. Chaque dimanche soir, on se prépare désormais. »  

LA FRANCE RAPATRIE DE SYRIE DES ENFANTS FRANÇAIS AVEC LEURS MÈRES ET DES ORPHELINS

Communiqué du Collectif des Familles Unies, 5 juillet 2022

Dessin d’un enfant toujours détenue avec sa mère dans les camps du Nord-est de la syrien !

La France vient de rapatrier 35 enfants et 16 femmes du camp de prisonniers Roj, dans le Nord-Est syrien. Certains de ces enfants sont orphelins, d’autres ont été rapatriés avec leurs mères. L’une d’elles, à l’agonie, risquait de décéder dans le camp. Depuis 2019, des centaines de demandes de rapatriement ont été adressées à l’Élysée et au quai d’Orsay, qu’elles concernent les orphelins, ou les enfants et leurs mères. Si nous nous félicitons de cette opération menée en quelques heures, nous ne pouvons que regretter ce temps perdu qui a nécessairement contribué à ajouter de la souffrance à la souffrance et du traumatisme au traumatisme.

Nous espérons surtout que ce rapatriement signe la fin de cette abjecte politique du « cas par cas » qui revient à trier des enfants, à séparer les fratries et à arracher des enfants à leurs mères abandonnées dans le camp. C’est la première fois que la France rapatrie des enfants avec leurs mères des camps de prisonniers syriens, et cette première opération doit sonner le glas d’une politique inhumaine qui dure depuis des années. 

Il reste 150 enfants et leurs mères dans le camp Roj, que la France doit rapatrier au plus vite. Notre pays s’est isolé de plus en plus en plus en faisant le choix de l’inhumanité et de l’irresponsabilité, contrairement à l’Allemagne, la Belgique et tant d’autres pays européens. En 2021, 97 femmes et enfants européens ont été rapatriés. Parmi eux, 7 enfants français seulement. Depuis le 1er janvier 2022 et jusqu’à hier, 65 enfants et 27 femmes européens ont été rapatriés par leur pays. Parmi eux, aucun français.

La France a été condamnée en février 2022 par le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies pour avoir violé la Convention internationale des droits de l’enfant en exposant tous ces enfants à des traitements inhumains et dégradants et en portant atteinte à leur droit à la vie.

La France a laissé agoniser la mère d’une petite fille dans le camp Roj trois années durant, en toute connaissance de cause. Cette femme est décédée le 14 décembre dernier, et sa petite fille, orpheline de 6 ans fabriquée par la France, a vu tous ses copains belges et allemands rentrer avec leurs mères dans leur pays. La sienne est enterrée à quelques mètres du camp. La France a donc attendu presque 7 mois avant de la rapatrier.

Nous rappelons que, depuis des années, toutes les instances nationales et internationales appellent au rapatriement de ces enfants et de leurs mères, comme de nombreuses associations de victimes du terrorisme telles que l’association 13onze15, la FENVAC, Life for Paris, etc.

L’urgence était de rapatrier cette femme à l’agonie, ses enfants, et tous ces orphelins qui attendaient depuis plus de trois ans la protection de la France.

Encore une fois, des enfants français restent dans le camp et regardent leurs petits copains, français cette fois, rentrer dans notre pays.  L’urgence est désormais de rapatrier TOUS les enfants avec leurs mères. Nous demandons aux autorités d’affirmer publiquement que tous les enfants seront rapatriés rapidement.

« Le prochain quinquennat sera celui de la protection de l’enfance » a assuré Emmanuel Macron. Que ces mots se transforment en actes, vite. Il faut que ce rapatriement, porteur d’espoir pour tant de familles qui souffrent depuis des années de voir leurs petits-enfants dépérir dans des camps sordides, soit le signe annonciateur du rapatriement de tous les enfants. La France a de nouveau montré qu’elle avait les capacités de rapatrier : il faut à présent et définitivement fermer cette page honteuse de notre histoire, sans attendre.

Le Collectif des Familles Unies

5 juillet 2022

Syrie : « La France s’isole en refusant de rapatrier les enfants », dénonce une avocate, après le rapatriement de 16 enfants belges

franceinfo

L’avocate Marie Dosé déplore la position prise par la France, qui fait selon elle le choix de « l’ignominie » en refusant de rapatrier les enfants de jihadistes, contrairement à d’autres pays européens.

L'avocate Marie Dosé, en juin 2018. (ERIC FEFERBERG / AFP)
L’avocate Marie Dosé, en juin 2018. (ERIC FEFERBERG / AFP)

« La France s’isole en refusant de rapatrier les enfants et leur mère », a dénoncé une nouvelle fois, Marie Dosé, avocate de l’association Collectif des Familles Unies après le rapatriement de 16 enfants de jihadistes et de six mères de Syrie par la Belgique, exfiltrés du camp de Roj dans le Nord-est syrien. La France « fait le choix de l’ignominie, elle l’assume », poursuit-elle. »Ces enfants sont Français, ils sont 200, ce sont des victimes de guerre » et la France « va être dans l’obligation de rapatrier. Emmanuel Macron ne peut pas persister », dans ce choix de laisser les enfants en Syrie :

La Belgique nous donne l’exemple aujourd’hui en rapatriant ces enfants de Syrie ?

Oui la Belgique, mais pas seulement, l’Allemagne, mais aussi la Suède. Il reste très peu d’enfants et de femmes belges dans les camps. Il reste très peu de femmes suédoises et d’enfants suédois dans les camps. Depuis le 1er janvier 2022, 65 enfants et 27 femmes de l’Union européenne ont été rapatriés, aucun d’entre eux n’était Français.

>> « Pourquoi je serais un danger ? On n’a rien à faire ici… » : l’attente sans fin des orphelins de jihadistes français dans le camp syrien de Roj

La France s’isole en refusant de rapatrier les enfants et leurs mères, elle s’isole en n’ayant rapatrié aucun enfant depuis janvier 2021. Elle fait le choix de l’ignominie, elle l’assume. Ces enfants sont Français, ils sont 200, ce sont des victimes de guerre, on n’est pas en train de parler de réfugiés.

Pourquoi la France adopte cette position intransigeante ?

Il manque à la France l’humanité et la responsabilité, mais elle va être dans l’obligation de rapatrier. Emmanuel Macron ne peut pas persister dans ses déclarations, car ce nouveau quinquennat sera celui de la protection de l’enfance. La France ne peut pas laisser « crever » 200 enfants et leur mère dans des camps dans le Nord-est syrien. Les rapatriements doivent se faire vite. Il fait plus de 40 degrés dans le camp de Roj où les enfants en sont à leur 3e, 4e ou 5e été pour certains. La France doit être le pays qui respecte les engagements internationaux. La France est le seul pays européen à avoir été condamné par le Comité international des droits de l’enfant, le seul pays européen à avoir violé la Convention internationale des droits de l’enfant en laissant périr des enfants en zone de guerre.

Il y a aussi un risque sécuritaire de laisser ces enfants là-bas ?

Bien sûr, Daech les attend, Daech les réclame. Daech appelle ses combattants à venir libérer ses enfants et ses femmes et donc les récupérer. Qu’est-ce qu’on attend ? De repeupler Daech en les laissant là-bas. Ces femmes doivent être jugées. Je participe au procès des attentats du 13 novembre et avec des associations de protection de victimes du terrorisme, nous avons fait une conférence et elles veulent que ces enfants rentrent par un souci d’humanité et elles veulent que ces femmes rentrent parce qu’elles veulent les voir jugées en France. Elles veulent des procès, elles veulent comprendre.

Émission de RFI sur la situation des enfants français et leurs mères détenus dans les camps syriens avec la participation d’Edith Bouvier et Marie Dosé

RFI le 7 juin 2022 par : Amélie Beaucour

Enfants français toujours bloqués dans des camps de déplacés du nord-est de la Syrie. © REUTERS/Ali Hashisho

Audio 48:30 disponible sur le site de RFI

Depuis la chute du «califat» autoproclamé du groupe État islamique en mars 2019, le sort de centaines de femmes, qui avaient rejoint l’organisation, et de leurs enfants reste en suspens

Environ 200 enfants français et entre 80 et 100 femmes adultes sont encore détenus dans les camps de Roj et de Al-Hol, dans le nord-est de la Syrie, gérés par les autorités kurdes. Des camps dont les conditions sanitaires et sécuritaires sont fortement mises en cause. À l’inverse de certains de ses voisins comme l’Allemagne ou la Suède qui ont rapatriés des mères et leurs enfants, la France refuse le retour des adultes au motif qu’ils devraient être jugés sur place. Privés de droits, de conditions de vie décentes, quel avenir pour les femmes et enfants de djihadistes ?  

Avec

– Edith Bouvier, journaliste, co-autrice avec Céline Martelet du livre Le cercle de la terreur – Sommes-nous en train de fabriquer les terroristes de demain ? (Plon, 2022)

– Marie Dose, avocate au Barreau de Paris, avocate du collectif Familles Unies, qui rassemble des parents et des grands-parents d’enfants français toujours en Syrie ou en Irak. 

Carole Delga et Nicolas Mayer-Rossignol : « Nous ne pouvons pas détourner notre regard du sort des enfants français retenus en Syrie »

Tribune du 2 juin 2022

L’abandon des enfants (de djihadistes) français dans les camps syriens ne pourra provoquer que de la rancœur et du ressentiment de leur part, soulignent, dans une tribune au « Monde », la présidente (PS) de la région Occitanie et le maire (PS) de Rouen.

e 20 avril au soir, lors du débat de l’entre-deux tours, le président candidat Emmanuel Macron faisait le choix de réserver sa conclusion à « la protection de l’enfance qui sera au cœur des cinq années qui viennent », grande cause du nouveau mandat. Or, à 4 000 kilomètres de Paris, environ 200 enfants français, dont les deux tiers ont moins de 6 ans, se trouvent retenus dans l’enfer des camps du nord-est de la Syrie.

Ils sont là depuis trois, quatre ou même cinq ans. Certains sont orphelins et livrés à eux-mêmes. D’autres vivent avec leur mère. Beaucoup y sont nés, coincés entre barbelés et gardes armés. Tous vivent dans des conditions désastreuses, cernés par la maladie, privés de soins, de nourriture, d’enseignement.

Tous sont victimes. Victimes du choix de leurs parents djihadistes, d’abord. Victimes de la guerre, ensuite. Une guerre qui a servi de sombre cadre de vie à leurs jeunes années et dont l’ombre s’étend encore sur leur enfance. Victimes à venir, enfin, d’un possible abandon de leur pays, la France, qui préférerait les oublier, les effacer, plutôt que de les recueillir, les protéger, les réparer. Pour eux, c’est la triple peine.

Comme l’ont dénoncé Bernard Cazeneuve et François Zimeray dans une tribune au Monde, le 11 janvier 2022, nous pouvons bien sûr continuer à regarder ailleurs, jusqu’à en oublier leur existence, et les ranger « dans l’angle mort de nos consciences ». Nous ne nous y résolvons pas. Comme tant d’autres élus, avocats, médecins, humanitaires, militants, citoyens, il nous est impossible de regarder ailleurs. Comme ces proches de victimes des attentats du 13 novembre 2015 qui ont fait savoir avec force leur soutien au rapatriement de ces enfants.

On ne peut pas détourner le regard. S’ils survivent, ils grandiront. Qui leur expliquera alors que leur patrie ne les a pas jugés dignes d’être accueillis, car « mal nés » ou « trop loin » d’elle ? Qui leur dira que leurs vies avaient peu ou moins de valeur et qu’on leur a reproché des crimes qu’ils n’avaient pas commis ? Quel rapport intime avec la France germera de ce rejet ?

Abandon lâche

Nous sommes en train de fabriquer, par couardise ou par indifférence, tout ce contre quoi nous voulons lutter. De cet abandon lâche et inhumain ne naîtront que rancœur et ressentiment. En voulant protéger la France de la menace terroriste – combat ô combien légitime et nécessaire –, nous créons, au contraire, les conditions de la naissance d’une haine profonde contre un pays qui n’a pas su aimer suffisamment et équitablement tous ses enfants. C’est également l’analyse partagée par le coordonnateur du pôle antiterroriste français, David De Pas.

Nous n’ignorons évidemment pas les problématiques sociales ou de sécurité publique que cela soulève. Nous savons que se pose la question du rapatriement de leurs mères qui, elles, ont fait le choix de la folie idéologique et doivent donc être jugées. Mais des solutions existent pour ces enfants. Il n’est pas trop tard. Leur reconstruction est possible. Ils doivent être suivis, accompagnés, rassurés, éduqués. Ils doivent intégrer la communauté nationale, la promesse républicaine et comprendre leur histoire.

La Belgique, la Finlande, l’Allemagne ou encore le Danemark ont déjà fait le choix du rapatriement de leurs ressortissants. Aussi nous soutenons l’appel lancé cette semaine par les ONG et associations de défense des droits de l’homme et exhortons le nouveau gouvernement et sa première ministre à faire le choix du courage, à faire le choix de « la protection de l’enfance »promise par le président de la République.

Ce n’est ni une lutte entre le bien et le mal, ni un retour de l’éternel débat entre la morale et le droit. Nous parlons d’humanité. Nous parlons ici d’enfants, de nos enfants à tous.

« Sortez nos enfants de ces camps de la mort lente » : un grand-père demande à la France de rapatrier sa petite-fille orpheline

franceinfo par Gaële Joly le 02 juin 2022

Sarah, orpheline de jihadistes français, depuis mars 2019, aujourd’hui retenue en Syrie, sur une photo de famille confiée par son grand-père. (DOCUMENT FRANCEINFO)

Sa petite fille orpheline est enfermée depuis trois ans dans le camp de Roj, au nord-est de la Syrie. Son grand-père, agriculteur, vient d’adresser une lettre à la nouvelle ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, pour demander son rapatriement.

Sarah n’avait que 10 ans quand ses parents ont quitté la région de Roanne (Loire) pour l’emmener en Syrie, à l’automne 2013. Six ans plus tard, son père, puis sa mère et ses six frères sont tués sous ses yeux à Baghouz, lors de la chute de l’Etat Islamique. Gravement blessée à la tête et au visage par un éclat d’obus, Sarah doit se débrouiller seule dans le camp de Al-Hol, puis de Roj, au nord-est de la Syrie. Détenue par les Kurdes, elle y est aujourd’hui toujours enfermée et livrée à elle-même. Mais depuis quelques mois, Sarah est majeure, elle vient d’avoir 18 ans, elle est donc considérée comme un cas non-prioritaire par les autorités françaises.

Pourtant, son grand-père, Jean-Marc, un agriculteur, se bat depuis plusieurs années pour la faire rentrer. Il écrit aujourd’hui à la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna. « Serez-vous la ministre qui rendra un peu de crédibilité à la ‘patrie des droits de l’homme’, droits si souvent mis en avant par nos gouvernants dans les relations internationales mais vides de sens car bafoués par ces derniers ? », s’interroge-t-il. 

Jean-Marc dénonce « le mépris » avec lequel sa démarche a été accueillie par Jean-Yves Le Drian, l’ex-ministre des Affaires étrangères, « tout comme celle de ces dizaines de familles françaises dans la même situation ». Il conteste la politique de la France, qui maintient une politique décriée de retour au compte-goutte, avec seulement une trentaine d’enfants français rapatriésJean-Marc poursuit : « Les arguments de votre prédécesseurcontre ces rapatriements sont maintenant reconnus infondés. Faut-il finir par penser que c’est par une volonté délibérée que le pouvoir, pour quelque obscure motivation stratégique, entretient une réserve de forces pour Daech dans ces camps syriens ?

« Nos enfants n’ont pas choisi ce bannissement »

Toutes les précédentes demandes de rapatriement de Sarah ont été faites alors qu’elle était encore mineure, comme dans ce courrier adressé au Quai d’Orsay, daté du 8 novembre 2019 et que franceinfo a pu consulter. Son grand-père écrivait : « Sarah est Française, née en France, mineure et orpheline. Elle souhaite de tout son cœur retrouver une vie normale mais le gouvernement fait barrière (…) Vous avez le pouvoir, monsieur Le Drian, de sauver ces enfants si une once d’humanité existe en vous ! »

Dans la lettre qu’il adresse aujourd’hui à Catherine Colonna, le grand-père de Sarah insiste : « Nous voudrions encore croire que nous vivons dans un État qui se préoccupe de ses citoyens plus que de vendre des armes à des régimes qui n’ont que faire des droits de l’homme, des enfants, des femmes. (…) Madame la ministre, sortez nos enfants de ces camps de la mort lente ; ils n’ont pas choisi ce bannissement ; les parents survivants ont droit à être jugés, entendus par notre justice et non hypocritement lynchés, afin de comprendre comment, pourquoi, de jeunes français de tous milieux sociaux ont pu être happés par cette idéologie, ceci pour prévenir ces radicalisations toujours à l’œuvre dans la cité (au sens latin du terme). » Et il conclut : « Madame la ministre, ramenez-les nous ! Vivants ! » 

D’après les dernières nouvelles, Sarah garde espoir. « Il ne faut pas que je pense à ce que j’ai vécu, il faut que je tourne la page et la vie continue », dit-elle, résiliante.

Nouvel appel au rapatriement des enfants français détenus en Syrie

LE TÉLÉPHONE SONNE (france-inter du25 mai 2022)

Pourquoi la France est-elle le seul pays à ne pas rapatrier les enfants de djihadistes français depuis la Syrie ? Des familles, des associations, des avocats interpellent à nouveau Emmanuel Macron pour rapatrier ces enfants français. 

Nouvel appel au rapatriement des enfants français détenus en Syrie. Ici un enfant au camp Roj, nord-est de la Syrie © AFP / DELIL SOULEIMAN

200 enfants français et leurs mères vivent encore dans des camps de rétention en Syrie. Certains y sont nés, d’autres sont arrivés très jeunes. 90% d’entre eux ont moins de 12 ans. Ils y vivent depuis des années, sans hygiène, sans nourriture suffisante, sans médecins, sans école… La France demeure le seul pays européen à refuser de rapatrier les enfants de femmes djihadistes, coincés dans les prisons syriennes.

Leurs familles réclament depuis des années leur rapatriement, n’ayant obtenu pour l’instant le retour d’une dizaine d’enfants seulement. Ils sont soutenus par des associations et avocats spécialisés sur le sujet, qui militent auprès de l’Etat français. Ils repartent à la charge pour que le second mandat d’Emmanuel Macron soit celui du retour de ces enfants ; cette fois-ci épaulés par des associations de victimes d’attentats.

Avec nous pour en parler ce soir :

Marie Dosé Avocate du collectif Familles Unies

Arthur Dénouveaux Rescapé du Bataclan, président de l’association de victimes Life for Paris

Sophie Parmentier Journaliste spécialiste Justice à France Inter

Marc, grand-père de quatre enfants détenus dans un camp syrien

Des associations de victimes du terrorisme plaident pour un rapatriement des enfants français détenus en Syrie

13onze15 et la Fenvac appuient la demande de rapatrier les quelque 200 enfants français et leurs mères suspectées de djihadisme détenus dans des camps administrés par les forces kurdes.

Des enfants de toutes nationalités (dont des français) jouent ensemble dans le camp de Roj 2, Kurdistan syrien, le 10 aout 2021.  LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »

Même président, nouveau gouvernement. La politique de non-rapatriement des 200 enfants français et de leurs mères, détenus dans des camps du nord-est de la Syrie sous le contrôle des forces autonomistes kurdes, se poursuivra-t-elle pendant le second quinquennat d’Emmanuel Macron ? Le Collectif des familles unies, qui rassemble les proches et les familles de ces femmes et enfants, a tenu à se rappeler au souvenir du président de la République en organisant, avec le soutien de plusieurs ONG (Amnesty International, la FIDH, la Ligue des droits de l’homme, Human Rights Watch) et associations, une conférence de presse lundi 23 mai à Paris. Parmi ces soutiens, l’association 13onze15, fondée par des proches et victimes des attentats du 13 novembre 2015, et la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac) se sont associés à la démarche du Collectif des familles unies.

Sa volonté est clairement de mettre la pression sur les autorités françaises afin d’obtenir un rapatriement des 200 enfants et de la centaine de femmes détenus en Syrie en raison de leur séjour auprès de l’organisation Etat islamique (EI) jusqu’à la chute de son dernier bastion, en mars 2019 à Baghouz. La demande a toujours fait l’objet d’une fin de non-recevoir de la part de l’exécutif. La position officielle reste une politique de rapatriement « au cas par cas » réservée aux orphelins.

Dans les faits, 35 enfants ont été rapatriés en trois ans, dont une moitié d’orphelins seulement. Ceux ayant une mère ont été séparés de cette dernière, qui a dû signer à la va-vite une renonciation à ses droits parentaux. La dernière opération de rapatriement a eu lieu en janvier 2021, il y a seize mois. Depuis, plus rien, alors que huit opérations de rapatriement organisées par des pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, etc.) ont eu lieu depuis janvier.

« Prévention de la radicalisation »

Une mère est décédée en décembre 2021 des suites d’une longue maladie et dans des conditions épouvantables, laissant une enfant de 6 ans orpheline. Les enfants, dont 90 % ont moins de 12 ans et la moitié moins de 7 ans, grandissent dans le camp de toile de Roj, une prison à ciel ouvert, sans accès à l’éducation, à la santé ou à l’hygiène, sans manger assez, sans pouvoir se laver régulièrement et sans aucune occupation. Bénédicte Jeannerod, de Human Rights Watch, a souligné les violences et les abus sexuels auxquels sont exposés ces enfants comme leurs mères, dont certaines ont été détenues dans une prison et séparées de leurs enfants pour avoir manifesté contre leur sort. Dans d’autres cas, les enfants ont été détenus avec leurs mères.

François Zimeray, ancien ambassadeur aux droits de l’homme sous Nicolas Sarkozy puis ambassadeur de France au Danemark sous François Hollande, est venu apporter son soutien à la demande de rapatriement, en soulignant les contradictions de l’Etat français, qui a fait de la protection des enfants dans les conflits armés une priorité de sa diplomatie. Sauf pour ce cas qui la concerne directement. Il y va, pour lui, de « la crédibilité de la parole de la France ». Paris a été condamné devant le Comité international des droits de l’enfant et plusieurs plaintes sont en cours d’examen à la Cour européenne des droits de l’homme.

Alors que le procès des attentats du 13-Novembre est en cours, le président de 13onze15, Philippe Duperron, accompagné de son prédécesseur, Georges Salines, a tenu à marquer son soutien de sa présence : « Ces enfants sont des victimes des erreurs et des errements de leurs parents. Qu’est-ce qu’ils penseront plus tard de leur pays dont ils sauront qu’il n’a rien fait ? » Les rapatrier est, selon lui, faire œuvre de « prévention de la radicalisation ». Marie-Claude Desjeux, présidente de la Fenvac, est venue expliquer que les procès auxquels elle assiste depuis deux ans l’ont fait « évoluer » sur le sujet. Dans une tribune publiée par Le Monde en février, Arthur Dénouveaux et Jean-Marc Delas, président et avocat de Life for Paris, se prononçaient, eux aussi, pour un rapatriement des enfants et des djihadistes français, hommes comme femmes, afin de juger les adultes et d’élever les enfants dans un environnement plus sain.

Le soutien des principales associations de victimes des attentats du 13 novembre 2015 permettra-t-il un changement d’attitude de l’exécutif ? Le Collectif des familles unies a relancé sa demande d’un rendez-vous avec le président de la République.